CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Émile Durkheim aimait à répéter qu’il ne vaut pas la peine de consacrer une seule heure aux sciences sociales si elles ne sont pas utiles à la société. Et l’utilité des sciences, même celles qui étudient les phénomènes sociaux, ne peut être autre que celle de promouvoir l’avancement de la connaissance empirique, proposant des théories qui expliquent des phénomènes prima facie incompréhensibles, sur la base des contrôles logiques et empiriques rigoureux. De Max Weber à Raymond Boudon, de John Stuart Mill à l’« École autrichienne d’économie », la tradition de l’individualisme méthodologique (IM) a été unie précisément dans cet objectif : asseoir le caractère scientifique des théories sociales, en évitant toute forme d’idéologie ou d’interprétation qui subordonne la recherche de la vérité à d’autres fins, telles qu’essayer de conditionner l’opinion publique.

2La thèse que je voudrais soutenir dans cet essai est que cet objectif peut davantage être atteint si l’IM est relié à deux traditions de recherche souvent considérées comme incompatibles : le modèle nomologico-déductif et l’herméneutique. Plus spécifiquement, je crois que les notions de rationalité de l’action et de conséquences non intentionelles peuvent trouver dans ces deux courants d’étude de formidables outils heuristiques pour la définition d’un modèle général de l’IM qui assure une explication scientifique rigoureuse des phénomènes sociaux.

Expliquer l’action humaine : praxéologie et « bonnes raisons »

3L’explication de l’action humaine et des phénomènes macrosociaux sont les deux principaux objectifs de l’IM. La théorie de la rationalité de Raymond Boudon, qui propose d’expliquer l’action par la reconstruction des « bonnes raisons » qui l’ont engendrée, représente une des meilleures contributions à l’individualisme méthodologique. La thèse défendue dans cet essai est que cette proposition méthodologique renforce sa capacité explicative grâce à la praxéologie de Ludwig von Mises, qui offre une investigation a priori de l’action humaine. Plus précisément, je pense qu’il existe une complémentarité épistémologique entre le contexte de l’action étudié par Mises et le contexte des raisons étudié par Boudon, qui permet de définir un modèle plus efficace pour expliquer l’action.

4Se référant à un plan purement logique, Mises propose une analyse a priori de la notion d’action, une analyse conceptuelle, non empirique, qui vise à établir les caractéristiques universelles et invariables de l’action en tant que telle, en faisant abstraction de ses manifestations historiques. Il veut identifier des vérités de raison, non des vérités de fait, c’est-à‑dire des vérités qui ne sont pas issues de l’expérience, mais qui sont vraies ex definitione. Voici le raisonnement déductif que Mises propose en faisant une analyse conceptuelle de la notion d’action :

5a) l’homo sapiens est nécessairement homo agens : il agit pour éliminer un état d’insatisfaction. Par conséquence, il n’est pas omnipuissant et infaillible ; sa rationalité est nécessairement limitée ;

6b) le moyen qui lui permet d’éliminer son insatisfaction est l’action, laquelle n’est rien de plu qu’une hypothèse de résolution d’un problème. Elle est intentionnelle par définition, parce qu’elle est intentionnellement orientée vers la solution d’un problème. L’action est donc le produit d’une rationalité limitée : elle est toujours une solution subjectivement satisfaisante et pas objectivement optimale ;

7c) chaque individu vise à éliminer un état d’insatisfaction de la façon qu’il juge la meilleure compte tenu des circonstances. Du point de vue de l’acteur, l’action est toujours rationnelle. Un individu ne peut pas agir autrement qu’en considérant ses raisons comme étant les meilleures. Pour Mises, la praxéologie est « science des moyens » et non des fins, et, une fois qu’il agit, l’acteur a choisi précisément cette action comme le meilleur moyen de son point de vue dans cette situation ;

8d) en choisissant la meilleure solution, l’acteur choisit toujours les moyens qu’il considère les plus efficaces et appropriés compte tenu de son but ; de ce point de vue, l’action est toujours, lato sensu, « économique » : il s’agit d’économiser les moyens en considérant la fin ;

9e) comme l’action vise un but, celui d’éliminer un état d’insatisfaction, elle a une nature intrinsèquement téléologique. Mais, choisir un moyen en vue d’une fin signifie déterminer une cause en considérant les effets qu’elle implique. Cela signifie que la relation téléologique moyen-fin présuppose une relation nomologique cause-effet. Il n’y a pas de téléologie sans causalité. L’action peut être considérée comme la cause des effets attendus qui constituent son but.

10Ces caractéristiques nécessaires et invariables de l’action sont des informations très précieuses pour l’explication empirique :

11a) si l’action vise toujours intentionnellement l’élimination d’un état d’insatisfaction, alors le chercheur, pour expliquer l’action, doit reconstruire comment l’acteur percevait cette insatisfaction ; autrement dit, il doit formuler des hypothèses au sujet de la façon dont l’individu interprétait la situation d’incertitude face à laquelle il s’est trouvé ;

12b) si l’action est toujours rationnelle, le savant en sciences sociales sait en conséquence qu’à la base de toute action il y a un calcul rationnel (implicite ou explicite) qui doit être recontruit conjecturalement afin de pouvoir expliquer l’action. Cela est possible uniquement par une analyse de la situation dans laquelle l’action a eu lieu : en essayant de comprendre comment cette situation était perçue par l’acteur ;

13c) si l’action est toujours lato sensu « économique », le chercheur doit reconstruire le calcul coûts-avantages (non monétaires) qui a conduit l’acteur, une fois qu’il a choisi le but de l’action, à préférer précisément ce moyen (l’action) plutôt que les alternatives qu’il avait à disposition ;

14d) si l’action est orientée téléologiquement sur la base du principe de causalité, le chercheur doit établir la connaissance nomologique que l’individu a utilisée afin de choisir sa stratégie d’action. Pour des raisons logiques évidentes, seules une ou plusieurs « lois » peuvent en fait « lier » cause et effet, c’est-à‑dire moyen (l’action) et fin (le but).

15Comme on peut le voir, la praxéologie détermine la forme logique universelle de l’action qui permet aux sciences sociales de reconstruire le contenu empirique accidentel qui change pour chaque action particulière. On pourrait dire que la recherche empirique dans les sciences sociales commence où la praxéologie s’arrête. En fait, chaque action est caractérisée par un ordre, par des caractéristiques logiques invariables qui permettent de l’expliquer. Si on a les informations empiriques essentielles, on peut reconstruire même les raisons des actions qui semblent les plus incompréhensibles, comme, par exemple, les actions des Callipides, dont parle Hérodote, qui avaient l’habitude de manger les corps de leurs morts car ils les considéraient sacrés. C’est précisément rendu possible parce que ces actions ont des caractéristiques logiques identiques à celles de n’importe quelle autre action. La praxéologie de Mises nous permet donc de donner une réponse valable à la vieille question : qu’est-ce que les différentes actions ont en commun qui permette de les comprendre – en faisant abstraction de la distance culturelle ?

16Il existe donc une complémentarité entre la perspective aprioriste de Mises et la perspective empirique de Boudon. On pourrait parler d’un modèle Mises-Boudon :

17a) Mises identifie la structure logique invariable de l’action en tant que telle, Boudon le contenu empiriquement variable de chaque action ;

18b) l’analyse de Mises relève les catégories a priori de l’action, celle de Boudon relève du contenu a posteriori de l’action, c’est-à‑dire des raisons ;

19c) la praxéologie de Mises se réfère au contexte logique de l’action, tandis que la rationalité des « bonnes raisons » de Boudon se réfère au contexte sociologique des raisons ;

20d) la praxéologique permet d’identifier les caractéristiques permanentes de l’action, qui sont cruciales pour reconstruire, par conjectures et réfutations, le contenu empirique accidentel, à savoir les raisons, qui changent d’actions en actions. Le sociologue peut donc chercher empiriquement les différentes typologies des raisons précisément parce qu’il sait que ces raisons existent et qu’elles peuvent être de n’importe quelle nature (Di Nuoscio, 2018 : 123 sqq).

21On peut dire avec Boudon que l’individu est homo oeconomicus, homo sociologicus, homo ethicus, etc., justement parce qu’il est avant tout homo agens, agissant sur la base de catégories logiques invariables qui nécessairement guident son action. Il est très intéressant de noter que Mises et Boudon mènent la même bataille épistémologique : mettre en évidence les limites du rational choice model et démontrer que le self interest est seulement un type de motivation qu’inspire l’action. Comme Boudon (2007 : 37 sqq), et contrairement à ce qui est souvent mal compris, Mises critique durement ceux qui assimilent la rationalité à la « rationalité économique ». Un « être humain exclusivement déterminé par des motifs économiques », écrit‑il, est le « fantoche de l’homo oeconomicus » des utilitaristes qui n’a jamais eu de « correspondant dans la réalité ». Tout expliquer par les raisons économiques, comme ont fait les économistes classiques et les utilitaristes, relève du contenu de l’action selon Mises ; tandis que les attributs permanents du comportement, à commencer par sa nature « économique », sont à voir dans leur « sens formel » et dépouillés de tout « contenu matériel » (Mises, 1949 : 64).

La place du modèle nomologique-déductif dans l’explication individualiste

22Pour définir l’individualisme comme méthode scientifique, il faut donner une place décisive au modèle nomologico-déductif (MND), tel qu’il a été défini progressivement par une longue tradition épistémologique, et non au hasard d’individualistes méthodologiques, qui vont de Carl Menger et John Stuart Mill à Karl Popper et Carl G. Hempel. Il faut donc dépasser l’opposition insoutenable entre collectivistes nomologiques (Comte, Marx), qui prétendaient découvrir les lois inéluctables du développement de toute la societé, et individualistes antinomologistes (Dilthey, Croce, Collingwood), qui proposaient de remplacer l’explication causale par la méthode de l’empathie (Di Nuoscio, 2018 : 59 sqq).

23Si, comme a souvent insisté Boudon, la logique de l’explication individualiste consiste, dans la reconstruction du lien entre raisons-actions-phénomènes sociaux, le MND est indispensable pour reconstruire les deux liens causaux dans lesquels s’articule cette démarche explicative : celui qui lie raison et action et celui qui lie actions et phénomènes macro-sociaux (Di Nuoscio, 2004 : 163-191).

24Boudon a souvent soutenu la thèse selon laquelle la relation entre les raisons et les actions n’est autre qu’un lien entre les causes et les effets : « Les causes de l’action, des croyances, des attitudes des acteurs sociaux doivent être recherchées dans le sens qu’elles ont pour eux, ou plus précisément dans les raisons pour lesquelles ils les ont adoptées » (Boudon, 2005 : 29) [1]. Cela signifie que pour expliquer l’action, le sociologue se doit d’utiliser le modèle Popper-Hempel (MPH), et donc de considérer les raisons comme explanans et l’action comme explanandum. Il devra donc reconstruire ces « conditions initiales », représentées par des connaissances, des objectifs, des ressources, des représentations des conséquences, perceptions de la situation, sans lesquelles l’acteur, ceteris paribus, n’aurait pas agi. Et parmi les « conditions initiales », particulièrement pertinentes du point de vue causal sera la reconstruction du « calcul rationnel » qui conduit l’individu à choisir le but de l’action [2]. Comme l’écrit Weber : « le but est la représentation d’un effet qui devient cause de l’action » (Weber, 2005 [1903-1906] : 11) [3].

25Tout aussi nécessaire est l’utilisation du MND pour expliquer la genèse intentionnelle et surtout non intentionnelle des phénomènes macro-sociaux. Dans ce cas, les actions et les modalités programmées et non planifiées avec lesquelles elles se combinent doivent être considérées comme explanans (conditions initiales), tandis que les effets systémiques, des plus banals aux plus complexes, comme explananda.

26Un exemple très clair d’explication individualiste et nomologique est celui de la genèse du capitalisme proposé par Weber (1964 [1904-1905] : 101 sqq). Weber répond aux trois questions clés pour l’individualiste méthodologique : i) qui a causé le phénomène : les entrepreneurs calvinistes qui ont évité d’accumuler les bénéfices et les ont réinvestis ; ii) pourquoi ils ont agi de cette façon : parce que, sur la base d’une croyance religieuse, ils ont considéré le succès professionnel comme un signum salutis, etc. ; iii) comment on passe du niveau micro des actions individuelles au niveau macro de l’événement macrosocial : la simple addition d’un très grand nombre d’actions d’entrepreneurs calvinistes s’étant comportés de la sorte a donné naissance à ce que Weber a appelé « l’esprit du capitalisme ».

27La théorie de Weber est articulée autour d’une double explication causale : i) lorsqu’il affirme que les entrepreneurs calvinistes ont réinvesti leurs profits parce qu’ils croyaient que le succès professionnel était une indication de leur salut, il propose une relation causale entre ces actions et les raisons qui les inspirent, sur la base d’une loi implicite, selon laquelle « quiconque veut étendre ses activités économiques tend à réinvestir ses profits » ; ii) lorsqu’il rend explicite le lien entre les actions individuelles des entrepreneurs et « l’esprit du capitalisme », il utilise une loi qui peut donc être rendue explicite : « La diffusion à grande échelle des activités économiques par les entrepreneurs individuels donne naissance au système de relations économiques appelé “capitalisme” ».

28L’application du modèle Popper-Hempel dans les sciences sociales pose un des problèmes classiques de l’épistémologie : quelle est la nature des lois qui permettent l’application du principe de causalité ? Sans entrer dans ce débat, l’exemple cité confirme que les lois dans les explications sociologiques sont « law-like sentences », (Hempel, 1965 : 458), « law less-than-universal-laws » (Scriven, 1959 : 464), c’est-à‑dire des expressions qui simulent les lois mais que n’expliquent pas tous les cas, qui ont également été définies comme « common sense maxims » (Nagel, 1961 : 389), « jugement de possibilités » (Boudon, 1984 : 239). Il s’agit d’énoncés qui expliquent, sauf conditions exceptionnelles, ce que les individus font de manière tendancielle (normalement, sans conditions exceptionnelles) [4], lorsqu’ils se trouvent dans certaines situations (Di Nuoscio, 2018 : 43-48). Auparavant, le Weber de « Roscher et Knies et les problèmes logiques de l’économie politique », individualiste méthodologique et théoricien de la méthode unifiée, affirmait que les lois en sciences historiques et sociales sont des « règles d’expérience » relatives « à la manière dont les hommes sont habitués à réagir à certaines situations (connaissances nomologiques) », « décrivant les liens de causalité concrets » entre les actions typiques et les situations typiques (Weber, 2005 [1903-1906] : 15).

29Contrairement à la croyance générale, il ne faut pas confondre les lois en sciences sociales avec les tendances historiques (par exemple, l’augmentation progressive du nombre des ouvriers en Angleterre au cours de la seconde moitié du xixe siècle) ou les généralisations accidentelles (par exemple, tous mes étudiants sont pour la démocratie), qui sont de simples descriptions de faits, de simples comptes-rendus d’expérience, décrivant des séquences définies de faits après qu’ils se sont vérifiés. Comme il ne s’agit que d’un nombre fini de prédicats singuliers, les tendances historiques et les généralisations empiriques ne peuvent être projetées au-delà des cas qu’elles décrivent et elles n’ont donc aucun pouvoir explicatif ou prédictif. Il ne s’agit donc que de simples descriptions de faits qui, à leur tour, doivent être expliquées par des lois (Di Nuoscio, 2004 : 227-231).

La primauté de l’« analyse situationnelle »

30Puisque, comme l’a observé Popper lui-même, bonne part des lois dans les sciences sociales sont « aproblématiques », « banales », « de bon sens », « sans importance » (Popper, 1982 [1974] : 201-204), la composante nomologique des explications sociologiques est à la fois nécessaire d’un point de vue logique et marginale d’un point de vue méthodologique, c’est-à‑dire pour la construction de théories explicatives. Il s’agit d’explications « déductivement incomplètes » (Hempel, 1965 : 252), dans lesquelles, en raison de l’absence de lois universelles falsifiables et non falsifiées, il manque ce qui pour Hempel et Oppenheim est l’une des caractéristiques de l’explication scientifique : la déduction logique de l’explanandum de l’explanans (Hempel & Oppenheim, 1948 : 137). En découle la possibilité que se produisent des cas d’« explanatory undetermination » (Hempel, 1965 : 287), c’est-à‑dire de différents énoncés-explananda compatibles avec les mêmes conditions initiales-explicanda ou, vice versa, différentes explicanda compatibles avec le même fait à expliquer.

31Face à la possibilité d’avoir une pluralité d’explications compatibles avec l’événement à expliquer, le sociologue ne peut s’appuyer que sur ce que Popper appelle « l’analyse situationnelle », c’est-à‑dire sur la reconstruction la plus précise possible de cet entrelacement unique d’aspects typiques qui, à son avis, constitue le contexte causal qui a généré l’explanandum. Plus l’enquête situationnelle est détaillée, plus le nombre d’explications alternatives incompatibles entre elles et compatibles avec l’explanandum sont réduites (Di Nuoscio, 2018 : 59).

32On en trouve un exemple dans Thucydide, quand, dans La Guerre du Péloponnèse, il propose d’expliquer le fait suivant : pourquoi, malgré l’invasion d’Athènes par les Lacédémoniens et malgré le fait que les Athéniens « ont accusé Périclès de les avoir convaincus de faire la guerre », Périclès a-t-il été réélu ? Voici l’explication proposée par Thucydide :

33

Peu de temps après, par un revirement dont le peuple est coûtumier, ils le réélurent stratège en lui confiant la direction suprême des affaires ; le sentiment des maux particuliers s’émoussait quelque peu et on l’estimait le plus capable de remédier à la situation critique de l’État. Tout le temps que, pendant la paix, il fut à la tête des affaires, il [fit] preuve de modération et de fermeté dans la conduite de l’État, qui sous lui parvînt au comble de la puissance. La guerre une fois déclarée, on constata qu’il avait évalué exactement la puissance d’Athènes. II ne [lui] survécut que deux ans et six mois. Après sa mort, on vit mieux encore l’exactitude de ses prévisions (Thucydide, 1948 [ive s. av. J.‑C.], I, p. 138).

34Dans ce passage, et dans les pages suivantes de La Guerre du Péloponnèse, l’historien grec propose une reconstruction détaillée du contexte causal qui a produit la réélection de Périclès. Le fait à expliquer, la réélection de Périclès, est lié à ce contexte par une loi implicite que l’on peut formuler ainsi : « lorsque les citoyens sont convaincus des qualités d’un souverain et de la bonté de sa politique, ils sont prêts à changer d’avis et à donner leur consentement ». Cependant, il est clair qu’une telle couverture nomologique, bien que logiquement nécessaire, n’est guère suffisante pour l’explication. En revanche, l’identification des « conditions initiales » à travers l’analyse situationnelle, est fondamentale. Et plus cette enquête est détaillée, moins le « projet d’explication » est incomplet.

35Il est évident que cet explanandum est compatible avec une pluralité d’explications alternatives : les Athéniens peuvent avoir été forcés de réélire Périclès, ou ils peuvent avoir été systématiquement trompés d’une manière ou d’une autre. C’est sur la base d’une enquête situationnelle très détaillée que Thucydide exclut ces autres explications : il souligne que Périclès était très apprécié par les Athéniens pour sa politique dans le passé (même en rapportant le discours complet de Périclès aux Athéniens). Il montre comment Péricles a réussi à convaincre les Athéniens de le réélire, malgré le moment difficile qu’il passait à Athènes. C’est donc une explication qui n’indique pas une « nécessité », mais une « possibilité », une « possibilité objective » aurait dit Weber.

36Nous sommes donc confrontés à ce que Popper a défini comme une « primauté » de l’analyse situationnelle, qui confère une « importance particulière » en sciences sociales au « principe de rationalité », sans lequel il serait impossible de reconstruire la situation (Popper, 1991 [1956] : 89-93). Il convient de préciser que dans « l’analyse situationnelle », et plus généralement dans l’explication de l’action, « principe de rationalité » et « principe de causalité » sont complémentaires. Le « principe de rationalité » qui, dans sa formulation poppérienne, stipule que « les différents individus ou agents agissent d’une manière convenable ou appropriée, c’est-à‑dire en fonction de la situation comme ils l’ont vue » (Popper, 1994 [1964] : 105), ne peut agir comme « principe d’ordre » dans les affaires humaines que dans la mesure où l’acteur utilise le principe de causalité pour choisir les moyens qu’il juge appropriés pour résoudre son problème. En retour, le principe de causalité a un sens dans les affaires humaines, parce qu’il y a des individus rationnellement enclins à résoudre des problèmes. Et ces tentatives de solution seraient impensables sans l’utilisation de la catégorie de causalité. C’est donc précisément l’utilisation du principe de causalité qui permet aux hommes d’être rationnels, c’est-à‑dire de réaliser des comportements qui ont une logique reconstructible par un observateur bien informé.

37Donc, l’analyse situationnelle n’est rien de plus qu’une application particulière de la méthode unifiée en sciences sociales, laquelle, comme Boudon l’a répété à plusieurs reprises, a « l’ambition scientifique […] de suivre les procédures auxquelles obéissent toutes les sciences » (Boudon, 2011), parce que « l’explication scientifique s’applique indistinctement aux phénomenes naturels et aux phénomenes sociaux » (Boudon, 2010 : 112).

Expliquer l’action humaine : herméneutique et praxéologie

38La praxéologie de Mises, l’explication par « les bonnes raisons » de Boudon et le modèle nomologique-déductif trouvent dans le « cercle herméneutique » de Gadamer une importante perspective méthodologique complémentaire [5]. Si on l’appréhende sur la base de sa nature épistémologique réelle, il n’est pas difficile de réaliser que l’herméneutique gadamérienne n’est pas antiscientifique, mais qu’elle permet en revanche d’améliorer l’explication scientifique de l’action humaine.

39Si l’action humaine est la réponse à une situation problématique par un calcul rationnel, elle peut alors être considérée comme le résultat d’un circuit interprétatif qui s’établit entre l’esprit tabula plena de l’acteur et le contexte de référence ; entre l’acteur social qui devient un « interprète » et la situation dans laquelle se développe l’action, qui pour le sujet n’est rien d’autre qu’un « texte » à interpréter. L’action peut donc être considérée comme une hypothèse d’interprétation, proposée sur la base d’une « pré-compréhension », et donc d’un horizon d’attente, qui change pour chaque individu.

40Plus précisément, comme l’interprète de Hans-Georg Gadamer tente de résoudre le problème du sens d’un texte en recourrant à l’hypothèse de solution qu’est le « projet d’interprétation », l’acteur social tente de résoudre le problème – sortir d’une situation d’incertitude – par cette hypothèse qu’est l’action. Tout comme l’interprète propose une nouvelle interprétation dans le cas où la première est falsifiée par le texte ou par le contexte, de même l’acteur social propose une nouvelle action dans le cas où la première n’atteint pas son objectif et est donc falsifiée par la situation dans laquelle elle est introduite. Comme tout interprète, l’acteur social fait face au problème à résoudre avec sa pré-compréhension qui lui vient de la tradition (valeurs, normes sociales, connaissances nomologiques, etc.) (Lachmann, 1991 : 135 sqq) [6].

41Suivant la méthode scientifique de Popper, problèmes-théories-critiques, on peut soutenir que l’herméneutique promeut une explication scientifique de l’action humaine parce qu’elle aide l’individualiste méthodologique à :

42a) reconstruire comment le problème se pose, c’est-à‑dire comment est perçue la situation problématique à l’origine de l’action et à identifier quelle pré-compréhension de l’acteur est entrée en jeu et quelles attentes non satisfaites ont engendré celle situation d’incertitude ;

43b) comprendre pourquoi cette action a été choisie comme la meilleure solution. Ce choix est lié à l’interprétation des traces, des éléments, des informations et, plus généralement, de la situation de référence de l’action ;

44c) reconstruire comment l’acteur contrôle les résultats de l’action et, éventuellement, réoriente sa stratégie. Cette phase de l’action est liée à la capacité de l’individu à interpréter la nouvelle situation problématique créée par l’action et par ses conséquences, afin de contrôler la réalisation de l’objectif.

45L’herméneutique apporte donc une contribution décisive à l’explication de l’action humaine, complémentaire à la perspective de la praxaéologie. La praxéologie identifie la structure logique, culturellement invariable, de l’action humaine, établissant que l’action est ex definitione intentionnelle, rationnelle, « économique », causale et téléologiquement orientée. L’herméneutique, au contraire, dans une perspective historico-philosophique, insiste sur le contenu culturellement et subjectivement variable de l’action humaine (attentes, objectifs, perception de la situation, connaissance subjective), en essayant de reconstruire la stratégie interprétative par laquelle chaque individu utilise sa propre pré-compréhension pour formuler l’hypothèse d’une solution à un problème représentée par l’action (Di Nuoscio, 2014 : 77 sqq).

46L’herméneutique de Gadamer, mais aussi celle de Ricœur (1986 : 190 sqq), nous disent qu’il faut considérer les idées et les actions comme un « texte » qui peut être compris grâce aux catégories culturelles de l’interprète. Dans ce processus herméneutique, le chercheur en sciences sociales peut faire en sorte que ce texte particulier représenté par les actions puisse affirmer son « altérité », puisse être compris par une explication sociologique sans être « violé » par une interprétation qui n’est pas ouverte à la vérité, précisément parce qu’il ne doute pas qu’il y ait un ordre dans l’action. Il s’agit d’une logique commune à toutes les actions (connue a priori grâce à la praxéologie) qui rend possible et compréhensible la plus grande variété de comportements, et qui pousse l’interprète à rechercher des informations empiriques qui, si on les trouve, permettent au sociologue d’expliquer quel était le problème à résoudre et pourquoi, selon l’acteur, ce comportement est la meilleure solution possible.

47La praxéologie renvoie donc au contexte de l’action, identifiant une logique de comportement universel, culturellement invariable, tandis que l’herméneutique renvoie au contexte des raisons, contribuant à la reconstruction du « calcul rationnel » qui est la base de toute action. Les théorèmes de la praxéologie sont donc une composante décisive de cette « pré-compréhension » qui permet à l’interprète d’identifier un ordre même dans des actions apparemment incompréhensibles et de leur attribuer ensuite, par conjecture et réfutation, un sens. Un interprète qui ignorerait les théorèmes de la praxéologie risquerait de tout expliquer par la tradition, d’absolutiser le conditionnement social et historico-culturel de l’action humaine, allant jusqu’à décréter l’irrationalité d’un comportement. Un praxéologue qui ignorerait, au contraire, la dimension historico-interprétative de l’action et son contenu empiriquement variable, risquerait de faire de fausses généralisations et ne serait pas capable d’expliquer l’action en raison de l’impossibilité de reconstruire les « bonnes raisons » subjectives qui l’ont dictée (Di Nuoscio, 2009 : 175).

48Donc, la praxéologie et le « cerle hérmeneutique » sont complémentaires : les catégories logique et a priori de la première sont une condition préalable à la connaissance empirique traitée par la seconde. Ces deux perspectives théoriques peuvent contribuer à définir un modèle épistémologique efficace pour l’explication de l’action humaine (Di Iorio, 2015 : 151).

L’explication causale présuppose l’herméneutique

49L’explication causale présuppose l’herméneutique pour deux raisons :

50a) parce que, comme nous l’avons vu, la formulation d’une théorie est liée à la capacité du savant à interpréter, avec son propre « esprit de savant », un certain contexte problématique dont la théorie elle-même est destinée à être la solution ;

51b) parce que la décision de rechercher un ordre causal dans la vérité physique ou historique et sociale est une interprétation rigoureuse liée aux connaissances (lois, modèles et règles du sens commun) qui forment un élément fondamental du Vorverständnis du chercheur.

52En formulant l’hypothèse explicative, ce dernier choisit une perspective interprétative qui lui permet de reconstruire les liens de causalité, afin de trouver la solution au problème. Après tout, relier les causes et les effets ou, comme le dirait Charles S. Peirce, antécédent et conséquent, est une manière de réaliser un « projet interprétatif » du conséquent lui-même. Ce projet se réalise en formulant des « esquisses d’interprétation », qui seront progressivement abandonnées et remplacées par des hypothèses plus appropriées au cas où elles viendraient contredire les faits (Gadamer, 1976 [1960] : 189).

53Ce lien fort entre herméneutique et explication causale est d’autant plus évident si l’on considère que la grande majorité des explications en sciences sociales, et la plupart de celles en sciences naturelles, sont le résultat d’une « connaissance par traces », liée à l’identification d’« indices », permettant de revenir à la formulation de l’hypothèse. Face à un problème à résoudre, la capacité des médecins, des détectives, des historiens, des sociologues, des économistes, et en général, de tous ceux qui – dans les sciences, comme dans la vie quotidienne – n’ont pas la possibilité de reproduire expérimentalement le phénomène à expliquer, réside dans le fait de savoir reconnaître les traces que les faits ont laissé dans le temps et pouvoir les transformer en indices utiles pour la formulation des hypothèses d’explication. Ce « paradigme indiciaire » est une stratégie explicative qui suit ce que Peirce a défini comme la logique de « l’abduction » :

54

On observe un fait surprenant C ;
Mais si A était vrai, C serait expliqué comme un fait normal ;
Il y a donc lieu de soupçonner qu’A est vrai.
Par conséquent – explique Peirce – A ne peut pas être déduit de manière abductive […], si tout son contenu n’est pas déjà présent dans la prémisse. Si c’était vrai, C serait expliqué comme un fait normal (Peirce, 1934 [1903] : 5.189).

55Cette procédure ressemble en tout point à la méthode poppérienne problèmes-théories-critiques et souligne que l’« explication circonstancielle » est un « raisonnement inversé » (Copi & Cohen, 2014 [1961] : 395) « de l’expérience à l’hypothèse » (Peirce, 1932 [1905] : 2.755). Comme Sherlock Holmes aimait à le dire, « nous commençons par la fin pour arriver au début ». La nature intrinsèquement interprétative de l’explication est évidente : il n’est possible de remonter causalement d’effets connus à des causes inconnues que grâce à une interprétation adéquate d’un contexte problématique constitué d’« indices », rendue possible par la capacité du scientifique à « reconnaître » les traces qu’un événement a laissées dans le temps et à les transformer en informations importantes pour résoudre le problème.

56C’est sur la base de leurs propres connaissances – dans lesquelles la « connaissance particulière du temps et du lieu » (Hayek, 2009 [1948] : 279), « tacite » ou « non exprimée » (Polanyi, 1958 : 104), joue souvent un rôle décisif – qu’un sociologue, comme un détective ou un médecin, interprète un événement ou un fait comme un indice qui peut le mettre sur la bonne voie pour trouver une solution. S’il est vrai, comme le soutient Gadamer, que « quiconque commence à interpréter un texte, met toujours en œuvre un projet » et que « même le sens le plus immédiat du texte ne se manifeste que dans la mesure où il est lu avec certaines attentes déterminées » (Gadamer, 1976 [1960] : 208), on peut alors soutenir que l’identification des traces doit être considérée comme la mise en œuvre d’un « projet de sens », réalisé sous la pression d’un problème, qui déterminera le choix de la perspective interprétative [7].

57De plus, de même que l’« esquisse d’interprétation » ne se réduit pas à une déduction mécanique du sens du texte à partir du texte lui-même, ni à une projection mécanique des anticipations de l’interprète sur le texte, mais suppose un contenu de sens à partir d’une pré-compréhension et par un processus de conjecture et de réfutation qui doit être considéré comme un « cercle vertueux », pareillement celle abductive est une inférence ampliative. Dans le schéma de Peirce, elle n’est pas réduite à une simple constatation que « quelque chose est » (comme l’induction), ou que « quelque chose doit être » (comme la déduction), mais suppose que « quelque chose peut être », introduisant une « idée nouvelle » et la soumettant à un contrôle falsifiant. On peut donc conclure que même cette version de l’explication causale décrite par la méthode abductive, si répandue dans la recherche scientifique, ne peut être séparée de l’approche herméneutique (Di Nuoscio, 2014 : 93).

L’herméneutique comme « connaissance objective »

58Contrairement à ceux qui ont généralement associé la perspective herméneutique au « renoncement à la vérité », sinon au nihilisme, cette notion du « cercle herméneutique » de Gadamer est donc une contribution importante à l’explication scientifique (Albert & Antiseri, 2006 : 60). À partir de ses réflexions sur l’esthétique, en effet, toute la théorie d’interprétation de Gadamer repose sur l’idée d’« altérité » du texte, c’est-à‑dire d’une possible objectivité de l’interprétation, en réaction avec ce que le philosophe allemand lui-même définit comme le « nihilisme herméneutique » des interprétations arbitraires [8].

59Le sens du texte, pour Gadamer, est un problème à résoudre, et les « esquisses d’interprétation » sont des hypothèses de solution qui doivent être revues en cas de « heurt » avec le « texte » et/ou le « contexte ». « Toute interprétation correcte – écrit Gadamer dans son chef-d’œuvre, non par hasard intitulé Vérité et Méthode – doit se défendre de l’arbitraire et des limitations dérivant d’habitudes mentales inconscientes, en regardant les choses elles-mêmes ». Se soumettre ainsi à son objet n’est pas une décision que l’interprète prend une fois pour toutes, mais :

60

La tâche [est] permanente et ultime. […] Celui qui veut comprendre accomplit toujours une projection. Il projette par anticipation un sens du tout dès qu’un premier sens du texte se manifeste. Mais un tel sens ne se manifeste à son tour que si on lit déjà le texte avec certaines attentes quant à son sens précis. La compréhension de ce qui est là s’effectue toujours à travers l’élaboration d’une telle projection préalable, laquelle doit bien sûr être constamment révisée au fur et à mesure que l’on avancera dans la pénétration du sens (Gadamer, 1976 [1960] : 288).

61Sur l’objectivité de cette interprétation, le texte de Gadamer est encore plus explicite :

62

Celui qui essaie de comprendre [un texte] est exposé à des erreurs dérivant de présupposés qui ne sont pas confirmés par l’objet. La tâche permanente de la compréhension est l’élaboration et l’articulation de projets corrects et adéquats qui, en tant que projets, sont des anticipations qui ne peuvent être validées que par rapport à l’objet. Il n’y a pas ici d’autre “objectivité” que celle de la confirmation qu’une pré-opinion peut recevoir au cours de son élaboration. Qu’est-ce qui distingue les hypothèses inadéquates du fait qu’à mesure qu’elles se développent, elles sont insuffisantes ? La compréhension n’arrive à la possibilité authentique que si les présupposés à partir desquels elle part ne sont pas arbitraires. Il y a donc un sens positif à dire que l’interprète n’accède pas au texte en restant simplement dans le cadre des présupposés déjà présents en lui, mais plutôt, [que] dans la relation avec le texte, [il] met à l’épreuve la légitimité, c’est-à‑dire l’originalité et la validité, de ces présupposés (Gadamer, 1976 [1960] : 288).

63Fondamentalement, explique Gadamer, un interprète correct d’un point de vue épistomologique :

64

[…] doit être prêt à se faire dire quelque chose par le texte […]. Une compréhension réglée par une conscience méthodique doit s’appliquer à ne pas simplement donner libre cours à ses propres anticipations, mais à aller jusqu’à en prendre conscience afin de les contrôler et de partir des choses mêmes pour parvenir ainsi à la compréhension. […] Une conscience formée à l’herméneutique doit donc être ouverte d’emblée à l’altérité du texte. Mais une telle réceptivité ne présuppose ni une “neutralité” quant au fond, ni surtout l’effacement de soi-même, mais inclut l’appropriation qui fait ressortir les préconceptions du lecteur et les préjugés personnels. Il s’agit de se rendre compte que l’on est prévenu, afin que le texte lui-même se présente en son altérité et acquiert ainsi la possibilité d’opposer sa vérité, qui est de fond, à la pré-opinion du lecteur (Gadamer, 1976 [1960] : 290).

65L’herméneutique est donc un cercle vertueux, théoriquement infini, qui procède par conjectures historiographiques et falsifications textuelles. Un tel processus cognitif ne diffère pratiquement en rien de la méthode poppérienne « problème-théories-critiques », qui décrit un processus cognitif qui évolue vers « la conjecture et la réfutation ». La méthode du trial and error elimination de Popper et le Zirkel des Verstehens de Gadamer, explique Dario Antiseri [9],

66

[…] sont la même chose décrite dans deux langues différentes : les deux décrivent le même événement et prescrivent la même procédure. Gadamer est le philosophe du préjugement : l’interprète n’aborde pas le texte avec l’esprit vide de mémoire baconienne ; et Popper a toujours insisté sur le fait que nous vivions constamment au centre de ce qu’il appelle “un horizon d’attentes”. Gadamer soutient qu’il y a une “collision” qui se produit devant un texte […] ; et Popper parle des problèmes comme d’attentes déçues. Pour Gadamer, ce sont les “collisions” entre nos préjugés et le texte qui font prendre conscience aux herméneutiques de leurs propres préjugés et déclenchent la chaîne d’interprétations de plus en plus appropriées ; pour Popper, ce sont précisément les problèmes qui nous font réaliser les attentes que nous avions (peut-être inconsciemment) et qui maintenant ne tiennent plus, et qui donc déclenchent la recherche, la recherche de nouvelles hypothèses plus fortes à mettre au défi. […] Popper soutient que l’objectivité des théories ne fait qu’un avec leur falsifiabilité, c’est-à‑dire avec le fait qu’elles sont soumises à un contrôle empirique intersubjectif et répétable de leurs conséquences ; Gadamer affirme que “quiconque veut comprendre un texte doit être prêt à se laisser dire quelque chose (Antiseri, 2001 [1981] : 130) [10].

67D’autre part, Gadamer lui-même, surtout ces derniers temps, a fait d’importantes ouvertures à la « méthode unifiée [11] », déclarant que :

68

La théorie de tentative et d’erreur que Popper élabore ne se limite pas à la logique de l’enquête spécialisée. Malgré tout le raccourcissement et la stylisation de ce schéma, il met en évidence une notion de rationalité logique qui va bien au-delà du champ de la recherche scientifique et décrit les structures de base de toute rationalité, même celle de la raison pratique. […]. Dans les sciences elles-mêmes, une dimension herméneutique comme facteur de maintien et d’enracinement de la propriété – dans les sciences naturelles comme dimension des paradigmes et de la pertinence de ses propres cadres d’investigation. Dans les sciences sociales, une structure similaire pourrait être décrite comme l’auto-transformation de l’ingénierie sociale en partenaire social. Dans les sciences historiques, enfin, il est à l’œuvre en tant que médiation sortante de ce qui était autrefois, de ce qui est aujourd’hui et de ce qui sera demain la rangée (Gadamer, 1985 [1967] : 165-166).

La science comme connaissance herméneutique

69Par conséquent, l’interprétation est fondée sur des règles méthodologiques exigeantes et non sur des « méta-régulations de comportement » génériques. L’objectivité, entendue non pas comme une certitude, mais comme la contrôlabilité publique d’hypothèses interprétatives toujours révisables, est le principe sur lequel repose le « cercle herméneutique » de Gadamer. Objectivité possible justement parce que l’interprète possède un « horizon d’attentes », un tissu de « préjugés », qui représentent le présupposé logique pour la formulation des hypothèses.

70S’il est vrai, comme l’a écrit Nelson Goodman (1969 : 168) en réajustant une phrase célèbre de Kant, que « l’œil innocent est aveugle et l’esprit vierge est vide », et, comme l’a dit Popper (2002 [1963]), qu’« il n’y a pas de base empirique non interprétée », alors toute forme de connaissance, même la connaissance scientifique, est fondée sur l’interprétation liée à la précompréhension de l’interprète. Le savant est avant tout un interprète et ses théories ne sont que des hypothèses interprétatives de ce texte représenté par des phénomènes naturels ou par des actions ou conséquences d’actions humaines. Des hypothèses qui doivent toujours être révisées en cas de falsifications. Comme Gadamer lui-même l’a observé,

71

Même dans le domaine des sciences naturelles, l’enracinement de la connaissance scientifique ne peut éviter les conséquences herméneutiques du fait que ce que l’on appelle « donné » ne peut être séparé de l’interprétation. Ce n’est qu’à la lumière de l’interprétation que quelque chose devient un fait, et ce n’est que dans les processus d’interprétation qu’une observation peut être exprimée. […]. Ainsi, la compréhension herméneutique de quelque chose comme quelque chose a été découverte même dans ce que l’on appelle soi-même (Michelfelden & Palmer, 1989 : 31).

72La connaissance scientifique est donc possible grâce à l’esprit tabula plena du chercheur-interprète, qui puise dans la réserve de ce que Gadamer appelle les « pré-jugés » (Vorurteilen), pour délimiter un aspect de la réalité et essayer de l’expliquer. Sur la base de ses propres valeurs et intérêts, le savant choisit l’objet d’investigation et la perspective à partir de laquelle il l’investiguera, pour tirer de ses connaissances de base les outils indispensables (lois, modèles, idéotypes, voire hypothèses métaphysiques qui favorisent l’explication), pour expliquer de manière causale le phénomène sélectionné. La « précompréhension » du scientifique, qui rend possible l’investigation scientifique, est donc composée avant tout de valeurs et de « connaissances nomologiques » qui rendent possibles, respectivement, la wébérienne « relation aux valeurs » et l’utilisation de la « connaissance nomologique » problem oriented, sans laquelle il ne serait impossible de formuler aucune théorie scientifique (Di Nuoscio, 2014 : 86).

73« La science elle-même est une forme d’herméneutique » (Eger, 1993 : 2) [12] et donc le sociologue est aussi un interprète dont le travail de recherche ne peut que bénéficier de l’analyse de la procédure interprétative proposée par l’herméneutique. Comme Gadamer l’a expliqué,

74

Le problème de la pertinence de l’herméneutique ne peut se limiter aux sciences humaines. Ce qui est considéré comme des faits dans les sciences naturelles ne sont pas tous des quantités arbitraires, mais seulement les résultats de mesures qui représentent la réponse à une question, une confirmation ou une réfutation d’une hypothèse. La réflexion herméneutique est testée partout dans la pratique scientifique, qui est basée sur la « falsifiabilité » (Gadamer, 1976 [1960] : 701).

75S’approchant de la thèse de Popper, Gadamer conclut que « toute science comporte une composante herméneutique » (Gadamer, 1996 [1983] : 427) et que le schéma de la « formulation d’hypothèses » et de la « preuve » « s’applique à tous les types de recherche » (Gadamer, 1976 [1960] : 701). Donc, « c’est certainement juste » de concevoir, « avec Popper », la recherche scientifique « comme une solution aux problèmes par trial and error » (Gadamer, 1996 [1983] : 427). De plus, l’herméneutique peut apporter une aide supplémentaire à « toutes les sciences » car, explique Gadamer, « en rendant transparentes les pré-compréhensions thématiques respectives de chaque science, elle peut découvrir de nouvelles dimensions problématiques, et donc servir indirectement au travail méthodologique » (Gadamer, 1985 [1967] : 281) [13].

Notes

  • [1]
    « Les motivations et les croyances déterminantes, ont soutenu Hempel et Oppenheim, doivent être classées parmi les conditions précédentes d’une explication motivationnelle, et à cet égard, il n’y a aucune différence entre une explication motivationnelle et une explication causale » (Hempel & Oppenheim, 1948 : 143).
  • [2]
    Il convient de préciser que, comme l’a souligné Carl G. Hempel dans sa réponse à William Dray, expliquer l’action signifie se limiter à la reconstruction d’un lien causal entre raison et action, sans introduire aucun jugement de valeur (Hempel, 1965 : 202). Avec son « principe d’action », proposé comme alternative au MND, Dray a quant à lui soutenu qu’expliquer l’action par de « bonnes raisons » signifie formuler « un élément d’évaluation de ce qui a été fait », pour comprendre « dans quel sens l’action est appropriée » (Dray, 1957 : 89).
  • [3]
    « Il y a une relation causale sans téléologie – a expliqué Weber – mais il ne peut y avoir de concepts téléologiques sans règles causales » (Weber, 2005 [1903-1906] : 11).
  • [4]
    Voici quelques exemples de lois utilisées implicitement ou explicitement : « Tout le monde au début [d’une guerre] est plus déterminé » (Thucydide) ; « Les individus ont tendance à ne pas modifier ce qu’ils tiennent pour sacré » (Dilthey) ; « Vous êtes plus sûrs de gagner si vos ennemis sont séparés » (Mommsen).
  • [5]
    L’interprète, explique Gadamer, aborde le texte avec un esprit tabula plena, riche de “pré-compréhension”, qui dérive de la tradition. Sur la base de cette connaissance, il formule une première « esquisse d’interprétation » sur le sens du texte, qui contrôle sur le « texte » et le « contexte », où « contexte » signifie toute l’information qui est « autour du texte » et qui peut être utile pour contrôler cette hypothèse interprétative. En cas de conflit entre une partie du texte ou du contexte et le « projet d’interprétation », l’interprète est contraint de formuler une nouvelle hypothèse, à soumettre au même contrôle. Cette procédure cognitive est le « cercle herméneutique », qui pour Gadamer est un circuit « vertueux », en principe infini, parce qu’il fait progresser la connaissance d’un texte en éliminant les interprétations qui entrent en conflit avec le texte même et avec le contexte (Gadamer, 1976 [1960] : 180 sqq).
  • [6]
    Pour plus de détails, voir Enzo Di Nuoscio (2014).
  • [7]
    Pour les traces, quelles qu’elles soient, est valable du point de vue herméneutique ce que Ricœur écrit sur l’action humaine : elles sont « une œuvre ouverte » à « quiconque sait lire », « dont le sens est “en attente”, “en attente de nouvelles interprétations qui décident de leur signification » (Ricœur, 1986 : 189).
  • [8]
    C’est précisément la possibilité de produire une interprétation objective (admise par le premier et niée par le second), qui a représenté l’un des points de contraste les plus importants entre Gadamer et Derrida (Michelfelden & Palmer, 1989).
  • [9]
    Cette thèse trouve une confirmation significative dans les paroles mêmes de Gadamer, qui disait : « Un élément qui me relie à Popper – pas tant à [Hans] Albert – est à mon avis qu’il voit dans la recherche un processus de découverte de la vérité et, finalement, du critère de la vérité : le processus même de la recherche se révèle comme le seul moyen possible de trouver la vérité » (Grossner, 1980 : 335). Et Popper à son tour a observé : « en vérité, je suis aussi loin du positivisme que Gadamer : en fait, j’ai découvert – et ma critique du positivisme est basée sur cela – que les sciences naturelles ne fonctionnent pas de manière positiviste, mais utilisent essentiellement une méthode qui fonctionne avec des “préjugés”, seulement qu’elles utilisent éventuellement de nouveaux préjugés et préjugés qui sont sujets à critique, et les exposent à une critique rigoureuse […]. Ce qui me distingue de Gadamer, c’est une meilleure compréhension de la “méthode” des sciences naturelles, une théorie logique de la vérité et une attitude critique. Mais ma théorie est tout aussi antipositiviste que la sienne, et j’ai montré que l’interprétation des textes (herméneutique) fonctionne avec les mêmes méthodes que les sciences naturelles. » (ibid.).
  • [10]
    Il est significatif que Paul Ricœur lui-même ait soutenu que le « cercle herméneutique » de Gadamer n’est pas un « cercle vicieux » puisqu’il est soumis à des « procédures de validation », qui comprennent des « procédures d’invalidation comparables au critère de falsifiabilité défini par Popper dans sa logique de la découverte scientifique » (Ricœur, 1986 : 195).
  • [11]
    « Le schéma de “formulation de l’hypothèse” et de sa “preuve”, écrit Gadamer, est valable pour tout type de recherche, même en sciences humaines, voire même en philologie » (Gadamer, 1976 [1960] : 701).
  • [12]
    La même thèse a été exprimée par R. J. Bernstein (1983 : 30).
  • [13]
    C’est sur la base d’arguments similaires que C. Mantzavinos parvient à la conclusion que le cercle herméneutique « ne peut pas, par conséquent, être utilisé comme argument pour légitimer la séparation entre les sciences naturelles et les sciences humaines, et ne peut donc pas contribuer à soutenir la thèse de l’autonomie des sciences humaines » (Mantzavinos, 2013 : 524). « Comme toute activité scientifique – explique Mantzavinos (2005 : 87) – l’interprétation consiste tout d’abord dans la formulation d’hypothèses et leur contrôle à partir des preuves […]. Il n’y a pas de procédures, logiques ou non, ni de principes qui conduisent nécessairement à une interprétation correcte des textes. Mais, si les interprètes doivent vérifier leurs interprétations sur la base de données, la méthode hypothétique-déductive garantit que le problème de la validité des interprétations est résolu » (traduction de l’auteur).
Français

L’auteur tente de montrer qu’il existe une complémentarité précieuse entre trois perspectives épistémologiques souvent considérées comme incompatibles : l’individualisme méthodologique (IM), la théorie de l’explication scientifique fondée sur le modèle Popper-Hempel et la théorie du « cercle herméneutique » de Gadamer. L’IM ne peut représenter une logique d’explication qui garantit la scientificité des explications sociales qu’en utilisant : a) le modèle nomologique-déductif pour expliquer les causes et les conséquences (intentionnelles et non intentionnelles), surtout au niveau macro, des actions et b) l’herméneutique gadamérienne pour reconstruire les stratégies cognitives et décisionnelles subjectives. En particulier, l’auteur insiste pour démontrer que le « cercle herméneutique » de Gadamer décrit un processus cognitif qui procède par conjecture et réfutation et qu’il est fondamental pour expliquer scientifiquement l’interprétation, par l’acteur, du contexte problématique dans lequel il se trouve – fondamental donc pour reconstruire les « bonnes raisons » qui le poussent à voir dans une action donnée une solution à la situation d’incertitude qu’il connaît.

Mot-clés

  • Individualisme 
  • Action 
  • Praxéologie 
  • Rationalité 
  • Explication 
  • Causalité 
  • Herméneutique

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Enzo Di Nuoscio
est professeur de Philosophie des sciences et directeur du département des Sciences humaines de l’université de Molise. Il est également professeur de Méthodologie des sciences sociales (université LUISS à Rome). Il s’est occupé principalement de rationalisme critique, d’individualisme méthodologique, de théorie de l’explication et d’herméneutique. Ses derniers livres sont : Epistemologia del dialogo (Carocci, 2011), Ermeneutica ed economia. Spiegazione ed interpretazione dei fatti economici (Rubbettino, 2014), Elogio della mente critica (Laterza, 2016), The Logic of Explanation in the Social Sciences (Bardwell Press, 2018), Democrazia avvelenata (Rubbettino, 2018 avec D. Antiseri et F. Felice) et Europa. Il futuro di una tradizione (LEV, 2019).
Enzo Di NuoscioUniversità degli Studi del Molise e Luiss di Romadinuoscio@unimol.it
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/04/2020
https://doi.org/10.3917/anso.201.0129
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