CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La question des institutions dans le champ religieux contemporain est souvent vue sous l’angle du déclin (Dubet, 2002), en particulier celui des Églises en Europe (Pelletier, 2019 : 592). Le renouvellement des débats théoriques en sociologie des religions suivant les critiques du paradigme classique de la sécularisation, dès les années 1980, a permis de souligner les trajectoires diversifiées des traditions religieuses et des régimes de régulation du religieux dans l’espace public (Baubérot & Milot, 2011). Danièle Hervieu-Léger a ainsi bien exprimé le défi de restituer la diversité des manières dont les institutions religieuses affrontent de nouvelles conditions de production et de contrôle du croire, sous l’angle d’une « désinstitutionnalisation du religieux » (Hervieu-Léger, 1999 : 191-213). Or, la traduction de ces questions dans des enquêtes empiriques, notamment ethnographiques, a aussi montré que « l’institution » en terrain religieux n’était pas toujours un objet déclinant, univoque ou étanche à des phénomènes envisagés comme externes (pratiques managériales, politiques publiques, etc.). L’institutionnalisation de formes négociées de division du travail religieux dans divers contextes, du diaconat à l’imamat, des aumôneries aux leaderships associatifs, ainsi que des pratiques d’agents de l’État pour définir les contours du religieux légitime (Béraud, 2007 ; Jouanneau, 2013 ; Darley, 2014) peuvent l’illustrer. La polysémie et les usages sociaux du terme « institution » ne doivent pas non plus être négligés…

Français

Cet article propose une discussion des usages du concept « d’institution » en sciences sociales des religions à partir de la confrontation de trois enquêtes empiriques sur des terrains et des religiosités différents (pentecôtisme en Suède, bouddhisme en Europe du Sud, catholicisme en Italie). L’institutionnalisation comme processus social continu n’est pas antinomique de formes de désinstitutionnalisation du religieux, si cette notion présentée par Danièle Hervieu-Léger est retravaillée pour décrire des situations de redéploiement des contraintes dans une sociologie de l’agir religieux plutôt que comme paradigme de compréhension de la sécularisation. Des institutionnalisations paradoxales du religieux peuvent être étudiées dans les catégorisations sociopolitiques, des rôles et pratiques redéfinis par des dynamiques externes, ainsi qu’à partir de trajectoires interinstitutionnelles d’acteurs.

  • Institutionnalisation
  • Sécularisation
  • Politiques publiques du religieux
  • Trajectoires
  • Espace public
Guillaume Silhol
Docteur en science politique associé à MESOPOLHIS (UMR 7064), Sciences Po Aix – Aix-Marseille Université. Ses recherches examinent les controverses sur le religieux dans l’espace public en Italie et en France. Parmi ses dernières publications, on peut lire « Religious freedom between politics and policies: social and legal conflicts over Catholic Religious Education in Italy, 1984-1992 » (Annual Review of the Sociology of Religion, 12, à paraître) et « Régler l’heure de religion : l’enseignement de la religion catholique comme dispositif administratif entre les écoles publiques italiennes et l’Église catholique » (Social Compass, 66, 2, 2019, p. 198-210).
Maria Alessandra Bianchi
Sociologue, chercheure associée et post-doctorante au laboratoire MESOPOLHIS (UMR 7064) à Sciences Po Aix. Ses travaux de recherche l’ont conduite à soutenir une thèse de doctorat sur le processus de conversion au bouddhisme tibétain en France et en Italie (2016). Elle a, en outre, participé au projet sur l’organisation du statut des ministres du Culte musulman dans le cadre des mosquées (2016-2017), et est actuellement co-porteuse du projet « Quand les femmes investissent la mosquée ». Elle se consacre à l’étude de la conversion religieuse, de la construction de l’autorité religieuse dans l’islam en France et dans le bouddhisme en Occident, de la dimension genrée des pratiques dans l’islam en France et de l’analyse des interactions au sein des organisations religieuses minoritaires.
Émir Mahieddin
Anthropologue, chargé de recherche au CNRS, membre du CéSor (EHESS), et chercheur associé au Centre for Multidisciplinary Resarch on Religion & Society de l’université d’Uppsala. Il est spécialiste du christianisme évangélique en Scandinavie. En 2018, il a été lauréat du concours du Conseil scientifique suédois pour son projet « Pentecostal Migrants in Secular Sweden: Influences and Challenges » et est l’auteur de Faire le travail de Dieu. Une anthropologie morale du pentecôtisme en Suède (Paris, Karthala, 2018). Travaillant à penser une anthropologie de la liberté, il a coordonné le dossier thématique « Ethnographier la liberté » (2021) du Journal des anthropologues.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/08/2021
https://doi.org/10.3917/anso.212.0429
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