L’intérêt de l’analyse proposée par Raymond Boudon de l’œuvre d’Émile Durkheim correspond à un enjeu central de la théorisation de la sociologie. En effet, Durkheim étant associé à ce qu’il est convenu d’appeler le « holisme », et Boudon étant un promoteur de l’« individualisme méthodologique » (IM ci-après), il est important de voir comment le second présente et analyse l’apport du premier. Il y a là un point déterminant qui correspond à la possibilité de définir la sociologie comme une démarche scientifique homogène, ou au contraire à la nécessité de reconnaître une hétérogénéité fondamentale, en son sein, dont il s’agirait alors de localiser les origines et de comprendre le statut : que serait une discipline scientifique nécessairement et inévitablement divisée dans ses principes fondamentaux ?
Il est certain que Boudon a cherché à retrouver l’unité d’une discipline, par-delà les différences apparentes des théories et par-delà les controverses répétées, afin d’échapper, précisément, à cette idée d’une division inéluctable et indépassable de la démarche sociologique. Sa méthode à cet égard est très claire : il s’agit de reprendre les grands auteurs classiques de la discipline pour montrer que, sur le fond, quant à leur méthode, et quant à leurs résultats emblématiques, il y a bien une possibilité de convergence profonde entre eux, en dépit des conflits apparents, même si cette convergence doit être élaborée à partir d’un point de vue intégrateur qu’il met en place. Il s’agit donc de reconstruire une histoire de la théorie sociologique en montrant que celle-c…