L’île de Moorea, à trente minutes par bateau de Tahiti, compte un peu moins de 18 000 habitants, deux petites Églises pentecôtistes et plusieurs groupes charismatiques d’une vingtaine de personnes se réunissant sur des terrasses de maison. Même si des Églises plus importantes se sont développées sur l’île principale de Tahiti, le pentecôtisme n’a pas connu en Polynésie française un essor comparable à ce que l’on observe dans le Pacifique anglophone. Il représente ici environ 2 % de la population et près de 80 % des habitants de ces îles se rattachent à l’une des deux grandes Églises historiques – protestante et catholique (Fer & Malogne-Fer, 2006). Pourtant, Moorea reçoit chaque année la visite de prophètes et apôtres français ou étrangers, des entrepreneurs d’une économie mondiale du charismatisme qui s’est structurée depuis les années 1990 autour de « ministères » indépendants des Églises. À Moorea, ce n’est d’ailleurs pas dans les églises que ces visiteurs interviennent, mais dans les petits groupes de maisons.
Le pentecôtisme, un mouvement évangélique né en terrain nord-américain au tournant des xixe et xxe siècles, revendique un retour aux « dons de l’Esprit » (charismata) manifestés, selon le Nouveau Testament, au sein de l’Église chrétienne primitive. Les pentecôtistes sont donc « charismatiques », au sens théologique du terme : ils pratiquent la prière pour la guérison, les prophéties et le « parler en langues » (ou glossolalie) qu’ils associent à une visitation du Saint-Esprit…