CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La société française fait face, depuis le début des années 1990, à des mobilisations qui ont mis en scène, autour des questions du mariage homosexuel, de l’avortement, de la procréation médicalement assistée, du blasphème, de l’éducation à la sexualité dans les écoles, des groupes qui se réclamaient explicitement du référent religieux. Associant des fidèles des trois monothéismes, ces mobilisations ont trouvé une sorte d’acmé en 2012-2013 au moment de la discussion de la loi Taubira visant à instaurer le mariage entre personnes du même sexe (Béraud & Portier, 2015 ; Béraud, 2021).
Cet emploi de l’argument religieux dans l’espace public, repérable aussi dans les autres pays occidentaux, fait écho à deux évolutions de la sociologie des religions. La première concerne la sécularisation. La sociologie en a fait longtemps un concept central de son analyse de la modernité : suivant le « principe de soustraction » (Taylor, 2007), elle estimait volontiers que l’expansion de la raison et l’extinction de la foi devaient aller de concert. Certains analystes ont voulu saisir le moment actuel comme une phase historique de « contre-sécularisation » (Smith, 1994) ou de « désécularisation » (Berger, 1998) : dans un monde confronté à toute une série de « questions éthiques embrouillées » (Habermas, 2008), le religieux, avec ses doctrines compréhensives, ferait retour, dans toute une partie de l’opinion, non point seulement dans sa fonction de consolation, mais comme source même de motivation morale et d’inspiration politique…

Français

Élaborée par James D. Hunter au début des années 1990, la théorie américaine de la polarisation repose sur le principe d’un clivage profond sur le terrain axiologique et politique entre les citoyens religieux et les citoyens séculiers, en ajoutant que les croyants des différents cultes partagent désormais les mêmes combats. Cette contribution vise à s’interroger sur la possibilité d’appliquer cette théorie à la société française. En appui sur des données quantitatives, elle apporte une réponse nuancée. Sans doute peut-on repérer, notamment pour les enjeux relatifs à la gestion de l’intime, une opposition cardinale entre les systèmes de valeurs des citoyens séculiers et ceux des citoyens religieux. Cette partition ne vaut cependant pas sur toutes les questions, et notamment sur les questions sociales. Faut-il alors substituer à la polarisation le paradigme de l’individualisation ? L’analyse fait prévaloir celui de la communalisation, issu de la sociologie de Max Weber.

  • Polarisation
  • Individualisation
  • Communalisation
  • Sécularisation
  • Religion et politique
  • Citoyens religieux
  • Citoyens séculiers
Philippe Portier
Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (PSL). Il a été directeur, de 2007 à 2018, du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (EPHE-CNRS). Ses recherches portent sur la relation religion-politique et les transformations de la laïcité dans les pays occidentaux. Parmi ses ouvrages récents, on compte L’État et les religions en France. Une sociologie historique de la laïcité (Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016), Cent ans de construction sociale. Une histoire de la Confédération française des travailleurs chrétiens (Paris, Flammarion, 2019) et, avec J.-P. Willaime, La Religion dans la France contemporaine, entre sécularisation et recomposition (Paris, Armand Colin, 2021)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/08/2021
https://doi.org/10.3917/anso.212.0399
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