Entre 1897 et 1944, huit professeurs « durkheimiens » font leur entrée au Collège de France : Charles Fossey à la chaire de Philologie et archéologie assyriennes en 1906, en même temps qu’Antoine Meillet à la chaire de Grammaire comparée ; en 1923, Alexandre Moret est élu en Égyptologie ; en 1931, Marcel Mauss, en Sociologie ; Isidore Lévy en Histoire ancienne de l’Orient sémitique l’année suivante, au moment même où François Simiand est lui aussi élu à une chaire d’Histoire du travail ; en 1942, André Piganiol est accepté à son tour à la chaire d’Histoire de la civilisation romaine et enfin Maurice Halbwachs est choisi pour occuper une chaire de Psychologie collective en 1944 (Tableau 1).
Ces succès « durkheimiens » au Collège de France ont été contrebalancés par plusieurs déconvenues, plus souvent étudiées et commentées, comme l’échec d’Émile Durkheim en 1897 et, sept années plus tard, le refus par l’Assemblée des professeurs de créer une chaire de sociologie qui lui aurait sans doute été destinée. À ces revers doit être associé le double échec de Mauss en 1907 et en 1909 à l’élection sur une chaire d’Histoire des religions ainsi que l’incapacité de Simiand à se faire élire en 1913 sur une chaire d’« Étude des faits économiques et sociaux ». Avant la Première Guerre mondiale, trois des plus grandes figures de l’école française de sociologie, et parmi elles son fondateur, avaient donc été rejetées aux portes du Collège de France. L’historiographie des sciences sociales et de la sociologie françaises en a généralement déduit que le durkheimisme était alors écarté en bloc des institutions de connaissance les plus prestigieuses et que la sociologie scientifique était restée, plusieurs décennies après son éclosion, un savoir inacceptable pour les élites de l’enseignement et de la recherche…