1 Les processus de relogement et leurs conséquences sur les trajectoires résidentielles des ménages font désormais partie du paysage de la recherche sur la rénovation urbaine française (Lelévrier, 2010 et 2014 ; François, 2014a ; Gilbert, 2014 ; Habouzit, 2017), tandis que le délogement qui les précède est plus souvent passé sous silence. Les travaux de référence sur la rénovation urbaine des années 1950 et 1960 ont eux aussi davantage mis l’accent sur le « relogement contraint » (Coing, 1966 ; Pétonnet, 2002) que sur le déménagement forcé. Or, dans ces opérations, il n’y a pas de relogement sans délogement préalable, autrement dit sans obligation de quitter son logement. Les garanties offertes par la loi aux locataires des immeubles démolis [2] occultent le plus souvent les effets produits par la démolition et le départ qui la précède. Comment les ménages concernés, qui résident dans des cités populaires le plus souvent stigmatisées, vivent-ils ce processus ? Quels effets l’obligation de déménager associée à la démolition de son cadre de vie produit-elle sur les locataires de logements sociaux ? À partir d’une enquête réalisée dans un grand ensemble francilien, nous souhaitons montrer que pour le plus grand nombre des ménages qui doivent y faire face [3], le processus de délogement est une éviction du lieu de vie qui, comme l’expulsion locative, engendre une insécurité résidentielle. Celle-ci est d’autant plus vive que les ménages qu’elle touche sont titulaires d’un bail qui a priori garantit leur maintien dans le logement.
2 La littérature sur l’« eviction » a souligné les conséquences traumatiques de l’expulsion sans garantie de relogement (Desmond, 2015) comme du déplacement forcé loin de la ville-centre (Watt, 2017) ; elle a également mis l’accent sur des formes combinées d’appauvrissement des ménages produites par la démolition des quartiers d’habitat précaire et le départ contraint de leurs occupants (Dupont et Vaquier, 2014 ; Aguilera, 2017). Le terme « eviction » est mobilisé par les littératures géographique (Brickell et al., 2017) et sociologique (Sassen, 2014) critiques qui mettent en avant la recrudescence des formes de déplacement forcé et de dépossession dans les espaces touchés par la compétition foncière. Si dans de nombreux travaux anglo-saxons, ce terme renvoie aux expropriations abusives, non motivées par l’intérêt public, qui créent un cycle de dépossession et de déracinement (Sassen, 2014) ou aux départs forcés accompagnant les saisies immobilières issues de la financiarisation du logement (Cabannes et al., 2010 ; ONU, 2017), il englobe également une gamme de situations empiriques beaucoup plus large [4] qui va du déménagement contraint à l’expulsion du logement. Le terme anglais eviction présente, sur un plan sociologique, l’intérêt de regrouper deux sortes de départs forcés que le droit et la langue française distinguent : d’une part, ceux de résidents tenus de quitter leur logement alors qu’ils sont titulaires de droits à résider, et d’autre part, ceux d’occupants ne pouvant pas ou ne pouvant plus démontrer qu’ils possèdent un titre légal de résidence (Merlin et Choay, 2015, p. 331). Parmi ces derniers, les figures les plus identifiables sont les squatteurs de logements ou occupants sans titre foncier reconnu [5], les propriétaires ne parvenant plus à s’acquitter du remboursement de leur crédit hypothécaire (Desmond, 2016 ; ONU, 2017) ou encore les locataires du parc social avec des impayés de loyer ayant entraîné une procédure judiciaire. C’est à ce dernier type de départs forcés que le terme expulsion fait, en France, généralement référence [6] tandis que les situations d’eviction (consistant à déloger des occupants puis à les reloger ailleurs, par exemple lors de congés pour vente ou d’opérations d’urbanisme [7]) qui contraignent aussi les occupants d’un logement à le quitter, se déroulent dans des conditions d’usage ordinaire attirant peu l’attention des sociologues. Ces deux configurations ont cependant en commun de produire de la vulnérabilité. Mais là où l’expulsion prolonge une instabilité résidentielle déjà présente en raison de l’absence ou de la perte de droits à résider, l’éviction crée pour sa part de l’insécurité là où l’occupant disposait jusqu’alors de protections.
3 Le cas du Programme national pour la rénovation urbaine porté par l’agence éponyme (Agence nationale pour la rénovation urbaine, ANRU) interroge les moteurs de l’action publique (Donzelot, 2012), à commencer par le nombre sans précédent de personnes affectées par ce type d’éviction. L’insistance mise sur la dimension positive d’un relogement conçu pour améliorer les conditions de vie des occupants (Deboulet et Lelévrier, 2014) ignore le processus de délogement au profit de la valorisation de la « déconstruction » [8] physique de l’immeuble. Or, c’est ce processus, dont la temporalité longue produit des effets sociaux sur la population concernée, au-delà même de son relogement, que l’on se propose de remettre au cœur du débat à partir du cas de la Cité blanche située dans la périphérie parisienne [9]. Cette cité populaire a fait l’objet entre 2007 et aujourd’hui d’une rénovation urbaine lourde financée par l’ANRU. Avec ses 1 200 logements sociaux, la Cité blanche ne constitue pourtant, à l’aube de sa démolition, qu’un peu plus de 10 % du parc social de la commune [10]. Composée principalement de trois tours et de deux barres, elle est un de ces grands ensembles de la banlieue rouge parisienne né d’une politique ambitieuse d’habitat social, symbole d’un monde nouveau en construction, et devenu quarante ans plus tard le lieu de tous les « problèmes » (Tissot, 2003). Pour les nombreux ménages quittant l’habitat de taudis, l’emménagement dans le grand ensemble était synonyme dans les années 1960 de l’accès au confort moderne (Coing, 1966). Les décennies suivantes sont marquées par un double mouvement : les ménages les plus aisés quittent le grand ensemble pour l’habitat pavillonnaire environnant, tandis que la population ouvrière touchée par la désindustrialisation se paupérise et voit son parcours résidentiel enrayé. Parallèlement, l’office d’Habitations à loyer modéré (HLM) peine à entretenir ce patrimoine [11]. En 1996, la Cité blanche est intégrée au sein d’une zone urbaine sensible dont la population active occupée se compose, en 2007, de 75 % d’ouvriers et d’employés [12]. Lorsque le Programme national pour la rénovation urbaine est institué, la municipalité porte son choix sur cette cité, emblème parmi d’autres du malaise social des banlieues, mais surtout cité traumatisée par un fait divers tragique qui a renforcé sa stigmatisation.
4 Les démolitions de trois tours et d’une partie des barres concernent un peu plus de la moitié des logements présents et s’échelonnent entre 2008 et 2012. En regard, un peu moins de cinq cents nouveaux logements sont construits sur le site entre 2010 et 2015. Conformément aux injonctions de l’ANRU, qui préconise l’instauration d’une mixité sociale à travers la diversification de l’habitat (Epstein, 2013), le programme neuf ne comprend qu’une petite centaine de logements sociaux, les autres se répartissant entre logements en accession à la propriété et en « loyers libres ». Des immeubles de faible hauteur sortent de terre, ceux qui ne sont pas démolis sont réhabilités et résidentialisés [13], des rues nouvelles sont percées, des équipements sont construits et, in fine, c’est toute la physionomie du quartier qui s’en trouve transformée. La rénovation de la Cité blanche est souvent mentionnée comme exemplaire. La commune est, en effet, parvenue à négocier auprès de l’ANRU un renouvellement avantageux du parc social démoli, bien au-delà de la norme nationale prévoyant le financement d’un logement reconstruit pour un logement démoli.
5 L’article étudie les effets de l’éviction d’occupants qui, pouvant se prévaloir de s’être acquittés de leurs obligations résidentielles, ont pu se projeter dans leur habitat. Ces occupants ne sont pas menacés par une expulsion à proprement parler car ils obtiennent tous ou presque un relogement. Pourtant, ces locataires évincés subissent bien une fragilisation et une déstabilisation résidentielle qui produit des effets au long court (Gilbert, 2014).
Les données empiriques mobilisées articulent une approche quantitative avec une analyse en profondeur du vécu et des représentations de locataires de la Cité blanche face à l’éviction de leur lieu de vie.
Elles sont principalement issues d’une enquête coordonnée par les auteures et réalisée dans le cadre d’une formation à l’enquête de terrain d’étudiants de troisième année de licence de sociologie de l’université Paris 8 – Vincennes – Saint-Denis, en 2012-2013. L’enquête est centrée, à la demande de l’aménageur, sur l’évaluation du processus de relogement de la dernière tour démolie de la cité qui s’est traduit par le relogement de 175 ménages1 ; elle a été précédée d’autres interventions pédagogiques et recherches ayant pour cadre la Cité blanche2. Le groupe d’étudiants de licence, peu nombreux, a été étoffé par quatre étudiants plus avancés3. Outre des observations des nouveaux lieux de vie des enquêtés, l’enquête a permis le recueil de 114 questionnaires4 complétés, en parallèle de leur administration, par des entretiens qualitatifs enregistrés. Ces derniers ont tous fait l’objet d’un bref compte rendu analytique et pour 32 d’entre eux, choisis selon des critères de diversification, d’une transcription. Les ménages enquêtés ont été rencontrés entre décembre 2012 et février 2013, soit entre quelques mois et plusieurs années après leur relogement. Ce faisant, l’enquête leur donne la parole à des moments différents du processus d’appropriation de leur nouveau lieu de vie.
1. La base de données transmise par le bailleur fait état également de 14 ménages relogés hors du parc social et de 8 ménages expulsés pour impayés auxquels nous n’avons pas eu accès, ainsi que de 2 ménages décédés avant leur relogement.
2. Les interventions antérieures ont permis aux auteures de se familiariser avec le terrain et sont à l’origine de la commande de l’aménageur. En 2011-2012, A. Deboulet et Cl. Lafaye ont coordonné une première formation à l’enquête de terrain centrée sur la réception de la rénovation urbaine dans la Cité blanche ; en 2009-2010, A. Deboulet, M. Sineus et C. Orillard ont fait travailler des étudiants de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette sur les dynamiques de coopération à l’œuvre dans le processus de rénovation urbaine. Les auteures de cet article y ont aussi travaillé dans le cadre de deux programmes de recherche (Deboulet [coord.] et al., 2010).
3. Presylia Alves, Swann Arar, Jennifer Bonino, Elodie Duchemann, Estelle Gourvennec, Hesam Kasbkar, Romain Leclercq, Noël Manzano, Silvia Romani, Tania Shahabuddin ont participé au recueil des données et ont élaboré des mémoires personnels à partir de l’enquête collective ; Benjamin Leclercq, Agnès Deboulet et Claudette Lafaye ont participé au recueil des données et ont rédigé le rapport à destination de l’aménageur.
4. Ce questionnaire a été conçu par un bureau d’études pour réaliser l’évaluation du relogement des résidents des tours précédemment démolies ; le groupe d’enquête n’a pu y apporter que des modifications mineures.
6 Phénomène commun à différentes situations métropolitaines (Berry-Chikhaoui, 2012 ; Deboulet et Fawaz, 2012), la perte du logement et de ses protections s’accompagne de la perte partielle et parfois totale des liens sociaux de proximité et d’un entourage protecteur coupant ainsi les ménages de leurs milieux de vie familial, communautaire et culturel. On montrera notamment que l’éviction du logement, quand bien même elle s’accompagne d’un relogement, prive les habitants de leur « chez-soi » et des repères qui lui sont attachés. Dans le cas présent, la perte du droit à résider et du sentiment de légitimité à occuper le logement engendre une incertitude résidentielle nouvelle et fabrique de la vulnérabilité y compris parmi les catégories stabilisées des classes populaires (Lelévrier, 2014 ; Deboulet, 2006). L’impossibilité de rester dans son logement neutralise la sécurité propre à l’habiter et provoque chez certains habitants une forme d’anxiété que les garanties de relogement ne viennent que partiellement compenser.
7 L’article explore, dans un premier temps, le processus d’éviction opéré dans le cadre de la rénovation urbaine en insistant sur la suspension des droits à résider (Bulle, 2009) qui en résulte. Il le resitue dans le cadre d’une décision hétéronome où la dimension du choix résidentiel est résiduelle par rapport à la contrainte et à l’imposition normative. Dans un deuxième temps, sont déclinées les modalités largement négligées de l’atteinte à l’attachement à un lieu de vie stigmatisé, dans un contexte où la mobilité résidentielle est valorisée. Ainsi, le processus d’éviction vient défaire des protections résidentielles et prend principalement effet en fragilisant les supports identitaires d’une partie de la population qui reposent sur le rapport au quartier. Dans un troisième et un quatrième temps, on verra que la contrainte et le sentiment de risque liés à la suspension des protections résidentielles se déclinent tout au long des ajustements que doivent faire les résidents : seront successivement abordés les arbitrages entre « rester dans un lieu de vie totalement renouvelé ou en partir » mais aussi les tentatives de composer avec ce changement imposé, celles d’un détachement qui reste en large partie tributaire de la capacité — inégalement distribuée et biographiquement située — à dépasser les formes d’attachement et le sentiment d’arrachement.
Des habitants face à la suspension du droit à résider
8 Dans les projets de rénovation urbaine financés par l’ANRU, si le relogement et certains aspects des aménagements à venir font l’objet d’une concertation avec les habitants (ANRU, 2007), le principe de la démolition et le choix des bâtiments à démolir en sont toujours exclus. Présenté comme non négociable par les pouvoirs publics, le programme de démolition est donc associé à l’annonce de la nécessaire éviction des habitants. Tout au long de ce processus, les locataires de la Cité blanche n’ont cependant pas été livrés eux-mêmes : des réunions d’information ont été organisées en préalable à chacune des phases de la démolition. Des initiatives visant l’élaboration d’une mémoire de la cité ont également été financées. Une enquête sociale, conduite dans le cadre d’une Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS), a fait le point sur la situation financière des ménages et sur leurs besoins. À la veille du délogement, des chargés de relogement du bailleur ont contacté les ménages afin de leur faire une proposition de relogement. Enfin, à la Cité blanche comme dans d’autres sites en rénovation, et bien qu’ils n’aient pas été missionnés pour cela, les professionnels du centre social ont assuré un accompagnement quotidien et réalisé un travail de réassurance des ménages déstabilisés par la situation, en même temps qu’un travail de médiation avec les institutions.
9 Bien que se distinguant de l’expulsion et d’autres formes d’éviction par des garanties de relogement et un accompagnement des résidents, la rénovation urbaine ne peut pas uniquement s’analyser comme une « opportunité » offerte aux résidents. Cette approche, comme celle qui identifie des « gagnants » et des « perdants » de la rénovation urbaine appréhende les trajectoires résidentielles en se focalisant sur le relogement au détriment de l’éviction. Celle-ci concerne d’abord le logement, mais aussi le quartier qu’il faudra le plus souvent quitter, en vertu de la doctrine de mixité sociale prônée par l’ANRU. Si le déménagement contraint est parfois vécu d’emblée comme une opportunité pour quelques locataires, il suspend les droits résidentiels, défait des protections et produit sur le plus grand nombre des effets qui le rapprochent des autres formes d’éviction, voire de l’expulsion. Ces effets sont d’autant plus marqués qu’à la Cité blanche la rénovation urbaine ne donne pas lieu à une mobilisation collective structurée (Cefaï et Lafaye, 2001 ; Deboulet et Mamou, 2013), ni même à une « mobilisation minuscule » (Bertheleu, 2008). En effet, les supports collectifs de la critique jouent un rôle dans la fabrication et le partage des émotions. Comment, dès lors qu’ils ne se mobilisent pas collectivement, les habitants s’accommodent-ils du délogement et de la déstabilisation résidentielle que celui-ci engendre ? On fait l’hypothèse d’une critique sourde et de basse intensité (Deboulet, 2009), fondée sur une incompréhension des mobiles de la démolition, qui ne trouve de débouchés qu’au moment de l’enquête suivant le relogement.
10 Les locataires n’ont pas la maîtrise d’un processus générateur d’incertitude résidentielle et d’insécurité durant une longue période. Ils n’ont pas non plus de prise sur le moment du délogement et n’en ont que peu sur les modalités du relogement. Or, il leur faut accepter le principe même du départ qui précède la démolition, sous peine de perdre l’assurance du relogement et de se voir, in fine, expulsés même si la majorité d’entre eux n’avait jamais cherché auparavant à quitter le quartier. La comparaison avec les autres formes d’éviction, notamment orchestrées par des propriétaires indélicats, doit être faite par rapport à la phase amont de suspension des droits à résider. En effet, si toutes les formes d’éviction impliquent la perte du logement, la législation française garantit aux occupants concernés par une opération d’aménagement deux propositions de relogement [14] correspondant « à leurs besoins personnels ou familiaux » [15]. Cette protection est cependant circonscrite : le locataire ayant refusé trois offres de relogement respectant les conditions prévues « ne bénéficie plus du droit au maintien dans les lieux » [16]. Les chargés de relogement ne se privent pas de rappeler cette clause lors de leurs interactions avec les locataires, ainsi que nous l’ont rapporté a posteriori plusieurs enquêtés. M. Souvert [17], 76 ans, a accepté un logement ne correspondant pas aux normes « handicapé » après en avoir refusé deux autres inadaptés à sa situation et à celle de son épouse infirme. Il répète à plusieurs reprises : « Ils ont fait pression. Ils nous ont bien fait comprendre que si on n’acceptait pas cette fois-ci, on pouvait se chercher un appartement nous-mêmes ». Contraints par les délais de l’opération et l’offre de logements disponibles, les chargés de relogement incitent les ménages « à restreindre leurs aspirations et à donner une réponse favorable dès la première offre » (François, 2014a, p. 105). M. Diop, âgé de 65 ans en fait état lors de l’entretien : « J’ai pas eu le choix : l’office m’a mis la pression » tandis que M. Labiod, a pris d’emblée le F3 proposé alors qu’il avait manifesté le besoin d’un F4, par crainte de ne pas avoir d’autre proposition. En définitive, 56 % des enquêtés ont accepté le premier logement proposé, souvent par crainte de perdre leurs droits résidentiels. Que le refus de l’appartement soit justifié par sa localisation, sa taille ou par le coût du loyer et des charges, il est vécu comme une prise de risque : celle d’une proposition ultérieure moins satisfaisante ou même celle d’une procédure d’expulsion. Cette dernière demeure à l’état d’horizon menaçant et se trouve alimentée par le fait que la rénovation urbaine est aussi utilisée par le bailleur pour finaliser des procédures d’expulsion, notamment pour impayés [18]. L’impuissance s’accompagne quelquefois de manifestations de colère, plus fréquemment de frustrations associées à un sentiment de résignation dont les enquêteurs sont le réceptacle. La manifestation d’exigences est intériorisée comme relevant du privilège indu : « J’ai pas à me plaindre », indique Mme Seghir, 43 ans, hébergée jusque-là avec son mari et ses six enfants chez ses parents : « on m’a dit que je ne devais pas être exigeante et que j’ai de la chance d’être ici ».
Encadré 2 : L’expérience indirecte d’un relogement sous pression
11 La parole des enquêtés, recueillie en parallèle du questionnaire standardisé prévu par le dispositif d’évaluation du relogement, fait figure de sous-texte. Les résultats de l’enquête quantitative constituée de questions fermées et de réponses pré-codées font état de taux de satisfaction élevés à l’égard du nouveau lieu de vie, en tous points semblables à ceux des enquêtes réalisées dans d’autres sites. Pourtant ces résultats sont démentis tant par les commentaires et le langage corporel qui accompagnent et relativisent, voire contredisent, les réponses aux questions posées que par les propos tenus lors de l’entretien qui suit l’administration du questionnaire. Le dispositif d’évaluation ne permet pas de rendre visible la domination associée à un rapport résidentiel dans lequel prévaut le fait que les décideurs « disposent » du sort des habitants, ce qui crée une forme d’aliénation. À l’opposé des démarches de coproduction censées régir dorénavant ces programmes (Bacqué et Mechmache, 2013), nombreux sont les résidents qui manifestent a posteriori leur dépossession du processus à l’instar de M. Guessoum, perturbé par le décès de l’un de ses enfants, ou de cet autre enquêté ayant accepté un logement en dehors du quartier alors même qu’il voulait y rester :
« On s’est fait avoir un peu par rapport à la Cité blanche. […] Ils ont presque profité de notre situation si vous voulez. Et puis, je pense que, nous, on a plus accepté parce qu’on était dans la tristesse par rapport à ce qui s’était passé. […] Donc, si vous voulez, on a choisi par défaut… »
« C’est par obligation que j’ai accepté. J’aurais bien souhaité… Si j’avais eu le temps, j’aurais attendu un logement à la Cité blanche pour être relogé, là-bas. J’aurais accepté, mais là... On n’avait pas le choix ».
13 La suspension du droit à résider opère comme une hantise de la privation définitive de logement qui transparait dans le recours répété, d’un entretien à l’autre comme au sein d’un même entretien, de l’expression « on n’avait pas le choix » et à ses nombreuses déclinaisons. Prévalent dès lors un sentiment de résignation, le remord d’avoir accepté par défaut ou le regret de ne pas avoir eu une proposition correspondant à ses besoins. De fait, la plupart des relogés dans de l’ancien [19] se contentent de ce qui leur a été proposé.
14 Alors que la rénovation urbaine ambitionne de corriger les effets ségrégatifs de la ville contemporaine (Lefebvre, 1972), elle disperse les ménages, reconcentre les plus défavorisés d’entre eux (Lelévrier, 2010) et défait aussi les relations sociales qui font l’essentiel de l’urbanité du lieu habité. L’imposition du déménagement vient déstabiliser l’espace domestique et l’environnement résidentiel des ménages de classes populaires déjà fortement fragilisés par le chômage (Gilbert, 2014 ; Habouzit, 2017). L’annonce de la rénovation urbaine et de la démolition s’accompagne d’un choc, suivi d’une insécurité d’autant plus marquée que la temporalité de l’opération est longue et le devenir des résidents concernés incertain. Dans ce type d’éviction, ce sont les garanties de protection offertes jusque-là par le logement social qui sont perturbées : le relogement contraint prive de la liberté de disposer de son propre habitat, mais aussi d’un large spectre d’offres de relogement. En somme, la politique de diversification sociale imposée par l’ANRU se traduit aussi par une restriction délibérée des possibilités de relogement au sein du quartier en rénovation, à l’instar du cas étudié où un seul programme neuf de 40 logements sociaux a été livré avant la fin des démolitions. L’absence d’alternative est vécue, de manière accrue chez les plus âgés, sur le mode de la perte de droits et de l’expulsion locative. M. Kermiche, 77 ans, exprime de façon très imagée ce sentiment : « on m’a pris à la gorge ».
15 C’est dans cette configuration que l’expression de la souffrance morale ainsi que l’incompréhension et le sentiment de dépossession sont les plus forts : « Moi j’en ai été malade, j’en ai été malade », raconte Mme Lormont, 62 ans :
« J’ai pas compris. […] On vous vire de chez vous, et c’est à vous de faire les démarches ! Y’en a qui s’en souviennent ! Tout ce que j’ai pu leur balancer. Y’avait des réunions dans le préfabriqué et à chaque réunion, j’y étais. Je leur ai dit que c’est inimaginable de foutre les gens dehors. »
17 Le propos est chargé d’un sentiment d’injustice nourri de l’indignité même de l’éviction, tandis que les prises de parole lors des réunions sur le projet permettent la restauration de l’individu dans sa dignité. L’expérience du déménagement peut se révéler rude pour ceux qui se retrouvent isolés dans leur nouveau quartier comme M. Boussaha, septuagénaire, qui a recours au même vocabulaire que les évincés du parc privé : « J’ai été mis à la porte comme un malpropre ». Le traumatisme de cette expérience, le stress qu’elle a produit, ne sont pas sans rappeler ceux des expropriés des copropriétés dégradées (Habouzit, 2017, p. 381), même si l’accompagnement social et le relogement concourent à limiter leur expression.
18 Si certains ménages s’accommodent de l’éviction et se saisissent du temps long entre l’annonce du projet et le relogement pour rebondir, prévaut cependant pour beaucoup le sentiment d’une perte de contrôle : la violence symbolique de l’éviction nie la capacité des personnes à décider de leur lieu de vie. Par le fait même qu’un tiers s’interpose dans le parcours résidentiel et prive le ménage de son autonomie, l’éviction active ou réactive un sentiment de déficience sociale et d’impuissance. Comme le soulignent Desmond et Kimbro (2015), la stabilité résidentielle conditionne la stabilité psychologique et la capacité à investir émotionnellement dans son logement, son entourage, son quartier. Dès lors que le logement est menacé dans ses fonctions d’abri accueillant l’intime, permettant le repli et le repos, mais aussi l’ouverture à autrui (Allen, 2007), la sécurité ontologique des personnes, propre à l’habiter, n’est plus assurée. Cette menace prend un tour aigu pour les ménages des classes populaires, en particulier les plus fragiles au plan économique et social, et pour les personnes âgées et/ou isolées qui avaient noué des relations de dépendance avec leur voisinage, rendant celui-ci parfois indispensable comme lorsque des voisins font les courses ou rendent visite. Il en va ainsi de cette femme veuve, vivant seule, qui regrettera longtemps les « escaliers », lieu de sociabilité majeure pour elle, et qui regarde en boucle les photos de son ancien appartement :
« Je pleurais… Quand je suis arrivée là, ça faisait si drôle. Je suis venue le visiter quatre fois avant de le prendre. Quand je suis partie, j’ai pris beaucoup de photos de la Cité blanche, de face, de côté […] Après mon fils m’a dit : “maman arrête ou tu feras une crise”. »
20 La combinaison entre le choc de l’annonce qu’il faut encaisser, l’hétéronomie de la décision et l’absence de prise sur la situation rassemblent ces enquêtés dans une « communauté d’affliction » (Melo et Simões, 2014). Mais au-delà de la suspension du droit à résider, le délogement réactive l’attachement porté au lieu de vie en même temps qu’il le néglige.
Entre attachement et arrachement du lieu de vie
21 La sociologie des cités populaires minore la relation d’habiter que les résidents entretiennent avec leur lieu de vie. Focalisée sur le processus de ghettoïsation, elle appréhende souvent ces quartiers en des termes paradoxaux. La Cité blanche n’est pourtant pas réductible à « une cage » et/ou un « cocon protecteur » (Clark, 1966 ; Lapeyronnie, 2008, p. 21 et p. 377). Avant d’être un lieu de « confinement » pour les uns, d’« intégration » pour les autres (Wacquant, 2005), elle est d’abord un lieu habité et, à ce titre, nourrit la nostalgie de ce à quoi on a été arraché. En ce sens, le projet de rénovation urbaine, et le départ contraint dont il est porteur, révèlent les manifestations de l’attachement. Même une partie de ceux pour qui la cité rappelle une expérience négative exprime des manifestations d’attachement. Si les enquêtés ne sont pas dénués de lucidité et n’hésitent pas à évoquer les problèmes rencontrés, ceux-ci sont fréquemment surmontés dans les propos qu’ils tiennent. C’est le cas de cette jeune femme pour qui la rénovation urbaine s’est traduite par une décohabitation du domicile parental.
« Dans toutes les cités il y a des histoires, en fait ça été trop médiatisé [...] la Cité blanche, c’est par rapport à l’ambiance que ça me manque, en fait, parce que c’était un petit comité, on connaissait tout le monde [...] Franchement la Cité blanche, ça me manque ! ».
23 Cumulés, les problèmes évoqués forment une liste des maux usuels des cités populaires : rassemblements de jeunes dans les halls ou aux pieds des immeubles, incivilités, conflits de voisinage, pannes d’ascenseur et dégradations des parties communes, poubelles et voitures brûlées, cambriolages, deal et drogue, bagarres, agressions, fermeture des commerces… Les enquêtés évoquent aussi spontanément un fait divers ayant eu un retentissement national dont aucun n’est parvenu à se défaire, tant il a marqué durablement la cité et son image (Bonino, 2014). Tous soulignent dans le même temps les effets délétères de la médiatisation qui a suivi ce fait divers, stigmatisé la cité et contribué à justifier l’opération de rénovation urbaine. La plupart d’entre eux s’emploient à faire le partage entre « le mauvais » et « le bien », comme le dit un autre enquêté. Cette opération, loin de traduire une ambivalence, peut être interprétée comme une façon d’insister sur l’importance du lien, insuffisamment pris au sérieux, que les enquêtés ont noué avec leur lieu de vie.
24 En dehors des résidents qui l’ont intégrée récemment et/ou qui y ont subi des déconvenues, la cité est aussi un bien que ses habitants ont en partage. Comme le souligne Barbara Allen (2007, p. 145), l’attachement se manifeste par un sentiment de perte, au sens d’une séparation d’une part de soi, qui survient dès lors que le lieu lui-même vient à être perdu. La démolition et l’éviction du lieu de vie engendrées par la rénovation urbaine activent et/ou renforcent un sentiment de perte d’autant plus vif qu’il n’a rien de fictif, à la différence de l’attachement des résidents à différents territoires que l’enquête de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) s’employe à mesurer [20] (Guérin-Pace, 2007). Ce sont les supports de la construction identitaire des résidents qui se trouvent atteints, d’autant plus que les démolitions successives effacent progressivement les signes tangibles de la vie passée dans la cité. Loin d’être réductible à l’incertitude de l’avenir et à la peur de l’inconnu, autrement dit à une insuffisance de ressources morales (Dietrich-Ragon, 2014), l’attachement des enquêtés à la Cité blanche est associé à des usages des espaces, à des pratiques (Allen, 2007, p. 145) et plus encore à l’intensité des relations sociales qui s’accompagnent du sentiment d’en être pleinement partie prenante.
25 L’attachement se manifeste ici comme un lien fort à une communauté locale devenue communauté de destin, éléments que l’on retrouve dans de nombreux récits de démolitions (Habouzit, 2017). Il est relié aux formes sociales spécifiques d’une sociabilité dense, d’occasions partagées avec des voisins qui sont décrites à travers des métaphores familiales et villageoises, bien loin de l’image de détérioration sociale et du marquage social infériorisant, ou d’autant plus fort qu’il contraste positivement avec ce dernier. Cette densité relationnelle concerne d’abord les familles d’origine algérienne, souvent issues de la même région. S’agissant pour les premiers occupants de réseaux familiaux étendus, les liens de parenté sont très vivaces et participent à ce sentiment de faire partie d’une « grande famille », qui va se trouver en partie disloquée par le délogement. Cette force de la parenté a incorporé d’autres familles de la première heure, françaises ou européennes, qui se sont toujours senties faire partie de cette communauté locale, soit par leur présence à tous les évènements importants (mariages, aïd, fêtes de quartier), soit par le sentiment de protection indirect que cette inclusion sociale procure. Plusieurs enquêtés mettent en valeur cette communauté de quartier, ce qui constitue une manière de restaurer une dignité malmenée par l’épreuve du délogement :
« On a appris à connaître les différentes origines, raconte Mme Legrain, la quarantaine, il y avait les Maghrébins, nous les Italiens, les Portugais, les Français, les Chinois, les Espagnols... On a eu beaucoup de cultures différentes et on a appris à se connaître. […] il y a eu beaucoup de respect les uns envers les autres […] Il y a beaucoup de choses que mon mari n’a jamais connues en zone pavillonnaire. Nous, on s’entraidait beaucoup. »
27 Mme Sayad, arrivée adolescente à la Cité blanche, évoque aussi une communauté de quartier soudée qui transcende les appartenances communautaires, se manifestant particulièrement lors des rites de passage : « musulmans, catholiques, dans le malheur, on est soudés […] Les gens restaient solidaires quoiqu’il arrive […] unis dans le bonheur comme dans le malheur. ». Les propos des enquêtés sur la Cité blanche expriment principalement le regret d’une densité relationnelle intimement associée à l’identité personnelle. A contrario, des petits ménages souvent arrivés plus récemment peuvent tout à la fois avoir échappé à la force englobante et protectrice de ces réseaux et se trouver dans un grand dénuement relationnel et matériel. Si le discours de ces derniers est souvent marqué par un rejet de la cité, l’éviction peut aussi aboutir à un durcissement des conditions matérielles et à une forme de paupérisation.
28 L’attachement est indexé sur la densité relationnelle qui agit comme un filet protecteur sécurisant et se superpose également à l’ancienneté de résidence. L’enquête montre en effet que 60 % des enquêtés résidaient à la Cité blanche depuis plus de vingt ans et 34 % depuis plus de trente ans. La plupart (56 %) n’avaient jamais envisagé de quitter la cité et seuls un tiers des ménages (32 %), insatisfaits de leurs conditions de logement, de leur cadre de vie ou d’un environnement insécurisant, avaient entrepris, sans succès, des démarches pour partir. Sondés sur leur opinion à l’égard de la Cité blanche entre quelques mois et deux ans après leur déménagement, les enquêtés expriment une vision d’autant plus positive qu’ils y ont résidé plus longtemps, tandis que le rejet de la cité est inversement proportionnel au temps passé. Plus concrètement, l’aspiration à quitter la cité (Figure 1) et le fait d’avoir entrepris des démarches en ce sens (Figure 2) sont bien plus élevés pour les enquêtés ayant moins de dix années de résidence que pour les autres, ancrés de plus longue date.
Figure 1 : Désir de quitter la Cité blanche avant la rénovation en fonction du nombre d’années de résidence (en %)

Figure 1 : Désir de quitter la Cité blanche avant la rénovation en fonction du nombre d’années de résidence (en %)
Figure 2 : Démarches entreprises pour quitter la Cité blanche en fonction du nombre d’années de résidence (en %)

Figure 2 : Démarches entreprises pour quitter la Cité blanche en fonction du nombre d’années de résidence (en %)
29 L’attachement à la cité est articulé au fait d’y avoir traversé des étapes biographiques à l’instar de Mme Boudjabi, 54 ans : « J’ai habité à la Cité blanche 40 ans. On ne peut pas oublier la Cité blanche comme ça du jour au lendemain. Ce n’est pas possible ». Il est aussi fonction de la capacité à passer outre ou à nuancer la dégradation du quartier. Mme Legrain, 45 ans, souligne ainsi la qualité de l’être ensemble en dépit de l’adversité :
« Il y a beaucoup de choses qui se sont passées à la Cité blanche. Il y a des bons et des mauvais moments comme dans toute vie. On a connu beaucoup, beaucoup de bons moments heureux à la Cité blanche, il ne faut pas dire le contraire ».
31 L’attachement est ici au point de rencontre avec des temporalités marquées par des événements « heureux », en référence aux tissus familiaux, de parenté et de voisinage ; il se résume à l’impossible effacement du souvenir des lieux qui ont marqué sa vie adulte. L’attachement regroupe cependant dans un même ensemble les personnes les plus âgées qui, très souvent ont bénéficié de l’accès aux commodités lors de l’installation dans la cité à ses débuts et les jeunes adultes qui y ont grandi. Chez ces derniers, dont beaucoup sont nés sur place et y ont passé leur enfance et/ou leur adolescence, la cité renvoie à une dimension émotionnelle, faite de souvenirs partagés comme l’énonce Mme Moussaoui, 23 ans :
« Franchement, c’est là qu’on a grandi, du coup on a plein de souvenirs là-bas avec toutes mes copines et tout ça. C’était la bonne époque... (rires). [...] Je me rappelle l’été où les mamans nous faisaient sortir, où, elles, elles se posaient sur les bancs jusqu’à 23 heures [...]. Franchement, nous, on se sentait à l’aise. On se sentait à l’aise parce que voilà, c’est le quartier où on est né, où on a vécu... ».
33 Façonnés par l’usage, la familiarité et l’aisance qui en résulte (Breviglieri, 2006), les lieux habités ont partie liée avec la construction identitaire de ceux qui y vivent et qu’ils abritent. L’attachement, s’il nourrit la difficulté à envisager de quitter les lieux, l’inclination à y demeurer ou encore le sentiment d’arrachement dû à l’éviction et au relogement contraint ne ferme pourtant pas l’univers des possibles.
Rester dans le quartier ou s’en éloigner
34 L’attachement ne signifie pas, en effet, que les habitants aient cherché par tous les moyens à être relogés sur le quartier. La manière dont Mme Lormont, une retraitée de 62 ans, relogée dans un bâtiment neuf du quartier, manifeste la volonté qu’elle a eue de demeurer sur place n’est pas si fréquente : « Alors moi, j’avais demandé : la Cité blanche, la Cité blanche, la Cité blanche ! […] Moi, je suis bien là ! J’y suis, j’y reste ! ». Plusieurs autres retraités, ayant résidé plusieurs décennies dans la cité, ont refusé plusieurs logements en dehors du quartier. Pour Mme Pires, c’est la proximité du cimetière où des proches reposent qui constitue le point d’ancrage principal : « Je voulais rester là parce que je suis plus près du cimetière. Il y a tout le monde qui est enterré là, à côté ». Pour d’autres, ce sont les repères du quotidien, tels les écoles ou le centre social, qui forment les éléments déterminants de l’aspiration à y demeurer.
35 Le maintien des liens familiaux et de solidarité est également un élément central dans l’aspiration à rester dans le quartier ou à le quitter. Ainsi M. Laoudi, un employé de 46 ans, a souhaité un relogement sur place pour demeurer auprès d’un proche. M. Degeyter et sa compagne, tous deux septuagénaires, ne voulaient pas quitter leur environnement résidentiel ; ils ont tout de même accepté de visiter un logement en dehors du quartier. Si le loyer proposé a été perçu comme trop élevé, c’est plus encore les liens intergénérationnels qui les ont conduits à insister pour être relogés sur place. Plusieurs de leurs enfants respectifs habitent en effet à proximité : « Les enfants sont habitués », explique la compagne de M. Degeyter. Mme Sayad, une quarantaine d’années, a vécu depuis son adolescence à la Cité blanche et ne concevait pas non plus de quitter le quartier : « Tous mes frères et sœurs sont ici […] Je ne voulais pas m’éloigner de ma mère ». C’est aussi le cas de plusieurs familles maliennes qui ont voulu être relogées dans le même immeuble du quartier afin de ne pas perdre leurs repères, maintenir leur réseau d’entraide et continuer à bénéficier de la présence du centre social.
36 Les dilemmes qui se posent aux habitants au moment de l’enquête sociale puis du relogement sont plus rapidement surmontés parmi les fractions supérieures des classes populaires et, a fortiori, chez les rares ménages à revenus intermédiaires. Ainsi, pour ceux qui avaient fait une demande de relogement ou de décohabitation du domicile parental de longue date20 le déménagement en dehors du quartier apparaît comme une évidence. Il en va de même pour Mme Joly qui a été victime d’une agression en bas de chez elle et qui, pour cette raison, a refusé une première proposition de logement sur place :
« J’ai été agressée, on m’a arraché mon sac […] À la Cité blanche, je ne me sentais plus en sécurité. […] Je ne voulais plus habiter là-bas tout le temps ! […] Rester à la Cité blanche, c’était hors de question... »
38 Pour certaines jeunes femmes, il s’agit de prendre des distances avec la cité où elles ont grandi, sans pour autant que l’attachement ou les liens qui en sont le support soient reniés : le milieu d’interconnaissance et les commérages qui s’y déroulaient leur étaient parfois pesants :
« À la Cité blanche, c’est convivial, mais c’est trop... c’est trop, tout le monde connait la vie de tout le monde. Tout le monde cherchait à savoir la vie de tout le monde, il y a des gens limite, on pourrait les appeler “Le Parisien” tellement qu’ils connaissent toutes les news du quartier. »
40 Quitter le quartier n’est pas toujours une démarche aisée à assumer car cela suscite un sentiment de trahison à l’égard d’un passé individuel et collectif, en particulier pour les plus ancrés des habitants, comme Mme Legrain :
« Ça a été difficile le départ, car j’ai laissé beaucoup d’amis là-bas, après on s’y fait. Ça a été difficile sentimentalement. J’ai beaucoup, beaucoup d’amis qui sont restés là-bas et j’en ai d’autres qui sont venus ici dans la même résidence. »
42 Dans le cas présent, la difficulté de partir et la mélancolie sont atténuées par le fait d’avoir été relogée dans la même résidence que plusieurs voisins et amis, ce qui permet à cette enquêtée de rebondir en créant une amicale de locataires.
43 Rester dans le quartier ou s’en éloigner, au-delà des aspirations des résidents, est en grande partie déterminé par le parc de logements disponibles. Les logements réservés au relogement des habitants de la dernière tour démolie de la Cité blanche constituent une offre fortement contrainte. En théorie, elle combine trois catégories de logements (neufs, anciens réhabilités et anciens non réhabilités) et 32 sites de relogement dispersés dans la commune qui vont de quartiers entièrement nouveaux à des grands ensembles dégradés, en passant par une offre restreinte à la Cité blanche. En pratique, les propositions sont indexées sur les revenus des ménages, leur stabilité et l’appréciation par le bailleur de la qualité de locataire (paiement du loyer à l’échéance, absence de dégradation du patrimoine, absence de plaintes...). Alors que les ménages aux revenus les plus stables et conséquents peuvent prétendre accéder à un logement neuf le plus souvent situé en dehors de la Cité blanche, les ménages aux revenus moindres se voient proposer un relogement dans le parc des années 1960 réhabilité, sur place ou dans le centre-ville, tandis que les ménages aux revenus plus incertains ou issus de l’aide sociale qui regroupent aussi certaines familles jugées « à problèmes » et les ménages dé-cohabitants sont d’emblée orientés vers le parc non réhabilité.
44 Le relogement produit ainsi des hiérarchies entre des résidents qui jusqu’alors vivaient sur un pied d’égalité résidentielle (Gilbert, 2014), ce que les premiers concernés perçoivent confusément ou découvrent lorsque le ou la chargé(e) de relogement leur explique qu’ils ne peuvent prétendre ni à un logement neuf, ni à un logement réhabilité (François, 2014b). En outre, le relogement active et creuse les écarts sociaux dans la mesure où seuls les ménages informés, bien introduits auprès de la mairie ou des bailleurs, sont en capacité d’évaluer les qualités du nouveau logement et les risques économiques associés : le coût du loyer, des charges, et le montant de l’Aide personnalisée au logement (APL).
45 Certains parviennent ainsi à négocier un relogement avantageux, ce qui révèle les inégalités dans la capacité d’action des habitants. Mme Legrain, née à la Cité blanche, investie en son sein et favorablement connue du bailleur, dispose de ressources matérielles et symboliques suffisantes pour accéder à un logement convenable : « Moi j’ai choisi […] Moi, je voulais du neuf. Si on devait partir de la Cité blanche, alors autant avoir du neuf. Si je n’avais pas voulu ici, je n’aurais pas accepté. ». Il en va de même pour Mme Boudjabi qui, forte de revenus stables [21] et d’un profil de locataire fiable, a adopté un comportement stratégique. Elle s’est documentée soigneusement et a visité tous les quartiers avant de se décider :
« Je voulais absolument ici. On nous a proposé ailleurs, mais moi je voulais ici, donc on a refusé. […]. Je trouve que c’est normal : ils font partir les gens, au moins qu’ils donnent aux gens où ils veulent. »
47 La famille composée de deux adultes et d’un adolescent a cependant dû renoncer à un quatre pièces en raison de la dé-cohabitation d’un fils et d’une fille adultes. Cette dernière met l’accent sur le fait que la rénovation urbaine a constitué l’opportunité d’obtenir un logement autonome :
« Ce projet, ça a été une bonne façon de négocier cet appart. S’il y avait pas eu ce projet-là, je serais encore en train d’attendre mon appartement ; donc, c’est pas plus mal : c’était une bonne occasion. »
49 Mme Moussaoui explique, pour sa part, qu’habiter la dernière tour à avoir été détruite a été un réel avantage car elle a disposé d’assez de temps pour recueillir les opinions de leurs voisins déjà relogés et elle a pu comparer et repérer les meilleurs quartiers, immeubles et logements. Elle explique qu’il en a été différemment pour les habitants de la première tour démolie en 2008, tous relogés dans des logements anciens : « ils se sont faits arnaquer ! ». Cette jeune femme de 23 ans, qui exerce la profession d’animatrice, a recherché l’information la plus complète possible et toute sa famille a pu obtenir des relogements satisfaisants. Une de ses jeunes sœurs a bénéficié d’un logement autonome sans être mariée, ce que ses parents ne lui auraient pas autorisé sans l’opportunité qui s’est ainsi ouverte.
50 En revanche, l’épreuve du délogement, lorsque le relogement ne convient pas et que le bailleur reste sourd aux demandes du locataire, est vécue comme du mépris social : « J’ai demandé plusieurs fois, pour la rampe, raconte M. Souvert, dont l’épouse est handicapée, mais ils en ont rien à foutre. Qu’est-ce que vous croyez, ils attendent qu’on meure ». La colère et l’amertume mêlées n’autorisent guère dans ce cas la possibilité de tourner la page.
Tourner la page : les manifestations du détachement
51 Dès lors qu’il se maintient par-delà le relogement, l’attachement à l’ancien lieu de vie peut également être lu comme une forme d’entrave, une manière de subir les événements, un empêchement à « passer à autre chose » ou à « tourner la page », à l’image de Mme Pignon qui, durant cinq mois, a pleuré chaque jour et qui, relogée depuis un an, n’a pas fini de défaire ses cartons. Les formes verbales du processus de détachement se manifestent, chez ces enquêtés de classe populaire, à travers des expressions qui disent indissociablement la relation entretenue avec l’ancien lieu de vie comme avec le nouveau. Elles signent tout à la fois les difficultés à accepter l’éviction due à la rénovation urbaine et les tentatives pour faire avec : se détacher de l’ancien lieu de vie et se projeter dans l’avenir : « il faut jamais regarder derrière soi. Qui n’avance pas recule » indique ainsi un agent de sécurité d’une trentaine d’années, relogé avec son épouse et ses deux enfants dans un logement neuf en dehors du quartier. Si les ménages accédant à du neuf sont plus enclins à s’accommoder de l’éviction, a fortiori lorsque le déménagement a eu lieu il y a longtemps, c’est également le cas de ceux qui accèdent à un premier logement autonome, souvent non réhabilité et situé dans un environnement peu prisé. M. Nedjar, un jeune dé-cohabitant, fait clairement part de sa volonté de regarder l’avenir :
« Je veux passer à autre chose. La Cité blanche, c’est fini. Faut passer à autre chose. Ça y est la Cité blanche, c’est terminé, même si j’ai vécu 24 pijes là-bas… C’est pas ça qui va faire mon avenir ou ce que je vais devenir. »
53 Quelquefois immédiate, dès la première visite (Mme Dorian et sa fille racontent avoir eu un « coup de cœur » lorsqu’elles ont visité leur nouveau logement en raison des vues dégagées et de l’ensoleillement des pièces à vivre), l’appropriation du nouveau lieu de vie et le détachement de l’ancien s’opèrent avec du temps chez les plus âgés, parfois à la surprise des enquêtés qui n’y croyaient pas eux-mêmes. C’est le cas de M. et Mme Rollin, ouvriers retraités de 72 et 68 ans, qui ont vécu 41 ans dans la Cité blanche avant d’être relogés dans un logement neuf, hors de celle-ci :
« Au début quand on est arrivés, on voulait partir. Après non. Ça m’a surprise. J’étais tellement attachée à la Cité blanche que je me disais que c’était pas possible. Oui ça m’a surprise, parce que j’étais tellement attachée à la Cité blanche… Je me suis dit : c’est pas possible ! […] Je suis étonnée d’être aussi bien. Et d’avoir aussi bien réagi à 68 ans. […] la Cité blanche, ce sont des souvenirs passés. »
55 Si les aménagements apportés, le plus souvent des éléments de décoration, parfois un nouveau mobilier, quelquefois des transformations plus conséquentes, participent de l’appropriation réussie du nouveau lieu de vie et favorisent le détachement de l’ancien, celui-ci est aussi permis par le fait que le quartier n’est plus ce qu’il était [22]. Le détachement prend alors corps sur le caractère irréversible de ce qui n’est plus. De manière confuse ou plus explicite, les personnes relogées en dehors de la Cité blanche savent également qu’elles ne pourront pas retrouver, en faisant valoir le droit au retour qui leur est garanti par la municipalité, le quartier tel qu’il était au moment où elles l’ont quitté. À l’instar des analyses produites sur les tensions cognitives liées aux déplacements migratoires (Sayad, 1999 ; Breviglieri, 2010), ces enquêtés savent intuitivement qu’ils ne reconnaîtront plus les lieux familiers qui constituaient le support de leur vie antérieure. Les liens entre les résidents et leur ancien lieu de vie s’en trouvent défaits et ils considèrent qu’il est préférable d’essayer d’en faire le deuil. Dans le cas présent, l’irréversibilité n’est pas tant due au temps écoulé qu’aux bouleversements tangibles du paysage familier : « Je peux pas retourner à la Cité blanche, il y a plus la cité. […] Il n’y a plus ma tour » explique Mme Pignon. Elle est aussi produite par la dispersion des anciens habitants comme le souligne Mme Massaoui :
« Revenir à la Cité blanche ? Si je reviens sur la Cité blanche, ça va être pareil qu’avant ? Non, parce que les gens ont déménagé. Donc, c’est ça aussi qui est compliqué de se dire : je reviens sur la Cité blanche, mais pourquoi en fait je reviens sur la Cité blanche ? Pour l’appartement ? Pour quoi, en fait ? Pour les gens ? Mais les gens sont partis. Pour l’ambiance qu’il y avait ? Il y a plus la même ambiance, donc c’est ça aussi. C’est compliqué de se projeter pour revenir sur la Cité blanche, parce que, en fait, le quartier a changé. »
57 Tourner la page est en somme une attitude que les individus finissent par adopter, selon des temporalités qui ont à voir avec l’âge et avec les parcours biographiques, lorsque la familiarité avec les lieux est rompue (« C’est plus joli, mais moi je ne reconnais pas mon quartier quand j’y passe avec mon vélo » indique un homme de 34 ans) et ce processus d’adaptation au changement est tout autant subi qu’agi.
Conclusion
58 Les garanties qui, en France, encadrent les opérations de rénovation urbaine tendent à faire oublier ce qui en constitue un aspect le plus souvent invisible, à savoir l’éviction du lieu de vie, que celle-ci soit assortie ou non de relogement. Or, celle-ci est l’autre face du relogement contraint ; elle s’inscrit dans une logique descendante et dans une asymétrie décisionnelle. L’éviction se traduit par le caractère impératif de la démolition du logement, de l’immeuble et parfois du quartier, n’offrant a priori aucune prise à des résidents qui subissent une politique publique davantage focalisée sur le cadre urbain que sur ses occupants. Ces derniers se trouvent dépossédés de la maîtrise de leur espace domestique comme de leur environnement résidentiel, jamais réductible à sa disqualification. La démolition, et la restructuration qui l’accompagne, nient la valeur que ce dernier avait pour ses habitants. De fait, le relogement opéré par la rénovation urbaine, s’il obéit à une logique technocratique fondée sur l’idée de favoriser la mixité et d’accroître la qualité de vie, privilégie une vision appuyée sur le cadre bâti et néglige le fait qu’un véritable changement de représentation des grands ensembles passe par des mécanismes de codécision. Même si les habitants peuvent apprécier l’amélioration du cadre de vie, la dynamique d’éviction accentue la distance aux institutions et le sentiment de ne pas compter, que l’on retrouve à l’identique ailleurs (Watt et Smets, 2017).
59 La rénovation urbaine telle qu’elle se déroule en France depuis le milieu des années 2000 n’est pas la seule à proposer des garanties ou des compensations aux résidents évincés, mais celles-ci ne suffisent pas à restaurer la dignité des habitants. Dans la plupart des pays, les opérations d’urbanisme impliquant des démolitions d’habitations édifiées légalement ou à la propriété contestée (habitat précaire) proposent également soit un relogement aux habitants, soit des compensations financières. Il arrive que, évincés et expulsés reçoivent in fine des compensations équivalentes. Le relogement n’en reste pas moins contraint et le plus souvent inaccessible sur le plan géographique (Berry-Chikhaoui, 2012 ; Vieira da Cunha et al., 2016) tandis que les compensations financières ont surtout pour fonction d’acheter la paix sociale et restent distribuées de façon opaque dans les cas de politiques de déguerpissement dans les villes africaines (Spire et al., 2014). Habiter ne relève pas d’une mécanique et le traumatisme vécu par la plupart des habitants (Peroni, 2010) est attesté par les opérateurs de rénovation urbaine (ANRU, 2007). Pour quelles raisons celui-ci serait-il évacué par une opération magique, s’agissant de surcroît de populations déjà en partie fragilisées par la perte des protections du rapport salarial et de la « propriété sociale » (Castel et Haroche, 2001) ?
60 Parce qu’elle touche à l’habiter et à la sécurité ontologique que cela procure, mais aussi parce qu’elle défait les protections du statut locatif, l’éviction associée à la rénovation urbaine produit de la vulnérabilité. Celle-ci touche bien évidemment davantage les plus âgés, moins armés pour se projeter dans l’avenir ; elle concerne également davantage les plus démunis, moins dotés de ressources financières et intellectuelles pour négocier leur relogement, tandis que les mieux dotés parviennent à se saisir de la rénovation urbaine pour rebondir. Contraints à réaliser des ajustements dans un cadre en grande partie imposé, les résidents parviennent, selon des temporalités variables, à surmonter l’éviction qu’ils ont dû affronter dans le mouvement même d’appropriation de leur nouveau lieu de vie. L’un des paradoxes de ce processus réside dans le fait que le détachement prend en partie appui sur les transformations de l’ancien lieu de vie, celles-là mêmes dont le projet fut à l’origine de l’éviction.
Notes
-
[1]
Les auteures remercient les coordonnateurs du numéro et parmi eux Thomas Aguilera, ainsi que Pierre Lascoumes et Joséphine Bastard pour leur relecture, leurs remarques et suggestions.
-
[2]
Ces garanties sur lesquelles on reviendra, sont celles des articles L. 314-2 du Code de l’urbanisme, 13-bis de la Loi n° 48-1360 et de la Loi 442-6 II du Code de la construction et de l’habitation.
-
[3]
Notre enquête montre, en effet, que moins de la moitié des ménages enquêtés avait envisagé de quitter la cité et que moins d’un tiers avait effectivement engagé, avant la rénovation urbaine, des démarches pour en partir.
-
[4]
Voir l’article de Paul Watt dans ce numéro, p. 67-100.
-
[5]
Ces derniers sont majoritaires dans les pays du Sud : voir A. Deboulet (dir.), Repenser les quartiers précaires, Paris, AFD, « Études de l’AFD », 2016.
-
[6]
En particulier dans le droit : voir le Code des procédures civiles d’exécution, livre IV « L’expulsion ».
-
[7]
L’article L. 314-2 du Code de l’urbanisme a explicitement recourt au terme « éviction » pour désigner les départs contraints d’occupants disposant d’un droit à occuper.
-
[8]
ANRU, État d’avancement du programme, septembre 2017.
-
[9]
Le nom de « Cité blanche » est fictif afin de préserver l’anonymat des personnes enquêtées.
-
[10]
INSEE, données locales, chiffres détaillés, 2008.
-
[11]
Une série d’aménagements des espaces extérieurs et des réhabilitations sont entreprises à la fin des années 1980, tandis que la partie commerciale est démolie au milieu des années 1990.
-
[12]
Insee, chiffres clés, 2009.
-
[13]
La résidentialisation, notion qui appartient au référentiel de l’ANRU, consiste à mieux délimiter les espaces urbains, en matérialisant la séparation entre les espaces privés de la résidence et l’espace public de la rue, souvent par des grilles ou des haies paysagères.
-
[14]
Article L. 314-2 du Code de l’urbanisme.
-
[15]
Article 13-bis de la Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.
-
[16]
Articles L. 353-15 III et L. 442-6 II du Code de la construction et de l’habitation modifiés par la Loi n° 2009-323 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
-
[17]
Comme indiqué précédemment, afin de garantir l’anonymat des personnes enquêtées, leur nom a été modifié.
-
[18]
C’est le cas de huit ménages de la dernière tour démolie du quartier.
-
[19]
39 % des ménages ont été relogés dans un logement ancien non réhabilité et 17 % dans un logement réhabilité.
-
[20]
L’enquête « Histoire de vie-Construction des identités », réalisée par l’INSEE en 2003, explore notamment la dimension spatiale de la construction des identités à partir de données recueillies par questionnaires administés sur les lieux de vie et les lieux qui comptent auprès de 8 403 personnes, dont 6 142 résidents en milieu urbain. L’inscription spatiale privilégiée des enquêtés (quartier, commune ou région) et leur attachement à leur quartier de résidence sont appréhendés à partir d’une question fermée évoquant une situation fictive de mobilité (Guérin-Pace, 2007, p. 153).
-
[21]
Elle-même cumule deux emplois à temps partiel.
-
[22]
Tel est d’ailleurs l’objectif de banalisation des quartiers recherché par la rénovation urbaine.