1Avec « les crises du logement » qui sévissent depuis une vingtaine d’années [1], la société française se structure notamment à travers les inégalités de logement qui la traversent. Les catégories sociales les plus fragiles, en marge du marché du travail et regroupant les individus les plus jeunes et les plus modestes, subissent directement les conséquences du renchérissement du logement. Massivement locataires, elles contraignent leurs modes de consommation pour payer leur loyer alors que, dans le même temps, les coûts supportés par les propriétaires plus âgés sont, en moyenne, moins lourds dans leurs budgets (Bugeja-Bloch, 2013).
2Participant aux clivages entre groupes sociaux, le logement joue donc comme un marqueur social en France. L’objectif de cette contribution est, d’une part, d’éprouver ce résultat dans d’autres contextes nationaux et, d’autre part, d’analyser comment se jouent les inégalités de logement entre classes sociales en emploi. Pour ce faire, l’article s’appuie sur une comparaison des positions résidentielles des ménages dont un membre au moins est en emploi, selon leurs positions sociales, entre quatre pays européens : Danemark, Espagne, France et Royaume-Uni, choisis pour leur appartenance à des régimes d’État-providence (Esping-Andersen, 1999) et à des modèles de logement différents. Il s’agit de comparer les formes et l’ampleur des inégalités sociales de logement dans ces quatre pays. Mobilisant des données recueillies en 2011 (Encadré 1), le contexte étudié est celui de l’après-crise des subprimes. Sur le marché immobilier, la crise a conduit les organismes prêteurs à durcir leurs conditions d’accès au crédit et à faire preuve de davantage de prudence. Ce regain de prudence a suscité un recul des transactions immobilières partout en Europe entre 2007 et 2008, avec des effets à plus ou moins long terme.
3De nombreuses recherches nationales ont étudié l’articulation des positions sur le marché du logement et celui du travail. Au Royaume-Uni, où le lien est particulièrement ténu, on peut notamment citer les travaux de Peter Saunders (1978 ; 1984), de John Ermish et Pamela Di Salvo (1996), de Chris Hamnett (1984, 1999). Au niveau international, il existe de nombreux travaux comparatifs. Soit, ils proposent des typologies de modèles de logement sans les articuler à la question des inégalités sociales de logement. Soit, ils concentrent l’analyse sur un segment précis du parc de logement. Les ouvrages collectifs dirigés par Claire Lévy-Vroelant et Christian Tutin (2010) et par Noémie Houard (2011) s’intéressent par exemple au logement social en Europe. Sur les inégalités sociales d’accès à la propriété, l’ouvrage de Judith Allen et ses co-auteurs (Allen et al., 2004) porte sur les pays du Sud. Celui dirigé par Karin Kurz et Hans-Peter Blossfeld (2004) dresse des analyses à l’échelle mondiale, mais ne permet pas des comparaisons systématiques à défaut de données harmonisées. Caroline Dewilde et Pascal De Decker (2016) analysent par exemple les difficultés d’accès au logement et les conditions de logements des ménages à bas revenus selon les modèles de logement.
4Très rares sont donc les analyses qui portent précisément sur les inégalités de classes sociales devant la question du logement en comparaison internationale. Par rapport à cette littérature, notre ambition est double. L’objectif est de développer ce champ de recherche en mobilisant une nomenclature de position sociale européenne sur des données européennes (Encadré 1). Il s’agit ensuite d’avoir une vision des inégalités sociales de logement qui ne se limite pas à la position sur le marché du logement (définie par le statut d’occupation), mais qui intègre à l’analyse les conséquences de ces inégalités de position sur le coût du logement et les modes de vie dans la lignée de la comparaison binationale réalisée entre la France et le Royaume-Uni (Bugeja-Bloch, 2013). Les inégalités face au coût dépendent non seulement des positions sur le marché du logement, mais encore des formes de régulations nationales (logement social et aides à la personne).
5L’enjeu est de comparer les inégalités à l’œuvre dans quatre pays (Danemark, Espagne, France et Royaume-Uni) appartenant chacun à un modèle de logement différent et de les expliquer au regard des caractéristiques politiques, institutionnelles et contextuelles (Kemeny, 1981 ; Kemeny & Lowe, 1998 ; Bourdieu, 2000 ; Malpass, 2008 ; Van der Hejden, 2013 ; Steinmetz, 2015 ; André & Chalaux, 2018, etc.). Cette contribution pose trois questions principales. La nomenclature ESeG est‑elle opérante et structurante pour rendre compte de la stratification sociale sous l’angle du logement ? Quelles sont, sur le marché du logement, les positions des différentes catégories sociales dans les quatre pays ? Quel est le rôle du contexte politique et institutionnel dans la relation entre inégalités sur le marché du travail et inégalités de logement ? La première partie vise à poser le cadre de la comparaison internationale, la seconde porte sur une analyse de l’articulation entre positions résidentielles et positions de classe.
Penser le logement en comparaison internationale
De la typologie des modèles de logement…
6Pour faciliter la comparaison internationale, une typologie des modèles de logement en Europe a été empiriquement construite à partir de l’enquête internationale EU-SILC de 2011 (Bugeja-Bloch, 2016). À l’instar de l’approche « intermédiaire » (ni particulariste, ni universaliste) que préconisent Jim Kemeny et Stuart Lowe (1998), l’utilisation de typologies permet d’échapper à la tentation d’étudier tous les pays un à un pour concentrer l’analyse plutôt sur un pays de chaque type. Comme les typologies des modèles de logement qui ont vu le jour depuis (Dewilde & De Decker, 2016 ; André & Chalaux, 2018), celle-ci s’inscrit dans la lignée des théories du Welfare Regimes de Gosta Esping-Andersen (1999) et des systèmes locatifs de Jim Kemeny (1992 ; 1995).
7Jim Kemeny a été le premier à analyser la répartition des statuts d’occupation comme un déterminant des inégalités de logement (1992). D’après lui, les différences constatées dans les taux de propriété entre pays s’interprètent comme des idéologies divergentes : « collectiviste » ou « individualiste ». Promouvoir la propriété en tant que solution privative aux problèmes de logement s’inscrit dans une vision individualiste, la propriété offrant une alternative à la sécurité sociale en vue de la retraite. Développer la location s’inscrit à l’inverse dans une gestion plus collective. En 1995, J. Kemeny dépasse cette vision binaire et l’articule avec les représentations du secteur locatif. Il oppose alors les modèles où le secteur locatif est dual à ceux où il est unitaire. Dans le premier cas, l’État introduit du logement social ou encourage son développement pour produire un filet de sécurité pour les populations les plus pauvres. Le secteur public n’est alors pas en concurrence avec le secteur privé, mais est en conséquence résiduel et stigmatisé (Balchin, 1996 ; André & Chalaux, 2018). Dans l’autre cas, où les deux secteurs locatifs (social et privé) sont intégrés, le locatif social offre alors une alternative réelle et attractive à la location privée et à la propriété.
8Cette distinction, en lien direct avec les modèles d’État-providence, traduit des « conceptions » du logement social différentes. Laurent Ghekière (2007) en distingue deux. La première, qualifiée d’universelle, vise à permettre à l’ensemble des ménages de se loger dans un logement décent et abordable grâce à une offre complémentaire. La seconde, qualifiée de ciblée, pallie les défauts du marché libre en aidant ceux qui sont incapables de s’offrir un logement décent à un prix abordable. Cette conception ciblée peut prendre deux formes : une résiduelle, pour laquelle seuls les foyers vulnérables (allocataires, chômeurs, handicapés, personnes âgées) sont susceptibles d’habiter un logement social, et une généraliste qui conditionne alors l’accès au parc social aux ressources. Ces conceptions sont importantes, car elles permettent de comprendre non seulement les modalités d’accès et les profils des locataires du parc social, mais aussi les représentations et les stigmates que toute politique ciblée induit (Paugam, 2009).
9La typologie des modèles de logement, qui correspond à celle de G. Esping-Andersen a été construite à partir d’une analyse factorielle sur l’Europe des 15, réalisée à partir des données de EU-SILC (2011) avec les variables suivantes : la répartition des statuts d’occupation du logement, la proportion d’allocataires du logement, un indicateur du coût objectif du logement (la part des ménages qui présentent un taux d’effort supérieur à 40 %), un autre sur le coût subjectif (la part de ceux qui déclarent que leurs dépenses de logement constituent un fardeau) et la part des transferts sociaux dans les revenus (Annexe, Tableau A1 ; Bugeja-Bloch, 2016). La confrontation avec d’autres typologies de modèles de logement (André & Chalaux, 2018 ; Dewilde & De Decker, 2017) rend compte à la fois de la stabilité des idéaux-types produits (souvent au nombre de 4 et avec des regroupements de pays géographiquement proches récurrents) et de la porosité des frontières (certains pays basculant d’un type à l’autre) selon le nombre de pays étudiés, la méthodologie et les dimensions retenues. Avec les critères du statut d’occupation et des coûts objectif et subjectif du logement retenus, le Danemark, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni sont représentatifs des quatre idéaux-types qu’il s’agit désormais de préciser [2].
… aux quatre idéaux-types
10Au Royaume-Uni, pays appartenant au régime libéral, la propriété privée est hégémonique (avec une dominante de propriété en accession [3]), car elle est synonyme de liberté individuelle (Kurz & Blossfeld, 2004) (Graphique 1). L’intervention gouvernementale est considérée comme positive quand elle aide le marché à opérer librement ou protège ceux qui sont incapables de s’accomplir eux-mêmes. Par comparaison, la location est moins répandue et la location sociale (réglementée) domine la location à prix de marché tout en s’inscrivant dans une logique ciblée et résiduelle qui marque les représentations puisque les coûts du logement y sont perçus comme trop lourds et donc inégalitaires (Annexe, Tableau A1) [4].
11Conformément aux travaux de J. Kemeny (1992 ; 1995), G. Esping-Andersen (1990) et Karin Kurz et Hans P. Blossfeld (2004), les pays relevant du régime social-démocrate se définissent par une forte intervention publique. Les coûts du logement sont collectivisés et régulés afin de garantir à tous un certain standard de conditions de logement et un accès abordable au logement. Pour autant, cette collectivisation ne va pas à l’encontre d’un secteur développé de la propriété. Ces résultats se vérifient d’après la typologie des modèles de logement construite puisque les pays nordiques sont qualifiés par leur dominante d’accession à la propriété et de location réglementée. Au Danemark, les parts de propriétaires et de locataires du secteur réglementé sont identiques et le secteur locatif réglementé est en proportion plus développé que dans les modèles libéraux (Graphique 1). Les coûts du logement sont faibles et ne sont pas perçus comme une source d’inégalités puisque le logement social s’inscrit dans une conception universelle (Annexe, Tableau A1).
12Il est en revanche plus difficile d’établir un lien clair entre le modèle conservateur et une forme préférée d’occupation puisque ni l’individualisme ni le collectivisme ne domine (Kemeny, 1981 ; Kurz & Blossfeld, 2004). Toutefois, l’engagement de l’État vis-à-vis du secteur locatif y est théoriquement plus fort que dans un modèle libéral. Là encore, cette position intermédiaire se vérifie empiriquement et ce type est précisément qualifié par son absence de dominante. Tous les statuts d’occupation coexistent sans qu’aucun ne soit marginal (voir le cas de la France, Graphique 1). La location sociale est ciblée, mais généraliste, si bien que les coûts du logement sont élevés, mais sans être vécus sur le registre des inégalités compte tenu de l’importance des régulations (Annexes, Tableau A1).
13Enfin, les pays du sud de l’Europe, qui font partie du régime familialiste ajouté en 1999 par G. Esping-Andersen, se caractérisent par la place hégémonique de la propriété sans crédit. L’Espagne compte plus de 80 % de propriétaires et précisément 52 % de propriétaires non-accédants (Graphique 1). Dans le triptyque État, marché, famille ; la famille y est centrale. Le parc social quasi absent et la très faible proportion de bénéficiaires des allocations logement reflètent la faiblesse des interventions de l’État. Étant donné la proportion élevée de propriétaires dégagés des crédits d’achat, les coûts du logement sont, en moyenne, faibles, mais inégalitaires dans les représentations à cause du poids des transmissions familiales et de la reproduction sociale (Annexes, Tableau A1).
14Les idéaux-types étant posés, l’enjeu est désormais de rendre compte de la force et de la forme de l’articulation des positions sur les marchés du logement et du travail dans les quatre pays.
Graphique 1. – Répartition des statuts d’occupation du logement en 2011 pour le Danemark, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni (en %)


Graphique 1. – Répartition des statuts d’occupation du logement en 2011 pour le Danemark, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni (en %)
Note : La nomenclature des statuts d’occupation retenue dans les enquêtes EU-SILC regroupe sous un même item l’ensemble du secteur locatif réglementé, indépendamment de son caractère libre ou social. Au Danemark, l’absence de secteur locatif à prix de marché relève de la construction des données. Dans ce pays, la distinction entre les deux modes de location n’est pas mesurée, car l’ensemble du parc locatif privé est réglementé. Les deux tests du Chi-2 sont significatifs (p<0,0001).Champ : en haut, ensemble des ménages, en bas, ensemble des ménages dont le référent ou le conjoint sont actifs occupés.
Source : Enquête EU-SILC 2011.
Positions de classe et inégalités sociales de logement dans quatre pays d’Europe
15Pour étudier l’association entre position sociale et position sur le marché du logement, l’analyse porte d’une part sur la distribution des différents statuts d’occupation du logement selon les positions sociales et sur des indicateurs d’association de ces deux variables (Tableau 1) et, d’autre part, sur des modèles de régression des taux d’effort nets du logement pour les ménages en accession à la propriété puis en location (Tableau 2). Ces derniers sont expliqués d’abord par l’ESeG du ménage et ensuite par le revenu disponible des ménages pour comparer leurs effets respectifs à autres variables contrôlées (Encadré 1).
16Le tableau 2 présente quatre modèles d’analyse de covariance pour chacun des quatre pays pour lesquels il s’agit d’expliquer les taux d’effort nets du logement. Le taux d’effort du logement rapporte les dépenses de logement aux revenus disponibles du ménage. Les dépenses de logement, dont l’enjeu est qu’elles reflètent des dépenses effectives, comprennent toutes les dépenses relatives à la résidence principale : énergie, eau, assurance, entretien courant, loyers des locataires et remboursements de prêts (intérêt et capital) des propriétaires. Ces dépenses sont nettes des aides au logement.
17Puisque les taux d’effort dépendent des statuts d’occupation (Fack, 2009 ; Bugeja-Bloch, 2013), pour chaque pays, on construit les modèles 1a et 2a qui portent sur la sous-population des accédants à la propriété, et les modèles 1b et 2b sur celles des locataires regroupant les deux secteurs (libre et réglementé).
18Les modèles 1a et 1b comportent les variables explicatives suivantes : ESeG la plus haute du couple (Encadré 1) avec les peu qualifiés pour référence, âge de la personne de référence du ménage, degré d’urbanisation à trois modalités (zone très dense, intermédiaire et peu dense), cette dernière étant la référence, le nombre de personnes dans le logement et le nombre de pièces d’habitation. Les modèles 2a et 2b comportent les mêmes variables et mêmes références à l’exception d’ESeG qui est remplacée par les quintiles du revenu disponible des ménages. Les 20 % des ménages aux revenus les plus élevés constituent la référence. Les coefficients de détermination (R²) des modèles 1 et 2 sont comparés pour rendre compte du pouvoir explicatif relatif d’ESeG et des revenus des ménages.
La faible capacité d’ESeG à prédire les inégalités de logement
20Tous les indicateurs convergent et rendent compte, partout, du lien significatif, mais faible, entre la position sociale du ménage définie par ESeG et la position résidentielle. Selon les V de Cramer et les coefficients d’incertitude, relativement faibles, la position sociale telle que mesurée par ESeG ne constitue pas le principal déterminant du statut d’occupation du logement (Tableau 1). En dépit de ce lien faible, la forme de la relation est claire et identique dans les quatre pays (Graphiques 2, 5 et 6) : les catégories supérieures sont surreprésentées dans la propriété, et les classes populaires dans la location. Cette relation n’est pas propre à un type de territoire : elle se vérifie dans les zones denses et peu denses, excepté en Espagne où le lien se distend en zone urbaine dense.
Tableau 1. – Indicateurs d’association entre la position sociale (ESeG la plus haute du couple) et le statut d’occupation du logement (à quatre modalités) dans chacun des quatre pays
France | Royaume-Uni | Danemark | Espagne | |
Probabilité associée au Chi-2 | < 0,0001 | < 0,0001 | < 0,0001 | < 0,0001 |
V de Cramer (ddl) | 0,145 (24) | 0,1634 (24) | 0,1768 (18) | 0,1189 (24) |
Coefficient d’incertitude C|L (Standard error) | 0,0288 – 0,002 | 0,042 – 0,003 | 0,0444 – 0,011 | 0,0211 – 0,003 |
Coefficient d’incertitude L|C (Standard error) | 0,0222 – 0,002 | 0,0284 – 0,002 | 0,0235 – 0,006 | 0,0133 – 0,002 |
Effectifs pondérés | 7864,2 | 8195,3 | 1566,1 | 5111,5 |
Tableau 1. – Indicateurs d’association entre la position sociale (ESeG la plus haute du couple) et le statut d’occupation du logement (à quatre modalités) dans chacun des quatre pays
Notes : Le coefficient d’incertitude, appelé le Tau de Leo A. Goodman et William H. Kruskal, est un indicateur d’association asymétrique.Coefficient C|L : il mesure le pourcentage d’amélioration de prédiction de C (colonne, ici : le statut d’occupation du logement) apporté par la connaissance de L (ligne, ici : ESeG). Au Danemark, la connaissance de l’ESeG du couple améliore la connaissance du statut d’occupation de 4,4 %. Coefficient d’incertitude L|C : il mesure le pourcentage d’amélioration de prédiction de l’ESeG sachant le statut d’occupation du logement.
Standard error : erreur type qui permet d’accorder une certaine confiance à la valeur de cette mesure (Confais et al., 2005).
21Concernant l’articulation entre taux d’effort du logement et position économique et sociale, la comparaison des coefficients de détermination des modèles montre à quel point les quintiles du revenu disponible des ménages expliquent mieux les variations des taux d’effort que l’ESeG du ménage (Tableau 2) [5]. Cette plus forte capacité prédictive du revenu se vérifie tant chez les accédants à la propriété que chez les locataires des quatre pays. Systématiquement, les taux d’effort s’élèvent à mesure que les revenus diminuent, et cela très fortement. La nomenclature ESeG ne reflète qu’une mince partie de cette échelle économique puisque les relations entre ESeG et taux d’effort ne sont ni systématiques ni hiérarchiques. Mis à part le cas français qui fait figure d’exception, partout ailleurs, les petits indépendants et les peu qualifiés, qu’ils soient locataires ou accédants, font les efforts les plus importants, à autres caractéristiques contrôlées. En Espagne, à ces catégories à taux d’effort élevé, s’ajoutent également les cadres dirigeants. Là-bas, le statut d’indépendant constitue un facteur augmentant significativement le poids du logement.
Absence d’inégalités de logement en France ?
22Le parc de logements français se caractérise par une apparente liberté des statuts d’occupation du logement puisqu’aucun d’eux n’est marginal. La particularité du cas français tient à la place relativement importante du parc locatif privé (21 %, Graphique 1) qui s’explique par les nombreuses incitations fiscales à destination des propriétaires bailleurs ainsi que par les aides au logement versées aux locataires (dont la proportion d’allocataires est élevée). Si les deux secteurs locatifs coexistent et accueillent près de 40 % des ménages, 60 % sont aujourd’hui propriétaires occupants. Depuis la réforme de 1977, l’équilibre français entre aide à la pierre et à la personne a balancé du second côté (Bourdieu, 2000) et s’y est ancré avec la promotion de la propriété depuis les années 2000 (Driant, 2010 ; Lambert, 2015). Les proportions de propriétaires en France, bien que proches de celles en vigueur au Danemark (Graphique 1), dissimulent toutefois des rapports différents à la propriété endettée, en lien avec les systèmes de crédit en vigueur. En France, sur l’ensemble des ménages, 38 % accèdent à la propriété sans crédit, tandis que 22 % en souscrivent un. Ces proportions s’inversent totalement lorsque le champ porte sur les actifs occupés (23 % et 35 %). Différent du crédit hypothécaire (à l’œuvre en Espagne, au Royaume-Uni et au Danemark) où le bien acheté sert de garantie, le système de crédit immobilier français repose davantage sur la caution (Bugeja, 2011). Le regard de l’organisme prêteur se porte donc davantage sur les revenus de l’emprunteur : leur montant et leur stabilité. Les conditions d’accès au crédit (et donc à la propriété) sont ainsi plus rigides qu’ailleurs et excluent certaines franges instables des catégories populaires ainsi que les jeunes, les chômeurs, les inactifs et les retraités (Lambert, 2015 ; Bugeja-Bloch, 2013).
Tableau 2. – Modèles d’analyse de covariances expliquant les taux d’effort nets pour le logement (coefficients estimés)
France | Royaume-Uni | Espagne | Danemark | |||||||||||||
Accédants | Locataires | Accédants | Locataires | Accédants | Locataires | Accédants | Locataires | |||||||||
Modèle 1a | Modèle 1b | Modèle 1a | Modèle 1b | Modèle 1a | Modèle 1b | Modèle 1a | Modèle 1b | |||||||||
Constante | 58 | *** | 32,4 | *** | 51,5 | *** | 51,7 | *** | 50,4 | *** | 51,3 | *** | 58,2 | *** | 69 | *** |
EseG la plus haute du couple | ||||||||||||||||
1– CD | – 1,4 | 0,5 | – 3,9 | ** | – 3,7 | 7,1 | *** | 1,6 | – 3,7 | ** | – 10,4 | ** | ||||
2– PIS | – 1,9 | 1,7 | – 6,1 | *** | – 3,6 | * | – 12,9 | *** | – 14,3 | *** | – 3,7 | ** | – 11,7 | *** | ||
3– PI | – 1,1 | – 1 | – 4,3 | ** | – 4,6 | ** | – 11,8 | *** | – 15,3 | *** | – 3,8 | ** | – 7,9 | ** | ||
4– PE | 0,1 | 6,5 | *** | 5,9 | ** | 0,3 | 15 | *** | 1,4 | 5,3 | ** | – 1,6 | ||||
5– EQ | 1 | – 1,1 | – 4,3 | ** | – 6,9 | *** | – 8,8 | *** | – 7,6 | *** | – 1,1 | – 8,8 | *** | |||
6– OQ | 0,9 | – 1,8 | * | – 1,1 | – 7,3 | ** | – 7,2 | *** | – 9,8 | *** | 0,3 | – 10,2 | *** | |||
7– PQ | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||||||||
Âge de la personne de référence | 0,4 | *** | 0 | 0,1 | ** | 0,1 | 0 | 0,2 | ** | 0,1 | *** | 0,4 | *** | |||
R² (en %) | 9,30 | 8,10 | 9,70 | 11,70 | 16,30 | 15,80 | 13,30 | 18,70 | ||||||||
Modèle 2a | Modèle 2b | Modèle 2a | Modèle 2b | Modèle 2a | Modèle 2b | Modèle 2a | Modèle 2b | |||||||||
Constante | 37,3 | *** | 10,2 | *** | 26,6 | *** | 22 | *** | 10,8 | *** | 7,4 | ** | 23,2 | *** | 17,1 | ** |
Quintiles des revenus disponibles des ménages | ||||||||||||||||
Revenu Q1 | 24,4 | *** | 21 | *** | 54,2 | *** | 46,4 | *** | 74,1 | *** | 59,1 | *** | 45,6 | *** | 35,6 | *** |
Revenu Q2 | 17,4 | *** | 10,4 | *** | 27,1 | *** | 21,2 | *** | 33,8 | *** | 28,3 | *** | 22,3 | *** | 16,5 | *** |
Revenu Q3 | 8,6 | *** | 7,2 | *** | 15,6 | *** | 13,3 | *** | 17,8 | *** | 17,6 | *** | 11,1 | *** | 10,9 | ** |
Revenu Q4 | 6 | *** | 3,8 | ** | 8,7 | *** | 5,4 | *** | 9 | *** | 6,2 | ** | 7 | *** | 3,1 | |
Revenu Q5 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | ||||||||
Âge de la personne de référence | 0,4 | *** | 0 | 0,2 | *** | 0,1 | * | 0,1 | * | 0,2 | *** | 0,2 | *** | 0,2 | *** | |
R² (en %) | 19,40 | 20,60 | 43,60 | 44,60 | 61,60 | 57,50 | 39,90 | 37,30 | ||||||||
N | 2361 | 2256 | 2378 | 1053 | 2891 | 837 | 2370 | 739 |
Tableau 2. – Modèles d’analyse de covariances expliquant les taux d’effort nets pour le logement (coefficients estimés)
Notes : Pour chaque modèle, le degré d’urbanisation, le nombre de personnes dans le ménage et le nombre de pièces d’habitation sont également introduits comme variables de contrôle. Seuil de significativité : *** significatif au seuil de 0,1 %, ** significatif au seuil de 1 %, * significatif au seuil de 5 %. CD : Cadres dirigeants, PIS : Professions intellectuelles scientifiques, PI : Professions intermédiaires salariées, PE : Petits entrepreneurs, EQ : Employés qualifiés, OQ : Ouvriers qualifiés, PQ : Peu qualifiés. D’après le modèle 2a sur les accédants à la propriété français, les 20 % les plus pauvres ont un taux d’effort de 24,4 points de plus que les 20 % les plus aisés.23Concernant les catégories insérées sur le marché du travail, d’un côté, les inégalités d’accès à la propriété dépendent, en partie, de la position sociale (Tableau 1, Graphique 2), de l’autre, les écarts devant le coût du logement paraissent peu (voire pas) structurés par la position sociale telle que définie par ESeG (Tableau 2, Graphique 3). Nous verrons ci-après comment cela s’explique par les données et la nomenclature en question. Si l’association entre ESeG et statuts d’occupation est visible et hiérarchique, ce lien est, d’après les indicateurs d’association, moins puissant qu’au Danemark ou qu’au Royaume-Uni, mais particulier dans la mesure où les positions sur les deux marchés (du travail et du logement) s’entretiennent l’une l’autre tels des « vases communicants » (Dietrich-Ragon, 2013 : 394) ou une spirale. En effet, les deux coefficients d’incertitude étant d’ampleur égale (Tableau 1). La force et le sens du lien étant posés, analysons maintenant les situations de logement des différents groupes distingués par ESeG.
24Les petits indépendants se distinguent très nettement par le fait que 80 % d’entre eux sont propriétaires (40 % sont accédants et 40 % sont non-accédants). Cette spécificité peut s’expliquer, en partie, par les principaux secteurs d’activité de ces petits indépendants. Avec 25 % travaillant dans le secteur agricole et 13 % dans celui de la construction, on peut faire les hypothèses suivantes. Les agriculteurs exploitants sont sans doute propriétaires de leur habitat et de leur outil de travail sans distinction et les petits indépendants du secteur du bâtiment sont vraisemblablement nombreux à être propriétaires de la maison qu’ils ont construite, au moins en partie. À autres variables contrôlées, quand ils ne sont pas propriétaires, louer constitue un surcoût important pour ces petits entrepreneurs (Tableau 2). Leur instabilité professionnelle est peut-être sanctionnée par des loyers élevés dans le secteur libre, à défaut d’autre garantie pour les propriétaires-bailleurs. Ce surcoût tient aussi à leur moindre occupation du parc social au regard des catégories populaires.
25Mis à part les petits indépendants dont on a vu qu’ils sont fréquemment propriétaires non endettés, la propriété dégagée des crédits d’achat n’est pas le reflet de clivages sociaux au sein des actifs occupés puisque les écarts entre groupes sociaux sont faibles. À contrario, le graphique 2 rend compte d’inégalités d’accès à la propriété endettée : la part des propriétaires accédants est d’autant plus élevée que le ménage occupe une position haute dans la hiérarchie sociale, et ce, y compris en zone urbaine dense [6]. Si ce statut est socialement situé, il ne génère pas, à autres caractéristiques contrôlées, de taux d’effort différenciés entre catégories en accession (Tableau 2). Autrement dit, une fois le crédit accordé par l’organisme prêteur en fonction des ressources des acquéreurs potentiels, la part des revenus que ces accédants allouent à leur crédit immobilier est la même. Les inégalités se jouent donc à l’entrée dans l’accession.
26L’habitat dans le secteur locatif réglementé s’articule, lui aussi, à la position sociale (Graphique 3). En haut de la hiérarchie (des cadres dirigeants aux professions intermédiaires salariées), toutes les catégories habitent ce secteur dans des proportions similaires, autour de 14 %. En bas de l’échelle, la part de ceux logés dans le parc locatif social est plus élevée et s’établit à 20 % pour les ouvriers et employés qualifiés et à 25 % pour les peu qualifiés. La conception ciblée, mais généraliste de ce parc lui fait accueillir en premier les moins favorisés, mais en répondant à un objectif de mixité sociale.
27Le secteur locatif à prix de marché est enfin le plus hiérarchique. Les peu qualifiés et les ouvriers qualifiés sont en effet, en proportion, deux fois plus nombreux à y loger que les professions intellectuelles scientifiques ou intermédiaires. Ce secteur s’est non seulement paupérisé, précarisé et rajeuni (Accardo & Bugeja, 2009 ; Bugeja-Bloch, 2013), mais encore il accueille, parmi les ménages en emploi, ceux qui occupent le bas de la hiérarchie sociale (Graphique 2).
Graphique 2. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage en France (en %)

Graphique 2. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage en France (en %)
Notes : CD : Cadres dirigeants, PIS : Professions intellectuelles scientifiques, PI : Professions intermédiaires salariées, PE : Petits entrepreneurs, EQ : Employés qualifiés, OQ : Ouvriers qualifiés, PQ : Peu qualifiés. Voir Tableau 1 pour les indicateurs d’association.Champ : Ensemble des ménages dont le référent ou le conjoint sont actifs occupés des quatre pays en 2011.
Source : Enquête EU-SILC 2011.
28Par comparaison, en France, le lien entre position sociale et position résidentielle est plus intense qu’en Espagne, mais plus faible qu’au Royaume-Uni ou au Danemark (Tableau 1). Ce pouvoir structurant de la classe sociale définie par ESeG paraît encore moindre quant aux taux d’effort pour le logement. D’après les modèles de régression, c’est précisément en France que cette capacité prédictive est la plus faible [7]. Bien que meilleurs, les groupes de revenus ont, eux aussi, le pouvoir prédictif le plus faible par comparaison aux autres pays. En outre, les écarts de taux d’effort entre groupes socioprofessionnels sont minimes et le plus souvent non significatifs (Tableau 2). Cette relative équivalence des efforts budgétaires pour se loger entre classes sociales peut s’interpréter de deux manières. Soit les inégalités face au coût du logement ne se cristallisent pas, en France, à travers les positions de classe des populations en emploi ; soit les données et/ou les catégorisations n’en rendent pas compte.
29Le constat de l’absence d’écart dans les taux d’effort entre catégories sociales françaises (Graphique 3, Tableau 2) mérite d’être déconstruit puisque de telles inégalités ont déjà été mises en évidence (Bugeja-Bloch, 2013 ; Cusin, 2012) et sont de surcroît visibles grâce aux traitements effectués sur d’autres sources avec d’autres nomenclatures. La figure en bas du graphique 4, qui présente les taux d’effort calculés sur l’Enquête nationale logement (ENL) 2013 de l’Insee selon la PCS de la personne de référence, rend effectivement compte d’inégalités fortes et hiérarchiques. L’enjeu est donc de comprendre ce qui des données ou de la nomenclature utilisée participe à la réduction de ces écarts. Voyons successivement ces deux points.
30L’ENL 2013 ne renseignant pas la variable qui permet de construire ESeG (ISCO, voir Encadré 1), il n’a pas été possible de la tester sur ces données. Toutefois, grâce au dispositif SRCV, qui constitue le volet français du système communautaire EU-SILC, il est possible de comparer les taux d’effort selon la PCS entre deux sources pour identifier ce qui relève des données. La comparaison des deux figures du graphique 4 montre en effet que les données SRCV, et donc EU-SILC, tendent à réduire les écarts entre les groupes sociaux d’ESeG. Pour construire le taux d’effort sur ces deux sources, une variable de dépenses de logement agrégée et élaborée par les instituts concepteurs de l’enquête est utilisée. Si, d’après leurs définitions, leurs compositions sont strictement identiques, il reste donc néanmoins des différences non négligeables. Celles-ci s’expliquent peut-être par les modes de collecte des deux enquêtes : l’une étant française, l’autre européenne. Or, penser les questionnaires à une échelle qui dépasse les contextes nationaux est difficile. Les systèmes de logement en vigueur (modalité de paiement des aides au logement, échéances des factures d’énergie, etc.) construisent des traditions d’enquête nationales et participent à interroger et à saisir différemment ces dépenses de logement [8]. Plusieurs opérations – décompositions visant à isoler les aides au logement, à écarter les impôts et les dépenses d’énergie et comparaisons de ces différentes composantes selon les statuts d’occupation – ont été réalisées afin d’identifier ce qui diffère dans les manières de collecter et de coder ces dépenses, mais sans succès [9]. Il faut donc faire preuve de prudence dans les interprétations et garder à l’esprit que les données EU-SILC tendent à diminuer les écarts entre le haut et le bas de hiérarchie sociale en France et sans doute ailleurs aussi.
Graphique 3. – Taux d’effort nets pour le logement selon l’ESeG du ménage, enquête EU-SILC 2011 (en %)

Graphique 3. – Taux d’effort nets pour le logement selon l’ESeG du ménage, enquête EU-SILC 2011 (en %)
Notes : CD : Cadres dirigeants, PIS : Professions intellectuelles scientifiques, PI : Professions intermédiaires salariées, PE : Petits entrepreneurs, EQ : Employés qualifiés, OQ : Ouvriers qualifiés, PQ : Peu qualifiés. Voir Tableau 1 pour les indicateurs d’association.Champ : Ensemble des ménages dont le référent ou le conjoint sont actifs occupés dans les quatre pays en 2011.
Graphique 4. – Comparaison des taux d’effort nets pour le logement selon la PCS de la personne de référence, enquête SRCV 2011 et ENL 2013 (en %)


Graphique 4. – Comparaison des taux d’effort nets pour le logement selon la PCS de la personne de référence, enquête SRCV 2011 et ENL 2013 (en %)
Champ : Tous les ménages dont la personne de référence est active et occupée.31Par comparaison avec la nomenclature des PCS, où les indépendants sont concentrés dans les catégories 1 et 2 (agriculteurs exploitants et artisans, commerçants et chefs d’entreprise), celle d’ESeG les disperse dans les quatre catégories du haut de la hiérarchie et cette dispersion tend, en partie, à homogénéiser les taux d’effort entre les catégories. Expliquons cela en deux points. Premièrement, les petits entrepreneurs d’ESeG regroupent d’une part, les artisans, commerçants ou employés/ouvriers qui travaillent le plus souvent sans salariés sous leurs ordres et connaissent des taux d’effort élevés et, d’autre part, les agriculteurs exploitants qui connaissent, eux, un taux d’effort bas puisqu’ils sont propriétaires dégagés des crédits (Meron, 2016) [10]. Bien que disparates, une fois mis ensemble ces taux d’effort sont proches de la moyenne. Deuxièmement, parmi les indépendants, les cadres dirigeants d’ESeG accueillent certes des chefs d’entreprise et cadres managers avec des taux d’effort bas, conformes à ceux de la catégorie des cadres des PCS, mais aussi des artisans ou commerçants avec 1 à 10 salariés qui présentent, eux, des taux d’effort plus élevés et tirent, en conséquence, la moyenne de cette catégorie ESeG vers le haut, et donc vers la moyenne générale. En outre, (sur)classer les professeurs des écoles (qui ont un taux d’effort important relativement aux professions intermédiaires de la PCS) dans les professions intellectuelles et scientifiques d’ESeG et descendre les ouvriers agricoles (qui ont, eux, un taux d’effort bas) au sein du groupe des peu qualifiés d’ESeG atténue, là encore, les différences entre groupes. Dans le cas français, les regroupements de la classification ESeG tendent donc, par rapport à d’autres classifications, à réduire les écarts inter groupes en matière de logement.
32Les deux effets (saisie des dépenses de logement par l’enquête EU-SILC et nomenclature ESeG) se combinent donc pour minimiser les inégalités face au coût du logement en France, et ailleurs potentiellement.
De fortes similitudes dans les systèmes danois et britannique
33Bien qu’appartenant à des modèles différents, les deux systèmes danois et britannique de stratification sociale analysés sous le prisme du logement sont comparables sur de nombreux points.
Graphique 5. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage au Royaume-Uni et au Danemark (en %)


Graphique 5. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage au Royaume-Uni et au Danemark (en %)
Notes : CD : Cadres dirigeants, PIS : Professions intellectuelles scientifiques, PI : Professions intermédiaires salariées, PE : Petits entrepreneurs, EQ : Employés qualifiés, OQ : Ouvriers qualifiés, PQ : Peu qualifiés. Voir Tableau 1 pour les indicateurs d’association.Champ : Ensemble des ménages dont le référent ou le conjoint sont actifs occupés des quatre pays en 2011.
Source : Enquête EU-SILC 2011.
34Fondé sur un système universaliste, l’État-providence danois repose peu sur le marché et la famille. Conformément à la conception universelle du parc social, il doit assurer une protection sociale d’un niveau élevé à tous les citoyens. Ce parc social est large puisqu’il représente environ 20 % du parc total (Pittini & Laino, 2012 : 51). L’accès au parc social ne dépend pas du critère de revenu, chacun peut s’inscrire sur une liste d’attente suivant des critères de priorité (par exemple : les familles avec enfants). Outre ce large parc locatif social, le locatif privé qui représente aussi 20 % du parc est réglementé avec des loyers encadrés. Considérant donc ensemble les deux secteurs, le locatif réglementé abrite ainsi 42 % des ménages et 32 % de ceux avec au moins un actif occupé (Graphique 1) [11].
35Le Royaume-Uni relève, lui, du régime libéral. C’est le modèle du laissez-faire et de la responsabilité individuelle. L’État intervient pour aider les plus vulnérables. La conception du logement social y est ciblée et résiduelle. Seuls les allocataires, chômeurs, handicapés ou personnes âgées sont susceptibles d’y habiter. Peter Malpass évoque l’arrivée d’un New Welfare State (2008) pour décrire à quel point l’État-providence britannique se décharge de ses responsabilités par la promotion de la propriété et, en conséquence, par la résidualisation du secteur social (Steinmetz, 2015) [12]. La propriété y est promue et valorisée dans la mesure où elle constitue une sécurité monétaire en vue des vieux jours dans un système de retraite par capitalisation. Alors que le parc social britannique faisait partie des plus importants d’Europe (un tiers des ménages y logeait au début des années 1970 [Whitehead, 2013]), il se résidualise, se dégrade et se paupérise depuis sous l’effet du droit à l’achat instauré par Margaret Thatcher en 1980. Le locatif réglementé représente encore en 2011 près de 20 % du parc total (19 % des ménages et 12 % de ceux avec au moins un actif occupé, Graphique 1). Dans un mouvement inverse, le parc locatif non réglementé, marginal à l’aune des années 2000, est en légère augmentation depuis dix ans de sorte qu’en 2011, 15 % des ménages y habitent. Concentré dans les zones urbaines denses, il accueille aujourd’hui des ménages aux profils sociaux variés (14 % des professions intellectuelles scientifiques et des ouvriers qualifiés et 23 % des peu qualifiés, Graphique 1).
36D’après les conceptions du logement social, les deux modèles danois et britannique s’opposent. Pourtant, dans les deux cas, ce secteur accueille en priorité des ménages peu qualifiés (58 % au Danemark et 31 % au Royaume-Uni, Graphique 5). À mesure que l’on monte dans l’échelle sociale, la proportion de locataires à prix réduit décroît pour atteindre 18 % chez les cadres dirigeants danois et 5 % au Royaume-Uni. Cette articulation hiérarchique entre position sociale et résidentielle est même plus forte au Danemark qu’au Royaume-Uni d’après les comparaisons des V de Cramer et des coefficients d’incertitude (Tableau 1). Ces écarts renvoient notamment aux conceptions du logement social propres à chacun. Au Danemark, sans supprimer une certaine hiérarchie des statuts d’occupation, l’universalisme est clair : un ménage cadre dirigeant sur quatre et un ménage des professions intellectuelles scientifiques sur trois occupe le parc locatif réglementé. Le parc social britannique est lui plus ciblé et plus résiduel, les catégories favorisées y étant absentes (Graphique 5).
37Autre point commun, Britanniques et Danois affichent une préférence forte pour la propriété, et précisément pour la propriété endettée (tant pour les actifs occupés que pour l’ensemble des ménages). Au Danemark, l’alternative au large parc locatif réglementé est la propriété, le plus souvent à crédit : 55 % des ménages avec au moins un actif occupé sont propriétaires endettés et ils sont 12 % de propriétaires non endettés. Ce même rapport à la propriété à crédit se retrouve au Royaume-Uni, mais dans de moindres proportions (51 % contre 20 %, Graphique 5). Cet attrait pour l’endettement s’explique par les systèmes hypothécaires en vigueur.
38Le système de crédit danois est si spécifique que la presse l’a décrit comme un « cas étrange » (Bouzou & Schwerer, 2014) ayant connu une période avec des taux d’intérêt négatifs. De fait, le Danemark est le pays d’Europe qui détient le record de l’endettement immobilier des ménages [13]. Cela s’explique par la place croissante des prêts in fine [14] depuis le début des années 2000. De surcroît, la durée des prêts (allant jusqu’à 30 ans) est également l’une des plus longues possible. Ce système sert aujourd’hui de modèle puisqu’il a fait preuve d’une grande résistance face à la crise des subprimes (Frankel et al., 2004). Au Royaume-Uni, la préférence pour la propriété à crédit tient aussi au système de crédit qui, loin d’être aussi régulé qu’au Danemark, permet de faire de l’extraction de valeur hypothécaire. Quand les prix immobiliers augmentent, les accédants peuvent contracter de nouveaux crédits et tirer parti de la valorisation de leur logement (Mésonnier, 2008). A contrario, quand les prix immobiliers chutent, l’emprunt devient supérieur au montant de la garantie hypothécaire. Les défauts de paiement se soldent alors par des saisies immobilières, lesquelles ont été particulièrement nombreuses après la crise des années 1990 (Hamnett, 1999) et celle de 2008 (Vorms, 2014). Quel que soit le système hypothécaire en vigueur, la propriété endettée est un statut socialement valorisé au Danemark et au Royaume-Uni. À mesure qu’un ménage grimpe dans la hiérarchie sociale, la part des propriétaires endettés croît : 25 % des Britanniques et 30 % des Danois peu qualifiés sont accédants à la propriété contre respectivement 62 % et 73 % chez les cadres dirigeants. Le sens de relation est clair : d’après les coefficients d’incertitude, c’est, dans ces deux pays, le statut d’occupation qui joue le plus le rôle de variable dépendante (Tableau 1). La position résidentielle détermine aussi, en partie, mais dans une moindre mesure les positions de classe.
39Bien que le revenu ait, de loin, une meilleure capacité prédictive des taux d’effort que la classe sociale, le pouvoir explicatif de cette dernière est, au Royaume-Uni et au Danemark, plus élevée qu’en France. De plus, à autres variables contrôlées, les écarts dans les taux d’effort entre catégories sociales sont significatifs. Dans ces deux pays, deux catégories, qu’elles soient locataires ou en accession, connaissent significativement des taux d’effort plus élevés que les autres : les peu qualifiés et les petits indépendants (Tableau 2). Les petits indépendants danois et britanniques paient particulièrement cher le statut d’accédant à la propriété. Finalement, même s’ils ont la particularité de compter en leur sein une part élevée de propriétaires (avec une nette surreprésentation des propriétaires non endettés), leurs taux d’effort – plus élevés (ou équivalents) que ceux des ouvriers et employés peu qualifiés –, les placent du côté des catégories populaires fragilisées. Au Royaume-Uni, la privatisation du logement britannique, signe du recul de l’État social, précarise les petits entrepreneurs et les travailleurs peu qualifiés. Logeant dans un parc social qui s’est délabré et paupérisé, les peu qualifiés sont non seulement stigmatisés par leur type d’habitat, mais encore pris dans une spirale des inégalités de logement qui les cantonne dans leurs modes de vie populaires. Au Danemark, la distribution de la contrainte budgétaire du logement fait également peser le poids sur les petits indépendants et les peu qualifiés. Si le stigmate associé au secteur locatif est sans doute moins violent qu’au Royaume-Uni étant donné son ouverture à toutes les catégories de la population danoise, la faiblesse des revenus des peu qualifiés et des petits entrepreneurs n’est pas compensée par les dispositifs d’aide sociale, leur habitat leur coûtant plus cher.
En Espagne, 80 % de propriétaires, mais des efforts inégaux
40En Espagne, à l’exception des peu qualifiés qui sont beaucoup plus nombreux que toutes les autres catégories dans le secteur locatif libre, la position sociale paraît peu déterminante pour le statut d’occupation sur le marché du logement. C’est en effet en Espagne que le lien entre position sociale et statut d’occupation, tel que mesuré par le V de Cramer et les coefficients d’incertitude, est le moins fort (Tableau 1). En cause : l’absence d’alternative à la propriété. En effet, plus de 80 % des ménages sont propriétaires (parmi l’ensemble des ménages, une majorité est dégagée des crédits d’achat et parmi ceux ayant au moins un actif occupé, une majorité est endettée, Graphique 1). La location, qu’elle soit réglementée ou privée, est en conséquence tout à fait marginale. La réglementation très stricte pour les propriétaires bailleurs a participé à réduire le parc locatif au plus limité d’Europe. De fait, de 1946 à 1994, « […] un contrat de location pouvait durer indéfiniment, et ceci indépendamment des souhaits du bailleur. » (Mora-Sanguinetti, 2013 : 223). Celle-ci a, en partie, détourné les propriétaires bailleurs de leurs pratiques de mise en location et, en conséquence, construit la préférence pour la propriété.
Graphique 6. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage en Espagne (en %)

Graphique 6. – Statut d’occupation du logement selon la catégorie ESeG la plus haute des actifs occupés du ménage en Espagne (en %)
Notes : CD : Cadres dirigeants, PIS : Professions intellectuelles scientifiques, PI : Professions intermédiaires salariées, PE : Petits entrepreneurs, EQ : Employés qualifiés, OQ : Ouvriers qualifiés, PQ : Peu qualifiés. Voir Tableau 1 pour les indicateurs d’association.Champ : Ensemble des ménages dont le référent ou le conjoint sont actifs occupés des quatre pays en 2011.
Source : Enquête EU-SILC 2011.
41Même si les inégalités d’accès à la propriété sont nettement plus faibles pour les actifs occupés espagnols que pour les Danois ou les Britanniques dans la mesure où toutes les catégories sont largement propriétaires, l’Espagne se caractérise par des écarts importants face au coût du logement. Là encore, le revenu est plus déterminant que la position de classe. Pour autant, le pouvoir explicatif de cette dernière est élevé (Tableau 2). Deux dimensions participent à accroître les taux d’effort : être indépendant et appartenir au bas de la hiérarchie sociale. De fait, quand ils sont accédants, les petits entrepreneurs et, dans une moindre mesure, les cadres dirigeants (qui comptent 43 % d’indépendants, soit bien davantage que les 22 % du Royaume-Uni et que les 16 % du Danemark) subissent des poids du logement nettement supérieurs à ceux des autres catégories (Tableau 2). Chez les locataires, les taux d’effort sont élevés et équivalents pour les cadres dirigeants, les petits entrepreneurs et les peu qualifiés, ces derniers ayant les taux les plus importants de locataires. C’est donc en Espagne que le statut d’indépendant pose le plus de difficultés pour faire face au coût du logement. Le coût du logement suit par ailleurs la hiérarchie et son poids s’abaisse pour les positions les plus hautes.
42Des quatre pays étudiés, c’est en Espagne que la crise immobilière a eu les plus lourdes conséquences (Le Bayon & Madec, 2014) avec parmi elles, la chute durable des transactions en lien avec la dégradation des conditions de vie des ménages espagnols, la hausse du taux de chômage et la faible croissance des salaires. Massivement dans le commerce, la restauration ou l’agriculture, les indépendants travaillent sans doute dans des secteurs particulièrement touchés. Par ailleurs, comme dans l’ensemble des pays du sud où le chômage a explosé suite à la crise de 2008, il y a eu une recrudescence de travail au noir que les gouvernements ont tenté d’endiguer par « une base légale au caractère flou à la frontière entre salariat et indépendance » avec le statut de « travailleur autonome économiquement dépendant » (Hugrée et al., 2017 : 41). Il est possible qu’ayant perdu leurs emplois, un certain nombre d’individus n’ait eu d’autre alternative que de s’établir en tant qu’auto-entrepreneurs ou de se voir contraints à des temps partiels. Ils sont alors particulièrement fragiles et éprouvent donc des difficultés à joindre les deux bouts tellement le coût du logement est lourd.
43En Espagne, comme au Royaume-Uni et au Danemark, « les classes populaires européennes sont scindées en deux groupes distincts. D’un côté, on trouve des petits indépendants, principalement dans l’agriculture, ou des ouvriers et employés peu qualifiés et prolétarisés. Ils et elles sont souvent en dessous du seuil de pauvreté, déclarent des fins de mois difficiles » (Hugrée et al., 2017 : 84). Celles-ci sont particulièrement touchées par la contrainte budgétaire du logement, laquelle participe de la vulnérabilité économique et de l’insécurité sociale qui caractérisent les classes populaires (Schwartz, 2011). De l’autre se trouvent les employés et ouvriers qualifiés aux conditions de vie moins rudes.
Conclusion
44La nomenclature ESeG permet de rendre compte, en partie, des inégalités de logement. Si les indicateurs d’association montrent une relation plutôt faible, celle-ci est statistiquement significative dans trois des quatre pays étudiés. Au Royaume-Uni, au Danemark et en Espagne, la nomenclature explique tant les inégalités de positions résidentielles que celles de coûts du logement, même si ces dernières sont encore plus dépendantes des revenus des ménages. Pour le cas français, l’articulation entre position sociale et statut d’occupation est claire, mais l’analyse ne permet pas de mettre en évidence les distinctions, pourtant avérées par d’autres sources, entre groupes sociaux face aux taux d’effort du logement. Ces écarts sont en effet minimisés non seulement par les données du panel EU-SILC qui posent des difficultés pour saisir les dépenses de logement, mais encore par la nomenclature ESeG. Il serait donc utile de poursuivre ce travail en mobilisant d’autres sources de données même si multiplier les sources nationales suppose un travail laborieux et minutieux d’harmonisation des données (Encadré 2).
45À l’échelle européenne, les catégories du haut de la hiérarchie sont systématiquement davantage propriétaires que celles du bas qui sont, elles, plus souvent locataires, et ce, même en zone urbaine dense. Si les classes supérieures sont caractérisées par leur statut de propriétaire partout en Europe, la forme dominante de propriété (endettée ou non) dans chaque nation diffère selon les politiques de logement et les systèmes de crédit en vigueur. D’un côté, les Danois et les Britanniques ont une préférence pour la propriété endettée compte tenu des possibilités offertes par leurs systèmes de crédit. De l’autre, les Français et les Espagnols préfèrent la propriété une fois qu’elle est dégagée des crédits d’achat pour son caractère patrimonial et transmissible. Dans les quatre cas étudiés, les populations les plus dotées (exceptés les gros indépendants espagnols) sont doublement favorisées : elles n’ont pas un taux d’effort plus élevé à fournir (le plus souvent, il est même moindre) et celui-ci leur constitue dans le même temps un patrimoine immobilier.
46Si les classes populaires européennes partagent, elles, le statut de locataire, des différences fortes demeurent en lien avec les contextes nationaux. Les proportions de locataires et les modalités d’accès au parc social pour ces catégories sont très variables d’un pays à l’autre. Au Royaume-Uni, au Danemark et en France, une large part des peu qualifiés loge dans le secteur locatif réglementé (et cette part est particulièrement élevée au Danemark), mais les conceptions du parc social, en lien avec les régimes d’État-providence, modèlent les représentations qui y sont associées, les conditions de logement, le coût que cet habitat fait supporter et distinguent ainsi les classes populaires qui y vivent. En Espagne, le manque d’alternative à la propriété fait, qu’excepté les ouvriers et employés peu qualifiés, toutes les catégories portent largement ce statut. Là-bas, l’absence de politique sociale et les lourdes conséquences de la crise font non seulement porter des surcoûts élevés à ces populations peu qualifiées, mais encore à l’ensemble des indépendants (du bas et du haut de la hiérarchie). Au Royaume-Uni et au Danemark, le constat est clair : les peu qualifiés et les petits indépendants connaissent une pression nettement plus forte que toutes les autres catégories de la population. Étant donné que leur modèle de logement s’oppose sur de nombreux points, c’est davantage leur système de crédit, renforçant ce goût pour la propriété et la forme hiérarchique de l’homologie des positions, qui est, au moins en partie, responsable de la fragilisation d’une fraction des classes populaires. Bien qu’il appartienne à un modèle de logement similaire au cas français, cet article invite à ajouter le cas allemand à la comparaison tant les rapports à la propriété y sont différents. En effet, de tous les pays d’Europe, c’est l’Allemagne qui affiche le taux de propriétaires le plus bas, avec moins de 50 % en 2011. Avec une politique de « neutralité des statuts » et un encadrement strict des loyers qui réduit le coût de l’occupation et valorise le secteur locatif, l’articulation des positions sociales et résidentielles ne s’y joue sans doute pas selon les mêmes règles (Vorms, 2014 : 69).
Annexes
47En raison de contraintes éditoriales, les annexes associées à cet article sont publiées uniquement en version numérique et en accès libre sur Cairn.info, avec le numéro de la revue [NDLR].
Notes
-
[1]
Pour reprendre le titre de l’ouvrage collectif dirigé par Jean-Claude Driand et Pierre Madec (2018) qui déconstruit la notion de crise et souligne la pluralité de ses formes.
-
[2]
Le choix a été fait de concentrer l’analyse sur ces quatre pays pour cette raison, mais aussi parce qu’ils occupent chacun une position centrale sur le plan factoriel par rapport aux autres pays du modèle dont ils relèvent ; ils sont, de ce point de vue, idéal-typiques (voir Bugeja-Bloch, 2016).
-
[3]
C’est ainsi que cet idéal-type est qualifié dans la typologie des modèles de logement.
-
[4]
Dans les graphiques suivants, on distingue, conformément à la nomenclature proposée dans EU-SILC, les locataires louant aux prix de marché et à prix réduits (ou le locatif réglementé). Le locatif à prix de marché comprend les locataires ou sous-locataires qui payent un loyer établi librement au prix de marché. Le locatif réglementé comprend la location publique, sociale ou subventionnée.
-
[5]
Les R² sont de 2 à 4 fois plus élevés dans les modèles 2 que dans les modèles 1 (Tableau 2).
-
[6]
Ces résultats ne sont pas présentés ici mais ont été testés.
-
[7]
D’après les modèles 1a et 1b, les R² sont inférieurs à ceux des modèles appliqués aux trois autres pays (Tableau 2).
-
[8]
À titre d’exemple, dans les enquêtes britanniques, les loyers sont comptabilisés comme des dépenses hebdomadaires. Ce n’est pas anecdotique puisque cela traduit les modalités pratiques de versement du loyer.
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[9]
Ce travail est d’autant plus difficile que les questionnaires d’EU-SILC sont passés dans la langue nationale et que l’articulation entre le questionnaire national et le dictionnaire des codes des données européennes n’est pas toujours évidente.
-
[10]
Des analyses non présentées ici et effectuées sur les données de l’enquête Logement 2013 rendent compte de ces résultats.
-
[11]
Étant donné que le secteur locatif est soit réglementé soit social, dans les données danoises tirées du panel EU-SILC, la catégorie du secteur locatif à prix de marché est absente.
-
[12]
La « résidualisation » désigne, dans la terminologie définissant les conceptions de logement social, un système où la vocation du parc social cible les populations les plus défavorisées (Whitehead, 2013 : 28).
-
[13]
Selon une étude récente du Crédit foncier, les propriétaires danois sont en effet les plus endettés de l’Union européenne avec un ratio encours/revenu moyen qui atteint 202 % (il est de 91 % au Royaume-Uni, 75 % en Espagne et 67 % en France) (Le Crédit foncier, 2018).
-
[14]
Avec ces prêts non amortis, les remboursements mensuels des propriétaires accédants ne couvrent que les intérêts pendant toute la durée du prêt et le capital est remboursé en une seule fois, à la fin (prêt in fine).