1« Il faut tout un village pour élever un enfant », dit un proverbe africain. Quand cet enfant présente des difficultés, comme un trouble du spectre autistique, le village devient une ressource plus indispensable encore, pour vivre au mieux cette réalité. Son soutien protecteur et son regard bienveillant contribuent à dévoiler l’enfant « ordinaire » derrière l’enfant handicapé.
2Les parents, eux aussi, doivent pouvoir rester des parents ordinaires, pas « minorés [1] » ni pathologiques. Leur soi-disant « déni du handicap », parfois, exprime seulement leur désir que leur enfant bénéficie de ce qui est proposé à tous les autres. L’inscrire à l’école, par exemple, pour qu’il intègre la communauté des enfants du quartier. Les parents redoutent qu’il grandisse à l’écart, loin du village. Ils n’ont pas tort. Se construire dans les liens électifs et évolutifs avec ses pairs figure parmi les besoins primaires de l’enfant. Or, dans le cas précis de l’autisme, le nombre de séances de relations duelles adulte/enfant durant la prime enfance ne cesse de croître. Et ce, au détriment de l’apprentissage de la communication avec ses pairs, dans une relation plus symétrique.
3Il arrive que les parents acceptent des choses « extra-ordinaires » pour leur enfant : qu’il prenne un taxi pour se rendre à ses soins, par exemple. Il sera alors souvent question de la surprotection de la mère, de son angoisse (plus que de celle du père), et peu de celle de l’enfant lui-même. Face à cela, on est en droit de se demander pourquoi les travaux sur l’attachement, sur les processus de parentalité et, plus généralement, sur le développement de l’enfant et ses entraves, qui valent pour « l’ordinaire », sont si peu pris en compte quand il s’agit d’un enfant autiste, de ses parents et de ses frères et sœurs. On pourrait parler d’un « déni d’ordinaire ». De fait, les parents disent souvent se sentir exister dans le regard des autres comme des « parents handicapés ». Les conversations sur leur enfant, surtout avec les professionnels, tournent toujours autour des problèmes rencontrés, et pas des petits faits ordinaires, que l’on a plaisir à raconter, et à entendre…
4Pour éviter que le voile du handicap ne masque l’ordinaire de leur vie, les professionnels peuvent aider les familles à construire un vivre ensemble, qui ne soit pas régi uniquement par l’autisme. En étant « suffisamment bons », ces professionnels pourraient éviter que les parents se sentent infantilisés, et les légitimer dans leurs compétences parentales, tout en les faisant bénéficier de leur expertise. Ceci, en tenant compte des dimensions culturelles, religieuses et philosophiques de chacun. Il s’agit de reconnaître et de soutenir le savoir, le savoir-être et le savoir-faire des parents, alors même que l’étrangeté de leur enfant et les soins spécifiques dont il a besoin les font douter de leur validité.
5Les familles ont besoin d’une écoute, pour exprimer leurs difficultés au quotidien, de rencontrer des personnes qui, comme elles, vivent avec un enfant, un adolescent ou un adulte autiste. Les groupes de paroles permettent de réduire l’étrangeté angoissante de certaines situations, et de valoriser la créativité de chacun pour y faire face, avec bonheur ou, parfois, avec souffrance. Ils font aussi partie de ce village au service de la famille.
Notes
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[1]
Expression du psychologue Paul Fustier.