CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Note critique des ouvrages de :

Michel CallonL’Emprise des marchés. Comprendre leur fonctionnement pour pouvoir les changer, Paris, La Découverte, 2017. – Luc Boltanski, Arnaud EsquerreEnrichissement. Une critique de la marchandise, Paris, Gallimard, 2017.

1La sociologie économique a renouvelé à partir des années 1980 l’analyse du fonctionnement des marchés suivant des perspectives différentes mais allant le plus souvent à l’encontre de la théorie micro-économique standard et de son homo economicus. Ainsi la « nouvelle sociologie économique » initiée par Mark Granovetter s’est constituée autour de la notion d’encastrement suivant une perspective polanyienne conduisant à opposer le marchand et le non-marchand. Toute une série de travaux a cherché ensuite à dépasser cette opposition en montrant comment le marché peut être créateur de nouveaux liens sociaux (Cochoy, 2012) ou, encore, ses frontières mouvantes avec la morale (Steiner & Trespeuch, 2014) dans la filiation de la recherche originale de Viviana Zelizer (1979) sur le développement de l’assurance-vie.

2Dans une perspective sensiblement différente [1], l’économie des conventions (EC) a revivifié l’étude des marchés et de la concurrence en mettant l’accent sur les processus de qualification des produits (Eymard-Duvernay, 1989) ou encore sur les formes de mise en valeur des choses diffusées par des intermédiaires (Bessy & Chauvin, 2013). Plus récemment, l’analyse s’est focalisée sur la façon dont ces formes de valorisation constituent de nouvelles opportunités de profit, à l’instar de l’ouvrage de Luc Boltanski et Arnaud Esquerre intitulé Enrichissement. Une critique de la marchandise et paru en 2017. Cet essai est le fruit d’une réflexion systématique sur les sources de création de richesse et d’une enquête débutée au début des années 2010 portant sur le rôle joué par la formation des prix dans la construction sociale de la réalité et sur la référence à la valeur dans leur justification et critique. Il s’attaque tout aussi bien à la théorie économique rabattant la question de la valeur sur celle du prix qu’à la sociologie économique traitant de la valeur en faisant systématiquement référence à des valeurs morales.

3Suivant une autre approche plus inspirée des Science et Technology Studies, le livre de Michel Callon paru également en 2017, L’Emprise des marchés, propose une double critique de l’économie et de la sociologie économique à partir d’un approfondissement de l’étude de la formulation des prix mais, de son côté, en se libérant de la sacro-sainte question des rapports entre prix et valeur. Les questions morales y sont abordées mais au plus près de l’examen de la formulation des prix et des outils de calcul qui l’instrumentent.

4Nous présentons dans un premier temps cet ouvrage car il cherche à remettre plus fondamentalement en question la théorie économique des marchés, y compris dans ses développements récents sur les « marchés multifaces ». Nous le positionnons dans un second temps par rapport à Enrichissement… et à certains développements de l’EC sur les liens entre prix et qualité [2]. En effet, pour Callon, il n’est pas nécessaire qu’existe un accord général sur la qualité des biens pour qu’un marché se développe, ce qui remet en cause la notion de « convention de qualité » ou de forme conventionnelle de mise en valeur des choses. C’est pour cela que l’auteur préfère plutôt parler d’« agencement marchand » que de « marché » sur lequel on présume généralement qu’il y a une forme d’homogénéité des biens auxquels on peut associer un prix.

5Cette tentative de rapprochement nous paraît d’autant plus nécessaire que ces ouvrages se sont ignorés, bien qu’étant fortement inspirés tous les deux par la sociologie pragmatique qui s’est développée en France à partir des années 1980 (Lemieux, 2018). Ils ont également la particularité d’être fondés sur une empirie principalement de seconde main, tout en ayant une grande ambition théorique sur un sujet (les prix de marché) qui ne correspond pas à leur questionnement sociologique de départ. Leurs auteurs sont donc amenés à exporter leur cadre d’analyse sur un terrain où ils ne sont pas vraiment des spécialistes, ce qui ne les empêche pas de porter des critiques parfois assez acerbes envers certains auteurs reconnus du domaine. Cette remarque est moins vraie pour Michel Callon (1998) dont les premiers travaux sur les places de marché, qui remontent à la fin des années 1990, ont été suivis par une réflexion approfondie sur la notion de « performativité » des théories économiques (Callon & Muniesa, 2009), ce qui lui donne une meilleure connaissance de ces dernières.

6Les deux ouvrages diffèrent principalement par la méthode sociologique utilisée et les objectifs poursuivis. Toute l’originalité d’Enrichissement est de mettre l’accent sur des modalités de recherche de profit différentes des voies traditionnelles de l’accumulation financière ou de la plus-value travail, qui ont pour conséquence de modifier en profondeur la structure des prix relatifs et de générer de nouvelles inégalités. Si dans une optique de sociologie de la critique, les différentes formes de mises en valeur servent à justifier et à critiquer les prix, les auteurs se rapprochent également de la tradition critique de Bourdieu en caractérisant les traits d’une classe dominante et son pouvoir de définition des différences pertinentes entre les choses.

7L’Emprise des marchés de Callon est animé par une perspective d’analyse des agencements marchands, de leur mode d’existence et de leur fonctionnement, en important les outils d’analyse de la sociologie des sciences, en particulier le rôle des objets et des outils dans l’action et l’idée que le social est un processus permanent d’association d’entités hétérogènes. Suivant cette perspective, l’ouvrage s’inscrit dans la lignée des travaux rassemblés par Franck Cochoy (2012) que nous venons de mentionner et dont Michel Callon a écrit la postface. Mais, il a également une dimension normative. Comme l’annonce le sous-titre, il s’agit avant tout de « comprendre le fonctionnement des agencements marchands pour pouvoir les changer ». Ainsi, les marchés financiers, loin de pouvoir être réduits à leur efficience technique, s’appuient sur des dispositifs d’organisation et de « qualcul » (qualification-calcul) qu’il importe de mettre au jour afin d’en débattre et de les transformer, en évitant des montées en généralité trop rapides.

8Mais au-delà de l’analyse des structures de la marchandise ou de la marchandisation, nous allons focaliser la comparaison des deux approches sur la question des prix ainsi que sur les notions tout aussi problématiques de différenciation et de singularisation des biens ; ce qui permettra également d’aborder finalement l’issue de la concurrence sur les marchés et des rapports de forces ou de domination, mais aussi celle de la coordination des acteurs économiques. Nous cherchons donc à montrer comment ces deux approches participent à un renouveau de la sociologie des prix et des marchés.

Le mode d’existence des marchés : cinq cadrages interdépendants

9Callon examine la microstructure des marchés en identifiant cinq cadrages interdépendants qui font l’objet d’autant de chapitres (« La passiva[c]tion marchande des biens », « Les agences et leurs équipements calculatoires », « L’organisation des rencontres marchandes », « Les attachements et les détachements des personnes et des choses », « La formulation des prix »). Si l’auteur en fait une présentation séquentielle, ces cadrages peuvent être simultanés ou reposer sur des allers-retours, si bien qu’il ne définit pas à proprement parler une structure au sens formel du terme mais plutôt une infrastructure, faisant d’ailleurs référence à la métaphore du chemin de fer avec son réseau de rails et d’aiguillages.

10Cette analyse des agencements marchands est précédée d’un premier chapitre dans lequel l’auteur revient sur ce qu’est un marché en faisant la critique de la notion de « marché-interface », opérant une séparation claire entre les biens et les agents, développée par la théorie économique traditionnelle et une partie de la sociologie économique.

11L’ouvrage se termine par un septième chapitre étudiant la dynamique de l’agencement marchand en le considérant comme une action collective, stratégique et orientée vers la résolution de problèmes. Le dernier chapitre aborde la question politique de la régulation et de la transformation des agencements marchands.

12Mais, il s’agit avant tout de bien comprendre le mode d’existence de ces agencements en entrant dans la matérialité des biens et des agences (individuelles et collectives), dans ce qu’elles font concrètement, en particulier dans le détail de leur opération de « qualcul », de mise en relation, d’attachement aux choses, de formulation des prix. Il s’agit d’entrer dans le moule du marché, nous dirait Gilbert Simondon, afin d’appréhender concrètement les différentes fonctions techniques qui sont remplies. De là, la prodigalité de certaines descriptions regorgeant de détails techniques, l’auteur n’hésitant pas à donner vie aux objets, à dramatiser en nous faisant part de leur esprit de conquête et d’attachement (les biens de luxe), de leur résistance (les déchets nucléaires) et de leur emprise (les jeux d’argent).

La passiva(c)tion marchande

13Ce quasi-procédé littéraire est néanmoins bien ajusté à la présentation du premier cadrage : la passiva(c)tion marchande, néologisme qui permet à l’auteur de rendre compte de tous les dispositifs de mise en état des biens (qui ne se réduit pas à une mise en forme) afin qu’ils puissent circuler de façon autonome, en se détachant de leur milieu associé de naissance (conception et profilage), susciter des usages plus ou moins prévisibles par les consommateurs. Un des points forts de ce chapitre est la réinterprétation de l’analyse de Karl Polanyi consacrée à la marchandisation de la terre, du travail et de la monnaie, avec un long développement consacré à cette dernière, à partir du rappel très convaincant de l’histoire des marchés à terme. Afin que ces marchés se stabilisent, un équilibre doit être trouvé entre la liquidité des actifs et son endiguement nécessaire permettant d’éviter les crises liées à la spéculation, à l’emprise de la monnaie comme marchandise. De nous dire : « Bien prétentieux serait l’architecte en chef qui affirmerait pouvoir comprendre et maîtriser les sources et les effets de la liquidité » (p. 125), autre façon de parler des limites de toute activité régulatrice.

14Enfin, pour arriver à la transaction bilatérale, il faut régler la question d’attribution et de transfert de droits de propriété, ce qui est loin d’être évident avec des biens proches du monde vivant comme les organismes génétiquement modifiés (OGM). L’auteur d’ailleurs souligne à juste titre les difficultés actuelles du droit du brevet pour faire la part entre les concepteurs et les producteurs du bien considéré et ceux qui produisent le milieu nécessaire à sa circulation et ses usages, ou encore entre les forces humaines et les forces naturelles comme dans le cas des organismes génétiquement modifiés. L’auteur milite alors pour un travail d’invention de nouvelles catégories juridiques en la matière.

Les agences de qualification et de calcul

15Le second cadrage nécessaire à l’atteinte du statut de marchandise est de conférer aux différentes agences (individuelles et collectives) des capacités d’évaluation des biens, ou encore de « qualcul », pour indiquer que tout calcul (qui peut être seulement de type ordinal) repose sur une opération préalable de qualification des entités candidates à l’échange. Il souligne l’importance des opérations de catégorisation, des jeux de langage donnant un sens particulier aux transactions [3]. Mais l’équipement des agences ne s’arrête pas aux classifications langagières et comprend tout un ensemble de dispositifs de jugement [4], de comptabilité et d’outils de calcul, dont les derniers nés sont les algorithmes permettant différentes pratiques de profiling et de scoring (p. 194).

16Ces évaluations distribuées entre les agents et leurs « prothèses sociocognitives » contribuent au fait que le processus de qualification et d’évaluation des biens se déploie dans l’espace et dans le temps, processus qui transforme les biens et en retour relance les évaluations (p. 166). Ce processus récurrent de qualification-requalification des biens fait que l’auteur n’est pas conduit à distinguer les produits et les services, donnant ainsi plus de généralité à son approche que n’en a celle de Boltanski et Esquerre (2017) centrée sur la marchandise.

17Mais, un autre point important est que dans la concurrence entre différentes agences de « qualcul », c’est celle qui possède les plus grandes capacités qui risque d’imposer son pouvoir de qualification des biens (p. 197), introduisant ici une asymétrie de pouvoir et donc d’opportunité de domination (cas du rapport d’un supermarché à ses clients ou encore du marché de l’immobilier comme l’ont bien montré les travaux de Pierre Bourdieu).

18C’est donc la plongée dans la description des équipements calculatoires qui permet de repérer l’emprise des marchés capitalistes, en particulier à travers l’identification de nouvelles coalitions entre agences intégrant ces équipements, comme on peut le voir aujourd’hui dans le domaine des plateformes numériques et des accords entre Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (les GAFAM). En mettant en évidence ces jeux d’alliances entre des agences, l’analyse proposée par Callon explique le « pouvoir de valorisation » de certains « agents/agences », non pas en référence à leur légitimité, ou à leur capital symbolique, mais en référence au nombre de connexions qu’une ils/elles peuvent établir (rejoignant ici la notion de « point de passage obligé » développée dans le cadre des énoncés scientifiques). Ainsi, les façons de « qualculer » engendrent des interdépendances stratégiques entre les agences ; ce qui pose avec acuité, d’un point de vue politique, la question de leur contrôle.

Les plateformes de rencontre

19L’auteur décrit ensuite dans le chapitre 4 les cadrages d’organisation des rencontres entre les agences et les biens (qualculés). Il montre les limites de toute la littérature économique sur le design des marchés permettant d’organiser des appariements optimaux entre des offres et des demandes considérées comme préexistantes. Certains modèles prennent néanmoins en compte leur diversité et surtout les coûts de recherche d’information conduisant à une transaction bilatérale réussie, en particulier sur les marchés du travail. Dans la modélisation de ces marchés frictionnels, chaque appariement est considéré comme un monopole bilatéral dont le surplus de valeur créé est partagé entre les deux parties, en fonction de leurs coûts de prospection respectifs (Pissarides, 1990).

20Pour Callon, la principale limite de cette approche, que l’on retrouve aussi dans l’analyse de Granovetter sur l’importance des réseaux de relations interpersonnelles, est qu’elle ne dit pas grand-chose du processus de coprofilage des offres et des demandes, ou plus précisément de co-évolution permanente des biens et des agences en fonction des opportunités de marché. Il faut alors rentrer dans le fonctionnement des plateformes de rencontre et dans la série des ajustements permettant d’aboutir aux appariements pour mettre l’accent sur la dimension innovante de chaque transaction (l’auteur parle alors de « sérendipité équipée »).

21Ces plateformes, considérées comme des dispositifs d’exploration mutuelle, joueraient aujourd’hui un rôle croissant de structuration des agencements marchands, à l’instar d’Amazon dont l’auteur nous livre une description très détaillée. Une des pièces centrales du fonctionnement de ce type de plateforme est constituée par l’algorithme analysant les données attachées à chaque client et permettant de constituer des profils, des classes de consommateurs caractérisés par les mêmes achats, suivant une « définition associationniste de l’identité » (p. 241). L’auteur d’ailleurs décrit avec beaucoup d’humour la proposition d’Amazon l’invitant à acheter un livre de Michel Houellebecq après avoir acheté le livre de Thomas Piketty.

22Son raisonnement est bien illustré par le développement de la médecine personnalisée définissant simultanément le contenu des traitements et le profil des malades repérés par des biomarqueurs, ainsi que la formule de prix (voir l’histoire de l’oncologie faite par Peter Keating et Alberto Cambrosio [2003]). Suivant cette perspective, les appariements sont évolutifs car les identités des biens et des agences se transforment en permanence et sont donc ajustées en continu à l’aide d’algorithmes. Ces plateformes de coprofilage se diffusent dans de nombreux secteurs (finance, assurance, recrutement, transport, agriculture) et participent à un mouvement de singularisation de masse dont l’auteur analyse les dérives potentielles. Au-delà du comportement monopoliste des plateformes, d’autres inquiétudes surgissent concernant l’usage des données personnelles, ou encore la vie en société, la singularisation intensive pouvant saper le fondement des liens sociaux.

L’attachement aux biens

23Une autre opération nécessaire à la réalisation des transactions qui prolonge les cadrages précédents, par petits plis successifs pourrait‑on dire, au sens où les corps se plient, est l’attachement aux biens. Dans le chapitre 5, l’auteur aborde la question de l’affectio mercatus, à savoir l’ensemble des affects qui poussent à l’achat et, symétriquement à la vente, au détachement. Il est alors conduit à dépasser la théorie micro-économique des préférences ou encore les nouveaux développements de l’économie comportementaliste, même si elle présente des résultats intéressants sur les processus addictifs, pour s’intéresser aux dispositifs qui nourrissent et cadrent les affects.

24Cette analyse emprunte beaucoup aux travaux d’Antoine Hennion (2004) sur les processus d’attachement qui montrent l’importance des facultés sensorielles dans la production simultanée des amateurs sachant goûter et du répertoire des objets aimés pouvant former des collections. Pour rendre compte ensuite des opérations d’attachement qui sont étroitement enchevêtrées avec les dispositifs de rencontre entre agences qualculatrices, l’auteur donne trois illustrations : les dispositifs d’écoute et de dialogue, les dispositifs de coproduction et les dispositifs d’addiction (le cas des jeux d’argent déjà développé dans l’introduction), avec donc une emprise croissante des choses sur les corps qui donne souvent lieu à des mouvements de contestation remettant en cause l’action collective marchande.

25La formulation des prix constitue le cinquième et dernier cadrage étudié dans le sixième chapitre, sans doute le plus original et le plus critique de la théorie micro-économique et surtout de la sociologie économique. L’auteur prend pour cible en particulier les travaux de Jens Becker qui s’appuient sur la distinction entre dimension symbolique et dimension matérielle des biens. Car l’auteur entend opérer un renversement complet par rapport à la conception des prix considérés comme des variables dépendantes déterminées par des préférences individuelles en compétition ou par des relations et normes sociales. Pour cela, il est nécessaire de prendre en compte le caractère processuel de la qualification d’un bien, le prix pouvant participer à la valeur du bien, valeur qui ne connaît pas de terme. Cette nouvelle perspective conduit à mettre l’étude de la formulation des prix au centre de l’analyse des différents cadrages.

Une théorie alternative des prix

26Dans la théorie proposée par l’auteur, le prix n’est plus conçu comme mesurant l’état du rapport entre offres et demandes auquel il demeurait extérieur, mais comme un élément de singularisation du bien, comme une de ses qualités parmi d’autres. Pour bien comprendre ce processus de singularisation, il faut se plonger dans l’ingénierie des prix qui a la charge d’aligner l’ensemble des cadrages pour pérenniser l’agencement marchand toujours susceptible d’être soumis à des sources de débordement impulsées par d’autres agencements, d’autres formes d’action collective [5]. Mais « agencement » faisant, l’auteur est conduit à l’étude des différentes critiques adressées aux prix ou plus exactement à leur formulation. On va voir comment ce questionnement autour des formules de prix rejoint l’interrogation de l’approche de Boltanski et Esquerre (2017) tout en proposant des schèmes d’analyse différenciés. C’est particulièrement le cas dans leur façon d’aborder les nouvelles pratiques de pricing. Alors que Callon se saisit du yield management pour en faire le cas prototypique des pratiques de prix personnalisés engageant un travail de formulation assez sophistiqué, les auteurs d’Enrichissement en font non seulement un mode de recherche du profit maximal mais surtout une source d’incertitude pour les consommateurs qui seraient déstabilisés par la variabilité des prix d’un même bien et, plus généralement, par la déformation permanente de la structure des prix relatifs, et donc affectant lourdement leur sens de la réalité sociale [6]. Mais justement, pour Callon, loin d’accorder autant de poids sociologique à stabilité de la structure des prix relatifs, il ne s’agit pas d’un même bien, car le niveau du prix fait partie du processus de singularisation des biens pour les chevronnés de la réservation en ligne.

L’ingénierie de la fixation des prix

27L’hypothèse principale du théoricien des agencements marchands est que les prix sont toujours « qualculés » à partir d’autres prix qui s’enchaînent, de façon concomitante aux opérations de qualification et de mise en forme, tout au long de la chaîne de production du bien répartie sur divers sites [7]. Cette puissance qualculatrice distribuée entre différents sites ferait la force des agencements marchands qui agrègent les transactions singulières et leurs prix associés. Pour illustrer son raisonnement, l’auteur prend le cas typique du yield management qu’il considère comme une application de la théorie du monopole discriminant et des expérimentations réalisées en la matière (p. 346-351). Les différents opérateurs en compétition sont alors considérés comme des monopoles discriminants, chacun d’entre eux proposant à chacun de ses clients un bien et un prix particuliers suivant les informations en sa possession (et de tout un ensemble d’outils de calcul), en particulier leur capacité à payer (recherchant même à savoir s’ils ont recours à des sites de comparaison de prix).

28Ces pratiques de pricing ont commencé à se développer dans le secteur des transports, puis de l’énergie, pour se diffuser dans de nombreuses activités au moyen d’une ingénierie de plus en plus sophistiquée. Mais, cette pratique de fixation des prix peut aussi servir de grille de lecture à des marchés traditionnels comme celui des poissons de Marseille étudié par Alan Kirman (2001) dans lequel, au cours d’une journée, un vendeur peut proposer pour un même poisson des prix différents et non négociables à divers clients. Par ailleurs, cet économiste montre comment les différentes microtransactions bilatérales conduisent à la constitution d’un marché agrégé concurrentiel, les prix suivant la loi classique de l’offre et de la demande. Cependant, pour Michel Callon, ce n’est pas forcément une nécessité et un tel agencement pourrait aboutir à un résultat agrégé différent, suivant les stratégies élaborées par les agences. Ce qui compte essentiellement c’est la mise en évidence d’un « monopolisme concurrentiel ». Or, en mettant l’accent sur ce type d’agencement, l’auteur sous-estime ce qui compte pour les économistes, à savoir la détermination du niveau du prix et de son évolution prévisible en fonction de certains paramètres intégrés dans leur modèle.

29Pour l’auteur, ce type d’agencement marchand devrait donc constituer le « modèle de référence », mais en jouant sur le mot « modèle » car il ne propose pas, à proprement parler, une modélisation du marché comme dans le modèle de l’équilibre général ou les modèles d’appariement sur les marchés du travail cherchant à expliquer les niveaux de salaire et de chômage, auxquels il fait d’ailleurs référence (Pissarides, 1990).

30En résumé, l’auteur s’intéresse plus à la nature de la technologie d’appariement qu’au résultat agrégé en termes de niveau de prix, alors que les économistes cherchent à articuler les deux dans leurs modèles. Il propose alors de substituer le « monopolisme concurrentiel » à la concurrence parfaite des marchés néoclassiques et d’annuler ainsi la fausse opposition entre concurrence par les prix et concurrence hors-prix. En effet, la concurrence par les prix est dépendante du mouvement fort de singularisation qui la porte, la baisse du prix participant à ce mouvement et même la relançant, comme dans le domaine de la téléphonie mobile où prolifèrent des packs de prestations différenciées à des prix différents. À l’instar d’autres situations de « verrouillage sociotechnique » dans lesquelles le consommateur est devenu tellement attaché à un produit qu’il ne peut plus le refuser, le prix devient la qualité discriminante : « Avec la singularisation intensive par les prix, le consommateur ne pénètre pas enfin dans l’empire du calcul rationnel, il se laisse porter par l’affectio mercatus qui le conduit dans ce cas à prendre en compte de manière prioritaire les prix » (p. 357). On est donc en présence d’un acteur sous l’emprise des dispositifs, principalement mus par ses affects et sans capacité réflexive, la situation de l’addiction étant le cas extrême.

Le pouvoir de la formule

31À ce stade de l’analyse, et en faisant abstraction des différences théoriques, on pourrait synthétiser la pensée de l’auteur en référence à une forme de fixation des prix justifiée par une singularisation en continu des biens et des prestations qui aurait un air de famille avec la « forme standard » de mise en valeur des biens de Boltanski et Esquerre (2017) s’appuyant sur la différenciation des prototypes. Cette approche des prix conserve une référence à la notion de valeur, en ce sens que cette dernière sert à justifier le prix. Or, c’est justement cette référence à la valeur que Callon réprouve au nom d’un enchâssement permanent entre les opérations de détermination de la valeur et celles conduisant à la fixation du prix, au « prix », si on peut oser le dire, d’un enchevêtrement analytique inextricable.

32Certes l’examen de la formulation des prix chez Callon permet de bien rendre compte du passage d’une échelle ordinale à une échelle cardinale, du « ranking » au « scoring » : le prix issu d’une longue série de classements produits par des opérations d’évaluation devient à son tour un instrument de classement applicable aux biens que les agences ont placés dans une même population. Les pratiques de credit scoring en donnent une bonne illustration en alignant le montant des taux d’intérêt sur le niveau de risques qu’incarnent les emprunteurs (industriels ou ménages demandant un prêt immobilier), instaurant ainsi une hiérarchie unique de la qualité de ces derniers.

33Mais ce type d’approche n’est pas nouveau [8]. En revanche, l’idée de dépasser la distinction entre concurrence par les prix et concurrence hors-prix est plus originale. Si concurrence il y a, nous dit l’auteur, c’est entre différentes formules de prix issues des asymétries entre agences de qualcul, en particulier dans leur capacité à imposer que certains effets produits soient ignorés ou que d’autres soient systématiquement pris en compte. Bref leur pouvoir de domination repose sur leur emprise, leur capacité à associer et à exclure, à imposer leur formule de prix et non seulement leur montant. Mais là encore une articulation est possible avec l’approche de Boltanski et Esquerre mettant l’accent sur le pouvoir de certains acteurs dominants légiférant sur la définition des différences pertinentes entre les choses.

34Callon présente diverses façons de rendre les formules indiscutables, ainsi que leurs agencements matériels associés, comme l’organisation des jeux d’argent à Las Vegas, magnifiquement décrite dans l’introduction de l’ouvrage. Mais il expose aussi les procédés de mise en débat public des formules de prix et notamment les conflits de qualification autour de la rétribution du travail, du calcul des salaires, dont l’auteur nous dit qu’il n’y a pas de « formulation plus complexe, plus sophistiquée et plus quali-quantitative que celle qui fixe la rétribution d’un salarié » (p. 377).

35L’auteur déploie le même raisonnement pour la fixation du prix des médicaments, où les associations de patients jouent un rôle équivalent aux associations de chômeurs dans le monde du travail en luttant contre les processus d’exclusion propres aux opérations de profilage ; ou encore en ce qui concerne les exclus des prêts bancaires. Ces processus peuvent conduire à des épreuves de justification des formules utilisées, au sens de Boltanski et Thévenot (1991), épreuves qui contribuent à rendre ces formules plus explicites. Si morale (et politique) il y a, il faut donc la débusquer au cœur des agencements marchands et de la conception de leurs cadrages.

Critique et catégorisation

36Mais ce qu’oublie de mentionner Callon, c’est que ces opérations critiques reposent sur des catégorisations préalables des biens et des agences impliquant une montée en généralité. Elles supposent la construction de formes conventionnelles de mises en équivalence propres à des opérations d’évaluation et de distribution de droits justifiables en toute généralité dans des arènes publiques (Thévenot, 2015). Il mentionne néanmoins les phénomènes d’anticipations croisées (telle entreprise va par exemple intégrer les critères d’évaluation d’une association de consommateurs) pouvant conduire à des descriptions consensuelles des biens, à des conventions de qualité pourrait‑on ajouter, permettant d’accroître la coordination entre une pluralité d’agences. Mais la question de la coordination et des incertitudes qu’elle génère est peu abordée.

37Ce qu’il nous dit surtout c’est que le travail des plateformes redéfinit le rapport entre qualitatif et quantitatif. La multiplication des dimensions prises en compte pour évaluer les individus contribue à renforcer la singularité de chacun et conduit, à la limite, à éliminer la notion de classe ; ou, il serait plus juste de dire à fabriquer autant de classes que d’individus, sans écarter l’agrégation et la constitution de collectifs, de multitudes singulières qui assurent des volumes importants d’affaires aux entreprises. On pourrait ajouter que ces plateformes permettent la réalisation d’appariements parfaitement idiosyncrasiques en ne rendant plus obligatoire le travail de catégorisation des biens nécessaire à la coordination d’une foule d’agences.

38Cette nouvelle perspective définit offres et demandes non pas comme des données extérieures aux agences impliquées dans les transactions mais « comme des variables endogènes puisque leurs niveaux dépendent des rencontres et ajustements réussis, c’est-à‑dire des performances des plateformes qui les réalisent » (p. 257). Ainsi les opérations d’agrégation sont entre les mains des agences qui n’ont pas à révéler leur convention d’équivalence afin de pouvoir manipuler les prix. Pour illustrer l’idée que les entreprises cherchent à garder « le monopole de l’agrégation », Callon s’appuie sur les compagnies pétrolières anglo-américaines, étudiées par Tim Mitchell (2013), qui ont réussi à éviter tout travail d’agrégation en ne diffusant pas d’information sur leurs transactions, afin de rester maître de la fixation du prix. Cette action stratégique cantonnant dans le domaine privé le travail de formulation peut paraître surprenante pour un produit que l’on considère comme standard et qui, pourrait‑on ajouter, met à mal l’intervention de toute autorité de la concurrence luttant contre les abus de position dominante. Sans convention d’équivalence entre des produits sensiblement différents, l’autorité ne peut calculer de parts de marché et identifier des monopoles.

39Là encore, l’analyse de Callon est obligée de composer avec l’existence de conventions de qualité si elle veut rendre compte de l’action publique ou encore de conventions d’équivalence (Desrosières, 2003). Une bonne illustration est constituée par le calcul d’un indice de prix à la consommation qui suppose une certaine généralité dans la définition des biens et qui peut servir ensuite à l’indexation de tout un ensemble de prix, à commencer par les salaires et les retraites, dans le cadre de politique publique de redistribution (Samuel, 2014 ; Jany-Catrice, 2018).

40L’intérêt de l’ouvrage de Boltanski et Esquerre, Enrichissement, est justement de rendre compte de l’organisation de la compétition économique en fonction de règles de commensurabilité ou d’incommensurabilité entre les produits. Les choses sont distinguées par les auteurs suivant deux axes. Un axe de différenciation opposant les modes analytique et narratif de présentation des marchandises ; et un axe temporel relatant leur puissance marchande, à savoir si les choses se déprécient ou s’apprécient avec le temps. Chaque forme de mise en valeur a une structure à la fois identique et différenciée suivant ces deux axes, ce qui contribue à la construction d’un groupe de transformation articulant quatre formes.

41Ainsi, à l’inverse de la forme standard, les choses que la forme collection met en valeur ne reposent pas sur un usage de simple marchandise mais sur une position dans un ensemble sériel. Elles voient leur prix augmenter avec le temps suivant leur force mémorielle, suscitée le plus souvent par des procédés narratifs, alors que les prix des marchandises standards diminuent avec leur usage [9].

42Michel Callon fait bien référence à l’ouvrage de Boltanski et Esquerre, dans une note de bas de page (p. 293), pour mentionner le rôle des collections dans l’enrichissement des biens et des agents, mais sans mentionner que ce dispositif de valorisation s’intègre chez ces deux auteurs dans une architecture plus générale de formes conventionnelles de mise en valeur fournissant des schèmes partagés de perception et d’évaluation à l’ensemble des intervenants des marchés. D’une certaine façon l’auteur se refuse à reconnaître de telles conventions, ce qui le conduit à sous-estimer, non seulement la question de la coordination entre acteurs et des incertitudes qu’elle engendre, mais aussi les déterminants généraux des prix prenant sens dans une structure de prix relatifs et que les auteurs d’Enrichissement cherchent à mettre en évidence à leur façon, sans recourir à la modélisation économique.

43L’auteur n’écarte pas néanmoins toute montée en généralité en présentant les conséquences des dispositifs de singularisation de masse. En effet, les nouvelles pratiques de pricing contribuent au processus de production des biens, le prix ayant même une existence tangible sous la forme de codes-barres ou d’étiquettes qui transforment le produit. On pourrait ajouter que, symétriquement, le corps des consommateurs se transforme par l’incorporation de prothèses de connexion les informant en permanence des opportunités du marché. Par extension, le développement de cette nouvelle métrologie serait à même de construire une nouvelle société, l’auteur s’interrogeant sur les différentes configurations des multitudes singulières et en particulier sur les risques d’exclusion liés aux pratiques de profiling et de scoring.

44De la même façon, Boltanski et Esquerre montrent comment l’extension de la forme collection participe à une économie de l’enrichissement et de la patrimonialisation agrégeant les activités culturelles et touristiques et conduit à accroître les inégalités entre de nouvelles classes profitant de cet enrichissement et celles qui en pâtissent avec l’émergence de formes d’auto-exploitation.

Conclusion : la dynamique des agencements marchands

45Ces approches de la formulation ou de la justification des prix contribuent à renouveler en profondeur la sociologie économique des marchés et des rapports de domination au sein des activités capitalistes. Elles débouchent sur la question de la critique et de l’éventuelle transformation des agencements marchands ou de la structure de la marchandise. En dehors des gestes radicaux de résistance au consumérisme, l’approche de Callon met (paradoxalement) plus l’accent sur les questions morales qui se logent dans les formules de prix et qui sont soulevées par certains protagonistes alors que celle de Boltanski et Esquerre se focalise sur les formes de mise en valeur économique sans forcément préjuger de leur moralité.

46L’analyse de la dynamique des cadrages-débordements permet de faire ressortir la diversité des trajectoires d’un agencement donné comme Callon le montre à propos des activités marchandes concernant l’organisation des funérailles ou la construction des logements ; avec dans ce dernier cas, la mise en évidence d’un effet de verrouillage sociotechnique empêchant l’émergence d’un nouveau modèle d’activité. L’auteur conclut son ouvrage en montrant comment le travail de théorisation économique qui, en sortant des modèles universels et abstraits et en s’intéressant aux différents concerns exprimés par des savants ou profanes, peut aider non seulement à comprendre le fonctionnement des agencements marchands mais aussi à les transformer. C’est un travail à remettre constamment sur le métier car le design des dispositifs est toujours incomplet, suivant en cela l’approche évolutionniste en économie. C’est cette irréductibilité du fonctionnement des marchés qui en fait une énigme permanente.

47On peut regretter que l’auteur ne propose pas un cadre analytique plus formalisé permettant au moins de proposer une typologie des agencements marchands à partir d’un jeu de critères qui distingue différents régimes d’agencement. De ce point de vue, l’architecture, proposée par Boltanski et Esquerre, de conventions générales de mise en valeur des choses, conventions dont précisément Callon relativise l’importance, a le mérite de la clarté, même si sa dynamique fondée sur l’idée de groupe de transformation articulant les quatre formes de mises en valeur est peu convaincante. L’éventail des marchés étudiés y est aussi moins étendu que dans L’Emprise du marché qui traite d’une grande variété de services. Cette architecture permet néanmoins de mettre en évidence les structures cognitives qui soutiennent les échanges et de les rapporter à un niveau plus systémique aux asymétries et aux rapports de force qui mettent en mouvement le capital, ou la formulation de la capitalisation pour reprendre les termes de Callon.

48Enfin, un point sans doute insuffisamment abordé par les différents auteurs est le rôle des droits de la propriété intellectuelle dans la dynamique de l’innovation capitaliste. Si Callon s’engage à traiter cette question dans un second ouvrage plus consacré à la transformation des agencements marchands, les auteurs d’Enrichissement ne font qu’effleurer le sujet alors qu’ils ont pourtant bien mis en évidence l’économie des contrefaçons propre à chaque forme de mise en valeur.

49Il n’en reste pas moins que ces deux ouvrages sont originaux et passionnants à lire et témoignent de la puissance des méthodologies analytiques des auteurs, longuement maturées, pour aborder les transformations de nos économies de marché.

Notes

  • [1]
    Il n’est pas question ici de balayer tout le champ de la sociologie économique. Voir l’excellente synthèse, qui date maintenant un peu, de Philippe Steiner et François Vatin (2009).
  • [2]
    Nous avons développé les liens entre l’EC et cet ouvrage dans un article dans lequel nous le présentons plus en détail (Bessy, 2019).
  • [3]
    L’auteur s’appuie sur les travaux de l’anthropologue Jane Guyer (2004) consacrés aux relations marchandes en Afrique de l’Ouest distinguant trois étapes et échelles dans le processus d’évaluation des biens : nominale, ordinale et numérique. Mais il aurait pu aussi faire référence aux travaux d’Alain Desrosières (2003).
  • [4]
    L’auteur fait ici référence à Lucien Karpik (2007) mais sans vraiment se positionner par rapport à cette approche.
  • [5]
    Pour l’auteur, l’intuition de la théorie néoclassique suivant laquelle les prix résument le fonctionnement des marchés ne serait pas complétement fausse, mais pas au sens d’un équilibre offres/demandes. Les prix témoignent seulement de la prise en compte plus ou moins contestable d’un ensemble d’opérations de qualification du bien tout au long de son processus de production multisites.
  • [6]
    Pour les auteurs, on n’aurait d’ailleurs pas mesuré toutes les conséquences politiques de l’incertitude croissante sur les prix et des inquiétudes qui s’étendent à la réalité tout entière.
  • [7]
    À partir de la recherche de Guilhem Anzalone (2009) sur le traitement de la viande dans la grande distribution, il montre comment la longue formulation du prix des morceaux de bœuf correspond à la transformation de chaque tête de bétail en viande suivant un processus de valorisation de l’animal l’amenant, à différentes étapes de sa carrière, à changer d’état : « La formulation a la double propriété de maintenir le caractère distribué des calculs et de les intégrer, de les internaliser, de les récapituler » (Callon, 2017 : p. 340).
  • [8]
    Voir en particulier les travaux de Lucien Karpik (2007) rapprochant hiérarchie des prix et des qualités.
  • [9]
    Les auteurs distinguent deux autres formes. Dans le cas de la forme actif, la valeur de la chose dépend de la croyance en sa liquidité, en son degré de conversion en monnaie, immédiate ou dans un futur plus ou moins proche. Enfin, la forme tendance concerne des choses suscitant un désir dans un marché structuré par des hiérarchies sociales (entre riches et pauvres, jeunes et vieux…). Ces objets se déprécient rapidement, non pas tant par le fait de leur utilisation que parce que s’enclenche une production de masse contribuant à leur dépréciation.

Références bibliographiques

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Christian Bessy
Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société, ENS Paris-Saclay
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/04/2020
https://doi.org/10.3917/anso.201.e0001
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