CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 En huit ans passés en France en situation irrégulière, Souleymane Bâ a été interpellé une dizaine de fois par la police. Il a été enfermé à deux reprises quinze jours dans un centre de rétention. À la suite de chacune de ces arrestations, il a pu échapper à son expulsion vers le Mali. Originaire du même pays, Téné Coulibaly est arrivé en France au début de l’année 2000. En quittant Bamako, il avait prévu de rester une année ou deux, le temps de gagner assez d’argent pour subvenir aux besoins de sa famille et améliorer sa situation au pays. Une arrestation et dix ans plus tard, il est toujours en France et les conditions de son retour sont encore loin d’être réunies.

2 Dans le contexte de la décolonisation, les « indigènes » devenus des « étrangers », l’immigration redevient un enjeu politique majeur (Laurens, 2009). La question migratoire est alors pensée comme un problème à régler, justifiant des mesures restrictives qui aboutiront, plus tard, à la fermeture des frontières. Le durcissement des conditions d’accès au territoire comme au séjour régulier en France – renforcé ensuite par la politique de l’Union européenne (Huysmans, 2006) – entraîne une distinction de plus en plus nette entre étrangers réguliers et étrangers en situation irrégulière. Émerge ainsi une nouvelle figure de l’étranger : le « clandestin ». En tant qu’étranger durablement écarté d’un accès au séjour régulier, le « clandestin » remplace l’« irrégulier », étranger qui était jusque-là susceptible en permanence de bénéficier d’une régularisation (Spire, 2005, p. 245). Ces « clandestins » voient non seulement les conditions de leur séjour se fragiliser mais aussi augmenter l’attente avant d’accéder à un statut régulier. Dès lors, le « clandestin » devient dans les discours politiques celui qui se tient délibérément en marge de la loi (Fassin, 1996) et celui qui, « plus profiteur que travailleur », tire parti de cette marginalité (Morice et Potot, 2008, p. 7).

3 En France, même si la pratique est plus ancienne, la possibilité d’expulser des étrangers est entrée dans le code pénal en 1832 et le pouvoir est donné aux préfets, en 1849, de procéder à des reconduites à la frontière – euphémisme de l’administration recouvrant des pratiques d’expulsions coercitives vers le pays d’origine. Depuis que les expulsions d’étrangers sont pratiquées, leurs justifications n’ont pas beaucoup évolué. C’est toujours en raison des diverses menaces dont les étrangers seraient la source qu’il devient nécessaire de les éloigner : menace pour l’ordre public, menace pour le marché du travail et le système social qui lui est associé. L’expulsion des étrangers répondrait donc à un impératif sécuritaire d’une part et de maintien des protections sociales – dont les étrangers en situation irrégulière sont soupçonnés de bénéficier sans y participer – de l’autre. Avec la figure du « clandestin », le lien est établi entre une situation administrative irrégulière et trouble potentiel à l’ordre public (Marie, 1988). L’imposition du mot, dans le sens où il participe à façonner la réalité qu’il décrit, suffit – presque par lui-même – à justifier la politique qui leur est appliquée : « la règle générale est claire : les clandestins doivent être reconduits dans leur pays [1]. » La fin des années 1970 voit apparaître les premiers plans d’expulsions des étrangers vers leurs pays d’origine. D’abord incitatives, à travers des encouragements financiers [2], ces mesures de retours forcés massifs prennent un accent coercitif au début des années 1980 par l’articulation des expulsions avec un type d’enfermement spécifique aux étrangers en situation irrégulière. En 1981, la loi Questiaux délimite les contours de la « rétention administrative » qui marque le basculement définitif d’une logique de sanction pénale individuelle vers celle de gestion des flux et de contrôle des populations. Depuis lors, l’enfermement s’est renforcé et spécialisé (Fischer, 2017), il est passé de 7 à 45 jours. Le projet de loi sur l’immigration, présenté en janvier 2018, prévoit de doubler la durée maximale de la rétention administrative qui passerait ainsi à 90 jours – avec l’objectif affiché d’augmenter le nombre d’expulsions. Les instruments techniques dédiés à l’expulsion s’accumulent et les réformes légales continuent de se succéder sans pour autant permettre d’atteindre l’objectif affiché de réduction du nombre d’étrangers en situation irrégulière présents en France puisque, comme Souleymane Bâ et Téné Coulibaly, la majorité des personnes prises dans les rouages de la reconduite à la frontière restent sur le territoire français. Du fait des annulations, de vices de procédure, ou de l’absence de document de voyage que les consulats sont censés délivrer à leurs ressortissants, moins d’un étranger en situation irrégulière sur deux est effectivement expulsé depuis un centre de rétention administrative [3].

4 De nombreuses analyses voient dans la production de cette expulsabilité la finalité de ce dispositif – assemblage hétérogène de lois, de pratiques, de discours (Foucault, 1994, p. 299) – qui produit ainsi des travailleurs flexibles et corvéables, parfaitement adaptés aux exigences de l’économie libérale contemporaine (Heyman, 1998 ; De Genova, 2002 ; De Genova et Peutz, 2010). Permettant de retrouver les bénéfices de la délocalisation, ce sont les secteurs d’activité difficilement exportables – la construction, le nettoyage, la restauration – qui concentrent l’emploi de main-d’œuvre en situation irrégulière (Terray, 1999). Au-delà des objectifs affichés, le dispositif de l’expulsion dans son ensemble contiendrait donc une dimension disciplinaire, coexistant avec le paradigme sécuritaire, permettant d’optimiser les forces à disposition (Foucault, 2004). La rhétorique de la défense du système social et du marché du travail, souvent mise en avant pour justifier les expulsions, dissimule­rait ainsi les nouvelles modalités de constitution d’un salariat bridé (Moulier-Boutang, 1997). En cela, les étrangers irréguliers d’aujourd’hui sont les descendants des immigrés « OS à vie » d’hier (Sayad 1999, p. 233-253). Les mécanismes ayant cantonné les travailleurs immigrés aux tâches les plus ingrates et les moins rémunératrices ont évolué en même temps que l’économie s’est transformée. Les immigrés, ouvriers assidus – condition du travail à la chaîne – ont été remplacés par les sans-papiers, travailleurs flexibles et révocables à tout moment. Réduire le dispositif de l’expulsion à sa fonction économique revient néanmoins à omettre les changements induits par ces nouveaux mécanismes de subordinations. Si hier l’étranger – quelle que soit sa situation administrative – était expulsable « par définition » (ibid.), la menace de l’expulsion est aujourd’hui devenue omniprésente. Depuis deux décennies, la transformation en profondeur de l’État par l’incorporation des logiques d’évaluation de son action a entraîné des modifications majeures dans les pratiques de contrôle de l’immigration irrégulière. Le recours à la quantification a provoqué une hausse très importante des interpellations et de l’enfermement, sans pour autant permettre une augmentation significative du nombre des expulsions (voir infra). L’incapacité à expulser ne doit pas uniquement être envisagée comme l’échec d’une politique à atteindre les objectifs qu’elle s’assigne. En transformant le risque théorique de la reconduite à la frontière par la menace concrète de l’expulsion, cette politique s’inscrit dans la continuité des logiques de gestion des flux assurant une double expulsion, au sens que lui donne Saskia Sassen (2016) : du territoire pour les uns, des droits et des protections afférentes à la citoyenneté pour les autres. En cela, expulsion et menace d’expulsion peuvent être envisagées comme les deux facettes d’une même politique où il n’est plus uniquement question de souveraineté et de capacité à faire appliquer le droit à séjourner sur le territoire, mais aussi du contrôle de la population par le maintien à l’écart, le ralentissement et le confinement de part et d’autre de la frontière.

5 Cet article se fonde sur une enquête ethnographique menée en deux temps, d’abord lors d’une mission bénévole d’assistance juridique dans un lieu d’enfermement d’étrangers en situation irrégulière, puis lors du suivi du quotidien de ceux qui n’ont pas été expulsés [4]. Les expériences quotidiennes des étrangers en situation irrégulière permettent de dépasser le constat de l’inefficacité de cette politique pour saisir ses effets sur la population qu’elle cible.

6 La première partie de l’article permettra de saisir les transformations profondes induites par l’introduction de l’évaluation des politiques de contrôle des migrations, qui aboutit à un dispositif peinant toujours – malgré le déploiement de moyens importants [5] – à expulser, mais menaçant d’expulsion un nombre croissant d’étrangers en situation irrégulière. À partir d’expériences d’étrangers en situation irrégulière, il s’agira de montrer, dans la deuxième partie, comment expulsion et menace d’expulsion redéfinissent la forme des frontières contemporaines. Les parcours de Souleymane Bâ et de Téné Coulibaly, mis en avant ici, donnent à voir la forme de gouvernement instauré par l’expulsion.

De l’étranger expulsable aux étrangers menacés d’expulsion

Rassurer et dissuader, le spectacle de la frontière

7 Au cours de l’été 2008, Souleymane Bâ – homme d’une trentaine d’années originaire du Mali – participe aux grèves des travailleurs sans papiers. En novembre, il apprend que sa demande de régularisation déposée dans le cadre de cette mobilisation a été rejetée. Rejet qui s’accompagne – systématiquement depuis 2007 – d’une obligation à quitter le territoire français. Il entame des démarches auprès du tribunal administratif pour annuler cette mesure d’expulsion, en vain. En décembre, il est arrêté à une sortie de métro, placé en garde à vue et rapidement relâché. En mars 2009, il reçoit un appel téléphonique du commissariat de police de Créteil lui demandant de s’y présenter, avec ses documents d’identité, sous prétexte d’un examen de sa situation. À son arrivée, il est immédiatement arrêté et enfermé. Le lendemain, il est conduit au local de rétention de Choisy-le-Roi d’où il sortira deux jours plus tard à la suite d’une audience devant le juge des libertés et de la détention qui mettra fin à son enfermement, considérant que la convocation au commissariat était déloyale. Dès sa sortie de rétention, Souleymane Bâ reprend ses tentatives de régularisation : même si ses chances sont minces au dire de toutes les personnes qu’il consulte, il essaie de bénéficier de l’aide juridictionnelle pour faire appel du rejet de son recours, devant le tribunal administratif, contre la mesure d’expulsion qui le vise. Il est de nouveau arrêté à la sortie de la gare RER de Villepinte au début du mois d’avril. Lorsqu’il raconte son interpellation quelques jours plus tard, il explique que le policier qui l’a arrêté lui aurait dit qu’il « était recherché ». Il est ensuite conduit au commissariat de Sevran, où il est une fois de plus fouillé, déshabillé. Ses empreintes sont relevées. Après une nuit en garde à vue, il est libéré sans explication. Deux mois plus tard, il est de nouveau arrêté à une sortie de métro. Il passe deux semaines dans le centre de rétention de Bobigny. Alors qu’il est enfermé, il apprend que sa demande d’aide juridictionnelle a été acceptée. Il dit alors ne pas craindre d’être expulsé, un de ses cousins est intervenu auprès du consulat du Mali pour s’assurer qu’aucun laissez-passer consulaire ne lui sera délivré. Son principal motif d’inquiétude à ce moment-là concerne son épouse. Elle vient d’être expulsée de Libye vers le Mali. Il ne sait pas comment il va pouvoir récupérer les 8 000 euros qu’il a versés au passeur pour la faire venir en France. Il ne sait pas non plus quand il pourra la revoir. Mi-juillet, il sort de rétention. Au cours des quinze jours passés en rétention, il constate que très peu de personnes ont été effectivement expulsées. Dix jours après sa libération, il cherche à comprendre le sens de cette politique qui arrête, enferme mais n’expulse presque jamais. Il se rappelle alors de la discussion qu’ils ont tous eue avec un policier du centre de rétention venu un soir, dans la salle commune, leur parler des artifices de la politique du chiffre. Il était question d’astuces statistiques permettant de vanter, à tort, l’efficacité de l’action.

8 À partir de 2004, des objectifs annuels d’expulsions à réaliser sont fixés et chiffrés. Revus chaque année à la hausse, ces objectifs permettent d’afficher la détermination et de vérifier le respect des engagements. En huit ans, le nombre d’expulsions à effectuer triple [6], passant de 15 000 pour l’année 2004 à 35 000 en 2012. Les objectifs annuels étant régulièrement atteints, voire dépassés à partir de 2008, l’apparente neutralité des chiffres devient la preuve irréfutable du succès de la politique de fermeté. Gage de transparence, c’est à l’individu près que les résultats sont communiqués. En 2012, 36 822 personnes auront ainsi été expulsées, résultat qu’il est possible de comparer aux 15 660 de 2004 pour asseoir la rhétorique d’une efficacité croissante de la politique d’expulsion. Le chiffre brut, dénué de toute ambiguïté, semble porter un message univoque. Pourtant, c’est aussi en jouant sur les chiffres que ces résultats ont été atteints. Quantifier en conjuguant deux opérations, mesurer et convenir : jouer sur les définitions permet de jouer sur les chiffres (Desrosières, 2008a ; Lascoumes et Le Galès, 2004). À partir de 2006, les étrangers réadmis dans un pays de l’Union européenne (UE) dans le cadre d’une demande d’asile sont désormais comptés au nombre des « éloignements forcés » [7]. La même année, des programmes d’aide au retour volontaire, apparus au cours des années 1970, sont réactivés. En plus de la prise en charge des frais de voyage, une aide financière est proposée à ceux qui acceptent de retourner vers leurs pays d’origine. La part des retours aidés augmente chaque année – ils étaient 1 200 bénéficiaires en 2005, 17 573 en 2012 (soit près d’une personne sur deux éloignée cette année-là). Le chiffre global des « éloignements » se décline en deux sous-catégories : celle des « retours volontaires » et celle des « retours forcés ». Par une circulaire du 7 décembre 2006, il est demandé aux préfectures de comptabiliser dans la catégorie des « retours forcés » tout départ d’étrangers visés par une mesure d’éloignement, même si ces derniers ont quitté le territoire d’eux-mêmes ou en bénéficiant d’une aide au retour. Ainsi artificiellement gonflé, le chiffre des « retours forcés » conforte la fermeté affichée. Les « retours volontaires » ont également permis de poursuivre des politiques répressives, visant principalement les Roms, malgré l’intégration de la Roumanie et de la Bulgarie à l’UE en 2007. Lors des démantèlements de campements roms, qui s’accélèreront avec l’alternance politique de 2012, c’est sous couvert d’« aide au retour » que ces habitants sont forcés de monter dans les cars qui les rameront vers le pays dont ils ont la nationalité. Disposant de la liberté de circulation, ils sont susceptibles, à partir de cette date, de revenir en France au lendemain de leur expulsion. Pour y remédier, l’« interdiction de circuler sur le territoire français » est introduite dans le droit en 2016. Les étrangers en situation irrégulière qui se seraient maintenus sur le territoire malgré une mesure d’expulsion font l’objet d’une interdiction de retour en Europe pour trois ans. Ce sont désormais les ressortissants européens qui se voient empêchés de revenir en France, pour la même durée, si leur comportement est jugé « constitutif d’une menace suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ou un abus de droit [8]. »

9 En 2012, à son arrivée au ministère de l’Intérieur, Manuel Valls veut rompre avec la « fermeté de papier » de cette « politique du chiffre » [9]. Les aides financières du dispositif d’aide au retour – accusées d’accroître l’attractivité du territoire français puisque des étrangers sont soupçonnés de gagner la France dans le seul but de les percevoir – sont radicalement revues à la baisse. Un nouveau mode de calcul du chiffre des éloignements est instauré. Désormais, la distinction est faite entre « retours forcés » et « retours aidés et départs volontaires ». De même, les « éloignements contraints » hors de l’UE, qualifiés de « vrais éloignements », sont comptabilisés à part. Ce nouveau mode de calcul permet de revendiquer une hausse de 2 % du nombre de « retours forcés » par rapport au quinquennat précédent [10]. Et des objectifs sont ici aussi fixés. En 2015, 41 % des 18 873 « éloignements » ont eu lieu vers des pays hors de l’UE. Pour 2017, la « cible » est fixée à 45 % [11].

10 Derrière l’abandon de la « politique du chiffre », la « confiance dans les nombres » (Porter, 1995) se prolonge et le message reste le même : « nous tenterons toujours de faire le maximum d’éloignements [12]. » La mise en scène de la fermeté, dont les chiffres servent de démonstration, doit conférer à cette politique une dimension dissuasive. S’inscrivant dans cette lignée lors de la présentation du plan d’action devant répondre à la « crise migratoire » que traverse l’Europe depuis 2015, le premier ministre Édouard Philippe fait de la « politique d’éloignement crédible » la condition de la « dissuasion migratoire » [13]. Les expulsions comportent ainsi une dimension symbolique. Elles doivent rassurer la population quant à la capacité des gouvernements à traiter le « problème » de l’immigration et prouver, dans le même temps, aux aspirants à la migration que les frontières existent [14]. Apparaissent ici les contours d’un « appareil de sécurité insécuritaire », assemblage administratif, policier et judicaire qui protège une partie de la population en accroissant les risques qui pèsent sur une autre (Balibar, 1992). La dimension dissuasive de cette politique – qui fait exister la frontière comme menace – est difficile à mesurer [15]. Au cours de mon enquête de terrain, je n’ai rencontré que trois cas de départ volontaire à la suite d’une arrestation. Ces départs sont perçus comme la parenthèse nécessaire à une régularisation future, et tous affichaient leur intention de revenir au moment de quitter la France. Pour les aspirants à la migration, la prétention dissuasive de cette mise en spectacle de la frontière est battue en brèche par le nombre des migrants morts en tentant de la traverser.

Quantifier et contraindre

11 Les chiffres ne sont pas que des outils de communication. Compter, c’est aussi gouverner (Desrosières, 2008a) et l’usage massif de la quantification au cours de la dernière décennie a profondément transformé le visage de la politique d’expulsion. La « rupture » revendiquée par les différents ministres de l’Intérieur tient avant tout à la réappropriation du tournant managérial de la politique (Bezes, 2009), qui a abouti en 2001 à une réforme en profondeur de l’État avec l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Cette dernière divise l’action publique en missions ou programmes. Des indicateurs de performance permettent de suivre la réalisation des objectifs. De descriptive, la quantification de l’action publique est rendue prescriptive (Ogien, 2010 ; Miller et Rose, 2008 ; Halpern et al. , 2014). Par ces consignes, transposées aux échelons inférieurs de la hiérarchie, toute la chaîne des acteurs de l’expulsion est mise en responsabilité et doit rendre compte de son action à travers des objectifs individualisés (Didier, 2011a). Ces technologies de la performance (Dean, 1999) permettent un « gouvernement à distance » (Epstein, 2005) de l’activité à travers la liberté laissée à l’initiative personnelle tant que les résultats attendus sont obtenus. Cette injonction paradoxale – discipliner les travailleurs par leur autonomisation – constitue une des formes contemporaines de l’« organisation salariale néolibérale » (Garcia et Montagne, 2011 ; Epstein, 2015).

12 À partir de 2004, le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière est inclus aux statistiques que les préfectures doivent fournir au ministère [16]. Au sein de l’institution policière, premier élément de la chaîne de l’expulsion, cette culture du chiffre déjà ancienne est renforcée en 2004 par l’instauration de récompenses financières – individuelles ou collectives – en fonction des résultats. Au-delà des arrangements statistiques (Aubusson de Cavarlay, 2007 ; Didier, 2011b) dans l’enregistrement des délits, l’usage de ces instruments de quantification imposent des « règles tacites » et des « modèles cognitifs » (Lascoumes et Le Galès, 2004, p. 13). La prime au résultat a fait des étrangers en situation irrégulière des cibles privilégiées de l’action policière car ils permettaient de faire grimper le taux d’affaires « élucidées » d’un commissariat. Lors de l’arrestation d’un sans-papiers, la découverte du fait délictueux coïncide avec l’interpellation de l’auteur du délit (Mouhanna, 2009). Cette focalisation de l’action policière sur les étrangers en situation irrégulière est renforcée en 2008, avec l’inauguration de la mission « Immigration, asile et intégration » – à la suite de la création du ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement – qui fixe le nombre d’arrestations à atteindre [17]. Quel que soit le sort de la personne interpellée, l’arrestation devient une fin en soi, déconnectée des objectifs affichés par la politique (Desrosières, 2008b, p. 32). Ainsi, tout en restant sur le territoire français Souleymane Bâ aura, à lui seul et en sept mois, permis de produire des données chiffrées censées attester l’efficacité de la politique : objet d’une mesure d’éloignement, arrêté quatre fois, placé autant de fois en garde à vue et enfermé en rétention à deux reprises.

13 Sans permettre une augmentation notable des expulsions, l’évaluation a ainsi entraîné une hausse très importante des interpellations et des enfermements. Le nombre de personnes mises en cause pour « délits d’entrée et de séjour des étrangers » est passé [18] de 47 246 en 2001 à 111 692 en 2008. Les placements en garde à vue suivent le même rythme, ils doublent entre 1995, où leur nombre était inférieur à 40 000, et 2007 où 80 176 personnes seront enfermées [19]. En 2012, malgré l’alternance politique et l’abandon de la « politique du chiffre », le nombre des interpellations a continué de croître régulièrement [20]. Pour les mêmes raisons, le nombre de mesures d’éloignement délivrées explosent. De 49 124 en 2002, le nombre d’étrangers visés par une mesure d’expulsion passe à 112 010 en 2007, année record en la matière, pour une population totale estimée stable – bien que difficile à évaluer par nature – entre 400 000 et 500 000 personnes (Héran, 2016, p. 46). Ici encore, l’alternance politique n’aura pas eu d’effets : si la France reste un des pays européens qui émet le plus de mesures d’éloignement [21], en moyenne moins d’une sur cinq aboutit à une expulsion [22]. En une dizaine d’années, le nombre d’étrangers vivant en France sous le coup d’une mesure d’expulsion non exécutée a considérablement augmenté [23]. De même, malgré une hausse du recours à la rétention administrative, en métropole plus d’un étranger enfermé sur deux est finalement libéré [24].

14 Les principales difficultés à expulser sont bien connues de l’administration qui a considérablement renforcé son dispositif statistique afin de tendre vers un suivi « en temps réel » de l’action de ses agents. La quantification permet ici de déceler les obstacles à l’expulsion et de justifier le bien-fondé des réformes pouvant y remédier – puisqu’elle permet de penser le « problème » et de le rendre visible (Rose et Miller, 1992 , p. 183). Afin de parer aux annulations de procédure – devant le juge des libertés et de la détention comme devant le tribunal administratif – qui interrompent les expulsions, une cellule centrale d’expertise juridique chargée de renforcer la sécurité juridique des actes de l’administration est créée. En 2008, tous les départements sont dotés d’un « pôle de compétence éloignement » associant le service des étrangers de la préfecture, la police et la gendarmerie. Pour qu’un étranger soit expulsé, il faut aussi qu’un pays accepte de le recevoir. En absence de passeport, ce renvoi passe par la délivrance d’un laissez-passer consulaire. En moyenne, un tiers des demandes de l’administration sont satisfaites. Le taux est ici encore très variable et des mesures de rétorsion sont prises contre les pays les moins « coopératifs », conditionnant notamment l’obtention de visas français au nombre de laissez-passer délivrés. Les accords de codéveloppement que signe l’Europe avec des pays tiers sont systématiquement conditionnés à la réadmission de leurs ressortissants [25]. Mais la manne financière que représente pour certains pays l’envoi d’argent de leurs ressortissants à l’étranger n’incite pas à une politique de réadmission massive. À l’opposé, les pays candidats à l’entrée dans l’UE, tels que la Roumanie ou la Turquie à une époque, peuvent afficher des taux de réadmission record.

15 Ainsi, malgré l’importance des moyens déployés – les réformes de la loi, l’ouverture de nouvelles places en rétention, les pôles d’expertises, la création de fichiers – la politique de lutte contre l’immigration irrégulière échoue à atteindre les objectifs qu’elle s’assigne. La détermination à augmenter le nombre d’expulsés a finalement conduit un nombre croissant d’étrangers en situation irrégulière à être confrontés au dispositif répressif de l’expulsion. Moins que des expulsions, c’est la menace de l’expulsion que la fermeté politique engendre.

La vie à la frontière des étrangers en situation irrégulière

La fabrique des « clandestins »

16 En juillet 2009, à sa sortie de rétention, Souleymane Bâ tentait de se remémorer les explications du policier de garde sur les artifices du chiffre, mais finalement après toutes ces arrestations, ces enfermements, l’inutilité de cette politique ne faisait aucun doute. À ses yeux « on fatigue les gens pour rien » [26]. Mais, même s’ils ne débouchent pas sur une expulsion du territoire, ces épisodes ne sont pas pour autant sans effet. À chacune de ses arrestations, Souleymane Bâ déclare ne pas travailler – pourtant en semaine, il ramasse les poubelles à Orly, Choisy-le-Roi, Thiais et Créteil et le week-end il fait le ménage dans un lycée de Montrouge – pour éviter la mésaventure connue en 2007 lors d’une arrestation. Les policiers qui l’avaient contrôlé à la sortie d’une gare ont contacté son employeur. Qu’il ignore ou profite de cette irrégularité, l’employeur se voit ainsi obligé de procéder au licenciement. Souleymane Bâ perdit ainsi un emploi dans le bâtiment qu’il occupait depuis des années grâce aux documents d’identité fournis par un cousin. Dans le local de rétention, ils sont nombreux à appeler leur employeur, isolé dans l’une des « chambres » pour s’extraire du bruit ambiant, annonçant ne pas se sentir en état de travailler. Pour ne pas « perdre le sentier », Téné Coulibaly demande à son neveu d’aller faire le ménage dans les bureaux qu’il nettoie habituellement au petit matin. Après trois jours d’enfermement, Téné reprend son travail. Son absence est passée inaperçue. Mais quand l’enfermement se prolonge, l’alibi de la maladie devient difficile à tenir et les remplaçants se raréfient.

17 La révélation de l’irrégularité est une des conséquences très concrète de l’arrestation et de l’enfermement. À la perte d’emploi s’ajoute parfois la perte du domicile, que certains estiment plus prudent de quitter depuis que la police connaît leur adresse. Pour beaucoup, l’arrestation se traduit par un « retour à zéro », la remise en cause d’une situation difficilement acquise en France. Les mesures d’éloignement rendent également impossible, en théorie, toute démarche de régularisation le temps de leur validité – un an dans la plupart des cas. En écartant des possibilités d’accès à la légalité, le dispositif d’expulsion marginalise ceux qui y sont soumis et agit ainsi comme un catalyseur de pratiques illégales. La perte d’un emploi déclaré sera fréquemment compensée par le recours aux ressources de l’informel, au travail non déclaré (Le Courant, 2010).

18 La confrontation à la coercition a elle aussi des effets, et laisse des traces dans les mémoires. Les mises à nu, fouilles, pose de menottes, privation de liberté – de l’interpellation et de l’enfermement – sont vécues comme autant d’épreuves de dépossession du « soi » (Goffman, 1968). Après deux arrestations consécutives, à moins d’un mois d’intervalle, Dario Achadoo – originaire de l’Île-Maurice – raconte, rétrospectivement, les idées qui lui ont traversé l’esprit : « Quand tu sors de là, ça a des conséquences sur la personne, ça touche ta self-esteem […] Quand t’es enfermé, tu te poses des questions sur les décisions que tu as prises. J’aurais mieux fait de ne pas faire ça… Ça va au suicide et tout. Tu perds la confiance en toi-même. Tu te mets dans la tête que t’es un gros loser. Tu peux ni avancer, ni reculer. Encore, si tu recules, tu bouges. C’est pour ça que certains disent envoyez-moi au pays, ils ne vont pas te renvoyer. Ils vont te faire poireauter ici et te relâcher dans la nature » [27]. Ils sont très nombreux, en rétention comme au lendemain d’une libération, à sentir le besoin d’affirmer leur probité morale pour mettre à distance l’image de délinquant que le dispositif impose. Cette nécessité expose, en creux, les effets de la violence qui contraint les corps, porte atteinte à l’estime de soi, dégrade la personne (Das, 2007 ; Scheper-Hughes, 1992). Le dispositif de l’expulsion opère ainsi une double réduction, objective – par la fragilisation qu’il implique – comme subjective – par les représentations qu’il impose, de l’étranger en situation irrégulière au « clandestin ». La politique de contrôle engendre ainsi les « clandestins » contre lesquels elle se propose pourtant de lutter.

19 À l’expérience des arrestations et de l’enfermement répondent les multiples empêchements – pour travailler, se loger, etc. – imposés par le statut administratif. Ce continuum entre la rétention administrative et l’expérience quotidienne de l’irrégularité donne l’impression à beaucoup de vivre des vies réduites, amoindries, qui ne sont pas sans rappeler le sentiment de honte et de déchéance des expulsés (Drotbohm, 2015 ; Kleist, 2017 ; Koshravi, 2009 ; Lecadet, 2016 ; Peutz, 2010).

Frontière-nasse et enfermement sur place

20 Alors qu’il était en garde à vue dans le commissariat de Sevran, les policiers questionnent Souleymane Bâ sur les raisons de son maintien en France malgré la mesure d’éloignement. « Comment je peux répondre ? » s’interroge-t-il quelques jours plus tard. « Bon j’ai dit : ‘je suis là pour le travail, je ne suis pas là pour… pas méchamment quoi. Et que j’aime la France aussi ». C’est sous les traits du travailleur intégrable qu’il se présente aux policiers qui l’interrogent. Il reprend les motifs de légitimité de présence forgés par des décennies de rhétorique politique entourant les migrations. Quelques minutes plus tôt, à une question similaire il avait expliqué : « Mon père est décédé, ma mère elle est là-bas, mon frère il est là-bas aussi mais c’est un handicapé et que ma mère elle a 75 ans comme ça, moi je suis seul pour nourrir. Bon, ma femme elle est là-bas aussi avec mes deux enfants, si moi je pars comment ça sera [28] ? » Comme de nombreux migrants, Souleymane Bâ a investi des sommes importantes pour sa venue en France. Sa migration participe également d’une économie familiale, voire villageoise, plus large, qui repose grandement sur les subsides qu’il envoie. Si l’expulsion est redoutée, le retour volontaire est inenvisageable. Les migrants découvrent qu’une fois franchie, la frontière se referme sur eux comme une nasse. Impossible de quitter le territoire français avant d’être régularisé. Rendre visite à sa famille au pays fait courir le risque de ne plus pouvoir revenir en France. Les frontières sont encore plus difficiles à franchir une fois que l’on est connu de l’administration. Un des enjeux des arrestations réside justement dans l’identification des étrangers en situation irrégulière, l’alimentation des fichiers permettant de « briser l’anonymat » (Broeders, 2009) qui constitue l’une des ressources de la clandestinité [29]. Depuis 2006, le fichier « Eloi » recense les informations sur les personnes faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, « Oscar » est dédié depuis 2009 aux bénéficiaires d’aides au retour. En 2008, la directive européenne « retour » a instauré l’intégration du nom des expulsés et leurs identifiants biométriques dans le système information Schengen (SIS) afin de rendre effective l’interdiction d’entrée dans l’UE pour une durée de cinq ans.

21 La menace de l’expulsion continue à rendre la frontière omniprésente, des années après l’avoir traversée. S’instaure un contrôle par la frontière qui double les renforcements à la frontière. Lorsqu’il fait le récit de ses arrestations, Souleymane Bâ se déclare « recherché » par la police. Il estime qu’il n’y a plus un seul espace où il serait susceptible d’échapper à leur surveillance. Et il ne sait pas s’il sera en mesure de se soustraire indéfiniment à son expulsion. D’autres parlent de leur impression d’être « comme emprisonné » [30], de vivre dans « une prison géante » [31], d’« être en cavale » [32], d’« être en liberté conditionnelle » [33]. Ainsi, ceux qui échappent à l’expulsion partagent avec ceux qui ont été expulsés (Kleist, 2017), le même sentiment d’enfermement, l’impression d’être entravés dans leurs mouvements. Les uns le sont sur place, les autres dans leurs pays d’origine.

22 Au cours de l’année 2000, Téné Coulibaly quitte Bamako pour la France. Il approche la cinquantaine et les revenus de son garage automobile ne lui permettent plus de subvenir aux besoins de sa famille. Lors de son départ, il prévoit de rester le moins possible en France, une année ou deux, le temps de gagner assez d’argent pour achever quelques projets au pays, construire un deuxième étage à sa maison pour loger sa seconde épouse et ses enfants, acheter du matériel pour diversifier son offre et se lancer dans la mécanique de poids lourds. Depuis son arrivée en France, il enchaîne des missions à temps partiel dans des entreprises de nettoyage. Malgré ses faibles revenus, il commence à réaliser certains projets au pays. En avril 2007, il est contrôlé et arrêté sur le chemin de son travail. Il passe une nuit en garde à vue et deux jours en local de rétention avant d’être libéré faute de place dans le centre où il devait être transféré. Son cousin ayant couvert son absence, il retrouve son emploi à sa sortie, mais sa crainte de l’arrestation déjà grande s’en trouve encore renforcée. Il ne sort du foyer que pour se rendre dans les bureaux qu’il nettoie. Difficile dans ces conditions de trouver des sources de revenus supplémentaires. Il ne sait pas quand les conditions de son retour seront réunies. Les projets au pays restent en attente et le temps passe. Neuf ans après son arrivée, il est toujours en France, toutes les démarches de régularisation qu’il a entamées ont pour le moment échoué.

23 Téné Coulibaly, comme bien d’autres, est confronté à la dimension temporelle de la frontière qui maintient à l’écart et met en attente (Le Courant, 2014). Il faudra patienter jusqu’à la régularisation, plus de dix ans pour certains, avant de pouvoir voyager, avant de retourner voir les siens. En attendant, ils font le compte de tout ce que cette situation administrative leur a fait manquer. En rétention, la prise de conscience des implications de l’irrégularité incite à se retourner sur les choix passés (Goffman, 1975, p. 55), et la comparaison est systématiquement faite avec ce qu’il serait devenu s’il était « resté au pays ». Beaucoup constatent leur « retard » – ils ne sont toujours pas mariés, n’ont pas d’enfants – mais considèrent qu’il est trop tard pour faire machine arrière. Certains en arrivent à considérer qu’ils ont « gâché leurs vies ici ». Souvent, ne pas avoir pu assister à l’enterrement de leur mère résume en une phrase tous les empêchements subis. Ils sont nombreux, comme Téné Coulibaly, à tenter d’être ici et là-bas en même temps, à se penser et à se vivre comme des êtres transnationaux. Faute de pouvoir voyager, les envois d’argent, les constructions qui avancent, etc., sont autant de manières de se rendre présent dans l’espace que l’on a quitté.

Conclusion

24 L’échec apparent de la politique d’expulsion laisse penser que la volonté affichée de « faire exister les frontières » dissimulerait en réalité l’impossibilité à les faire respecter. En abordant le dispositif de l’expulsion par ses effets se dessinent pourtant les contours du gouvernement d’une population où la frontière n’est plus uniquement l’objet du contrôle – ligne de démarcation entre deux souverainetés sur laquelle il est possible d’ériger des barrières – mais en est le moyen. Si la politique menée ne réduit pas le nombre d’étrangers en situation irrégulière, si elle ne dissuade pas les aspirants à la migration, en renvoyant une minorité de migrants et en enfermant sur son territoire tous les autres, le dispositif d’expulsion impose des vies réduites au local, des vies à la frontière. Dans l’incapacité d’expulser effectivement les étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire, la politique de contrôle des migrations entraîne une forme de relégation au sein même des frontières nationales (Dowling et Inda, 2013). La population des irréguliers est contenue à défaut de pouvoir réellement être éloignée. Les étrangers qui n’ont pas été expulsés sont maintenus à l’écart à travers des discours qui en font la source de diverses menaces et des pratiques qui fragilisent leur présence. Cette « inclusion différentielle » (Balibar, 2012, p. 45) constitue une forme de gestion du risque que représente pour l’État cette population qui affaiblit son pouvoir lorsqu’elle vit en tentant de faire abstraction des frontières qu’il impose.

25 La politique de contrôle des étrangers en situation irrégulière expulse quelques-uns et enferme tous les autres sur le territoire national. Rendue quotidienne, la frontière cloue à la localité et impose la temporalité redondante de l’éternel présent. En cela, expulsion et menace d’expulsion sont les deux faces complémentaires du gouvernement contemporain des migrations. Enfermer dans le local, « ici » ou « là-bas », permet d’affirmer un pouvoir de limitation par la frontière. De part et d’autre de cette dernière, il s’agit de contenir les « indésirables », d’entraver et de ralentir leurs déplacements. Puisque les frontières sont poreuses malgré le renforcement des contrôles, l’exercice du pouvoir se traduit par la capacité à faire attendre. À défaut d’interdire la présence d’étrangers en situation irrégulière, les maintenir à la marge de la légalité est une manière de contenir une population, d’amoindrir le danger dont elle serait porteuse, de réguler les menaces dont elle serait la source.

26 La menace fait ainsi exister les frontières sur lesquelles les États-nations se sont construits – et dont s’affranchissent de plus en plus aisément les mouvements croissants de capitaux, d’idées. L’investissement massif dans le contrôle des étrangers en situation irrégulière peut alors être analysé comme le signe d’une atrophie du pouvoir étatique. Incapable de réguler tous ces flux, l’État est réduit à concentrer toutes ses forces sur une population restreinte. Étudier la menace permet ainsi de penser ensemble deux aspects apparemment contradictoires du pouvoir étatique : sa toute puissance et ses incapacités. La frontière, brandie comme une menace quotidienne, ne sert en définitive qu’à retarder l’installation de personnes puisque tous ceux qui n’ont pas été expulsés finiront, un jour, par être régularisés.

Notes

  • [1]
    Discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble, 30/07/2010.
  • [2]
    En 1977, Lionel Stoléru – secrétaire d’État aux travailleurs immigrés – affiche un objectif de 35 000 départs par an, en corrélant le non-renouvellement des autorisations de travail à des encouragements financiers aux retours volontaires par une prime de 10 000 francs, couramment appelée le « million Stoléru ».
  • [3]
    Cf. ASSFAM, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France, Centres et locaux de rétention administrative, Rapport 2015, Paris, juin 2016.
  • [4]
    De mon enquête dans le local de rétention, j’ai gardé des notes sur 307 personnes provenant de 53 pays différents, âgés de vingt à plus de soixante ans. Parmi elles, 9 étaient des femmes. Cette sous-représentation des femmes est principalement liée au stéréotype du migrant irrégulier – homme seul, venu travailler en France pour échapper à la misère dans son pays d’origine – qui dirige l’action policière. J’ai ensuite suivi 37 personnes, sur des durées plus ou moins longues, au lendemain de leur libération.
  • [5]
    En décembre 2008, la commission des Finances du Sénat estime à 20 970 € le coût de chaque expulsion (cf. Projet de loi de finances pour 2009 : Immigration, asile et intégration, Rapport général n° 99 (2008-2009) de M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des Finances, déposé le 20 novembre 2008). En y ajoutant l’amortissement annuel de la construction des centres de rétention, la Cimade avance quant à elle la somme de 27 000€ (cf. Cimade, Centres et locaux de rétention administrative, Rapport 2008, 2009, p. 16). Depuis, le coût global des expulsions a progressé (20,4 M€ en 2012, une prévision de 33,3 M€ pour 2017).
  • [6]
    Au cours de la campagne présidentielle, l’expulsion de 40 000 « clandestins » fera partie des promesses du candidat N. Sarkozy.
  • [7]
    Ces réadmissions concernent les demandeurs d’asile qui, depuis le règlement « Dublin II » du 18/02/2003, doivent faire instruire leur demande d’asile dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE.
  • [8]
    Circulaire « Application de la loi relative au droit des étrangers en France » du 2/11/2016, p. 43.
  • [9]
    Conférence de presse, 18/01/2013.
  • [10]
    Conférence de presse « Politique de sécurité 2013-2014 : bilan et perspectives », 31/01/2014. Depuis, chaque année, c’est sous cette forme que sont publiés les chiffres des expulsions. Le 16 janvier 2017, le ministère de l’Intérieur communiquait les chiffres pour l’année écoulée : 12 961 « retours forcés », 8 278 « éloignements et départs spontanés » d’étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et 3 468 « éloignements et départs aidés » d’étrangers en situation irrégulière ne faisant pas l’objet d’une mesure d’éloignement.
  • [11]
    Objectif n° 3 « Améliorer la lutte contre l’immigration irrégulière », programme 303 « Immigration et asile », Projet de loi de finance 2017.
  • [12]
    Discours de M. Valls à la Préfecture de police de Paris lors de la présentation de la circulaire « Lutte contre l’immigration irrégulière » du 11/03/2013, 12/03/2013.
  • [13]
    « Migrants : le plan du gouvernement fait l’impasse sur les camps de Calais et Paris », Le Monde, 12/07/2017.
  • [14]
    Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, lors de son audition devant la commission élargie de l’Assemblée nationale en date du 29/10/2008 : « Je précise que si nous fixons des objectifs chiffrés, c’est pour rendre le message compréhensible. Quand une autorité dit : «Attention, si vous venez sans y être autorisés, sans respecter notre législation, cela risque de mal se passer », le message est inaudible. Mais si elle dit : « Si vous venez sans nous demander l’autorisation, 25 000 d’entre vous repartiront », alors, le message est compris ; non seulement ici, mais aussi dans les pays d’origine ». Pour Yannick Blanc, ancien directeur de la police générale à la préfecture de Police de Paris : « La reconduite à la frontière est fondamentalement une politique de dissuasion politique, par la preuve de l’existence d’une régulation de la politique des flux migratoires. Il faut donc faire des reconduites à la frontière, et en faire suffisamment, régulièrement, et avec un chiffre suffisamment significatif pour que le risque soit crédible, qu’il démontre que les frontières existent. » (Audit des parlementaires des politiques d’immigration, d’intégration et de codéveloppement, 2011, p. 212).
  • [15]
    Les rares études (voir par ex. Leerkes et Broeders, 2013) tendent à montrer que cette dimension dissuasive incite les étrangers à envisager de se déplacer vers d’autres pays européens mais pas à retourner vers le pays d’origine.
  • [16]
    Circulaire du ministère de l’Intérieur « Statistiques relatives à l’éloignement des étrangers », 3/03/2004.
  • [17]
    Pour l’année 2012, le projet de loi de finance fixe trois indicateurs : « nombre de mesures de reconduites effectives à la frontière » fixé à 35 000, « nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs » fixé à 5 500 et « nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers » fixé, pour la métropole seulement, à 120 000 (Projet de loi de finance 2012, Politique française de l’immigration et de l’intégration, p. 32-33).
  • [18]
    État 4001, index 69.
  • [19]
    Rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport d’activité 2012, Paris, Dalloz, 2013, p. 346.
  • [20]
    Passant de 71 356 interpellations d’étrangers en situation irrégulière en 2012 à 114 266 en 2015, cf. Treizième rapport établi en application de l’article L.111-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, p. 77.
  • [21]
    En 2016, 81 000 personnes ont fait l’objet d’une mesure en France. Suivent l’Allemagne (70 005) et le Royaume-Uni (59 895). Source : Eurostat.
  • [22]
    Ce taux d’exécution très disparate, dépassait en 2014 les 65 % pour les ressortissants de l’UE et était inférieur à 15 % pour les expulsions hors UE (cf. « Les étrangers en France, Année 2015 », Treizième rapport établi en application de l’article L.111-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, p. 80).
  • [23]
    En 2002, il y avait 39 057 mesures non exécutées, le record est atteint en 2007 avec 92 125. En 2014, 74 740 étrangers n’avaient pas été expulsés malgré la mesure qui les vise, ils étaient 69 000 en 2015 (cf. « Les étrangers en France, Année 2015 », Treizième rapport établi en application de l’article L.111-10 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, p. 82).
  • [24]
    ASSFAM, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile, La Cimade, Ordre de Malte France, Centres et locaux de rétention administrative, Rapport 2016, Paris, juin 2017, p. 12.
  • [25]
    Depuis le traité d’Amsterdam de 1999 et le sommet de Séville de 2002.
  • [26]
    Entretien, 26/07/2009.
  • [27]
    Entretien, 24/05/2010.
  • [28]
    Entretien, 5/04/2009.
  • [29]
    Cette importance de l’infirmation se retrouve jusque dans les termes employés : « Les étrangers en situation irrégulière ne sont donc pas tous des clandestins. Seuls le sont ceux qui n’ont jamais eu affaire à l’administration » (Sénat, Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine, avril 2006, n° 300 p. 19).
  • [30]
    Entretien avec Ablaye Fall, 6/02/2007.
  • [31]
    Discussion informelle avec Samia Hamouddi, 2/2010.
  • [32]
    Entretien avec Béatrice Tamba, 8/08/2008.
  • [33]
    Entretien avec Abdoulaye Sacko, 6/08/2009.
Français

L’incorporation des logiques d’évaluation au cœur de l’État a eu pour effet de transformer en profondeur les pratiques de contrôle de l’immigration irrégulière en France, entraînant une hausse importante du nombre des interpellations et un recours plus systématique à l’enfermement. Dans le même temps, les expulsions n’ont pas significativement augmenté. Les étrangers en situation irrégulière ne sont plus expulsables par définition, ils sont désormais menacés d’expulsion. Plutôt que d’envisager l’incapacité à expulser comme un échec, cet article appréhende expulsion et menace d’expulsion comme les deux formes complémentaires d’une même gestion des flux migratoires. L’expulsion de quelques-uns s’accompagne d’un confinement de tous les autres au sein du territoire national. De part et d’autre de la frontière, il s’agit alors de contenir les « indésirables », d’entraver et de ralentir leurs déplacements.

Mots-clés

  • Sans-papiers 
  • Expulsion 
  • Menace 
  • Frontières 
  • France

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  • Spire A., 2005, Étranger à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 402 p.
  • En ligne Terray É., 1999, « Le travail des étrangers en situation irrégulière ou la délocalisation sur place », in Balibar É., Chemillier-Grendeau M., Costa-Lascoux J. (dir.), Sans-papiers : l’archaïsme fatal, Paris, La Découverte, p. 9-34.
Stefan Le Courant
est post-doctorant au sein de l’ANR Babels, rattaché à l’Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC-CNRS-EHESS). Il a consacré ses travaux, dans le cadre d’une thèse en anthropologie, aux politiques de contrôle de l’immigration irrégulière en France. Il a récemment publié « La ville des sans-papiers, frontières mouvantes et gouvernement des marges » dans L’Homme (2016/3, n° 219-220, p. 209-232) et « Méfiance et enquête de réalité. Ce que les étrangers en situation irrégulière savent de l’État » dans la revue Tracés. Revue de sciences humaines (31, 2016 [en ligne : http://journals.openedition.org/traces/6690 ; DOI : 10.4000/traces.66902016]).

Institut interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain (IIAC-EHESS)
stefanlecourant@yahoo.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 03/05/2018
https://doi.org/10.3917/anso.181.0211
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