CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le diplôme est désormais placé au cœur des processus de hiérarchisation et de stratification sociale des sociétés contemporaines ouest-européennes (Hout & DiPrete, 2006 ; Millet & Moreau, 2011). Loin d’abolir les frontières entre les classes, l’allongement des études s’est accompagné, en France comme en Allemagne, d’une sélectivité sociale persistante dans l’accès aux filières du supérieur les plus prestigieuses (Duru-Bellat et al., 2010 ; Schindler & Reimer, 2011). L’expansion et la féminisation de l’enseignement supérieur ont conduit au renforcement du rôle de l’École dans le modelage des destinées sociales. De façon révélatrice, la consécration scolaire est devenue une étape presque incontournable pour accéder aux élites politiques et économiques, que ce soit par la fréquentation des grandes écoles françaises (Bourdieu, 1989), ou par l’obtention d’un doctorat dans le cas allemand (Hartmann & Kopp, 2001).

2Ces mutations invitent [1] à réactualiser le débat apparu dans les années 1970 autour d’une analyse « sociétale » de l’articulation entre l’éducation et le travail en France et en Allemagne (Maurice et al., 1979). La démarche comparative qui émerge alors, bientôt complétée et amendée grâce à la prise en compte des femmes (Marry et al., 1998), part du principe que les catégories de statut sont « congruentes », c’est-à‑dire à la fois hétérogènes et comparables d’un pays à l’autre, à condition que l’on tienne compte des conditions sociales de leur production. Dans cette perspective, les « classes sociales » peuvent être comparées entre pays sans pour autant perdre de vue leur ancrage politique à l’échelle nationale.

3Jusqu’à récemment, l’absence de nomenclature socioprofessionnelle commune à la France et à l’Allemagne a constitué un frein à la mise en œuvre d’une telle approche. L’analyse sociétale des différences franco-allemandes a tantôt pris appui sur la nomenclature des Professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) (Duru-Bellat et al., 2010), avec les limites d’une transposition de catégories françaises dans le contexte allemand (Krais, 1992), tantôt sur la nomenclature internationale dite Erikson-Goldthorpe-Portocarero (Müller et al., 2002), au prix de l’importation de notions forgées dans le contexte britannique (Brousse et al., 2011). D’où l’intensification des travaux comparatifs fondés sur l’usage d’indicateurs continus de la position sociale, comme le salaire ou le « score de prestige » (Bouchet-Valat et al., 2016 ; Grätz & Pollak, 2016), plus en affinité avec une représentation de la société comme superposition de strates successives formant un continuum entre la base et le sommet.

4L’adoption en 2016 de la nomenclature européenne des European Socio-Economic Groups (ESeG) est l’occasion de renouer avec une perspective comparative fondée sur la notion de classes sociales. Cette nomenclature est le résultat d’un projet piloté par l’Insee à la demande d’Eurostat. Elle comporte sept grandes catégories de personnes en emploi, construites à partir du statut d’emploi et de la Classification internationale du type des professions (CITP). Il s’agit, grâce à ce nouvel outil, d’interroger les ressorts de rapports de pouvoir se déployant dans des contextes nationaux contrastés. La légitimité des classes sociales supérieures a-t‑elle les mêmes fondements en France et en Allemagne ? Le système scolaire joue-t‑il le même rôle dans leur reproduction ? Dans quelle mesure l’activité professionnelle détermine-t‑elle l’appartenance de classe ?

5Mais des doutes surgissent dès lors qu’il est fait usage d’une nomenclature internationale. Cet outil standardisé ne conduit‑il pas à homogénéiser à toute force des réalités nationales foncièrement hétérogènes, ou encore à plaquer artificiellement sur un contexte étranger des découpages inspirés d’une nomenclature nationale préexistante ? De fait, la grille ESeG ressemble davantage aux PCS françaises qu’aux classifications allemandes, car les chercheuses et chercheurs français ont joué un rôle clef dans son élaboration (Brousse, 2012 ; Penissat, 2012). Le fait que la communauté scientifique allemande, moins rompue à ce type d’exercice (Pfeuffer & Schultheis, 2002), soit absente du projet peut faire craindre que la nomenclature européenne ne restitue que de façon floutée les clivages propres à l’Allemagne. Une appréhension des instruments de mesure attentive à leur construction et à leur contexte peut pourtant servir de tremplin vers une analyse des disparités objectives entre les sociétés comparées. Le foisonnement récent des travaux qui comparent les catégorisations savantes et ordinaires de l’espace social en France et en Allemagne (Filhon et al., 2013 ; Verdalle et al., 2017) fournit les appuis nécessaires à cet usage raisonné et critique de la nouvelle nomenclature socio-économique européenne.

6Privilégiant une approche comparative en termes de classes sociales, cet article interroge la force de la correspondance entre le « titre » et le « poste » (Bourdieu & Boltanski, 1975) en France et en Allemagne. Les liens entre la hiérarchie scolaire et la hiérarchie professionnelle sont déterminés par les contextes d’entrée sur le marché du travail qui diffèrent d’un pays à l’autre, et qui s’articulent à des dynamiques générationnelles (Chauvel, 2010 [1998]) et de genre (Marry et al., 1998). La comparaison avec la société allemande permet finalement de donner du relief aux résultats relatifs aux classes sociales françaises, leur conférant un plus grand degré de généralité ou révélant au contraire leur atypisme relatif.

7Le raisonnement porte plus précisément sur le degré de recoupement entre les catégories scolaires et professionnelles au sommet de la hiérarchie sociale, grâce à l’adoption de plusieurs angles de vue successifs. D’abord, dans quelle mesure les personnes diplômées du supérieur long (Encadré 1) accèdent‑elles aux postes de « cadres de direction » et aux « professions intellectuelles supérieures » ? (I) Inversement, parmi les professions dominantes, quelles sont celles pour lesquelles les études longues sont devenues presque incontournables et qu’est-ce que cela dit des oppositions internes aux classes supérieures ? (II) Enfin, les contrastes entre la France et l’Allemagne révélés par la nouvelle nomenclature ESeG sont‑ils cohérents avec les représentations savantes et ordinaires de l’espace social présentes dans ces deux pays ? (III)

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Encadré 1. – Méthodologie et éléments de contexte
L’analyse porte sur les enquêtes sur les forces de travail de 2011, à savoir l’enquête Emploi en France métropolitaine (N = 70 000) et le microrecensement (Mikrozensus) en Allemagne (N = 125 000). La nomenclature ESeG est utilisée pour mesurer la position socioprofessionnelle. La comparaison des niveaux de diplôme s’inspire des réflexions menées dans le cadre du projet CASMIN1 dans les années 1990. Cette recherche visait à fournir une nomenclature composée de niveaux d’éducation comparables entre pays, au regard de leur durée et de leur valeur, celle-ci étant « mesurée par [leurs] liens avec l’origine sociale et la destinée professionnelle » (Kieffer, 2007 : 430). Dans la présente étude, l’accent est mis sur les diplômes du haut de la hiérarchie scolaire, à savoir ceux de l’enseignement supérieur long. En France, il s’agit des diplômes équivalents ou supérieurs au niveau licence, obtenus dans les universités ou dans les grandes écoles, ces dernières se caractérisant par un public minoritaire et fortement sélectionné du point de vue scolaire et social. En Allemagne, cela renvoie aux diplômes obtenus dans les universités classiques (Hochschulen), auxquelles nous proposons d’ajouter les universités de sciences appliquées (Fachhochschule), à rebours de ce que propose la nomenclature CASMIN. Ce choix se justifie par la durée de ce type de cursus (au moins 4 ans, soit davantage que les filières courtes de l’enseignement supérieur français) et par le gain rapide de légitimité dont les filières de sciences appliquées ont bénéficié depuis leur création en 1971 (Müller et al., 2002).
Les différences nationales qui ont trait à l’enseignement supérieur ne peuvent être pensées indépendamment des filières du secondaire auxquelles elles sont adossées et avec lesquelles elles font système. En Allemagne, l’orientation dès l’âge de dix ans dans des filières scolaires hiérarchisées contribue à maintenir la sélectivité sociale du Gymnasium, seul cursus secondaire qui délivre le diplôme d’accès à l’enseignement supérieur. De plus, les formations professionnelles allemandes, qui proposent un « système dual » d’enseignement (alternance entreprise/école), bénéficient d’un prestige maintenu, expliquant qu’une partie des élèves ayant fréquenté le Gymnasium continuent de s’y orienter (Lörz & Schindler, 2009). En France en revanche, la bifurcation entre enseignement général et professionnel s’opère seulement à l’issue du collège et le baccalauréat général, qui jusqu’à récemment garantissait l’accès à l’Université, est moins sélectif socialement (Beaud, 2002). Enfin, les filières professionnelles françaises souffrent d’une faible légitimité et accueillent un public majoritairement d’origine populaire (Palheta, 2015 [2012]). Il est donc plus rare qu’elles apparaissent comme une alternative à l’enseignement supérieur aux yeux des publics socialement favorisés.
1. Pour Comparative Analysis of Social Mobility in Industrial Nations.

Petitesse du statut malgré des études longues : une position de classe plus fréquente en France qu’en Allemagne

9Au cours de la deuxième moitié du xxe siècle, la France et l’Allemagne se caractérisent par une augmentation du niveau d’éducation de leurs populations respectives. L’allongement des études a concerné les enseignements secondaires et supérieurs et s’est déroulé de façon plus rapide et continue chez les femmes que chez les hommes. La tendance séculaire à l’expansion scolaire n’a cependant pas connu les mêmes temporalités ni la même ampleur dans les deux pays. La diffusion des études supérieures longues s’est déroulée nettement plus rapidement en France qu’en Allemagne au cours des dernières décennies et a touché des milieux plus hétérogènes socialement. Ces contrastes ont des incidences en termes de valeur sociale des diplômes. Alors qu’en France, l’accès aux études supérieures se banalise et assure de moins en moins l’accès aux catégories socio-économiques les plus favorisées, le passage par l’Université donne souvent lieu à une inscription durable au sein de ces mêmes catégories en Allemagne.

Un allongement des études plus rapide au sein de l’Hexagone

10En France métropolitaine, on distingue deux phases d’accélération de l’expansion de l’enseignement supérieur entre 1960 et 2000. La première a lieu à partir du début des années 1960, avec une augmentation de la population étudiante en partie liée à l’arrivée dans le système éducatif des générations du baby-boom. Une nouvelle progression survient dans les années 1980, lorsque des mesures politiques sont prises afin d’élargir l’accès au baccalauréat. Elle concerne à cette époque un nombre important d’élèves des classes populaires, qui se caractérisent par leur distance relative à la culture écrite et scolaire. Cette transformation peut s’interpréter comme un processus de « désenclavement » des classes populaires, malgré le maintien d’une « altérité » culturelle vis-à-vis des classes supérieures (Schwartz, 1998), ou comme une « semi-acculturation » de la classe ouvrière aux valeurs scolaires (Beaud, 2002). La thèse d’une « démocratisation » réelle du système éducatif est en tout cas invalidée, étant donné le déplacement des inégalités scolaires vers le haut de l’échelle des diplômes (Œuvrard, 1979 ; Merle, 2000). Ce mouvement n’a pas suffi à enrayer la reproduction de classe, si bien que la détention de diplômes du supérieur coïncide de plus en plus souvent en France avec la « petitesse » du statut professionnel (Schwartz, 1998).

11En République fédérale d’Allemagne, une politique volontariste d’expansion universitaire donne lieu à une augmentation de la population étudiante à partir des années 1960, avec une accélération dans les années 1970 (Krais, 1980). L’augmentation est encouragée par la suppression des frais d’inscription universitaires et l’introduction d’une aide financière à l’intention des publics étudiants les moins favorisés (BAFöG). Ces mesures s’inscrivent dans les débats de l’époque autour de la nécessité d’augmenter le niveau de compétences de la population active pour répondre aux nouveaux besoins de l’économie. Elles sont aussi provoquées par les mouvements étudiants de 1967-1968 qui revendiquent une Université plus ouverte. Parallèlement à cela, l’enseignement supérieur connaît une forte expansion en Allemagne de l’Est dans les années 1950 et 1960, associée à une féminisation accélérée, mais cette dynamique prend fin à partir des années 1970 avec l’introduction de politiques conservatrices (Ziefle, 2017). Finalement, contrairement au cas français, aucune des deux Allemagnes ne connaît de seconde vague d’expansion de l’enseignement supérieur pendant les années 1980. Celles et ceux qu’on a pu appeler en France les « nouveaux étudiants » (Erlich, 1998) n’ont donc pas d’équivalent outre-Rhin à cette période.

12Dans les deux pays, l’essor des études longues est plus marqué chez les femmes, ce qui rend le processus d’expansion universitaire indissociable de la féminisation des publics étudiants. L’augmentation du niveau d’études chez les femmes est cependant plus rapide en France qu’en Allemagne. La structure par niveau de diplôme et par année de naissance de la population âgée de 25 à 54 ans [2] au tournant des années 2010 est le reflet de ces contrastes. En 2011, le taux de diplômées du supérieur long parmi les femmes âgées de 45 à 54 ans est proche de 12 % dans les deux pays. En France, le taux est deux fois plus élevé (28 %) chez les femmes de vingt ans leurs cadettes. En Allemagne, il augmente certes d’une génération à l’autre, mais de sept points seulement (19 %). Chez les hommes, l’expansion est également plus marquée en France qu’en Allemagne. Au sein de l’Hexagone, le taux de diplômés passe de 13 % chez les hommes nés au tournant des années 1960, à 24 % chez ceux nés vingt ans plus tard. En Allemagne au contraire, le taux de diplômés du supérieur long chez les hommes reste constant, quelle que soit l’année de naissance, autour de 18 %.

13Pour autant, ces résultats ne doivent pas être interprétés trop hâtivement comme le signe d’une société française devenue plus égalitaire que l’Allemagne en termes d’éducation. La comparaison des niveaux de diplôme entre cohortes et entre pays pose la question de la variation, dans le temps et dans l’espace, des contenus et de la légitimité des enseignements. La taille et la composition des effectifs étudiants doivent donc être interprétées à la lumière des mutations récentes de l’enseignement supérieur long ayant eu lieu dans les deux pays.

14En France, l’expansion scolaire s’est accompagnée de puissants mécanismes de segmentation des publics entre filières. Sans parler des formes de relégation des élèves d’origine populaire au sein de l’enseignement supérieur court (Convert, 2003 ; Orange, 2010), la diversification des publics du supérieur en termes d’origine sociale, scolaire et de sexe, a coïncidé avec le maintien de la barrière séparant les universités et les grandes écoles (Euriat & Thélot, 1995 ; Albouy & Wanecq, 2003), ainsi qu’une hiérarchisation renforcée des cursus universitaires (Convert, 2010). De plus, l’injonction croissante à la professionnalisation a conduit à la création de nouveaux diplômes du supérieur moins académiques, comme le DEUG puis la licence professionnelle (Dumoulin & Filhon, 2011).

15À l’Ouest comme à l’Est de l’Allemagne, le processus de segmentation des publics selon leurs propriétés sociales a bien eu lieu, mais n’a pas connu la même ampleur qu’en France. La féminisation de l’enseignement supérieur est allée de pair avec une hiérarchisation des filières en fonction du genre (Trappe, 2006). D’autre part, les filières techniques courtes du supérieur peu sélectives et moins valorisées, telles que les Berufsakademien, ont commencé à se développer dans les années 2000 (Schindler & Reimer, 2011), mais leur importance numérique reste encore limitée.

16Ces divergences nationales se répercutent sur la valeur sociale des diplômes du supérieur et sur le marché du travail. En France, des titres scolaires auparavant distinctifs se banalisent et ne donnent plus accès à des positions professionnelles aussi bien rémunérées (Bouchet-Valat et al., 2016). En Allemagne au contraire, les salaires associés aux diplômes universitaires restent stables dans le temps (Grätz & Pollak, 2016). Au-delà des implications en termes d’inégalités de revenu, quels sont les effets sur l’incorporation des nouveaux publics diplômés à des collectifs professionnels, autrement dit quelles conséquences en termes d’appartenance de classe ?

Systèmes de correspondance nationaux entre le titre et le poste

17L’allongement de la durée des études en France et en Allemagne a transformé les liens entre le diplôme et la position professionnelle. Contrairement à l’époque où les études supérieures étaient réservées à une élite plus restreinte, les titres obtenus dans un enseignement supérieur en expansion et en voie de féminisation ne suffisent plus pour accéder aux classes supérieures. La nomenclature ESeG, construite à des fins de comparaison entre des pays européens aux structures sociales et aux appareils statistiques hétérogènes, permet d’explorer l’ampleur de ces mutations. La féminisation de la population diplômée étant indissociable de l’expansion universitaire dans les deux pays, l’association entre le diplôme et la profession est mesurée séparément en fonction du sexe et de la tranche d’âge (Graphiques 1 et 2).

18En France, l’accroissement du niveau d’études au fil des cohortes se répercute dans la répartition de la population diplômée entre catégories socioprofessionnelles (Graphique 1). En 2011, parmi les hommes diplômés du supérieur long nés au tournant des années 1960, 78 % appartiennent aux « cadres de direction » ou aux « professions intellectuelles supérieures », alors que cette proportion tombe à 58 % chez ceux nés vingt ans plus tard. Chez les femmes, la proportion passe de 67 % à 49 %. Autrement dit, une part importante des jeunes diplômées universitaires n’ont pas pu intégrer des professions supérieures, d’où un phénomène de déversement vers d’autres groupes moins qualifiés.

19Tout d’abord, les jeunes femmes et hommes ayant suivi des études longues occupent plus fréquemment des professions intermédiaires que leurs aînés. En outre, les jeunes femmes sont plus nombreuses que leurs aînées à occuper des emplois subalternes féminisés. Parmi les femmes diplômées du supérieur long âgées de 25 à 34 ans, 11 % occupent un poste d’employée qualifiée, contre 3 % des femmes de vingt ans leurs aînées. Ces changements sont le résultat du processus d’académisation qu’ont connu les emplois de service peu qualifiés et féminisés, notamment au sein du secteur public (Hugrée et al., 2015). Le passage plus fréquent par l’enseignement supérieur des nouvelles recrues dans des mondes professionnels caractérisés par la petitesse du statut a conduit à une transformation du rapport au travail et de la gestion des interactions, y compris dans le secteur privé (voir par exemple Barbier, 2012). Ce phénomène ne connaît cependant pas d’équivalent dans les segments plus masculins du marché du travail. Les hommes diplômés du supérieur long n’occupent presque jamais un emploi ouvrier. Si l’allongement des scolarités au sein des métiers ouvriers a pu avoir des effets réels en termes de culture professionnelle et militante (Beaud & Pialoux, 1999), les nouvelles recrues ne dépassent qu’exceptionnellement le niveau Bac+2 des sections de techniciens supérieurs.

20Certes, la féminisation de l’enseignement supérieur français s’est accompagnée d’une part croissante de « professions intellectuelles supérieures » chez les femmes en emploi. D’après nos propres calculs, 12 % des femmes sorties du système scolaire avant les politiques d’expansion universitaire des années 1980 appartiennent à ce groupe, contre 15 % de celles, plus jeunes, qui ont connu cette mutation au cours de leur scolarité, ce qui leur permet de dépasser les hommes. Cet apparent désavantage masculin est en réalité compensé par de mécanismes sociaux au bénéfice des hommes qui conduisent à une ségrégation des professions supérieures en fonction du genre et à des inégalités d’accès aux postes de pouvoir (Buscatto & Marry, 2009).

Graphique 1. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (France)

Graphique 1. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (France)

Graphique 1. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (France)

Note : Les intervalles de confiance sont donnés au seuil de 95 %.
Lecture : En 2011 en France, 11 % des femmes nées entre 1957 et 1966 (45-54 ans) qui ont obtenu un diplôme du supérieur long occupent un poste de « cadre de direction ».
Champ : 25-54 ans résidant en France métropolitaine.
Source : Insee, Enquête Emploi, 2011 ; calculs de l’autrice.

Graphique 2. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (Allemagne)

Graphique 2. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (Allemagne)

Graphique 2. – Répartition des personnes diplômées du supérieur long entre groupes socio-économiques (Allemagne)

Note : Les intervalles de confiance sont donnés au seuil de 95 %.
Lecture : Se reporter au graphique 1.
Champ : 25-54 ans en emploi résidant sur l’actuel territoire de la République fédérale d’Allemagne.
Source : Centre d’accès aux données de l’Office statistique fédéral et des Offices statistiques des Länder, Mikrozensus, 2011 ; calculs de l’autrice.

21L’Allemagne se distingue de la France par la stabilité intergénérationnelle de l’association entre diplômes du supérieur et positions professionnelles. En 2011, quelle que soit la tranche d’âge, deux tiers des femmes et trois quarts des hommes passés par une université et en âge de travailler appartiennent aux « professions intellectuelles supérieures » ou aux « cadres de direction » (Graphique 2). Cette population ne s’insère que rarement dans les catégories socio-économiques moins favorisées, à l’exception des professions intermédiaires qui en intègrent un dixième. La robustesse de la liaison est remarquable chez les femmes, alors même que les plus jeunes ont connu des conditions plus favorables d’accès à l’Université. La féminisation des publics étudiants n’a pas conduit à une dévaluation des diplômes du supérieur comparable à celle qui s’est manifestée en France. Les jeunes femmes diplômées allemandes ne sont employées qu’à la marge dans les professions plus emblématiques des milieux populaires : 6 % d’entre elles sont employées qualifiées et 3 % sont employées peu qualifiées. En outre, cette insertion socio-économique par le haut des femmes diplômées du supérieur en emploi ne s’accompagne pas d’une exclusion massive hors de la sphère professionnelle. Parmi les femmes âgées de 25 à 34 ans, une sur dix se situe en dehors du marché du travail, soit un taux équivalent à celui qu’on observe en France.

22Plusieurs éléments permettent de rendre compte de cette stabilité. D’abord, l’ouverture relative des universités aux femmes en Allemagne a coïncidé avec une croissance globale du nombre de « professions intellectuelles supérieures » au sein des jeunes générations. D’après nos calculs, 18 % des femmes âgées entre 25 et 34 ans en 2011 appartiennent à cette catégorie alors que c’est le cas de 13 % des femmes de vingt ans leurs aînées. Cette mutation s’inscrit dans le prolongement d’un accroissement initié dans les services publics de la santé et de l’enseignement à partir des années 1970 (Krais, 1980), ayant davantage bénéficié aux femmes qu’aux hommes. Ensuite, la faible dévaluation nominale des titres universitaires nouvellement obtenus par les femmes s’explique par une expansion scolaire plus modérée qu’en France, et qui n’a pas concerné les hommes.

23L’ouverture de l’accès des femmes aux « professions intellectuelles supérieures » en Allemagne doit cependant être relativisée. En effet, cette catégorie a vu son niveau de prestige décliner, parallèlement à son augmentation numérique et sa féminisation. C’est notamment le cas des professions de l’enseignement (niveau primaire compris) dans le regroupement de l’ESeG. De plus, l’absorption d’une population féminine et diplômée de l’Université dans les professions supérieures est à mettre en lien avec le large recours des femmes au temps partiel, qui résulte de la faiblesse des infrastructures de garde des enfants outre-Rhin, en particulier dans les régions d’Allemagne de l’Ouest. Le travail à temps partiel touche certes prioritairement les femmes peu diplômées, mais concerne également les femmes titulaires d’un diplôme universitaire (Kreyenfeld et al., 2007). Cela conduit à un rationnement du temps professionnel de ces dernières, qui a des implications en termes de revenu et de prestige et produit des inégalités de genre dans l’accès aux positions dominantes des classes intellectuelles supérieures.

24Le groupe des « dominé[e]s aux études longues » (Schwartz, 1998), l’expression devant – pour plus de justesse – être féminisée, a donc connu un développement plus rapide en France qu’en Allemagne. Cela se traduit par la présence, devenue banale parmi les jeunes générations françaises, de femmes passées par des études longues dans les professions intermédiaires ou d’employées. Contrairement à leurs compatriotes masculins ou leurs voisines outre-Rhin, les femmes qui résident en France se caractérisent par un affaiblissement du lien statistique, mesuré par le V de Cramer, entre le diplôme et le groupe socio-économique au fil des cohortes (Tableau 1). Certes, les données en coupe ne permettent pas de tenir compte d’un éventuel rattrapage, avec l’âge, des chances d’accéder aux catégories supérieures par des voies extrascolaires. Une analyse longitudinale outillée par les PCS françaises conforte pourtant l’idée d’un effet propre des mutations de l’enseignement supérieur. D’après cette dernière, en Allemagne, « le fait d’être en possession d’un diplôme du supérieur est beaucoup plus lié qu’en France à la position sociale, et cela dès les premières années de la vie active » (Duru-Bellat et al., 2010 : 19).

Tableau 1. – V de Cramer relatif à l’association entre la possession d’un diplôme du supérieur long et la position socio-économique (ESeG au niveau agrégé)

FranceAllemagne
Année de naissanceHommes
Femmes
Hommes
Femmes
1957-19660,560,580,630,56
1967-19760,570,580,630,59
1977-19860,620,510,600,58

Tableau 1. – V de Cramer relatif à l’association entre la possession d’un diplôme du supérieur long et la position socio-économique (ESeG au niveau agrégé)

Lecture : L’association la plus faible entre la position socio-économique et la possession d’un diplôme du supérieur long s’observe chez les femmes résidant en France et nées entre 1977 et 1986.
Champ : 25-54 ans en emploi résidant en France métropolitaine ou sur l’actuel territoire de la République fédérale d’Allemagne.
Sources : Insee, Enquête Emploi, 2011 (France) ; Centre d’accès aux données de l’Office statistique fédéral et des Offices statistiques des Länder, Mikrozensus, 2011 (Allemagne).

25Pour résumer, en Allemagne, les personnes passées par un cycle long du supérieur accèdent massivement aux professions supérieures, quels que soient la génération et le sexe. En France au contraire, une part non négligeable des jeunes femmes passées par des études longues travaillent dans des emplois typiques des classes populaires. La dissymétrie entre pays ne se limite cependant pas à une diffusion des diplômes universitaires en bas de l’espace social. Elle concerne aussi la façon dont le diplôme agit comme un signe de distinction en haut de celui-ci. Si, en France, les études longues ne protègent plus contre le risque d’occuper une position subalterne, est-ce à dire qu’elles sont une condition nécessaire pour appartenir aux professions supérieures ? Les voies extrascolaires et professionnelles d’accès aux positions socio-économiques dominantes résistent‑elles davantage en Allemagne, où les diplômes académiques sont plus rares ?

L’usage différencié de la légitimité académique en haut de l’espace social

26L’académisation inégale des fractions qui composent les classes supérieures constitue un second point de divergence entre la France et l’Allemagne contemporaines. Historiquement, les membres des professions dites « intellectuelles » en France, ou « académiques » en Allemagne, ont pu être identifiés comme formant une classe sociale à part entière, repérable par l’homogénéité de leurs conditions de vie et leur légitimité largement fondée sur la consécration scolaire. En Allemagne, Theodor Geiger (1949) décrit l’affirmation progressive d’une bourgeoisie intellectuelle, distincte de la bourgeoisie économique tant en termes d’aisance matérielle que d’ethos de classe. Les « Akademiker », qui ont pour point commun d’avoir fait des études universitaires et d’occuper des postes de fonctionnaires d’État, forment d’après lui une classe sociale homogène et consciente d’elle-même. De même, Pierre Bourdieu (1979) oppose les fractions intellectuelles et économiques des classes supérieures françaises, en lutte pour le pouvoir. Ce clivage est selon lui le résultat de l’autonomisation progressive d’un « champ culturel » qui revendique dès le xixe siècle le droit de définir lui-même ses principes de légitimité, par la dénégation des intérêts économiques et la valorisation de biens symboliques.

27L’analyse permet d’interroger l’existence, pour la période contemporaine, d’une fraction intellectuelle au sein des classes supérieures dans deux contextes nationaux distincts. Comment se présentent les clivages entre professions supérieures en termes de formation scolaire aujourd’hui ? La diffusion des études longues, plus rapide en France qu’en Allemagne, rend-elle obsolète la frontière de la légitimité académique, du moins tant que celle-ci est définie par la validation a minima d’un diplôme de niveau Licence ?

28La composition du haut de l’espace social peut être approchée à l’aide de deux catégories agrégées de l’ESeG, qui rassemblent 20 % à 25 % des personnes en emploi en France et en Allemagne. Les « cadres de direction » incluent les professions indépendantes et salariées d’encadrement des entreprises, tandis que les « professions intellectuelles supérieures » sont composées des professions techniques, administratives, culturelles, juridiques, d’enseignement et de santé, qui tirent leur prestige des savoirs mobilisés dans le cadre de leur activité (Meron et al., 2016). Le niveau détaillé de la classification (30 modalités, contre 7 au niveau agrégé) permet de repérer des contrastes internes aux professions supérieures et d’encadrement en termes de trajectoire d’études.

Consécration scolaire des professions d’encadrement en France

29Parmi les neuf sous-catégories ESeG qui composent les « cadres de direction » et les « professions intellectuelles supérieures », on distingue en France trois groupes homogènes en termes de niveau de diplôme (Graphique 3). Le premier groupe, composé des « chefs d’entreprise » et des « cadres gérants » [3], se singularise par son faible taux de personnes diplômées du supérieur long, quel que soit l’âge. Le deuxième groupe, qui rassemble la plupart des « cadres de direction salariés », ainsi que les « cadres administratifs, financiers et commerciaux » et les « ingénieurs et spécialistes des sciences, des technologies de l’information et de la communication », se caractérise au contraire par de forts écarts intergénérationnels. Les membres des professions d’encadrement nés après la fin des années 1960 sont plus souvent diplômés du supérieur long que leurs aînés. Cette mutation s’inscrit dans la continuité d’un long processus d’organisation politique du « groupe social » des cadres en France (Boltanski, 1982). Au moment de cette genèse, « tout se pass[ait] comme si la question du diplôme faisait obstacle à l’organisation de la catégorie et à son unification symbolique » (Ibid., p. 120). Mais après la Seconde Guerre mondiale, des critères de carrière commencent à se mettre en place dans un souci d’efficacité économique et de rationalisation. Il s’agit alors de « fonder la hiérarchie des entreprises sur la légitimité démocratique, le diplôme, les compétences ou l’efficacité » (Ibid., p. 224). Le personnel d’organisation des entreprises de l’époque connaît une « fascination » pour les États-Unis, où les fonctions de management et de gestion se professionnalisent et s’académisent, si bien que l’enseignement aux affaires développé outre-Atlantique se diffuse rapidement en France (Wagner, 2012). Dans le contexte plus large de l’expansion scolaire, la population des cadres en France s’est rapprochée du niveau d’études des ingénieurs des grandes écoles, noyau ayant initié le travail politique de formation du groupe des cadres. Ceci a pu contribuer à donner à ce dernier une légitimité vis-à-vis de l’État, renforçant ainsi son identité de classe. L’augmentation du niveau d’études formel ne doit cependant pas conduire à surestimer la proximité sociale avec les professions intellectuelles supérieures, du fait de cursus de formation largement séparés dans le supérieur, notamment entre grandes écoles et universités.

30Les « professions intellectuelles supérieures », qui composent le troisième groupe du graphique 3 relatif à la France, sont classées en fonction de leur secteur d’activité (santé, justice et affaires sociales et culturelles, enseignement). Les professions libérales (médecins, professions juridiques) et d’enseignement recrutent de longue date sous condition de diplômes universitaires, si bien que près de deux tiers de ce groupe sont passés par l’enseignement supérieur long chez les 40-54 ans. Le processus d’académisation, très marqué dans les professions d’encadrement, se retrouve de façon plus discrète dans ce groupe, avec par exemple l’élévation des conditions de diplôme au sein du corps enseignant du primaire en 1989, ou encore le rapprochement opéré entre les formations professionnelles du travail social et les universités dans le cadre du processus de Bologne. Ici comme ailleurs, les femmes présentent globalement un niveau de diplôme plus élevé que les hommes parmi les jeunes générations, à l’exception des professions de santé où les hommes – plus souvent médecins – sont presque toujours passés par des études longues, tandis que les femmes – nombreuses dans les professions qualifiées de santé telles qu’infirmières ou psychologues – peuvent avoir validé des études paramédicales de niveau Bac+2.

Graphique 3. – Part de personnes diplômées du supérieur long par catégorie détaillée de la nomenclature ESeG (France, Allemagne)

Graphique 3. – Part de personnes diplômées du supérieur long par catégorie détaillée de la nomenclature ESeG (France, Allemagne)

Graphique 3. – Part de personnes diplômées du supérieur long par catégorie détaillée de la nomenclature ESeG (France, Allemagne)

Notes : * hors restauration, hôtellerie, commerce ; ** dans la restauration, hôtellerie, commerce. Les intervalles de confiance sont donnés pour un seuil de 95 %.
Lecture : en 2011 en France, 74 % des hommes enseignants nés entre 1972 et 1986 (25-39 ans) ont obtenu un diplôme du supérieur long.
Champ : 25-64 ans en emploi appartenant aux « cadres de direction » ou « professions intellectuelles supérieures ».
Source : Insee, Enquête Emploi, 2011 (France) ; Centre d’accès aux données de l’Office statistique fédéral et des Offices statistiques des Länder, Mikrozensus, 2011 (Allemagne) ; calculs de l’autrice.

Des classes supérieures allemandes clivées par les études universitaires

31En Allemagne, le passage par des études longues est un critère qui continue de structurer le haut de l’espace social, y compris chez les jeunes générations. L’augmentation du niveau de diplôme des personnes occupant des professions d’encadrement y est d’abord plus faible qu’en France (Graphique 3). Chez les hommes, environ la moitié des « cadres de direction salariés » et des « cadres administratifs » ont obtenu un diplôme universitaire, sans variation d’une génération à l’autre. Cette proportion est proche de 40 % chez les femmes nées avant 1966 et augmente d’une dizaine de points chez les plus jeunes, soit une augmentation intergénérationnelle plus modérée qu’en France. Ainsi, le développement d’un large système de formation continue en Allemagne, permettant l’obtention de diplômes en cours de carrière, reste en deçà du processus d’académisation survenu en France au sein de ces types de postes.

32À l’inverse, les diplômes universitaires déterminent fortement l’accès aux professions scientifiques, médicales, juridiques, sociales et culturelles dans le contexte allemand. Le passage par l’Université concerne une majorité d’artistes et de travailleurs et travailleuses sociales (Sozialarbeiter), alors que l’apprentissage de ces métiers s’effectue habituellement dans des formations moins académiques en France. Par ailleurs, plus des deux tiers des « ingénieurs et spécialistes des sciences et techniques » sont diplômés du supérieur, quel que soit l’âge, ce qui témoigne d’une académisation ancienne de ces professions. En France au contraire, moins de la moitié des spécialistes dans les sciences et techniques ont validé des études supérieures longues au sein de la génération des plus de 40 ans.

33Enfin, il n’y a pas eu en Allemagne de solidification d’un groupe équivalent à celui des « cadres » au sens français du terme (Krais, 1992). La frontière entre les fractions économiques disposant de revenus élevés, mais se détournant des études longues, et des fractions culturelles disposant d’une formation universitaire semble, de ce point de vue, plus clairement maintenue outre-Rhin. La légitimité des professions d’encadrement en Allemagne est fondée sur d’autres critères que les diplômes académiques. Cela s’explique notamment par l’institutionnalisation précoce des formations professionnelles au sein d’un « système dual » (alternance école/entreprise) qui leur confère un certain prestige (Marry et al., 1998).

34La place inégale accordée aux études longues dans l’accès aux professions supérieures est donc le résultat d’une institutionnalisation différenciée des professions d’encadrement et intellectuelles dans les deux pays. Dans une dernière étape, la robustesse de ce résultat doit être éprouvée grâce à sa mise en regard avec des représentations de l’espace social plus ancrées à l’échelon national, c’est-à‑dire plus en affinité avec la façon dont les positions sociales pertinentes sont identifiées et dénommées dans les contextes français et allemand.

Cadres versus Akademiker : la comparaison européenne à l’épreuve des catégorisations nationales

35Construites à partir de critères et d’intitulés en décalage avec les luttes de classement propres à chaque pays, les classifications statistiques européennes sont à présent mises à l’épreuve de grilles de lecture nationales de l’espace social. Cette confrontation permet de ne pas glisser vers une pente expérimentaliste, écueil auquel confronte l’usage d’un langage statistique « artificiel » détaché des réalités historiques (Passeron, 2013 [1991]), sans pour autant renoncer à l’ambition de comparer la structure de classe au sein de contextes nationaux hétérogènes. Les réflexions qui suivent montrent que les représentations étatiques et ordinaires de l’espace social sont cohérentes avec les résultats obtenus grâce aux nomenclatures européennes de profession (ESeG) et de diplôme (CASMIN).

36Deux types de catégorisations nationales sont abordés successivement. D’abord des nomenclatures socioprofessionnelles nationales (les PCS de 2003 en France ; la classification des métiers – Klassifikation der Berufe (KldB) – de 1992 en Allemagne), indicatrices des formes de catégorisations d’État existant dans ces deux pays. D’autres éléments de discussion sont ensuite tirés d’expérimentations conduites en France et en Allemagne au sujet des représentations ordinaires de l’espace social (Filhon et al., 2013 ; Deauvieau et al., 2014 ; Verdalle et al., 2017).

Catégorisations d’État

37En France, le travail politique de formation de la classe des cadres et sa position clef au sein de la nomenclature française, facilite la transposition des PCS dans les groupes ESeG. La catégorie française de « cadre » concorde en partie avec celle, européenne, de « cadre de direction salarié » (ESeG 13). Ainsi, 80 % des membres de l’ESeG 13 sont issus de la catégorie « cadres administratifs et commerciaux des entreprises » des PCS. En Allemagne au contraire, la reconstitution des professions d’encadrement à partir de la KldB se fait plus tâtonnante, du fait d’intitulés de professions plus hétéroclites. Il faut retenir une série de catégories détaillées différentes [4], extraites de sections éparses de la classification allemande, pour parvenir à rassembler 80 % des membres de l’ESeG 13. De plus, les instituts statistiques allemands construisent un ensemble des professions d’encadrement en se référant à une logique sectorielle et fonctionnelle des métiers, ce qui peut conduire à regrouper des individus relativement éloignés du point de vue du salaire et de la formation. Ainsi les « assistants de direction » (Direktorassistant), groupe majoritairement composé de femmes sans diplôme universitaire et dont le salaire net médian est de 1700 euros par mois, sont assimilés aux « chefs du personnel » (Personalleiter), groupe plus masculin, dont la moitié des membres sont diplômés de l’Université, avec un salaire net médian supérieur à 2600 euros par mois [5].

38Le morcellement des professions d’encadrement et la diversité de leurs intitulés dans la nomenclature allemande compliquent potentiellement la transposition dans la nouvelle grille ESeG. Une interprétation possible de cette hétérogénéité de diplôme des « cadres de direction » allemands consisterait à dire que cette catégorie convient mal à la société allemande et relève finalement d’un artéfact. Dès lors, l’usage de la nomenclature ESeG n’expose-t‑il pas au risque de passer outre l’inexistence objective, en Allemagne, d’une classe sociale équivalente à celle des « cadres » français et à regrouper des individus ayant suivi des parcours d’études inégaux et partageant des conditions de travail et d’existence contrastées ?

39Il est possible, à la suite de Jay Rowell, de dépasser ce dilemme en considérant que la faible unification symbolique des professions d’encadrement allemandes, leur défaut d’organisation politique et, in fine, leur difficile repérage dans les statistiques publiques fédérales, tiennent justement à leurs propriétés sociales objectives. D’après cet auteur, le moindre dynamisme de la recherche sur les inégalités de classe dans les sciences sociales allemandes peut s’expliquer par la plus forte dispersion géographique des classes supérieures en Allemagne, du fait de la multiplicité des pôles urbains de taille et de dynamisme équivalents, et par l’absence d’établissements d’élite équivalents aux grandes écoles françaises (Rowell, 2016). Nos résultats suggèrent que le maintien de voies d’accès professionnelles et extra-universitaires à des positions d’encadrement en Allemagne constitue un obstacle supplémentaire à l’unification symbolique de ce groupe et à son passage au statut de classe consciente d’elle-même. Certes il n’est pas exclu que son identité puisse être fondée sur un ancrage fort au niveau régional et sectoriel, mais ce type de pouvoir et de légitimité n’a sans doute pas la même force symbolique que l’unité conférée par la formation des cadres dans les grandes écoles françaises.

40D’autre part, le fait que les formations universitaires gardent en Allemagne leur statut de voie d’entrée dans les professions intellectuelles supérieures contribue à l’existence dans ce pays de la classe sociale aux contours bien définis que forment les Akademiker. Ce terme signifie littéralement « diplômé du supérieur », mais – contrairement à l’expression française – il est associé à un sentiment d’appartenance et comporte une dimension identitaire forte [6] (Krais, 1980 ; 1992). En outre, il ne se réfère pas uniquement au niveau d’éducation, mais fournit une indication sur l’appartenance professionnelle. Cette manière de dénommer la classe intellectuelle dominante imprègne les représentations savantes de l’espace social. Cela s’illustre par la relative porosité, au sein de la classification des métiers allemande (KldB), entre la référence au diplôme et la description de l’activité. Ainsi, un dixième environ des « cadres administratifs, financiers et commerciaux » de la nomenclature ESeG sont classés comme économistes (Wirtschaftwissenschaftler) alors même que ces personnes travaillent presque exclusivement dans le secteur privé et peuvent difficilement être assimilées à des chercheurs et chercheuses de l’Université. Autrement dit, une partie des personnels d’encadrement des entreprises sont regroupés sous un intitulé qui fait référence à la dimension scientifique de leur métier, et implicitement à leur passage par des études longues, plutôt qu’à leur fonction de direction. Au final, la correspondance étroite entre la formation et la profession rend possible une identification savante et étatique des classes supérieures sur la base des certifications scolaires plutôt que celle de l’activité exercée. De ce point de vue, les résultats dégagés grâce à l’ESeG convergent avec les schèmes de perception savants de l’espace social allemand. Mais peut‑on en dire autant des représentations du sens commun à l’œuvre en dehors du monde scientifique et académique ?

Catégorisations ordinaires

41Une fois établi le constat d’une tendance commune à bricoler lorsqu’il s’agit de situer ordinairement quelqu’un dans l’espace social, des singularités nationales se dégagent des enquêtes relatives aux représentations indigènes de la structure sociale en France et en Allemagne. En France, elles mettent davantage l’accent sur la profession, alors qu’elles portent plus volontiers sur le diplôme en Allemagne. Comment expliquer ces contrastes ? Peut‑on parler d’une porosité entre les taxinomies de la statistique publique et celle du langage commun ? Nos résultats conduisent à adopter une hypothèse concurrente : si les individus ordinaires continuent d’avoir recours à ces dénominations, c’est que celles-ci sont efficaces pour décrire les positions sociales vécues. De cette façon, les représentations mentales restent conformes à la réalité objective de la stratification sociale actuelle.

42En France, les critères relatifs à la profession, en particulier les oppositions indépendant/salarié et public/privé, sont mobilisés en priorité par les personnes enquêtées dans le cadre du jeu de cartes sur les positions sociales (Deauvieau et al., 2014). La référence aux fonctions d’encadrement constitue une dimension centrale pour classer les individus dans le haut de l’espace social. Il s’agit d’une singularité française, comme le montre la transposition du dispositif d’enquête dans divers pays européens à des fins de comparaison (Filhon et al., 2013). Dans l’enquête dirigée par Alexandra Filhon, l’expression de « cadre (supérieur) » a été employée par un tiers des personnes françaises enquêtées pour désigner la catégorie A « higher salariat » de l’ancienne nomenclature européenne (ESeC). Au contraire, la référence à l’encadrement est quasiment absente au sein du groupe allemand ayant participé à l’enquête. Le terme cadre n’a donc pas d’équivalent dans les autres pays. Il « se rattache à la nomenclature nationale des PCS », mais sans doute plus directement encore « aux conventions collectives du pays » (Filhon et al., 2013 : 389). Par ailleurs, le diplôme reste en France une caractéristique de second rang dans les classements ordinaires, celui-ci servant « plutôt d’attribut renforçant la dimension de la qualification des emplois » (Deauvieau et al., 2014 : 430). Certes, deux à trois décennies après l’amorce de la dernière expansion universitaire en France, les diplômes du supérieur sont devenus un attribut essentiel pour « s’en sortir » dans les représentations ordinaires, comme le montrent les investissements éducatifs des familles de milieux populaires (Poullaouec, 2004). Pour autant, ce critère n’a pas pris le dessus sur celui de la profession pour se situer subjectivement dans l’espace social. Or la référence persistante au type d’emploi et au contenu de l’activité fait écho au fort degré d’incertitude relatif à la valeur sociale des diplômes en France, dans un contexte d’élargissement de la population étudiante et de professionnalisation de l’enseignement supérieur.

43En Allemagne au contraire, le critère de niveau d’études est privilégié pour désigner le haut de l’espace social, avec la référence fréquente aux Akademiker (Filhon et al., 2013). Certes, les intitulés de la classification des « positions dans la vie professionnelle » (Stellung im Beruf) sont également mentionnés par les personnes enquêtées. Cependant, les catégories qui la composent sont peu clivantes – la catégorie des « employés » (Angestellte) couvrant à elle seule la grande majorité des emplois – et donc peu opératoires pour tracer des frontières entre groupes (Pfeuffer & Schultheis, 2002). En 1980, soit peu après l’augmentation démographique rapide survenue dans les universités allemandes, la sociologue Beate Krais s’interrogeait sur les conséquences de cette mutation en termes de stratification sociale, et sur l’éventuel effacement du terme Akademiker au profit de celui de « diplômé du supérieur » (Hochschulabsolvent). Le premier désigne une classe sociale clairement identifiée, caractérisée par son homogénéité sociale en termes d’activité et de conditions d’existence et par un fort sentiment d’appartenance. Le second est plus technique et vidé de sa dimension politique, faisant du diplôme un élément accessoire de l’appartenance de classe. Beate Krais concluait que la « différenciation croissante des diplômés du supérieur en fonction de la spécialité disciplinaire [était] un élément constitutif de la destruction de la formation académique en tant qu’instrument de légitimation de la domination [7] » (Krais, 1980 : 87,). Or ce pronostic est démenti par la perpétuation du groupe des Akademiker dans les représentations du sens commun, stabilité dont la même autrice prend acte dans un article publié une dizaine d’années plus tard (Krais, 1992). Mon argument est que la force et la constance intergénérationnelle de l’association statistique entre le diplôme et la profession sont partie prenante du maintien de l’identité de ce groupe.

Conclusion

44Du fait d’une expansion rapide de l’enseignement supérieur, les jeunes générations se caractérisent en France par une plus grande dispersion des lauréats et lauréates du supérieur long entre groupes professionnels. À l’inverse en Allemagne, les études supérieures maintiennent leur degré de sélectivité du fait d’un cloisonnement précoce des filières du secondaire et d’une orientation fréquente vers les formations professionnelles dites « duales ». Ces deux éléments, combinés à une situation économique plus favorable qu’en France, expliquent que les diplômes universitaires allemands continuent de réserver un accès presque systématique aux professions intellectuelles supérieures. D’autre part, les diplômes académiques n’interviennent pas de la même façon dans l’opposition entre les fractions économiques et culturelles des classes supérieures au sein des deux pays. En France, les professions d’encadrement ont connu un processus d’académisation qui les rapproche du niveau formel d’éducation des professions libérales et intellectuelles plus anciennement dotées en ressources scolaires. En Allemagne, la frontière symbolique de l’accès à l’Université reste déterminante pour distinguer les fractions du haut de l’espace professionnel.

45Finalement, l’imbrication des hiérarchies scolaires et professionnelles mesurée par l’ESeG est en accord avec les catégorisations sociales plus ancrées à l’échelon national. Les agencements entre le diplôme et la profession observés en France et en Allemagne font écho aux catégories étatiques et ordinaires mobilisées usuellement pour désigner les classes supérieures dans les deux pays. L’allongement des études au sein des professions d’encadrement en France s’inscrit dans un processus de consolidation et de légitimation de la classe sociale des cadres, tandis que le maintien de diplômes universitaires hautement distinctifs en Allemagne participe à la perpétuation de celle des Akademiker. Ce point illustre le caractère malléable et polymorphe de la domination des classes supérieures, mais conduit aussi à questionner la prétention de ces dernières au dépassement des clivages nationaux.

Notes

  • [1]
    Cet article doit beaucoup aux précieuses relectures de Milan Bouchet-Valat, Cyril Jayet, Étienne Penissat, Rémi Sinthon et Laure de Verdalle ainsi qu’à Delphine Renard et aux membres du comité de rédaction de L’Année sociologique, que je remercie chaleureusement.
  • [2]
    Cette tranche d’âge a été choisie car elle permet de limiter la part de personnes situées en dehors du marché du travail pour motif d’études ou de retraite.
  • [3]
    Il s’agit des cadres de direction salariés qui travaillent dans les secteurs de la restauration, de l’hôtellerie et du commerce.
  • [4]
    À savoir : Unternehmer, Betriebsleiter, Manager, Geschäftsführer, Geschäftsbereichleiter (terme décliné selon le secteur d’activité : Personalleiter…), Direktionsassistant.
  • [5]
    Seule une consultation de la version complète du microrecensement, consultable dans des centres d’accès sécurisés aux données (On-Site-Nutzung) permet de se rendre compte de cette hétérogénéité, ces professions étant agrégées dans les données anonymisées (Scientific-Use-Files).
  • [6]
    En témoigne l’habitude, en Allemagne, d’inscrire le plus haut titre universitaire obtenu devant le nom de famille dans l’identité civile (par exemple Dr. pour les titulaires d’un doctorat, MA pour les titulaires d’un master…).
  • [7]
    Traduction de l’autrice.
Français

À travers une comparaison franco-allemande, cet article s’attache à montrer comment les classements scolaires et professionnels s’articulent, et quelles nuances nationales cela produit dans les modalités d’accès et d’identification aux classes supérieures. L’analyse se fonde sur un usage réflexif de la nomenclature socio-économique européenne ESeG et des Labour Force Surveys conduits en 2011. En France, l’allongement des études associé à l’instabilité du marché du travail a conduit à un affaiblissement du lien entre le diplôme et la profession chez les femmes, ainsi qu’à une accumulation de titres scolaires par les cadres des deux sexes. En Allemagne au contraire, les femmes et les hommes des professions intellectuelles supérieures ont conservé le monopole de la légitimité académique liée aux études supérieures longues. Finalement, nous montrons que les résultats sont cohérents avec les façons différenciées de catégoriser ordinairement les classes supérieures à l’échelle nationale.

Mot-clés

  • sociales 
  • Profession 
  • Diplôme 
  • Genre 
  • Comparaison 
  • France 
  • Allemagne
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Pauline Vallot
Département de sciences sociales, École normale supérieure
Centre européen de sociologie, université Paris I
Pauline Vallot prépare une thèse en cotutelle au Centre européen de sociologie et de sciences politiques (Paris 1) et à l’Institut de sociologie de l’université de Göttingen (Allemagne). Elle s’intéresse à la disqualification professionnelle des personnes immigrées et diplômées du supérieur, qu’elle relie aux transformations contemporaines de l’enseignement supérieur et de la stratification sociale françaises et allemandes. Elle occupe actuellement un poste d’agrégée préparatrice au sein du département de sciences sociales de l’École normale supérieure de Paris.
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/09/2019
https://doi.org/10.3917/anso.192.0425
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