1La souffrance à l’école reflète des fragilités propres à chaque âge. Au collège, elle est à la mesure de l’épreuve identitaire que vit l’adolescent. Comment la repérer ? Comment y répondre ?
2L’école tient une place importante dans la vie de l’enfant. Elle accompagne les grandes étapes de sa construction psychique. Elle est pour lui le lieu des apprentissages et permet de développer sa curiosité et son goût des connaissances. Elle est aussi un espace privilégié de la socialisation et de l’entrée dans la vie en collectivité. Et, parfois, un lieu de souffrance.
3Chaque niveau scolaire fait peser sur l’enfant des exigences spécifiques et occasionne des souffrances particulières. En cela, l’école est un lieu très précieux pour les repérer chez l’enfant, ce qui permet de mobiliser au plus vite des aides adaptées.
4L’entrée au collège correspond souvent aux débuts du processus d’adolescence. Le corps se sexualise et oblige l’élève à quitter l’enfance, à modifier ses relations avec les autres (pairs et adultes) et avec lui-même. L’adolescent prend de la distance vis-à-vis de ses parents, qu’il « désidéalise », pour pouvoir s’en séparer sans trop de regret. C’est aussi un temps où se joue la construction identitaire et où l’appartenance à un groupe prend une place majeure dans l’existence. Parallèlement, sur le plan cognitif, le collège invite au plaisir de penser et demande à l’élève de produire une pensée qui lui soit propre. C’est donc une période charnière, instable, qui met à l’épreuve l’image que l’adolescent s’est construite de lui-même, ce que nous nommons confiance en soi, estime de soi.
Un ensemble de symptômes
5S’il n’existe aucun signe spécifique de la souffrance scolaire au collège, un faisceau d’indices permet de la déceler. Certaines situations, notamment, doivent alerter.
6L’adolescent se plaint régulièrement de douleurs, de céphalées, de troubles du transit… qui entraînent un absentéisme plus ou moins répété ou une fréquentation régulière de l’infirmerie scolaire alors que le bilan médical n’indique rien d’anormal. Ces symptômes témoignent d’une angoisse provoquée par la situation scolaire. Souvent, l’adolescent ne perçoit pas psychiquement son anxiété et ne comprend pas l’absence d’explication médicale à ses difficultés. Les mêmes malaises peuvent aussi révéler de véritables angoisses de performance. Les troubles sont plus intenses les jours d’évaluation ou de rendu de copies. L’adolescent peut aussi présenter des troubles du sommeil dans la nuit du dimanche au lundi ; s’inquiéter de ses contrôles, qu’il rate régulièrement en raison de la panique que provoque chez lui l’évaluation.
7L’adolescent n’arrive pas à se lever le matin, il est régulièrement en retard et se montre extrêmement fatigué. Là encore, cette souffrance due à la scolarité n’est pas reconnue psychiquement par le jeune. Selon lui, c’est la fatigue qui l’empêche d’investir l’école et non le contraire.
8L’adolescent refuse d’aller au collège pour des raisons qui semblent irrationnelles. Son refus s’accompagne de très vives réactions d’anxiété ou de panique, voire de comportements hétéro-agressifs quand on essaie de le forcer. Ces symptômes sont révélateurs d’un refus scolaire anxieux, souvent appelé à tort, en France, phobie scolaire [1]. Ils sont la conséquence soit d’angoisses de séparation et/ou de troubles de l’attachement, soit d’une fragilité du fonctionnement psychique, qui ne supporte pas de produire une pensée propre. Ne plus être dans la restitution du savoir mais devoir créer son propre raisonnement peut être source d’angoisse à cet âge.
9L’adolescent présente des troubles du comportement à l’école, qui s’adressent directement aux adultes ou s’expriment dans les relations avec ses pairs. Le risque est que le jeune, qui ne croit pas en sa capacité de réussir, renonce à la scolarité et développe une véritable conduite d’autosabotage pour se protéger de la déception. Le pire, en effet, ne déçoit jamais. Dans les cas les plus sévères, l’adolescent refuse toute notion d’interdit et ne ressent aucune culpabilité face aux transgressions. Il ne se sent pas responsable de son comportement, qu’il perçoit comme le résultat des provocations des autres à son égard.
Une souffrance plus ancienne
10Le plus souvent, des signes de mal-être sont apparus avant l’entrée au collège. Une fragilité ancienne, qui n’a pas été suffisamment prise en compte, peut s’aggraver lors du passage au collège car les exigences y sont plus importantes (plusieurs enseignants, prise de notes, nombreux documents de travail…). Ainsi, les adolescents en souffrance au collège ont pu connaître, dès la maternelle, des problèmes d’adaptation en petite section ou des difficultés de socialisation, surtout avec les autres enfants. Ou alors, leur fragilité s’est révélée à l’école primaire par une impossibilité à répondre aux attentes des enseignants en raison de troubles neuro-développementaux (troubles spécifiques des apprentissages, déficit de l’attention, précocité intellectuelle…) ou de troubles du comportement en lien avec un déficit de l’estime de soi, voire d’une dépression – troubles qui peuvent d’ailleurs être associés.
Que faire en tant que parent ?
11En tant que parents, nous ne devons jamais négliger un signe évocateur de souffrance scolaire. Il nous faut prendre le temps d’évaluer la situation de notre adolescent vis-à-vis de l’école et nous confronter à sa complexité. Essayons, pour commencer, d’avoir une vision globale de sa vie : a-t-il l’air heureux ? A-t-il des amis, des loisirs ? Semble-t-il ressentir du plaisir ? A-t-il confiance en lui ?
La question du harcèlement
12Et réfléchissons au regard que nous portons sur lui. Qu’attendons-nous de l’école pour lui ? Notre demande est-elle adaptée à ses capacités ou répond-elle à nos propres désirs ? Avons-nous confiance en lui ? Savons-nous gérer nos angoisses face à l’avenir ou les projetons-nous sur lui ? Quel regard sur l’école lui avons-nous transmis ? N’oublions pas que l’enfant apprend par imitation et qu’il est quasi impossible de lui imposer des règles éducatives que nous ne respectons pas nous-mêmes.
13Une fois cette réflexion menée à bien, il sera possible d’associer l’adolescent à notre questionnement. Que se passe-t-il au collège ? Nous ne cherchons pas à connaître ses secrets, mais nous avons perçu qu’il semblait en difficulté et souhaitons comprendre pourquoi, voir avec lui comment l’aider. Nous prendrons ensuite contact avec le professeur principal et le CPE pour recueillir leur point de vue. Si notre enfant présente des difficultés anciennes justifiant des aménagements pédagogiques, comment sont-ils mis en place dans l’établissement ? Nous pouvons aussi rencontrer un ou différents professeurs, selon le contexte. On pourra aussi se faire aider par le médecin traitant ou les spécialistes qui le connaissent bien. Et rencontrer l’infirmière et/ou le médecin scolaire.
14Si la situation ne s’améliore pas, il ne faut pas rester seul, mais chercher du soutien. Un adolescent qui refuse d’aller à l’école ou qui fugue exprime un mal-être, et les rapports de force ne sont guère efficaces dans ce cas. Les Maisons des adolescents sont des lieux ressources très efficaces. Elles proposent une évaluation pluridisciplinaire (psychologique, scolaire, éducative…) qui permet de suggérer plusieurs pistes. Elles peuvent, si nécessaire, orienter vers des institutions spécialisées.
15Il se peut que, au début, l’adolescent refuse de nous accompagner dans ces démarches. Il ne faut pas y renoncer pour autant, et garder à l’esprit qu’un adolescent fragile se protège : demander de l’aide, c’est prendre le risque que ça ne marche pas ; perdre tout espoir évite la déception. Mais les parents ne doivent jamais rester sur des doutes, qui ne feront qu’insécuriser davantage leur enfant. Ce dernier a avant tout besoin qu’ils aient confiance dans sa capacité à réussir.
Un colloque sur le décrochage scolaire

1. Décrochage, phobie, refus anxieux : de quoi parle-t-on ? 2. Partenariat, actions médiates et parcours de soins des décrocheurs. 3. Les soins études-insertion : la pertinence du recours à un dispositif de soin institutionnel ? 4. Dispositifs de prévention du décrochage auprès d’élèves dits difficiles.
Et pour finir, des regards croisés sur le décrochage.
Notes
-
[1]
Cette désignation simplifie trop les difficultés rencontrées par les adolescents, dont les angoisses sont liées à certains aspects de l’école : socialisation, apprentissages, etc. et non attachées à un objet particulier, comme une phobie des araignées.