On ne compte plus les ouvrages ou articles d’érudition sur le durkheimisme, les durkheimiens et Émile Durkheim lui-même, en particulier ceux parus sur l’entre-deux-guerres. Tout, ou presque, a été déjà dit sur leur école de pensée. La récente mise en lumière de leurs travaux, notamment due au centenaire de la publication des Formes élémentaires de la vie religieuse (Durkheim, 1912), montre pourtant que leurs idées restent d’actualité (Béra & Sembel, 2019). On note parallèlement un renouveau de l’histoire de la sociologie, notamment française, sur la question des traditions nationales.
Quoi de mieux, dès lors, qu’utiliser le matériau à notre disposition dans les productions sociologiques de Durkheim et des durkheimiens pour en mesurer la distance ou bien la proximité avec diverses productions étrangères ? Le matériau apporté par la revue L’Année sociologique a été assez peu utilisé en dehors de Jean-Christophe Marcel (2011 ; 2017) et de son analyse de la réception de la sociologie américaine dans les années 1950 ou de José Benevides Queiroz (2014) pour la réception de la sociologie durkheimienne au Brésil.
Mais il reste encore beaucoup à faire : cet article se propose ainsi de faire avancer le projet en observant comment les durkheimiens ont reçu la sociologie britannique – une tradition souvent considérée comme mineure en histoire de la sociologie occidentale – au sein de L’Année au début du xxe siècle (1898-1924). Nous limiterons cependant cette étude de réception croisée à la sociologie britannique qui est au cœur de nos travau…