Article
Le concept de rationalisation occupe une place centrale dans les travaux de Max Weber. Dans les écrits du sociologue allemand, il est à rattacher à une famille de mots construits à partir d’une racine commune, celle de ratio-raison. L’index des œuvres complètes de M. Weber (Baier, Hübinger, Rainer Lepsius, Mommsen, Schluchter & Winckelmann, 1984-2020) recense six occurrences principales (rationalité, irrationalité, rationnel, rationalisme, rationalisation, irrationalisation) auxquelles sont associées de nombreuses qualifications. Dans cet ensemble singulier, le terme « rationalisation » représente à lui seul le tiers des occurrences. Une rapide exploration du corpus des mots-clés montre également que les usages du concept ont été très inégaux. Absent des premiers travaux de M. Weber, l’expression fait une timide entrée dans les écrits consacrés à la méthodologie des sciences sociales. L’utilisation s’intensifie ensuite, principalement dans les travaux dédiés à la musique, au droit et à l’éthique économique des grandes religions. La carrière du concept est également liée aux préoccupations qui, selon Marianne Weber (1984 [1926]), deviennent prioritaires pour son époux à partir des années 1910 : celles relatives à la singularité de la civilisation occidentale regardée du point de vue de la rationalisation.
Pour alimenter une telle interrogation, Max Weber a notamment, mais non exclusivement, associé la rationalisation à un modèle de développement historique marqué par la prédominance de l’action rationnelle par rapport aux moyens, elle-même orientée par des normes et régulations toujours plus formalisées et abstraites…
Plan
Auteurs
Philippe Bezes est directeur de recherche au CNRS, au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po (CEE, UMR 8239), et enseignant à Sciences Po. Ses recherches portent sur la sociologie historique des politiques de réforme administrative et de l’État et sur l’analyse des processus de transformation des bureaucraties publiques en France et en perspective comparative. Depuis 2016, il travaille sur un projet de cartographie et d’analyse des transformations organisationnelles des ministères en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. Il est l’auteur de Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008) (Puf, 2009) et a récemment publié « Le nouveau phénomène bureaucratique. Le gouvernement par la performance entre bureaucratisation, marché et politique » dans la Revue française de science politique (70, 1, 2020), et codirigé avec F. Descamps et S. Kott Le Moment RCB ou le rêve d’un gouvernement rationnel (1962-1978) (Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2021).
Sebastian Billows est sociologue, chargé de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et membre de l’Institut interdisciplinaire de recherche en sciences sociales (IRISSO, UMR INRAE-CNRS-université Paris Dauphine). Il s’intéresse à l’élaboration, l’interprétation et la réappropriation de différents domaines du droit économique : le droit de la concurrence s’appliquant à toutes les grandes entreprises, la régulation des relations entre la grande distribution et ses fournisseurs et plus récemment l’organisation des filières agro-alimentaires. Il a publié récemment des articles dans Sociologie du travail, la Revue française de socio-économie et le Journal of Common Market.
Patrice Duran est professeur émérite des universités de l’École normale supérieure Paris Saclay et chercheur à l’Institut des sciences sociales du politique (ISP-CNRS, UMR 7220). Il est actuellement président du Conseil national de l’information statistique (CNIS). Ses domaines d’enseignement et de recherche concernent plus particulièrement la théorie sociologique, la sociologie politique, la sociologie de l’action publique et l’analyse des politiques publiques, la sociologie des organisations et la sociologie du droit.
Michel Lallement est professeur, titulaire de la chaire d’Analyse sociologique du travail, de l’emploi et des organisations, au Conservatoire national des arts et métiers (Paris) et Fellow au Wissenschaftskolleg zu Berlin (2020-2021). Il est membre du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Lise, UMR 3320 CNRS-Cnam). Ses travaux portent sur le travail, les relations professionnelles, les utopies communautaires ainsi que sur l’histoire de la sociologie. Il a notamment publié L’Âge du Faire. Hacking, travail, anarchie (Le Seuil, 2015), Logique de classe. E. Goblot, la bourgeoisie et la distinction sociale (Les Belles Lettres, 2015), Makers (avec I. Berrebi-Hoffmann et M.-C. Bureau, Le Seuil, 2018) et Un désir d’égalité. Vivre et travailler dans des communautés utopiques (Le Seuil, 2019).
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 22/03/2021
- https://doi.org/10.3917/anso.211.0011

Veuillez patienter...