CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1« Quand je pars en vol, ma fille me demande : “tu rentres quand ?” “Dans 3-4 jours”. Elle me dit : “oh non…” Et mon père, il était marin, il partait 3 mois, 4 mois. Quand il rentrait, on lui disait : “tu repars quand ?!”... Tu sais, souvent je pleure… Je suis plus sensible maintenant. C’est vrai que quand tu as un enfant, je ne sais pas, ce n’est pas pareil.a » C’est en ces termes que Cécile, 51 ans, hôtesse de l’air sur moyen-courrier depuis l’âge de 23 ans, élevée dans une famille de marins en Bretagne, décrit les séparations avec sa fille lors de ses départs en vol. L’asymétrie des représentations qui pèsent sur les mobilités professionnelles masculines et féminines n’est pas propre à l’expérience de Cécile ni à son histoire familiale. La mobilité professionnelle féminine implique des comportements transgressifs vis-à-vis des normes de genre en raison de la place des femmes dans la division sexuée du travail domestique, qui requiert une présence sinon continue, du moins plus grande, de ces dernières au domicile familial. En outre, la mobilité géographique des femmes contrevient à la norme, plus discrète, d’une conjugalité cohabitante qui s’impose tout particulièrement à elles et qui constitue un corollaire au contrôle masculin des naissances (Héritier, 1996) : les couples mariés, pacsés ou en concubinage, vivent très majoritairement ensemble, sous le même toit (Régnier-Loilier et al., 2009). C’est en vertu de ces deux principes que le travail d’hôtesse de l’air a, par exemple, longtemps été réservé en France aux femmes non mariées [1].

2La question de l’articulation des temps de vie se pose avec acuité pour les personnels navigants du transport aérien et permet d’interroger plus largement la recomposition des formes de la vie familiale dans un contexte où le travail en horaires non standards se diffuse à de nombreux secteurs professionnels – commerce, tourisme, conseil, santé, etc. En effet, la mobilité géographique et son corollaire, les horaires atypiques (nuit, week-end, jour férié, à forte amplitude), font partie de la définition du poste de travail des personnels navigants. Soumis aux Codes des transports et de l’aviation civile, ils sont régis par des régimes horaires définis par des accords collectifs propres à chaque compagnie aérienne. Dans le cas étudié, les conditions de travail des personnels navigants sont caractérisées par un éloignement chronique du domicile (les « découchés ») pouvant atteindre 12 jours par mois pour un contrat à temps plein et une désynchronisation des rythmes sociaux ordinaires liée aux vols de nuit, aux changements de fuseaux horaires, à la saisonnalité de l’activité, plus dense en été et en hiver.

3De ce point ce de vue, les personnels navigants figurent parmi les salariés les plus concernés par la désynchronisation des temps sociaux.

4Au-delà de la spécificité du cas ethnographique étudié, cet article éclaire de manière originale les réflexions sur les inci­dences biographiques de l’extension du travail dominical régulier et du travail en horaires atypiques, qui concerne désormais un salarié sur trois en France, auquel s’ajoutent de nombreux trava-illeurs indépendants (Lesnard, 2009 ; Boulin et Lesnard, 2016). L’accélération des cadences de rotation des avions et la réduction du temps d’escale [2] tendent en effet à rapprocher les conditions de travail des perso-nnels navigants de celles de nombreux cadres et profe-ssions inte-llectuelles supérieures : les fortes amplitudes horaires, les découchés fréquents, l’irrégularité du planning constituent des traits communs à de nombreux salariés dans les secteurs du conseil, de la banque, de la médecine hospitalière par exemple. En outre, dans le cas étudié, la co-présence d’hommes et de femmes au sein des équipages aéronautiques, soumis aux mêmes régimes horaires, permet de comparer les effets du sexe, mais aussi de la classe sociale, sur les modes d’articulation entre les sphères profe-ssionnelle et familiale et leurs interactions sur le long terme. En effet, dans la compagnie étudiée, les femmes représentent deux tiers des effectifs en cabine (PNC) et 7 % des effectifs au poste de pilotage (PNT). Dès lors, les femmes pilotes qui appartiennent aux classes supérieures par leur place dans la division du travail, leur niveau de rémunération et de diplôme, se rapprochent-elles des hôtesses du point de vue des comportements matrimoniaux et familiaux, ou partagent-elles davantage les pratiques et/ou les représentations de leurs homologues masculins ?

5Ainsi, cet article propose de contribuer à l’analyse des effets du travail mobile [3] sur la conjugalité et la parentalité, dans la continuité des travaux sur la désynchronisation des emplois du temps individuels et conjugaux (White et Keith, 1990 ; Lesnard, 2009 ; Pailhé et Solaz, 2009 ; Täht et Mills, 2015). Quel est l’impact du travail mobile sur les processus de mise en couple et de séparation, le calendrier des naissances, ainsi que sur les représentations du couple et de la famille ? Dans quelle mesure la mobilité féminine contribue-t-elle à recomposer la division sexuée du travail qui prévaut traditionnellement dans la sphère domestique ? La littérature sur les métiers du transport ciblée sur des groupes professionnels masculins en raison de la ségrégation horizontale du marché du travail – les officiers de marine marchande, les contrôleurs de train, les chauffeurs routiers (Bonnano, 2014 ; Rodrigues, 2010 ; Guichard-Claudic, 2006) – offre peu de perspectives comparatives de ce point de vue. Elle analyse, dans une perspective de sociologie du travail, les conditions d’exercice et le déroulement des carrières (Bonnet et al., 2017). Les études de genre ont permis de renouveler certains questionnements. En effet, si la participation croissante des femmes au marché du travail salarié a d’abord été envisagée sous l’angle de la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (Delphy, 1975 ; Guelaud-Leridon et Pitrou, 1986), elle a ensuite progressivement été posée en termes d’inversion des normes de genre, à mesure de l’investissement féminin des métiers dits masculins (ingénieur, avocat, etc.) et, inversement, à mesure de la progression de la part des hommes dans des métiers dits féminins (infirmier, sage-femme, etc.) (Lapeyre et Le Feuvre, 2004 ; Buscatto et Marry, 2009 ; Marry et al., 2015). Les femmes très diplômées qui investissent des secteurs d’emplois masculins semblent mettre à distance les rôles familiaux et conjugaux qui leur incombent traditionnellement : dans les entreprises et administrations étudiées, elles ont moins d’enfants et sont plus souvent célibataires que les autres (Guillaume et Pochic, 2009).

6En privilégiant une approche relationnelle du genre, cet article s’attache à saisir l’impact différencié du travail mobile sur les dynamiques familiales des femmes et des hommes concernés par cette spécificité. Les données tirées du fichier RH et les entretiens menés dans une compagnie aérienne (voir Encadré 1) montrent que les personnels navigants présentent des structures familiales spécifiques du point de vue de certains indicateurs sociodémographiques. Elles révèlent également l’asymétrie des représentations qui caractérisent les mobilités féminines et masculines. La mobilité masculine est non seulement considérée comme naturelle dans le cadre de la carrière professionnelle (favorisant les promotions), mais elle est aussi présentée comme nécessaire à l’équilibre des relations familiales ; les absences féminines du domicile font au contraire l’objet de nombreuses négociations au sein des couples qui aboutissent à suspendre temporairement – plus qu’à inverser – les normes traditionnelles de genre. Ce faisant, les difficultés intimes masculines se trouvent euphémisées dans un contexte professionnel où la virilité, l’appétence pour la mobilité, la disponibilité biographique extensive et le contrôle des émotions sont valorisés (Connell, 2014 ; Hochschild, 2017).

Encadré 1. – Méthodologie

Cet article s’appuie sur une enquête monographique réalisée entre 2014 et 2017 dans une compagnie aérienne. Deux types de matériaux ont été collectés. Les fichiers RH des personnels navigants techniques (PNT) – commandant de bord (CDB), copilote (CP) – et commerciaux (PNC) – hôtesse/steward, chef de cabine (CC), chef de cabine principal (CCP) – recensent l’ensemble des perso-nnels navigants en exercice dans la compagnie entre 1997 et 2015. Ils fournissent des informations sociodémographiques (sexe, âge, statut matrimonial, date de naissance des enfants, nombre d’enfants à charge) et des données relatives à la position dans l’entreprise (grade, secteur géographique d’affectation – long ou moyen-courrier –, type de contrat – temps plein ou partiel et quotité horaire de travail, date et motif de fin de contrat). Produits à des fins de gestion du personnel, ils ne comportent toutefois aucune information relative à la situation du salarié antérieure à son entrée dans l’entreprise (notamment le niveau de diplôme, l’origine sociale).
Ce sont les entretiens biographiques qui ont permis de réinscrire les carrières professionnelles dans une histoire sociale et familiale plus large, et d’accéder aux pratiques domestiques et au « monde privé » des navigants. 23 PNT et 30 PNC en poste dans la compagnie ont ainsi été interrogés, couvrant une diversité de situations sociales et familiales (voir Tableau 1). Réalisés à leur domicile, d’une durée allant de 1 h 30 à 4 h 15, ces entretiens ont porté sur les modes d’entrée dans la profession, le déroulement des carrières professionnelles et familiales, les activités hors travail, l’organisation des gardes et du travail domestique. En complément, nous avons effectué six vols au cours de deux rotations afin d’observer les manières de « faire famille à distance » (Lelièvre et al., 2018). En effet, certaines pratiques à bord des avions ou en escale (partage de repas avec la famille par Skype, Facetime, achat de cadeaux pour les proches, etc.) pouvaient paraître trop informelles ou illégitimes pour être évoquées dans le cadre d’un entretien sociologique (Schwartz, 1993).

Tableau 1. – Caractéristiques sociodémographiques des enquêtés

PNC
PNT
N (effectifs)
30
23
Sexe
Femme
Homme

18
12
6 17
Grade
14 (hôt./stew.) 14 (CC)
2 (CCP)
14 (CP) 9 (CDB)
Âge
< 35 ans
35-39 ans
40-44 ans
≥ 45 ans
1 5 9 15
5 6 2 10
Ancienneté dans la compagnie
< 10 ans
10-20 ans
> 20 ans
1 16 13
9 9 5
Niveau de diplôme
Bac
Bac+2/3 (BTS, DEUG/Licence)
Bac+4/5 (Maîtrise, DESS/Master)
6 19 5
- - -
Nombre d’enfants
0
1
2
3 et +
9 4 11 6
4 5 10 4

Tableau 1. – Caractéristiques sociodémographiques des enquêtés

Des configurations familiales spécifiques

Des célibataires plus nombreux et une descendance plus restreinte

7Avant d’interroger les manières de faire famille à distance, il convient de se demander si les structures familiales des personnels navigants sont spécifiques. Sans pouvoir établir une comparaison terme à terme avec le reste de la population française en raison de l’hétérogénéité des sources de données (fichiers RH d’un côté, enquêtes de la statistique publique en population générale de l’autre), plusieurs indicateurs permettent de caractériser les structures familiales des personnels navigants. Tout d’abord, loin des représentations communes d’une population jeune, célibataire et libérale du point de vue des normes sexuelles (Hochschild, 2017), les discours des navigants recueillis en entretien révèlent l’importance du familialisme et l’attachement aux structures traditionnelles de la parenté (Lenoir, 2003). Les navigants valorisent le mariage plutôt que l’union libre ou le concubinage, la stabilité conjugale plutôt que le célibat, le pluripartenariat ou la mobilité conjugale, et l’investissement dans la parentalité comme en témoignent les conversations dans les galleys et les cockpits des avions. Les entretiens menés avec les navigants, qu’ils soient célibataires, en couple hétérosexuel ou homosexuel, montrent également l’attention accordée aux cadres juridiques qui entourent l’institution familiale et la maîtrise des différents contrats. Par cet aspect, les personnels navigants se conforment aux valeurs de la bourgeoisie économique à laquelle ils appartiennent par leur niveau de rémunération, leur statut d’emploi et leur place dans la division du travail (Bourdieu, 1979 ; Lignier, 2012).

8Pour autant, les indicateurs statistiques révèlent un certain écart avec ces formes familiales traditionnelles. La situation matrimoniale et la date de naissance des enfants, telles qu’elles sont déclarées par les salariés au service des ressources humaines, permettent ainsi de mesurer l’âge moyen au premier enfant, la part de l’infécondité finale parmi les femmes de plus de 40 ans encore en poste dans la compagnie, ainsi que la taille moyenne des fratries. Ces données révèlent sans ambiguïté les contraintes qui pèsent sur les structures familiales et conjugales des travailleurs mobiles, sans pour autant permettre de déterminer le sens de la causalité : les conditions de travail entraînent-elles une sélection des individus à l’entrée dans la carrière de navigant ? Ou le métier de navigant produit-il des effets durables sur les pratiques et les représentations de la parentalité et de la conjugalité, conduisant à l’adoption de modes de vie différents ? Ainsi, en 2014, plus de 40 % des PNC se sont déclarés célibataires aux services des ressources humaines, une proportion quasiment aussi élevée pour les femmes que pour les hommes [4]. En outre, 17 % des navigants en couple ont déclaré que leur conjoint travaillait dans la même entreprise. Malgré la difficulté exprimée en entretien à vivre en couple de manière durable, notamment quand le conjoint n’est pas navigant ou ne travaille pas en horaires atypiques, le célibat n’est pas valorisé et les célibataires font l’objet de moqueries au sein des équipages. La norme sociale dominante, alors réaffirmée à cette occasion, reste le couple hétérosexuel cohabitant avec enfant(s) tandis que les unions de même sexe sont acceptées dès lors qu’elles n’impliquent pas la gestion d’un enfant. Le vieillissement démographique du personnel navigant sous l’effet de l’arrêt des recrutements [5] dans la compagnie depuis 2009 pourrait renforcer cette tendance au conservatisme moral comme le montrent les études sur les opinions politiques en fonction de l’âge (Muxel, 2011). L’âge moyen des hôtesses et stewards dans la compagnie atteint en effet 42 ans en 2014. D’autres données permettent toutefois d’appréhender la diversité des situations familiales des navigants en fonction de la position sociale et du sexe : 48 % des stewards et 27 % des hôtesses se déclarent sans enfant en 2014. Parmi les pilotes, c’est le cas de 38 % des hommes et de 41 % des femmes. Cette proportion particulièrement élevée de femmes pilotes sans enfant, nettement supérieure à celle des hôtesses, montre les effets de sélection à l’entrée dans le métier, outre le rôle des conditions de travail et les horaires atypiques. Elle révèle aussi sans doute en creux la part élevée des populations homosexuelles parmi les navigants, dont l’accès à la parentalité reste limité au sein de la société française.

Tableau 2. – Nombre d’enfants à charge des personnels navigants selon la fonction et le sexe, en 2014 (en %)

PNC
PNT
Homme
Femme
Homme
Femme
0
48,1
27,5
38,0
40,7
1
15,6
23,7
8,5
16,6
2
25,7
35,0
27,5
27,4
3 et +
10,55
13,8
26,0
15,3

Tableau 2. – Nombre d’enfants à charge des personnels navigants selon la fonction et le sexe, en 2014 (en %)

Champ : PNC et PNT en CDI en 2014.Source : Fichier RH de la compagnie.

Graphique 1. – Nombre d’enfants à charge des personnels navigants commerciaux (cohorte 1998-2002) selon le sexe, en 2015

Graphique 1. – Nombre d’enfants à charge des personnels navigants commerciaux (cohorte 1998-2002) selon le sexe, en 2015

Graphique 1. – Nombre d’enfants à charge des personnels navigants commerciaux (cohorte 1998-2002) selon le sexe, en 2015

Champ : PNC entrés en CDI entre 1998 et 2002, et encore en poste en 2015.Source : Fichier RH de la compagnie.

9C’est l’analyse spécifique d’une cohorte de navigants entrés entre 1998 et 2002 dans la compagnie, encore en poste en 2015, qui permet d’approcher la notion d’infécondité finale dans une perspective dynamique : 20 % des hôtesses et 42 % des stewards de cette cohorte, âgés de plus de 42 ans en 2015, se déclarent sans enfant à cette date.En comparaison, en population générale, seuls 14 % des hommes et 10 % des femmes âgées de 45 ans se déclarent sans enfant comme le montre l’enquête « Fecond » menée par l’INED et l’INSERM auprès d’un échantillon représentatif de la population française. La prise en compte du niveau de diplôme ne réduit que très peu les écarts observés entre les deux populations. Certes, les femmes diplômées sont plus fréquemment infécondes que les femmes non diplômées, mais cet écart s’est fortement réduit au cours de la dernière décennie, de sorte qu’en 2011, seuls 15 % des femmes nées entre 1961 et 1965 et ayant un niveau de diplôme supérieur au baccalauréat n’ont pas d’enfant en fin de période féconde contre 12 % des femmes sans diplôme (enquête INSEE « Familles et logement » 2011). Chez les hommes, l’effet du niveau de diplôme est inverse : 25 % des hommes sans diplôme nés entre 1961 et 1966 sont sans enfant en 2011, contre 20 % des hommes titulaires d’un diplôme supérieur ou égal au bac (Masson, 2013). L’infécondité définitive – être sans enfant en fin de vie féconde – est donc relativement plus marquée chez les personnels navigants que dans le reste de la population et ce, quel que soit le sexe. Elle constitue en ce sens une caractéristique spécifique de ce groupe professionnel.

10En outre, l’avancement dans la carrière semble s’accompagner de certaines configurations familiales spécifiques comme le montrent les fichiers du personnel. Le nombre moyen d’enfants par femme est plus faible pour les femmes cadres et cheffes de cabine [6] (1,02 enfant/femme) que pour les hôtesses (1,14 enfant/femme), une fois pris en compte les effets d’âge. Les écarts sont légèrement plus marqués pour les hommes : les hommes cadres et chefs de cabine ont en moyenne 0,73 enfant contre 0,9 pour les stewards. L’accès aux grades de chef de cabine et de cadre s’accompagne ainsi d’une diminution relative de la taille des fratries, pouvant traduire l’importance des contraintes temporelles liées au poste de travail lui-même, mais aussi les normes qui régissent l’avancement dans la carrière. La promotion, qu’elle s’effectue par choix ou à l’ancienneté, valorise la disponibilité biographique du salarié (importance des remplacements effectués en période de réserve, formations suivies hors des temps de vol, sanction de l’absentéisme dit critique). En outre, l’année d’affection dans le nouveau grade implique de travailler à temps plein et de perdre les avantages liés à l’ancienneté dans le choix des congés et des jours des repos. De nombreuses hôtesses indiquent ainsi renoncer à passer les sélections de cheffes de cabine et de cheffes de cabine principales afin de garder la maîtrise relative de leur emploi du temps et prévenir d’éventuels conflits entre les calendriers professionnels et familiaux.

Une mobilité de plus faible ampleur pour les femmes

11Si les personnels navigants tendent à paraître plus souvent célibataires et sans enfant que la population française, les femmes continuent d’investir massivement ce métier puisqu’elles représentent 66 % des PNC en exercice dans la compagnie en 2014, un effectif stable depuis les années 2000. Elles représentent en comparaison 7 % des effectifs de pilotes. Une analyse de la distribution des personnels navigants par secteur géographique (court/moyen et long-courriers), type de contrat (temps partiel ou complet) et quotité horaire (50 %, 66 %, 75 %, 83 % et 92 %) montre que si la mobilité des femmes est réelle, elle demeure plus limitée que celle des hommes et revêt des caractéristiques spécifiques. Ces données rappellent le caractère genré de la perception et de la gestion des conflits d’articulation entre les sphères familiale et professionnelle : la mobilité ne constitue pas le même enjeu pour les hommes et pour les femmes, en particulier après l’arrivée du premier enfant.

12Ainsi, en 2014, 39 % des PNC et 16 % des PNT travaillent en « temps alterné » ou « temps alterné fractionné », une modalité du temps partiel propre au secteur aérien, organisé sur le mois ou l’année entière. C’est le cas de 50 % des hôtesses en poste (contre 19 % des stewards) et de 31 % des femmes pilotes (contre 14 % des hommes pilotes). Si le recourt au temps partiel semble massif dans un contexte professionnel où une hôtesse sur deux travaille à temps plein, le métier de navigant ne paraît pas accentuer les inégalités entre les femmes et les hommes observées sur le marché du travail de ce point de vue. En effet, les enquêtes Emploi de l’INSEE montrent qu’en France métropolitaine, les femmes travaillent six fois plus souvent à temps partiel que les hommes (Guedj, 2013) : 29,6 % des femmes en emploi travaillent à temps partiel en 2011 contre 4,7 % des hommes ; c’est le cas de 25,2 % des femmes en emploi titulaires d’un diplôme bac +2 (contre 4,5 % des hommes), et de 22,6 % des femmes en emploi titulaires d’un niveau de diplôme supérieur à bac+2 (contre 5,7 % des hommes). La surreprésentation des femmes dans le temps partiel par rapport aux hommes paraît donc moindre dans le corps des PNC que dans la population générale, à niveau de diplôme comparable [7].

13Pour autant, l’analyse des usages sociaux du temps partiel montre de fortes différences entre les hommes et les femmes et ce, quel que soit le grade (Lambert, 2017). Les femmes pilotes et les hôtesses à temps partiel consacrent la majeure partie du temps dégagé au travail parental et aux tâches domestiques, alors que les hommes ont un usage davantage récréatif et/ou professionnel du temps partiel (pratique d’un sport à haut niveau, exercice d’un mandat politique ou associatif, travail à côté rémunéré, etc.), même s’ils affichent aussi la volonté de s’impliquer dans le travail parental, effectuant par exemple fréquemment des accompagnements scolaires. Ainsi, le recours au temps partiel et les horaires non standards de travail ne conduisent pas mécaniquement à l’inversion des rôles sexués en matière domestique et familiale ; la situation du conjoint reste déterminante pour comprendre la manière dont sont réalisés les arbitrages au sein des couples (Trancart et al., 2009 ; Maublanc, 2009).

14Un autre indicateur révèle les aménagements dont la mobilité féminine fait l’objet : la répartition des personnels navigants sur les différents réseaux est fortement différenciée selon le sexe et montre la difficulté des femmes à « tenir le long-courrier » à mesure de l’avancement dans la carrière. Parmi les PNC, 75 % des femmes et 79 % des hommes travaillent sur long-courrier, qui constitue le plus gros secteur d’activité de la compagnie, mais la majorité des femmes sur long-courrier travaillent à temps partiel (59,6 %) contre 25,6 % des hommes en poste dans le même secteur. Ces écarts entre les sexes sont plus faibles sur moyen et court-courriers. De même, la moitié des femmes pilotent les avions commerciaux les plus petits de la compagnie [8] sur les lignes intérieures ou le moyen-courrier alors que 59 % des hommes sont qualifiés sur les gros porteurs, effectuant de ce fait exclusivement des rotations sur long-courrier. En outre, 68 % des femmes pilotes sur long- courrier sont à temps plein, contre 92 % des hommes. Tout se passe donc comme si les femmes – hôtesses et pilotes – privilégiaient les vols de proximité et les rotations plus courtes afin de limiter le nombre de découchés et le décalage horaire avec les membres de la famille, ce qui leur permet, en quelque sorte, d’assurer la continuité du service domestique.

Tableau 3. – Temps de travail des personnels navigants selon la fonction et le sexe, en 2014 (en %)

PNT
PNC
Total
Femme
Homme
Total
Femme
Homme
Mi-temps
0.2
0.7
0,1
4.9
6.8
1.3
Deux tiers-temps
0.1
0.7
0.1
5.1
7.1
1.2
Trois quarts temps
2.2
7.0
1.8
9.8
13.4
2.9
83 %
4.7
11.8
4.2
10.1
12.6
5.2
92 %
8.4
8.4
4.2
9.5
10.1
8.3
Temps plein
84.4
69.1
85.6
60.7
50.1
81.1

Tableau 3. – Temps de travail des personnels navigants selon la fonction et le sexe, en 2014 (en %)

Champ : PNC et PNT en CDI en 2014.Source : Rapport de situation comparée.

15Ces données de cadrage révèlent au final différentes manières d’investir le métier de navigant en fonction du sexe. En aménageant leur planning de travail et en restreignant les secteurs de vol à mesure de l’avancée dans la carrière, les femmes hypothèquent leurs chances de promotion professionnelle. Ces « choix » reflètent également les normes genrées de gestion des carrières qui existent dans la compagnie. Pour autant, la mobilité géographique ne peut être perçue exclusivement comme une contrainte professionnelle de la part de femmes qui ont fait le choix d’une activité structurellement organisée autour de celle-ci et de son corollaire, le travail en horaires atypiques. Ce sont les entretiens biographiques qui permettent d’accéder aux représentations que les salariés se font de cette mobilité au long cours et aux modes d’organisation domestique dans la sphère privée.

La mobilité professionnelle comme ressource féminine

16De prime abord, la mobilité masculine est présentée comme naturelle et est peu questionnée par l’entourage : elle paraît nécessaire à l’avancement dans la carrière professionnelle. Dans le même temps, le modèle de masculinité hégémonique qui prévaut dans ce secteur professionnel, et le contrôle des émotions qui s’ensuit, conduisent à euphémiser les difficultés familiales éprouvées par ces derniers dans les situations de mobilité répétée (fatigue chronique, perte du sommeil, impuissance sexuelle, perte de pouvoir domestique, etc.). Inversement, la mobilité féminine, qui a pu faire l’objet de questions au moment du choix du métier et fait l’objet d’aménagements continus, est loin de systématiquement constituer un obstacle personnel pour ces dernières : l’escale constitue un « temps à soi » où les navigantes se soustraient temporairement à la « domination rapprochée » qui caractérise les rapports professionnels en avion et les relations dans le huis clos familial (Memmi, 2016). Les découchés permettent aussi de générer un sursalaire qui contribue à renforcer leur pouvoir de négociation dans le couple, tout particulièrement pour les femmes pilotes ainsi placées en situation d’hypergamie féminine. La mobilité représente une ressource intime d’autant plus valorisée que les femmes ont la possibilité de sous-traiter au secteur marchand (assistante maternelle, jeune-fille au pair, etc.) le travail de garde des enfants et d’entretien des maisons.

L’escale, un temps à soi

17Dans les représentations collectives, le métier de navigant est souvent vu comme incompatible avec le métier de mère et d’épouse. Pour autant, d’autres aspects des conditions de travail permettent de comprendre l’engagement des femmes dans ce métier et les ressources qu’elles en tirent dans la sphère privée. C’est tout particulièrement le cas de l’escale et des conditions de rémunération qui sont associées à la pratique des découchés [9]. Strictement encadrée par les accords collectifs du PNC qui définissent le nombre de nuitées, le type d’hôtel et de prestations associées, le montant des indemnités, l’escale est définie comme un « temps de repos » [10]. Pour les femmes navigantes, l’escale constitue plus fondamentalement un temps à soi au cours duquel elles échappent à plusieurs types de domination qui se combinent très souvent dans la vie quotidienne : elles ne sont plus sous l’autorité du commandant de bord et du chef de cabine, des postes occupés majoritairement par les hommes, ni sous le contrôle étroit des clients en cabine ; elles échappent temporairement à la « domination rapprochée » qui s’exerce au sein du foyer – cette « situation d’interdépendance puissante renforcée par le fait que les individus se trouvent retenus de manière quasi continue, en situation de co-présence physique, dans un lieu relativement unique et clos » (Ibidem) ; enfin, elles n’ont plus la charge physique des enfants même si elles peuvent garder une partie de la « charge mentale » liée au travail parental et à l’organisation quotidienne de la vie familiale (Haicault, 1984). L’escale constitue donc un moment où les femmes expérimentent la fin du contrôle rapproché sur leur corps et où elles retrouvent la possibilité de s’autodéterminer dans leurs pratiques, leurs loisirs, leur emploi du temps.

18Les récits d’activités en escale et les observations montrent que le temps féminin est largement utilisé pour la reconstitution de la force de travail (récupération de la fatigue liée à la rotation effectuée, anticipation de la fatigue à venir liée au vol retour) ; les visites culturelles et les sorties dans les bars et restaurants sont rares, notamment à mesure que les femmes avancent en âge. Ainsi, Marie-Pierre, cheffe de cabine de 40 ans, mère de deux jeunes enfants, en couple avec un conjoint intermittent du spectacle, reste très souvent dans sa chambre d’hôtel. Elle apprécie la détente procurée par cet isolement (« Je suis seule et tranquille. Et ça, c’est bien agréable. La dernière fois, j’ai lu. Chose que je ne fais pas à la maison »). Elle profite aussi ponctuellement des aménités de l’hôtel (room service, salle de sport, etc.) Aucune tâche ménagère ni devoir de sociabilité ne se rappellent à elle : les repas sont préparés et livrés sur demande ; le linge de maison est nettoyé par le personnel de service ; des soins corporels et des espaces de détente sont accessibles dans l’enceinte de l’hôtel.

19Les hôtesses et les femmes pilotes se rejoignent dans leurs pratiques en escale et dans la distance affichée à l’égard de la sociabilité professionnelle, tendant sur ce point à s’opposer aux équipages masculins. Elles déclinent les propositions de sorties au nom de l’anticipation du travail domestique à venir. « Moi j’ai deux enfants qui m’attendent à la maison » s’excuse ainsi Blandine, copilote de 50 ans, face au commandant de bord de 58 ans, également père de deux enfants, qui propose de dîner au restaurant lors de la courte escale à Tunis. D’autres femmes se dispersent rapidement dans le hall de l’hôtel afin d’éviter d’avoir à refuser les propositions de sortie des collègues et regagnent leur chambre jusqu’au signal du départ.

20Une différence notable entre les femmes PNT et PNC provient néanmoins de la possibilité pour les premières de prolonger ce quant-à-soi autour de l’escale, par la possession d’un petit logement à même de jouer le rôle de sas entre le huis clos de l’avion et celui du foyer. Carole, copilote de 40 ans sur moyen-courrier et mère de deux fillettes, loue ainsi un deux-pièces, pour 500 euros par mois, situé près de la base aéroportuaire de Nice où elle travaille, alors qu’elle vit le reste du temps à Marseille avec son conjoint et ses enfants :

21

J’ai mon appartement… Ça me fait une coupure. C’est sûr que mon mari, lui, il est à la maison tous les jours. Moi, j’ai cette possibilité de pouvoir déconnecter pendant deux, trois jours. Je suis seule, j’ai rien à gérer… Il y a une supérette en bas, je prends une tranche de jambon, le minimum du minimum ! Ça me permet de faire des choses, notamment du sport que je ne pouvais pas faire à Marseille. Et puis j’ai mes livres... Du coup, je me couche tôt ; des fois, à 8 h je dors ! Mais bon, j’aime bien ça.

22Les différences de rémunération entre les hôtesses et les pilotes (de 1 à 4 en début de carrière, les écarts croissent par la suite), mais aussi le salaire généralement plus élevé des femmes pilotes par rapport à celui de leur conjoint, rendent compte de la possibilité que ces dernières ont de mettre à distance l’emprise familiale sur leur vie personnelle (Baizán et al., 2013). Le sursalaire lié aux vols de nuit et aux découchés augmente leur capacité de sous-traitance du travail domestique, en même temps qu’il renforce leur pouvoir de négociation au sein du couple. Pour autant, les navigantes ne revendiquent pas une substituabilité des rôles masculin et féminin. Leurs pratiques et leurs discours révèlent au contraire la complémentarité de ces rôles à leurs yeux : « Au niveau des absences, c’est tout, c’est le métier de navigant. C’était connu à l’avance de mon conjoint. Il le savait. Et puis, il gère très bien tout seul, c’est un grand garçon », dit Carole, pilote, avec ironie, se « limitant » néanmoins à un appel par jour pour « vérifier que tout va bien ». Peu de femmes pilotes ou hôtesses tiennent d’ailleurs des discours sur l’indifférenciation des sexes et l’interchangeabilité durable des investissements des conjoints dans la sphère domestique.

Négocier le départ : les conditions sociales de la mobilité féminine

23Si la mobilité féminine est réelle malgré les nombreux aménagements dont elle fait l’objet, elle est négociée en amont avec le conjoint et compensée en aval par un rattrapage des tâches domestiques. La mobilité des femmes fait en effet l’objet d’ajustements nombreux visant à assurer la continuité du service domestique à la famille, en particulier quand les enfants sont en bas âge. L’absence féminine du domicile est souvent payée par l’anticipation des tâches domestiques en amont du vol. « Je prépare en avance les affaires : je pars cinq jours, il y a cinq tas de vêtements. Je lui dis : “tu peux interchanger si tu vois que le temps s’améliore et tout” », détaille Marie-Pierre, hôtesse et mère de deux fillettes. Prise des rendez-vous médicaux, réservation des baby-sitters, remplissage du réfrigérateur, Marie-Pierre veille également à limiter les autres contraintes domestiques qui pourraient peser sur son conjoint en son absence. Au-delà de la particularité des arrangements individuels observés, l’anticipation du travail domestique porte sur les tâches les plus féminines (entretien du linge, courses alimentaires) au sens des enquêtes « Emploi du temps » (Ponthieux, 2015).

24La négociation du planning de travail avec la compagnie montre également l’intériorisation de certaines contraintes temporelles. Les navigantes demandent plus souvent que les homologues masculins les vols du matin plutôt que les vols du soir et privilégient le réseau intérieur afin d’être présentes à la sortie d’école et en soirée ; sur long-courrier, les femmes cherchent à éviter les départs en vol le week-end, répondant ce faisant à la demande, souvent pudique, du conjoint de ne pas rester seul ou de ne pas faire face trop longtemps aux enfants. Ainsi, Valérie, hôtesse sur long-courrier de 40 ans, en couple avec un graphiste, rend compte des discussions conjugales qui entourent les départs en vol :

25

Enquêtrice : Et comment vit-il les absences… ?
Valérie : On a quand même pas mal d’escales courtes maintenant, il y a plus de fréquences… Mais bon, ça dépend aussi de son état d’esprit. Là, en ce moment, il est fatigué par le boulot, un peu déprimé, donc il a besoin de présence… Donc en ce moment, quand je pars, c’est plus dur. J’essaie faire attention, de ne pas partir un dimanche. Pour moi, c’est moins dur de partir. C’est mon boulot.

26La mobilité féminine se paie, enfin, d’une intensification du travail domestique en aval. En effet, le temps d’escale n’est pas perçu comme un temps productif par le conjoint qui semble alors exiger un « rattrapage » plus qu’une reprise du cours « normal » de la division du travail domestique. Ce dont témoigne la situation de Marie-Pierre, largement partagée :

27

L’autre fois, j’ai atterri un mercredi. Mauvais jour. Les gamines. Donc j’ai pas pu faire la sieste. J’ai galéré jusqu’au soir. J’ai tenu hein, mais j’ai galéré. Mon mec, il a dû mal à comprendre encore ça. Il dit : « mais t’as rien foutu en escale ! » Ouais c’est vrai, j’ai rien foutu. Mais en fait, il y a la nuit blanche quand on revient. Inévitablement, on est déglingué par la nuit blanche […] Il ne comprend pas. La fatigue, il ne la mesure pas. Il ne me préserve pas [de] ça. Il ne me dit pas « c’est bon, je prends les deux ». Il n’en prend qu’une [fille] ; mais ça ne sert à rien, une !

28Finalement, si l’escale constitue un temps d’espacement, voire de diminution, des contraintes de la vie quotidienne, elle ne signifie pas pour autant la suspension des liens familiaux ni l’inversion des rôles sexués. Les femmes en mobilité donnent des signes de présence et s’assurent du bon déroulement des activités quotidiennes. Elles appellent les enfants et le conjoint à l’heure du repas ou du coucher malgré le décalage horaire et la fatigue inhérente à la rotation. D’autres prennent même leur repas dans leur chambre d’hôtel, devant Facetime, Skype ou Viber, en même temps que leurs enfants, comme pour reconstituer une communauté de vie à distance. Pour les hôtesses les plus anciennes de la compagnie, ces outils de communication auraient ainsi changé l’ambiance des équipages, alors présentés comme une « famille de substitution ».

Une mobilité masculine naturelle et nécessaire ?

29En comparaison, les hommes affirment « tout couper » quand ils sont en escale, séparant les temps professionnels et familiaux : « quand je pars, je coupe tout » ; « ils se débrouillent très bien sans moi » ; « ça participe à l’équilibre du couple et de la famille de pas être toujours sur les uns sur les autres ». Le départ des hommes paraît ainsi non seulement naturel dans le cadre de la carrière, mais il est aussi présenté comme nécessaire à l’équilibre des relations conjugales et familiales. Jacques, commandant de bord, marié depuis une vingtaine d’années et père de deux adolescents, détaille ses activités en escale ; les appels à la famille sont rares et limités aux « cas exceptionnels » :

30

Jacques : Moi, je considère qu’on n’est pas en vacances en escale. Donc l’idée, c’est 1) se reposer, 2) essayer de passer un bon moment si possible. On arrive toujours à prendre un verre ou se faire un resto avec quelques membres de l’équipage. […] Moi, je n’ai pas besoin de voir mes filles tous les soirs en image. Elles non plus, elles n’ont pas besoin de me voir [rires] ! On sait qu’on n’est pas là et que ça se passe très bien sans nous. Donc on n’a pas de scrupule à aller prendre un verre, manger au resto plutôt que passer sa soirée au téléphone.
Enquêtrice : Et justement, vous n’appelez pas… ?
Jacques : Non, sauf cas exceptionnel si vraiment elle est… pour les maladies ou des choses comme ça, mais bon. Ou alors, parfois effectivement un petit coup de téléphone ou un petit tour sur Skype pour euh… mais bon. Je pense que quand on n’est pas là, les enfants ou les conjoints comprennent qu’on n’est pas là. Je trouve que ça participe à l’équilibre du couple et de la famille de ne pas être tout le temps les uns sur les autres.

31C’est la femme de Jacques, cadre RH devenue mère au foyer, qui s’occupe des affaires courantes en l’absence de son conjoint tandis que les dépenses exceptionnelles (gestion des appartements en investissement locatif, paiement des impôts, achat de gros électroménagers, etc.) et les activités familiales considérées comme importantes (relations avec la direction des établissements scolaires, etc.) sont reportées à son retour. L’absence masculine de courte durée (de 1 à 6 jours), quoique régulière, ne contribue pas à renverser l’ordre familial traditionnel, au contraire des marins au long cours et des salariés aux absences prolongées (Guichard-Claudic, 1999).

32Plus largement, les récits d’entretien montrent que la mobilité professionnelle masculine est mise en scène et participe de la construction de la virilité en même temps que d’un certain prestige social. Deux catégories d’individus sont ainsi fréquemment opposées dans les discours avec d’un côté, les mobiles, aventuriers et auto-nomes et, de l’autre côté, les sédentaires : « On n’est pas tous attirés par les mêmes choses. Il y a des gens qui adorent faire des allers-retours dans la journée et être chez eux le soir, et il y en a qui sont extrêmement malheureux dans ces conditions. Moi, j’aime bien partir, j’aime partir de chez moi longtemps et loin » ; « Navigant, c’est un rythme à prendre. Moi, ça me va bien, ça me correspond bien. Il y a un bon équilibre […] entre les temps d’absence et les temps de présence. Honnêtement ça me va bien. Alors qu’avant, c’était un peu monotone et routinier. Ça laissait énormément de temps à la maison. C’est un peu pesant. » D’autres navigants mettent en scène une certaine jalousie féminine de la part de celles qui sont restées au sol. « Elle était super jalouse quand je partais en vol. Et il y avait forcément des hôtesses, donc les hôtesses c’est des menaces. Il fallait que je l’appelle, que je reste des heures au téléphone… », explique un copilote de 37 ans. « Dans notre métier on est exposés à des relations avec des hôtesses de l’air parce que dans l’avion, il y en a beaucoup, et puis on change à chaque vol », rapporte un autre commandant de bord de 57 ans. Les ruptures que la mobilité introduit dans le cours de la vie conjugale et familiale peuvent ainsi être mises en scène et instrumentalisées.

33Dans le même temps, derrière ces discours quelque peu convenus, énoncés de prime abord en entretien, pointe la difficulté à vivre dans la durée le métier de navigant et l’éloignement familial qu’il implique. La situation d’enquête, notamment le face-à-face avec l’enquêtrice, a pu limiter le recueil de récits masculins sur ce point. Il reste que les difficultés intimes liées à la fatigue et à l’éloignement ponctuent les propos des personnels navigants les plus anciens. Deux registres de souffrance ressortent des entretiens : le sentiment de perte d’autorité familiale ; les difficultés relationnelles et sexuelles avec le partenaire.

34Commandant de bord habillé avec soin dans la vie civile comme en escale, à la diction lente et détachée, Franck s’est ainsi confié après plusieurs rencontres : « Ça a été difficile avec ma femme » en raison d’une relation extra-conjugale qu’elle avait nouée en son absence. De son côté, Jacques, également commandant de bord, explique pudiquement faire « chambre à part » avec sa femme au nom des horaires atypiques de son métier ; sa grande maison le lui permet. Puis il ajoute, lors d’un dîner informel se déroulant quelques mois plus tard, avoir entamé une psychothérapie de couple à sa demande. D’autres navigants expriment par des propos lapidaires, sans jamais s’épancher, les difficultés affectives et relationnelles qu’ils rencontrent à mesure de l’avancée dans la carrière. Chef de cabine principal, Pierre-Jean dit « payer les conséquences familiales liées à l’absence », tout comme Clément, commandant de bord, qui suit un traitement pour hernie discale et insomnie chronique et relate froidement : « Quand le pilote s’en va, sa famille se reforme sans lui. Ça veut dire concrètement qu’il y a une chaise en moins autour de la table. »

35Le contrôle masculin des émotions est fréquent dans un métier où la force physique, la maîtrise technique, la résistance au stress sont valorisées et mesurées lors de différents tests médicaux qui ponctuent la carrière professionnelle. La robustesse des corps et des esprits conditionne l’accès et le maintien de la licence professionnelle. Pourtant, les navigants plus jeunes, qu’ils soient copilotes ou stewards, semblent adopter un comportement sensiblement différent de leurs aînés en se montrant plus ouvertement soucieux de se rapprocher de leur partenaire et/ou de leurs enfants et de mieux articuler les temps de vie. Le choix du réseau France ou Europe semble ainsi plus fréquent et moins dévalorisé ; l’aspiration à faire des heures supplémentaires et des remplacements paraît plus limitée. Socialisés dans un contexte où l’engagement dans la paternité est valorisé au travers de la figure des « nouveaux pères » notamment, ils ont également rejoint la compagnie aérienne dans un contexte économique où les perspectives de carrière sont moindres, où les sureffectifs sont fréquents et où les incitations au temps partiel sont nombreuses [11]. Pierre-Henri, copilote de 35 ans et père de deux jeunes enfants, adhère au discours sur la coparentalité. Fils d’institutrice, il a réduit son activité et accepté de diminuer son salaire au nom de son investissement parental et de l’équilibre du partage des tâches domestiques :

36

Comme je suis papa depuis pas longtemps, j’ai demandé des rotations courtes. Je ne fais que des vols journée. Ça veut dire qu’en général, je rentre tous les soirs. Si je décolle à partir de 6 heures du mat’, je suis à 14 heures à la maison. Si décolle à 14 heures, je suis à 22 heures à la maison. Donc ça veut dire que je rate soit le matin, soit le soir. Je rate rarement les deux. Donc en général, je fais l’un. Et elle, elle fait l’autre. […] De toute façon, moi je pense que les situations déséquilibrées, ça n’est pas tenable pour le couple.

37Pierre-Louis, 36 ans, copilote marié à une photographe indépendante, présente même le métier de navigant comme plus compatible avec la vie familiale que d’autres professions : « Les navigants, quand on est à la maison, à la différence d’un cadre supérieur, ou d’autres types de métier, la différence, c’est qu’un navigant, quand il est chez lui, il est chez lui. Je n’ai pas mon travail, mon ordinateur sous le bras. En fait, on est souvent là et, surtout, on peut être là en semaine. Donc tu peux t’occuper des enfants. Moi, c’est la vision que j’en ai ». Pierre-Louis rejoint, de ce point de vue, le discours de la conciliation tenue par de nombreuses femmes pilotes et hôtesses au sein de la compagnie. Éliane, 57 ans, copilote sur long-courrier, divorcée et mère d’un enfant, affirme ainsi sans hésiter : « Je conseillerais complètement ce métier aux femmes, même avec une vie de famille, parce qu’on peut demander des jours, on a une sélection de jours de repos tous les mois qu’on peut demander, plus un vol [qu’on peut choisir]. Ce qui fait qu’on a la moitié de notre mois qu’on peut gérer. Et quand même, la plupart du temps, les vols sont relativement courts, on part 4 jours. C’est d’ailleurs ce qui a permis la féminisation du métier. » Les navigants les plus jeunes semblent ainsi afficher un souci plus grand que leurs aînés d’articuler carrière professionnelle et familiale. La diffusion du modèle du couple à double carrière, la mise en œuvre d’un accord sur l’égalité profe-ssionnelle entre les femmes et les hommes au sein de la compagnie en 2006, la rédaction d’un livret sur la parentalité en entreprise ont, de ce point de vue, pu constituer des facteurs favorables à l’évolution des pratiques et des représentations masculines.

Conclusion

38Au final, cet article permet d’interroger les effets de la mobilité professionnelle et des horaires non standards de travail sur les formes de la vie familiale. Il révèle l’importance des configurations familiales restreintes parmi la population des navigants, que ces dernières soient présentées comme une voie d’émancipation féminine (par opposition au modèle traditionnel de la maternité) ou comme le produit des contraintes professionnelles. Il montre aussi que, dans certaines conditions, la mobilité féminine peut constituer une ressource pour les femmes. Si le travail mobile s’accompagne d’un certain niveau de compensations financières et d’une relative stabilité organisationnelle, les femmes peuvent tirer parti de cette situation qui leur procure un sursalaire et renforce leur pouvoir de négociation au sein du couple. De ce point de vue, les femmes pilotes qui connaissent leur planning deux mois à l’avance (contre un mois pour les hôtesses) et dont les primes de vol constituent la moitié du salaire (contre un tiers pour les hôtesses), paraissent mieux dotées. La mobilité permet également aux femmes de suspendre temporairement le poids des contraintes domestiques qui leur incombent habituellement. Mais elle n’abolit en rien les frontières de genre qui structurent la société française. La mobilité professionnelle féminine reste conquise sur le couple et la famille ; elle semble de moins en moins naturelle à mesure que les femmes avancent en âge. Au contraire, l’absence chronique des hommes du domicile contribuerait à l’équilibre des relations conjugales et parentales au sein de la famille. C’est particulièrement le cas des pilotes et stewards plus âgés, alors que les dernières générations de navigants affichent davantage le souci de l’articulation travail/famille.

39Au final, on pourrait étendre aux navigantes le constat énoncé à l’égard de certains corps professionnels prestigieux : « Les femmes médecins et avocates sont, certes, désavantagées par rapport à leurs confrères. Elles connaissent néanmoins une situation relativement privilégiée par rapport à la majorité des femmes en France. Placées dans des situations professionnelles qui leur permettent de subvenir à leurs propres besoins (et à ceux de leurs éventuels enfants), elles sont susceptibles de connaître un desserrement des contraintes matérielles qui fondent l’assignation prioritaire des femmes au domestique et à la carrière maritale comme seule stratégie d’insertion sociale et d’accès (indirect) aux ressources économiques » (Lapeyre et Lefeuvre, 2004).

Notes

  • [1]
    Je remercie Delphine Remillon, Maxime Lescurieux et Élodie Baril (Ined) pour leur aide dans le traitement des bases de données.
    . Jusqu’en 1963, les hôtesses de l’air étaient tenues de démissionner au moment de leur mariage (Barnier, 2010).
  • [2]
    Limitées à 21 jours dans les années 1970, les rotations sur long-courrier durent aujourd’hui au maximum 6 jours consécutifs.
  • [3]
    Par le terme de travail mobile, on entend un travail caractérisé par une grande mobilité géographique et des horaires irréguliers (variables d’une semaine à l’autre) qui s’accompagnent de grandes amplitudes.
  • [4]
    Il s’agit ici non de leur état matrimonial légal mais de leur situation administrative, c’est-à-dire telle qu’elle a été déclarée au service des Ressources humaines à des fins de gestion du personnel (accès au billet gratuit pour les ayants-droit, jour « enfant malade »…). Cet indicateur doit donc être utilisé avec précaution.
  • [5]
    Depuis 2009, la dégradation de la conjoncture économique liée à la concurrence nouvelle des compagnies low-cost (sur moyen-courrier) et des compagnies du Golfe (sur long-courrier) a conduit à l’adoption d’un plan de restructuration visant la réduction des effectifs.
  • [6]
    Les femmes cadres et cheffes de cabine sont toutes d’anciennes hôtesses de l’air de la compagnie ayant été promues à l’ancienneté ou au choix par leurs supérieurs hiérarchiques.
  • [7]
    Le niveau de diplôme n’est pas systématiquement renseigné dans le fichier du personnel navigant ; néanmoins, les entretiens avec les représentants du personnel et les DRH convergent pour le situer, en moyenne, entre Bac+2 et Bac+5 pour les PNC ; les données biographiques issues des entretiens avec les PNC confirment ces hypothèses : tous avaient un niveau de diplôme supérieur au bac, seuil théoriquement requis pour exercer ce métier.
  • [8]
    Le système d’affectation des pilotes est différent de celui des PNC : il n’est pas organisé en réseaux géographiques mais en « qualification machine » permettant de piloter des avions de plus ou moins grande portée. De fait, cette organisation aboutit à une partition entre court, moyen et long-courriers.
  • [9]
    La moitié du salaire des navigants est composée des primes de vol. En effet, les indemnités de vol sont majorées lors des vols de nuit et des vols sur long-courrier (définis par la compagnie comme des vols supérieurs à 8h00) ; en outre, les indemnités journalières, variables entre pays, sont plus favorables sur le réseau Asie, Amérique et Afrique, que sur l’Europe, donnant lieu à des pratiques d’épargne.
  • [10]
    Le temps de repos en escale est défini comme le temps compris entre deux temps de services consécutifs ; en escale, le temps de service commence toutefois 1h15 avant l’heure programmée du premier vol et se termine 30 minutes après l’heure réelle d’arrivée du dernier vol réalisé, selon le dernier accord collectif du PNC.
  • [11]
    Les navigants n’effectuent ainsi pas toutes leurs heures de service, tandis que le recourt aux heures supplémentaires est limité.
Français

La désynchronisation des emplois du temps individuels et conjugaux, loin d’être nouvelle, prend une forme exacerbée chez les salariés de l’industrie des transports. Le fichier Ressources humaines (RH) d’une compagnie aérienne et les entretiens biographiques menés auprès d’hôtesses, stewards et pilotes permettent d’appréhender la spécificité des formes familiales des personnels navigants. Ils révèlent également l’asymétrie des représentations qui caractérisent les mobilités féminines et masculines. La mobilité des hommes est présentée comme naturelle dans le cadre de la carrière professionnelle, mais aussi nécessaire à l’équilibre des relations familiales ; « l’absence » des femmes fait l’objet de négociations qui aboutissent à suspendre temporairement – plus qu’à inverser – les normes dominantes de genre. Les difficultés masculines liées à la grande mobilité se trouvent dès lors euphémisées par la prégnance du modèle de masculinité hégémonique qui régit l’organisation du travail et les rapports sociaux de genre dans l’espace privé.

Mots-clés

  • Mobilité 
  • Parentalité 
  • Conjugalité 
  • Rapports sociaux de sexe 
  • Classes sociales

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Anne Lambert
sociologue, est chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (Ined) et co-directrice de l’unité Mobilité, Logement et Entourage. Après avoir travaillé sur les politiques de logement, elle analyse les effets de la grande mobilité professionnelle sur la conjugalité, la parentalité et les inégalités entre les femmes et les hommes à partir d’entretiens biographiques et de fichiers du personnel. Elle est membre du comité de rédaction des Actes de la recherche en sciences sociales et des Éditions de l’Ined. Elle a notamment publié : « Tous propriétaires ! ». L’envers du décor pavillonnaire, et Turbulences (avec B. Virot).
Institut national d’études démographiques
anne.lambert@ined.fr
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/10/2018
https://doi.org/10.3917/anso.182.0315
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