1Le concept de classe sociale joue un rôle central dans la sociologie à au moins deux titres. Sur un plan théorique, il constitue une approche spécifique des inégalités opposant différents groupes définis le plus souvent par leur position sur le marché du travail, l’origine de leur revenu ou encore leur style de vie. Sur un plan empirique, le concept de classe sociale est à la base de très nombreux travaux qui s’intéressent aux relations entre la position sociale et les pratiques les plus diverses, qu’elles concernent la consommation, la scolarité, la santé, la culture ou encore la sphère politique. À ce titre, la classe sociale a même été qualifiée de seule variable indépendante de la discipline (Stinchcombe, 1973).
2Ce concept a néanmoins fait aussi l’objet de nombreuses critiques. Dans la période récente, la sociologie a mis de plus en plus l’accent sur d’autres formes d’inégalités, notamment les inégalités de genre (Scott et al., 2010), les inégalités ethnoraciales ou ethniques (Safi, 2013) ou entre générations (Chauvel, 1998). L’éventuel abandon de la lecture en termes de classes au profit d’approches en termes de niveaux de diplôme, de revenu ou de réseaux sociaux a été source d’inquiétudes et de débats (Chopart et al., 2003 ; Godechot, 2012 ; Merklé, 2012). La mort du concept de classe sociale a même été régulièrement annoncée (Clark & Lipset, 1991 ; Pakulski & Waters, 1996), de même que l’avènement d’une « société sans classe » (Kingston, 2000). En réaction, d’autres auteurs ont prédit aux classes sociales un futur prometteur (Goldthorpe & Marshall, 1992), un « retour » (Chauvel, 2001 ; Bouffartigue, 2004), ou encore un « éternel retour » (Lebaron, 2012). S’il est désormais clair qu’on ne peut prétendre décrire l’ensemble des inégalités uniquement en termes de classes, elles restent néanmoins une dimension majeure de la hiérarchie sociale, dont l’analyse, en interaction avec d’autres formes d’inégalités, est incontournable (Acker, 1988 ; McCall, 2001).
3Malgré le caractère central du concept de classe sociale dans de nombreux débats en sociologie, il n’existe aucune théorie des classes sociales qui fasse consensus ou qui domine véritablement le champ (Wright, 2005). Les outils statistiques utilisés pour mesurer les positions de classe sont loin de faire l’unanimité et, à l’exception du « schéma de classes » de John H. Goldthorpe ou de celui d’Erik Olin Wright, ils sont assez rarement construits sur une théorie des classes sociales. L’appartenance à une classe sociale est ainsi souvent mesurée à partir de nomenclatures produites par les instituts de statistiques. Ces dernières mesurent néanmoins d’abord des professions qu’elles agrègent en ensembles plus larges, généralement qualifiés de groupes ou catégories socioprofessionnels (PCS), de groupes socio-économiques (ESeG) ou plus simplement de « groupes » (International Standard Classification of Occupations, ISCO). Ces nomenclatures utilisent plus rarement le concept de classe sociale qui est au contraire employé par les théoriciens de la sociologie, comme John H. Goldthorpe, Erik Olin Wright ou encore Kim A. Weeden et David B. Grusky.
4Nous proposons ici d’identifier les grands problèmes que rencontre toute approche des classes sociales qui s’appuie sur une mesure sous forme de classification. Nous dressons d’abord un état des lieux des théories des classes sociales qui se sont traduites par une classification, et des nomenclatures socioprofessionnelles ou socio-économiques. Nous proposons ensuite de distinguer sept grands problèmes que rencontre la construction de nomenclatures de classes sociales et nous présentons comment les approches les plus courantes y répondent.
État des lieux des théories et mesures des classes sociales
Une opposition classique
5Le concept de classe sociale est très souvent enfermé dans une opposition entre une approche par les classes sociales inspirée de Marx, et une approche par la stratification sociale inspirée de Weber. La première est dite réaliste : elle affirme l’existence des classes comme groupes bien constitués, conscients d’eux-mêmes et s’affrontant politiquement. La seconde met l’accent sur la multidimensionnalité de la hiérarchie sociale et, par nominalisme, sur le fait que la classe est une catégorie construite par le chercheur qui ne recouvre pas nécessairement des groupes réellement constitués.
6Cette opposition est assez discutable (Merle, 2016). Chez Marx, la définition des classes est variable : elle ne repose pas systématiquement sur la propriété des moyens de production, et la communauté d’action politique ou le sentiment d’appartenance de classe ne sont pas toujours considérés comme des critères nécessaires. Quant à Weber, il recourt bien au concept de classe sociale, même s’il ne constitue chez lui qu’une dimension parmi d’autres de la hiérarchie sociale, au côté de l’appartenance à des groupes de statut ou à des partis. En outre, s’il ne définit pas la classe sociale comme un groupe dont les membres luttent pour leur intérêt commun, il considère qu’elle peut très bien le devenir dans certaines conditions ou situations historiques.
7On peut également noter que l’opposition souvent exagérée entre ces deux approches ne rend pas compte de nombreux travaux fondateurs dans l’étude des classes sociales. Pour n’en prendre qu’un seul exemple, dans les premiers travaux d’Halbwachs (1905), les classes sociales sont définies par leur style de consommation. Par la suite, Halbwachs (1939) regroupe les individus par le type de tâche qu’ils réalisent dans leur travail ou encore par leurs différents rapports à la matière, fondant ainsi une opposition entre travail manuel et non manuel. Cette approche qui met l’accent sur le type d’activité économique plus que sur le revenu ou la propriété se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses recherches contemporaines.
Approches et débats contemporains
8Dans la période récente, deux programmes de recherche associant une théorie des classes sociales à la construction d’une classification ont eu une influence majeure dans la sociologie internationale : ceux de Goldthorpe et de Wright. L’œuvre de Goldthorpe se caractérise par la construction d’un schéma de classes, le schéma Erikson-Goldthorpe-Portocarero (EGP ; voir Erikson & Goldthorpe, 1992), d’une théorie des classes sociales fondées sur le concept de relation d’emploi et de son application à l’analyse de la mobilité sociale. Cet auteur s’est notamment inscrit contre les travaux antérieurs reposant sur des scores de statut socio-économique ou de prestige, qui ont constitué une tradition de recherche très importante en Amérique du Nord (Blau & Duncan, 1967 ; Treiman, 1976). Les travaux de Wright s’inscrivent dans le sillage du marxisme analytique et s’appuient sur une théorie de l’exploitation. Il réélabore ainsi la notion de classe sociale en proposant une classification sur la base des différentes ressources qui permettent l’exploitation. Ce travail théorique s’appuie sur un programme considérable de comparaison quantitative internationale (1997).
9Alors que l’on s’inquiétait en France de la possible disparition de la lecture en termes de classes sociales, les débats autour de ce concept ont été vifs outre-Manche dans les dernières années. En 2001, le système statistique britannique a adopté une nouvelle classification, la National Statistics-Socio Economics Classification (NS-SEC), fortement influencée par les travaux de Goldthorpe (Rose & Pevalin, 2003). Proche du schéma EGP, elle identifie des classes sociales sur la base de la profession et en référence à la relation d’emploi théorisée par Goldthorpe. Contre cette tradition, Mike Savage a développé une approche qu’il qualifie de bourdieusienne parce qu’elle donne une plus grande importance aux cultures de classe (Savage et al., 2005). Il a récemment dirigé une grande enquête ayant pour objectif de construire une nouvelle classification sur la base de trois formes de capitaux : économique, social et culturel (Savage et al., 2013). La réception a été critique [1], voire très critique chez les sociologues proches de Goldthorpe (Mills, 2014).
10Dans la sociologie quantitative française, le terme de « classe sociale » ne fait pas l’objet d’une théorie systématique qui se traduirait par une mesure. Les travaux qui l’emploient en mobilisant des données quantitatives utilisent le plus souvent la nomenclature des PCS de l’Insee, qui identifie des groupes et catégories socioprofessionnels. Ces derniers termes avaient l’avantage, pour son concepteur Jean Porte, de paraître plus neutres que celui de classe sociale, souvent associé au marxisme (Amossé, 2013). Néanmoins, en regroupant les professions, la nomenclature des PCS reprend certains critères fondamentaux utilisés par Goldthorpe ou par les sociologues marxistes pour décrire la hiérarchie sociale ou les conflits sociaux. En distinguant les professions sur la base du statut d’emploi, elle permet d’opposer les salariés aux indépendants et surtout aux chefs d’entreprise. Elle hiérarchise également les groupes selon leur niveau de qualification. Malgré des origines sociohistoriques très différentes (Boltanski, 1982 ; Bidou-Zachariasen, 2000), la catégorie de cadre est ainsi assez proche de la catégorie de Service class chez Goldthorpe. De même, la qualification est proche des ressources identifiées par Wright (notamment les compétences et la position hiérarchique dans l’organisation).
11La différence entre les utilisations française et anglaise de l’expression « classe sociale » s’est retrouvée dans l’élaboration de la nouvelle nomenclature socio-économique européenne. Les sociologues proches de John H. Goldthorpe ont d’abord proposé une nomenclature des « classes sociales » (European Socioeconomic Classification, ESeC ; Rose & Harrison, 2010). Remaniée notamment à la suite à des critiques françaises, elle est devenue une nomenclature des « groupes socio-économiques » (European Socioeconomic Groups, ESeG ; Meron et al., 2016).
12À l’instar de la France avec les PCS ou de la Grande-Bretagne avec la NS-SEC, on retrouve une classification professionnelle nationale dans de nombreux pays ayant un système statistique fortement développé. Ces classifications varient néanmoins considérablement (Lemel & Noll, 2002). À une échelle internationale, c’est sans doute la Classification internationale type des professions (CITP, ou ISCO en anglais) élaborée par le Bureau international du travail qui constitue le standard le plus courant. Elle est très souvent la mesure initiale à partir de laquelle les différentes nomenclatures sont construites.
13La conceptualisation et la mesure des classes sociales constituent toujours un domaine de recherches actif. Outre l’adoption de la classification NS-SEC en Grande-Bretagne en 2001 et celle de la nomenclature ESeG au niveau européen en 2014, des travaux de rénovation des PCS sont en cours dans le cadre d’un groupe de travail du Conseil national de l’information statistique (Cnis) mené par Thomas Amossé, Olivier Chardon et Alexis Eidelman sur la base d’un état des lieux (Penissat et al., 2018). De nouvelles initiatives ont aussi émergé hors des instituts de statistique. Le sociologue suisse Daniel Oesch (2006) a ainsi proposé il y a quelques années une classification visant à identifier les nouveaux clivages pertinents sur le marché du travail. En plus d’une dimension verticale liée au niveau de qualification requis par une profession et aux avantages matériels qu’elle offre, Oesch (2006) introduit une seconde dimension, horizontale, distinguant les « logiques de travail » (service interpersonnel, technique, organisationnelle ou travail indépendant) qui diffèrent en termes de division du travail, de relations hiérarchiques, de groupe vers lequel le travail est orienté et de type de compétences requises. Dans une démarche très différente des précédentes, pour décrire les comportements de consommation au Québec, François Gardes et Simon Langlois (1995) s’éloignent d’une théorisation à partir du métier et proposent de distinguer des classes socio-économiques à partir d’un indice synthétique de pauvreté-richesse.
Les enjeux de la mesure des classes sociales
14Les débats sur la théorie des classes sociales comme sur la légitimité de l’emploi de ce terme sont donc loin d’être terminés. On peut distinguer trois enjeux fondamentaux dans la construction d’une mesure des classes sociales. Le premier est de développer une théorie des classes sociales en identifiant les critères qui les définissent ou les opposent comme la relation d’emploi, la possession de différentes formes de capitaux ou encore l’existence d’intérêts antagonistes. Le deuxième enjeu est de construire un système de classification qui décrive précisément les différentes classes et permette dans une enquête d’attribuer une classe à chaque individu. Ce deuxième enjeu découle du premier, mais il ne s’y réduit pas : nombre de théories des classes sociales n’ont pas connu le succès du schéma EGP ou des PCS, faute d’avoir la précision suffisante pour pouvoir se traduire par une classification et donner ainsi la possibilité d’une mesure quantitative. Le troisième enjeu est de démontrer que l’appartenance de classe est un déterminant majeur des conditions de vie et des pratiques des individus dans les domaines les plus divers étudiés par la sociologie. Au-delà de la seule interprétation de la classe sociale comme variable causale, il s’agit également de décrire la diversité des mécanismes causaux qui sous-tendent la relation statistique entre appartenance de classe et pratiques ou conditions de vie.
Les problèmes de la construction d’une nomenclature des classes sociales
15Nous proposons ici de distinguer et d’examiner sept problèmes majeurs que rencontre la construction d’une nomenclature des classes sociales, et nous présentons la façon dont ces problèmes ont été traités par les principales théories et nomenclatures contemporaines.
Approches continues, qualitatives et par niveaux emboîtés
16Le premier problème d’une approche en termes de classes sociales est de justifier l’utilisation d’une mesure qualitative qui identifie des groupes distincts plutôt que de positionner les individus sur des échelles quantitatives continues, comme le font les scores de statut socio-économique (Blau & Duncan, 1967 ; Ganzeboom et al., 1992) et de prestige (Treiman, 1976 ; Chambaz et al., 1998).
17Un premier argument est que de nombreuses variables qui servent à construire les classifications sont fondamentalement qualitatives, découlant très souvent du droit, comme le statut d’emploi, la nature de l’employeur ou le secteur d’activité. C’est aussi le cas du niveau de qualification dans les PCS ou de l’opposition manuel/non manuel chez Goldthorpe. Les rares variables véritablement continues sont les variables économiques comme le revenu et le patrimoine. Construire des groupes revient donc à préserver le caractère discontinu de la plupart des variables couramment utilisées pour distinguer les classes sociales ou groupes socioprofessionnels.
18Une approche par variable qualitative permet aussi de réaliser des distinctions échappant à l’ordre hiérarchique unidimensionnel qu’imposent les échelles continues. C’est ce que soutiennent notamment Robert Erikson et John H. Goldthorpe (1992). Pour eux, l’approche par les classes sociales caractérise l’individu par sa position dans le système économique, mais ces différences entre individus ne correspondent pas toujours à des inégalités. Les PCS tirent aussi profit de cette flexibilité, recourant à de nombreux critères dont seulement certains, comme la qualification ou le nombre de salariés, sont strictement hiérarchisés.
19Une approche par variable qualitative pose bien sûr aussi de nombreuses difficultés, notamment parce qu’un grand nombre d’individus peuvent se trouver très proches de la frontière et sont alors séparés de manière souvent assez arbitraire. Le risque est alors de réifier les définitions des groupes en négligeant cette part d’arbitraire, ou d’accorder trop de crédit à des frontières qui ne recouvrent pas nécessairement des ruptures très nettes du point de vue des conditions de vie objectives et des perceptions subjectives (« classes sur le papier » pour reprendre l’expression de Bourdieu [1984]). L’approche bourdieusienne souligne également que les nomenclatures officielles exercent une violence symbolique, en imposant à l’individu une position dans la hiérarchie, et que le découpage des groupes fait pour cela l’objet de luttes de classement qui constituent un sujet d’études à part entière.
20Si l’on choisit de raisonner en groupes bien séparés, reste le problème du nombre de classes qu’il est difficile de fixer a priori comme a posteriori. Avec de nombreux co-auteurs, Grusky a défendu une approche en termes de micro-classes ou de professions (Grusky & Sorensen, 1998 ; Weeden & Grusky, 2005). Il soutient que c’est à ce niveau qu’opèrent de nombreux mécanismes centraux dans les conflits sociaux comme dans la reproduction sociale. En prenant directement les professions comme unité d’analyse, Weeden (2002) met en lumière les mécanismes par lesquels certaines professions peuvent établir des monopoles sur leur activité et s’assurer des revenus élevés. Une telle approche permet sans nul doute de mieux rendre compte de la diversité des déterminismes et de conflits très spécifiques qui sont ignorés par l’analyse traditionnelle à partir de grands groupes socio-économiques. En revanche, elle peine à identifier des grands principes structurant les inégalités.
21Cette question des micro-classes renvoie à un problème général propre à toute classification statistique : plus l’on distingue de classes, plus l’on tient compte de la diversité des situations et plus l’on maximise ainsi l’explication de la variance. Mais l’enjeu de la recherche scientifique est bien souvent au contraire de réduire la complexité de la réalité pour mieux la comprendre en dégageant ses principes structurants. Cela nécessite de concilier parcimonie de la classification et homogénéité des classes.
22Les approches par les nomenclatures ont trouvé une solution originale à cet arbitrage. En effet, aussi bien les PCS qu’ESeG ou ISCO (et, dans une moindre mesure, EGP) ont adopté une approche hiérarchique avec des niveaux emboîtés. On ne fait pas l’hypothèse qu’il y existe un nombre déterminé de classes, mais au contraire que l’on peut changer ce nombre, et ainsi la focale, selon la question posée et la précision des données disponibles.
Approches déductives et inductives
23Le deuxième problème que rencontre la construction d’une nomenclature des classes sociales est le choix entre une approche déductive et une approche inductive. Les approches qui ont donné lieu à des nomenclatures comme EGP, les PCS ou ISCO sont pour la plupart déductives. Elles reposent sur une théorie ou un ensemble de critères à partir desquels on regroupe des individus ou des professions. Par exemple, EGP et ESeC reposent sur le concept de relation d’emploi tout en ajoutant des critères comme la distinction entre travail manuel et non manuel. La classification de D. Oesch combine une dimension verticale liée à la qualification avec une dimension horizontale correspondant à des « logiques de travail ». Les PCS mobilisent un ensemble de dix variables dont la qualification professionnelle, le statut d’emploi, le secteur d’activité ou encore la nature de l’employeur (public ou privé). ISCO repose sur les critères de proximité des tâches et de compétences, ces dernières étant distinguées par leur niveau et leur spécialisation, ce qui amène à des distinctions par secteur d’activité.
24Ces différents critères permettent de regrouper les professions a priori, mais leur utilisation n’est pas toujours systématique. Selon les cas, les différentes variables interviennent ainsi à différents niveaux de construction des groupes ou des sous-groupes. Par exemple, au niveau le plus agrégé des PCS, le groupe des « Artisans, commerçants et chefs d’entreprise » réunit des professions partageant un statut d’emploi d’indépendant, mais ne comprend pas les professions libérales qui sont au sein des « Cadres et professions intellectuelles supérieures ». Les professions libérales ne sont distinguées qu’au niveau 2 de la nomenclature par une catégorie propre, mais qui contient tout de même des professions salariées (les vétérinaires et les pharmaciens) et qui ne contient pas les professions intermédiaires libérales comme les infirmières.
25Ces regroupements reposent toujours en partie sur un savoir implicite concernant l’importance d’une variable dans certains cas, mais pas dans d’autres. Une telle méthode évite de retenir mécaniquement l’ensemble des regroupements issus du croisement des variables utilisées, ce qui donnerait un nombre beaucoup trop important de groupes d’effectif parfois presque nul et dont la distinction ne se révélerait pas pertinente sur le plan sociologique.
26Dans une démarche déductive, la pertinence empirique des regroupements construits de façon théorique est testée a posteriori en examinant s’ils mettent en lumière des différences de conditions de vie et de pratiques, et la classification est remaniée si nécessaire. La classification n’est en revanche pas le produit direct d’une procédure statistique comme dans les approches que l’on qualifiera d’inductives. Ce qualificatif s’applique à celle employée par M. Savage et ses co-auteurs (Savage et al., 2013) qui ont récemment proposé une nouvelle classification à partir de trois ensembles de variables mesurant les capitaux économiques, sociaux et culturels. Leur classification est le produit d’une analyse en classes latentes qui leur permet d’obtenir sept classes. Elle est ainsi construite de manière purement inductive à partir des liens observés entre différentes variables dans leur échantillon.
27Construire de manière presque automatisée et apparemment objective une classification peut paraître séduisant. C’est une approche qui rend néanmoins impossible ou très difficile la construction d’un système robuste de classification. Comme l’a souligné Colin Mills (2014), en choisissant un nombre de classes qui maximise un critère statistique (le BIC), le nombre de classes qu’obtiennent M. Savage et ses co-auteurs dépend fortement de la taille de leur échantillon.
28Au-delà de cette question méthodologique particulière, l’approche inductive ne permet pas de construire une nomenclature stable dans le temps. La classification variera en effet fortement d’une enquête à l’autre selon les variables incluses dans l’enquête, mais surtout selon l’évolution des relations statistiques entre ces variables. Une telle classification serait impossible à adopter par un institut de statistique devant produire des séries longitudinales pour décrire l’évolution des classes sociales et de leurs caractéristiques, et rendrait difficile la comparaison entre travaux. Dans le cadre d’une recherche précise, elle permet en revanche de construire une classification adaptée à son sujet d’études et à sa problématique propre comme l’a fait par exemple Joanie Cayouette-Remblière (2015) pour étudier l’hétérogénéité des classes populaires.
Classification synthétique ou à critère unique
29Le quatrième problème de la construction d’une nomenclature est le choix entre une classification synthétique et une approche revendiquant l’utilisation d’un seul critère. Cette opposition se retrouve dans la critique adressée par Goldthorpe (2002) à la nomenclature des PCS. Il oppose ainsi le caractère synthétique de la PCS à son approche qui reposerait sur le principe « one concept, one criterion, one measure ». Il défend ainsi une approche qui fait découler la classe sociale d’une variable spécifique, la relation d’emploi. Se revendiquant d’une inspiration webérienne, il considère la classe comme fondée sur des relations sociales relevant exclusivement de la sphère économique, et distincte du statut, défini comme un rang ou prestige social nécessairement hiérarchique (Chan & Goldthorpe, 2004 ; voir aussi Merle, 2016). Dans cette approche, la classe sociale est aussi distincte de variables comme le revenu ou le diplôme, même si elle est corrélée avec ces dimensions. C’est seulement ainsi que l’on peut selon lui identifier des effets propres de la classe sociale.
30Il suffit cependant de regarder brièvement le schéma de Goldthorpe pour voir qu’il contient nombre de distinctions qui ne proviennent pas de l’application de la variable de relation d’emploi : certaines mesurent le statut d’emploi, le nombre d’employés, mais aussi la différence entre travailleurs manuels, non manuels et agricoles ou le niveau de qualification parmi les travailleurs manuels. Dans The Constant Flux (1992), Goldthorpe et Erikson sont d’ailleurs assez loin de revendiquer une grande pureté méthodologique dans la construction de leur outil. Ils écrivent explicitement qu’ils ne construisent pas un schéma de classes à partir d’un seul critère hiérarchique et précisent que le schéma n’est pas une carte définitive, mais un « instrument de travail » pour comparer la mobilité sociale dans les sociétés industrielles.
31Présenter le schéma de Goldthorpe comme ne reposant que sur une seule variable semble donc relever assez largement d’une reconstruction a posteriori. Le concept de classe sociale paraît en effet difficile à réduire à une seule variable. La plupart des classifications sont ainsi synthétiques, c’est le cas des PCS, mais aussi des classifications proposées par E. O. Wright (1997), M. Savage (Savage et al., 2013) ou encore Oesch (2006). Au sein de ces approches synthétiques, on peut encore distinguer d’un côté celles qui reposent uniquement sur des dimensions socio-économiques, comme les PCS ou les classifications de Goldthorpe, Wright et Oesch, et de l’autre celle de M. Savage qui se fonde aussi sur le capital culturel et social des individus.
32Dans une approche synthétique tenant compte des différents types de capitaux, il devient néanmoins vite difficile et arbitraire de déterminer les mesures de capitaux sociaux et culturels qui devront rentrer dans l’analyse et celles qui ne le devraient pas, ce qui limite la robustesse de la classification. Si l’on intègre des pratiques culturelles et sportives comme le théâtre ou le tennis, faut‑il également interroger sur la pratique amateur de l’astronomie, le nombre d’heures passées à regarder la télévision ou encore le maquettisme ?
33Cette approche entre ainsi vite en contradiction avec une utilisation classique du concept de classe sociale dans les travaux quantitatifs qui fait de la classe sociale un déterminant d’autres dimensions de la vie sociale. Cette utilisation impose de bien distinguer la classe comme propriété socio-économique de ses conséquences sur d’autres variables, comme les pratiques culturelles, la santé ou l’opinion politique. Si ces dernières sont constitutives de l’appartenance de classe, alors la classe sociale perd son rôle de déterminant des pratiques.
34La construction de groupes à partir de différentes dimensions rend l’analyse causale difficile pour une raison supplémentaire, soulignée par Goldthorpe (2002) dans sa critique des PCS. Il affirme ainsi que si la PCS est corrélée à une variable, on ne peut savoir lesquelles de ses variables constitutives ont un effet causal sur cette variable dépendante. L’avantage d’une perspective multidimensionnelle est néanmoins de mettre en lumière l’effet de combinaisons spécifiques de ces variables. On pourrait obtenir de tels effets simplement en examinant les interactions entre les variables constitutives des classifications. Cependant, examiner les effets d’interaction entre l’ensemble des variables utilisées pour construire une classification comme les PCS reviendrait à un problème soulevé précédemment : le trop grand nombre de combinaisons des modalités de ces variables et le peu d’intérêt de beaucoup de ces interactions entre modalités. La construction d’une nomenclature multidimensionnelle peut alors être considérée comme une stratégie plus parcimonieuse pour l’étude de l’ensemble des interactions entre variables.
35La construction d’une nomenclature entre ainsi en tension entre ces deux objectifs ou définitions concurrentes : identifier des groupes sociaux à partir du partage de nombreuses caractéristiques économiques, sociales et culturelles, ou construire une variable de position socio-économique permettant d’expliquer les comportements relevant d’autres dimensions comme les pratiques culturelles, la santé ou les opinions politiques. Dans le premier cas, on risque de rendre impossible la compréhension des relations causales entre ces différentes caractéristiques, dans le second, on peut aboutir à une théorie cohérente, mais au pouvoir explicatif limité.
Classe sociale, position économique, niveau d’éducation et profession
36Le cinquième problème que pose la construction d’une nomenclature de classes sociales est proche du précédent : qu’apporte cette nomenclature à la description de la hiérarchie sociale par rapport à de simples mesures de position économique (rassemblant revenu et patrimoine) et de niveau d’éducation ? Il y a souvent là un clivage disciplinaire entre économistes et sociologues. Ce clivage est très marqué dans la littérature sur la mobilité sociale qui, en économie, porte le plus souvent sur le revenu, et en sociologie sur la classe sociale (Blanden, 2013).
37Si une nomenclature des classes sociales doit décrire les inégalités sociales, on pourrait en effet penser que les principales ressources que sont le revenu, le patrimoine et le niveau d’éducation sont suffisantes. On peut néanmoins avancer trois raisons majeures pour lesquelles la plupart des travaux en sociologie ne se contentent pas d’une mesure de chacune de ces ressources. La première est que l’appartenance à une classe sociale mesure des dimensions particulières des inégalités qui exercent des effets propres et indépendants des variables précédentes. C’est, comme nous l’avons vu plus haut, ce qu’a proposé Goldthorpe de manière radicale en considérant que la classe sociale se mesurait au moyen d’une seule variable, la relation d’emploi.
38Une seconde raison de recourir à une mesure spécifique de la classe sociale est d’en faire une variable explicative des inégalités de revenu et de patrimoine, notamment en la mesurant principalement par la profession. C’est ainsi qu’est présentée ESeC (Rose & Harrison, 2010). Comme l’ont soutenu Frank Parkin (1979), Kim A. Weeden (2002) ou Kim A. Weeden et David B. Grusky (2005), de nombreux mécanismes centraux dans l’accaparement des ressources et la reproduction sociale se situent au niveau des professions, de leurs conflits et de leur mobilisation. Comprendre la hiérarchie des professions, c’est donc se situer en amont des inégalités de revenu et de patrimoine et se mettre en position de les expliquer.
39C’est en partie ce que l’on peut retrouver dans la démarche marxiste d’E. O. Wright (1997). Sa théorie repose sur le concept d’exploitation, qu’il définit comme une relation causale entre les revenus de deux individus, l’un s’appropriant les richesses créées par l’autre. Il distingue alors trois sources de pouvoir qui permettent cette exploitation : la propriété, l’autorité organisationnelle ou hiérarchique et l’expertise. Les classes sociales sont ainsi définies à partir de la maîtrise de ces trois sources d’exploitation qui expliquent donc les inégalités économiques.
40La troisième raison de distinguer une approche en termes de classes sociales d’une approche en termes d’inégalités de salaire ou de revenu peut au contraire être, comme on l’a vu, de décrire également des différences de position dans les rapports socio-économiques qui ne sont pas toujours des inégalités. Le fait que ces distinctions soient prises en compte par le schéma de Goldthorpe comme par les PCS pourrait expliquer leur plus grand succès par rapport à la nomenclature de Wright.
L’unité d’analyse : individus ou ménages ?
41Un problème qui a donné lieu à beaucoup de controverses dans le champ des études de la stratification sociale concerne l’unité d’analyse à retenir pour définir la position de classe, question particulièrement aiguë concernant les femmes n’occupant pas d’emploi (pour une revue de littérature, voir : Sorensen, 1994 ; Vallet, 2001). Dans l’approche conventionnelle, les études de la mobilité sociale attribuaient aux membres du ménage la classe sociale du chef de ménage, qui est presque toujours un homme. Joan Acker (1973) et Christine Delphy (1977) ont dénoncé cette pratique, qualifiée par la première de « sexisme intellectuel », qui entraîne une négligence de la place des femmes et passe sous silence l’inégalité entre les femmes et les hommes au sein du couple et sur le marché du travail. Selon cette position, l’unité d’analyse pertinente est l’individu plutôt que le ménage. Défendant l’approche conventionnelle, Goldthorpe (1983) a soutenu que c’est justement l’inégalité entre les femmes et les hommes qui justifie de retenir la famille comme unité de base.
42Pour essentiel qu’il soit, ce débat ne peut sans doute pas être tranché dans l’absolu, l’unité d’analyse appropriée variant selon les questions étudiées (Sorensen, 1994). Robert Erikson (1984) a ainsi proposé de reprendre la distinction entre deux dimensions de la classe sociale établies par David Lockwood puis John H. Goldthorpe : la position de chaque individu dans l’organisation du travail (work situation), et la situation économique du ménage auquel il appartient (market situation). Afin de mesurer cette dernière, il a proposé un « ordre de dominance » permettant de définir la classe à partir de la plus significative des professions des membres du ménage. Cette solution s’oppose à celle, plus novatrice, de Nicky Britten et Anthony Heath (1983). Afin de mieux rendre compte de la situation des couples hétérogames (cross-class), il propose une classification fondée sur le croisement des professions des deux conjoints.
43Alors que ce débat n’a étonnamment pas eu lieu en France (Vallet, 2001), il est impossible de le laisser de côté après des décennies d’implication accrue des femmes sur le marché du travail. Il semble donc nécessaire de développer des indicateurs de position de classe croisant les professions des deux conjoints, dans la lignée des propositions de N. Britten et A. Heath outre-Manche, ou de Michel Villac (1983) en France. Cette réflexion est en cours dans le cadre de la rénovation de la nomenclature des PCS et a donné lieu à des propositions pour une PCS ménage (Amossé et Cayouette-Remblière, 2019).
Rupture épistémologique, catégories juridiques et lisibilité
44La construction d’une nomenclature se situe aux carrefours de nombreux enjeux entre lesquels elle peut être tiraillée : rompre lorsque c’est nécessaire avec les catégories du sens commun, s’appuyer autant que possible sur les catégories institutionnalisées et rendre la classification lisible et utilisable par un public élargi.
45Une approche par la rupture épistémologique part du principe que la démarche scientifique construit une représentation du monde qui peut être radicalement différente des représentations ordinaires de la réalité. Dans une approche bourdieusienne, inspirée par Bachelard, il s’agit de construire ses propres objets et problématiques plutôt que de se les laisser imposer. Malgré des origines théoriques très différentes, c’est aussi la position de Goldthorpe et des concepteurs d’ESeC, qui opposent les classifications propres à une culture et familières aux acteurs sociaux, aux classifications culturellement neutres et dérivées d’une théorie (Rose & Harrison, 2010 : 31-32).
46Ces approches théoriques ont été critiquées par Weeden et Grusky (2005) qui décrivent l’approche de Goldthorpe comme une construction nominaliste de catégories qui n’auraient aucun sens pour les acteurs. Ils présentent, au contraire, leur approche centrée sur les professions comme réaliste, notamment parce les acteurs s’identifient à leur profession et que, dans de nombreux cas, leur existence a un fondement institutionnel et juridique.
47Dans une perspective similaire, les défenseurs des PCS ont souvent fait valoir que les catégories étaient inscrites dans l’histoire de chaque pays et dans ses structures socio-économiques propres. Il serait alors problématique de construire une théorie abstraite dégagée des spécificités nationales (Kieffer et al., 2002).
48Si l’objectif de lisibilité d’une classification par le grand public peut paraître éloigné de l’idéal du scientifique souhaitant se situer au-dessus de la mêlée sociale, cet enjeu est souvent évoqué dans les débats sur les nomenclatures. En tant qu’outil servant à produire des chiffres utilisés dans l’espace public, il est en effet difficile pour les statisticiens de faire abstraction de ce critère lors de l’élaboration des nomenclatures.
49Au-delà de la dimension politique ou pratique, ce problème de lisibilité pose des questions scientifiques importantes. En effet, comprendre les classes sociales, c’est aussi comprendre comment les individus hiérarchisent la réalité sociale et se distinguent les uns des autres. Il serait donc étonnant que la hiérarchie sociale telle qu’elle est conçue par les acteurs sociaux soit radicalement différente de celle conçue par les sociologues et statisticiens. Malgré leur volonté de rupture, les classifications comme ESeC ou EGP sont ainsi loin d’être incompréhensibles pour le sens commun. L’opposition entre rupture scientifique et reprise d’un savoir ordinaire ou institutionnel peut donc être relativisée.
L’intendance suivra ?
50François Simiand relevait dans son compte rendu du Suicide que Durkheim passait beaucoup de temps à définir le suicide, mais que, par la suite, il utilisait des codages administratifs qui n’avaient que peu de chances de s’appuyer sur sa définition. La faiblesse ou le caractère discutable du lien entre les concepts théoriques et les instruments de mesure est un problème que l’on peut retrouver fréquemment dans la sociologie et qui est particulièrement frappant dans les travaux sur la stratification sociale. Ainsi, le fameux ouvrage de Robert Erikson et John H. Goldthorpe (1992) ne comporte aucune méthode pour assigner des classes EGP aux individus. Et même si le livre d’Alain Desrosières et de Laurent Thévenot (2002 [1990]) qui présente les PCS comporte de nombreux développements sur l’activité de codage et ses difficultés, il n’explique pas vraiment comment réaliser soi-même cette opération. Les manuels récents n’indiquent généralement pas non plus comment faire ce codage de manière précise, ni ne décrivent l’algorithme SICORE utilisé par l’Insee pour effectuer un codage automatique.
51Attribuer une catégorie à un individu ou à un ménage est loin d’être évident, surtout lorsque l’on utilise des nomenclatures complexes qui entrecroisent de nombreux critères et des enquêtes dans lesquelles les mesures ne sont pas toujours très fines. Une fois effectuée, cette attribution devient une boîte noire et son résultat, accepté comme un fait, ne fera pas l’objet de discussion. Ce peu d’attention accordée au codage est paradoxal dans une sociologie française particulièrement intéressée, depuis les travaux de Desrosières, par les opérations de quantification. Il peut avoir des conséquences néfastes pour la qualité des données produites par la sociologie. Nombre d’enquêtes n’ayant que peu d’informations sur le mode de codage de la PCS, et n’utilisant pas SICORE, en sont réduites à recourir à l’autopositionnement des enquêtés, ce qui les suppose familiers des principes de construction de la nomenclature. Même lorsque les chercheurs réalisent eux-mêmes le codage à partir de la profession et du statut déclarés, il n’est pas sûr qu’il soit fait de la même manière qu’à l’Insee. Cela pose problème lorsque les proportions mesurées dans l’enquête sont ensuite comparées aux proportions nationales.
52La mise en œuvre concrète d’une mesure devrait être une partie fondamentale de toute théorie des classes sociales ou nomenclature, et la littérature sociologique devrait accorder plus de place à des réflexions qui lui paraissent peut-être techniques, mais qui sont le fondement le plus souvent ignoré de beaucoup de ses résultats. Cela nécessite à la fois des instructions claires sur les méthodes de codage, mais aussi des recherches sur les erreurs et biais d’attribution les plus courants ainsi que sur leurs conséquences, comme celle, par exemple, de Harry B. G. Ganzeboom (2005) sur le codage du métier dans le dispositif d’enquête ISSP.
Conclusion
53Nous avons distingué dans ce qui précède trois enjeux dans la construction d’une mesure des classes sociales : le développement d’une théorie des classes sociales, la construction d’un outil de classification, et la mesure des conséquences de l’appartenance de classe dans la vie économique et sociale. Nous avons ensuite présenté sept problèmes que rencontre la construction d’une mesure des classes sociales. Les diverses théories ou nomenclatures existantes peuvent être considérées comme des solutions différentes à ces problèmes.
54Importantes dans le contexte de la rénovation des nomenclatures nationales, ces questions se posent avec une acuité nouvelle avec la mise à disposition, dans les années récentes, d’un nombre toujours plus grand de données internationales. À l’échelle européenne, des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années avec l’adoption de la nomenclature ESeG (Meron et al., 2016 ; Hugrée et al., 2017 ; voir aussi Penissat & Siblot, 2017) et à l’échelle internationale, avec la révision de la nomenclature ISCO adoptée en 2008. Mais le développement d’une sociologie plus mondialisée et moins focalisée sur les pays occidentaux lance déjà le défi d’étendre ces démarches pour appréhender la stratification sociale à une échelle globale et analyser sociologiquement la manière dont interagissent inégalités entre classes et inégalités entre pays (Milanovic, 2019).
Notes
-
[1]
Voir le numéro thématique de la revue Sociology (vol. 48, no 3 : « Class Debate ») consacré à ce débat en 2014.