« Il n’est point de beauté sans aide [...] »
1 Le corps, et l’alimentation qui vient l’entretenir, constituent un terrain privilégié d’analyse des systèmes de valeurs, des normes et des formes de régulation d’une société. Dans nos sociétés d’abondance en effet – en tout cas celles où les besoins alimentaires de base sont satisfaits pour la majeure partie de la population – comment sont encadrés l’accès à une consommation de masse, et une libération des corps qui pourraient sembler n’avoir plus guère de limites ? En ce domaine, le sexe féminin ferait l’objet d’une réglementation particulière et il en irait de l’apparence des femmes comme de leurs désirs sexuels, dont Durkheim soulignait que « […] les mœurs et l’opinion […] ont, à ce point de vue, des exigences et une sévérité toutes particulières pour la femme » (Durkheim, 1897, p. 306). Et de même que le mariage est le cadre d’une régulation conjugale du suicide qui affecte différemment hommes et femmes (Besnard, 1997), de même une forme de régulation corporelle viendrait encadrer, contenir et réglementer, de façon très singulière, le corps des femmes, en particulier à travers leurs pratiques alimentaires.
2 Alimentation et corps sont en effet inséparables et on peut lire dans les corps, comme dans les assiettes, les structures et les évolutions de nos sociétés (Memmi, Guillo, Martin, 2009).
3 L’objet de cet article est de mettre plus spécifiquement en rapport le corps idéal féminin et la place que tient l’alimentation, au fil du temps, par rapport aux autres dimensions de la discipline de la corpulence, au sein d’un vaste corpus discursif, sur une longue période. Il vient poursuivre les travaux initiés sur la mise en relation entre les perceptions de la corpulence et les pratiques alimentaires qui en découlent, notamment en terme de régime (Saint Pol, 2010). Il est question, ici, du corps des femmes, plus régulièrement soumises aux pressions des modèles de beauté (Hubert, 2004), destinatrices privilégiées des techniques de soins du corps (Remaury, 2000).
4 Notre travail s’attache à l’analyse précise, dans la longue durée, de l’idéal du corps féminin depuis les années 1930 jusqu’à nos jours. Dans une société où sont acquis les besoins de base – une alimentation suffisante en quantité – la santé et l’esthétique sont devenues de nouvelles priorités. Qu’est alors la norme du « beau » corps féminin ? Si la minceur constitue bien le critère de la beauté, le corps trop gros n’a cependant jamais été particulièrement valorisé (Nahoum, 1979) : à partir de quel seuil un corps de femme est-il trop gros ? Quelles sont, en outre, les méthodes promues pour parvenir à un corps idéal, et quelle est en leur sein la place tenue par l’alimentation ?
5 Nous n’analysons donc pas le travail du corps dans son entier, mais les exigences et les techniques qui concernent la corpulence, qui a pris au fil du temps une place croissante. Dans la perception de soi, l’usage du miroir, diffusé largement à partir du xix esiècle, a conduit à un travail d’embellissement, centré sur le visage, par le maquillage. À partir des années 1960, la diffusion de la balance a orienté les techniques du corps vers la corpulence, en particulier autour de l’amincissement (Lipovetsky, 1997 ; Vigarello, 2010). Au moment où l’accès aux cosmétiques et à la mode vestimentaire se démocratise, c’est la forme même du corps qui devient un critère de distinction essentiel.
6 Pour analyser l’évolution de la corpulence idéale féminine depuis les années 1930 ainsi que les consignes en matière d’alimentation qui lui sont associées, nous adoptons une optique comparative : entre la France et les États-Unis. En matière d’alimentation comme de corpulence, ces deux nations constituent deux types-idéaux : au souci gastronomique français, y compris quand il s’agit de diététique, s’oppose la visée nutritionnelle américaine (Fischler, Masson, 2008 ; Shield-Argelès, 2008). La France a développé une vision élitiste de l’acte alimentaire, comme élément de distinction sociale, quand s’est développée outre-atlantique une culture de l’abondance, dans laquelle l’industrie agro-alimentaire a joué un rôle déterminant. En matière de corpulence, enfin, la sveltesse des femmes françaises s’oppose à la corpulence des femmes américaines (Régnier, 2005). Historiquement, les travaux de P. Stearns indiquent que l’intérêt porté à la minceur est apparu plus précocement en France, en relation avec l’intérêt poussé du milieu médical pour les questions de poids, avec les évolutions de la mode vestimentaire qui, à partir des années 1890 – avec la suppression du corset en 1909 par le couturier P. Poiret, par exemple – ont incité à de plus sveltes corps (Stearns, 1997), conférant au régime alimentaire et à l’exercice physique une place toute nouvelle (Perrot, 1984). Ultérieurement, la mise en place des congés payés et le développement des pratiques de loisirs – et ce qu’elles supposent comme exhibition du corps – accentueront dans l’hexagone la nécessité d’un corps sans défaut.
7 Nous nous appuyons sur une analyse de la presse féminine dont nous avons à plusieurs reprises souligné la richesse (Régnier, 2004 ; 2014 ; voir aussi Warde, 1997). Les magazines féminins, reflets et initiateurs des modes et des normes, tiennent une place centrale dans la diffusion des normes corporelles et des recettes pour « être belle » : la presse féminine permet d’accéder à un discours normatif à l’usage du grand public.
8 Deux revues, Modes et Travaux pour la France et Good Housekeeping pour les États-Unis, qui s’adressent à une vaste classe moyenne, ont été retenues en raison de leur ancienneté et de leurs forts tirages. Elles ont été systématiquement analysées entre 1934 [2] et 2010, et nous y avons relevé tout ce qui relevait des conseils en matière de diététique, de nutrition et de beauté pour ce qui concerne la corpulence. Un corpus de 1 200 pages de notes a été constitué (124 311 occurrences pour Modes et Travaux (MT), 291 971 occurrences pour Good Housekeeping (GH)). Nous étudions ainsi en détail la période qui commence au moment où s’intensifie le souci de contrôle du poids, émergeant de façon saillante au tournant du xx esiècle (Stearns, 1997 ; Perrot, 1984), dans une presse féminine qui se développe et se popularise à cette époque.
9 Dans un premier temps, sera analysée la place tenue par la minceur et le régime amaigrissant comme mode d’embellissement, et leur évolution dans les deux nations. Nous analyserons ensuite plus précisément la définition du corps idéal et l’alimentation adaptée pour y parvenir : quelles sont les mensurations du beau corps féminin et les techniques mises en avant par les maga- zines ? On envisagera enfin l’évolution des exigences en matière de contrôle du poids et de l’alimentation, ainsi que la vision du corps qui les sous-tend. L’intensité des contraintes sur le corps féminin ne relève-t-elle pas d’une forme de régulation sociale (Durkheim, 1897) ?
Mincir pour embellir : spécificités nationales et évolutions
Mincir et manger moins : un souci croissant au fil du temps
10 L’embellissement du corps féminin passe par l’amincissement, d’une façon de plus en plus accentuée au fil du temps. Dans les deux corpus, le souci de corpulence fait appel aux termes de « régime » [3] et de « calories », de « poids » et de « kilos », et de la « perte » de ces derniers puisqu’il s’agit de « maigrir » (« to lose » et « to reduce »). Mais les occurrences sont bien plus nombreuses dans Good Housekeeping que dans Modes et Travaux : « diet » compte 2 615 occurrences, contre 425 pour « régime » ; « weight » apparaît à 1 395 reprises, contre 286 pour « poids », le corpus américain rassemblant deux fois plus d’occurrences que le corpus français.
11 Il est cependant un point commun entre la France et les États-Unis : maigrir est une préoccupation qui prend de plus en plus de place dans les revues au fil du temps. Les termes en augmentation dans les deux revues sont, pour l’essentiel dans Modes et Travaux et pour leur quasi-totalité dans Good Housekeeping, relatifs à la minceur, au poids, au régime amaigrissant et à l’exercice physique.
12 L’analyse diachronique permet de faire apparaître, plus précisément et pour chaque décennie, les priorités et les inflexions, ainsi que la place respective de l’alimentation ou des autres techniques du corps, dans une démarche comparative. Cette analyse est fondée à la fois sur les spécificités lexicales de chaque décennie, pour chaque revue, établies par Hyperbase, et sur l’analyse factorielle de l’ensemble des lemmes sur toute la période pour les deux pays [4]. L’analyse factorielle présente, sur ses deux premiers axes, une structure temporelle caractéristique : les décennies se présentent comme un arc de cercle disposé de telle sorte que le sud-ouest du plan factoriel représente des dates les plus anciennes, le nord les années 1970, et le sud-est les années 2000. Les lemmes situés au sud sont surreprésentés aux dates extrêmes et sous-représentés dans les années 1970 (figure 1 ; pour une version détaillée, voir annexe).
Figure 1 : Analyse en composantes principales des surreprésentations chronologiques et comparées des lemmes des deux revues, 1934-2010

Figure 1 : Analyse en composantes principales des surreprésentations chronologiques et comparées des lemmes des deux revues, 1934-2010
13 Le souci de la ligne n’est une nouveauté ni en France, ni aux États-Unis. Ainsi Modes et Travaux prodigue en 1936 des conseils à la lectrice qui souffre d’ « embonpointL » [5] : le fait de maigrir y est associé non seulement à la beauté, mais aussi à la santé. Pendant les années de guerre et d’après-guerre, les injonctions à maigrir se font cependant rares en France : en ces temps de restrictions et de pénurie, le régime amaigrissant et la perte de poids qui lui est associée ne sauraient être des priorités. Celles-ci relèvent bien plutôt du souci de garantir une alimentation suffisante en quantité et qui satisfasse également la bonne assimilationL des aliments par l’organisme.
14 Des années 1950 aux années 1970, les discours de la revue française sont centrés sur l’alimentation rationnelle. Ce mouvement qui se développe en France à la suite des travaux des nutritionnistes au début du xx esiècle, sous l’égide de la Société scientifique d’hygiène alimentaire et d’alimentation rationnelle de l’homme, repose sur une rationalisation de l’alimentation, visant à apprendre à la mère de famille à prendre en compte tout à la fois la valeur nutritionnelle et le coût des aliments (Bruegel, 2013) et mettant l’accent sur l’adaptation des rations, héritage de l’alimentation animale (Depecker, 2014). Dans ce contexte, le souci de minceur n’est pas une préoccupation en soi : domine une optique diété- tique au sens large, où il s’agit de faire coïncider besoinsL, « rations » alimentaires définies pour différentes catégories de sujets (enfants, adultes, personnes âgées, femmes enceintes), et gestion optimale du budget. À l’époque, les contraintes budgétaires sont fortes pour la ménagère, et la priorité reste la satisfaction des besoins de base (Régnier, 2014) : en témoignent les lemmes liés à la nécessité de nourrirL, de fournir de l’énergie en quantité suffisante. L’excès de poids est mentionné, certes, mais à travers la vision déployée par l’alimentation rationnelle : si le corps est trop gros, c’est que l’alimentation est supérieure aux besoins. La diététique, à l’époque, s’intéresse peu à l’esthétique.
15 L’accent sur la minceur s’observe à partir des années 1960. Apparaît un souci pour le « poids » et pour la mesure du corps (à cette époque en centimètresL). Une alimentation associée émerge alors au travers des produits « allégés » et des recettes « basses caloriesL » qui se multiplieront dans les années 1970 durant lesquelles se constitue un corpus culinaire spécifique (cuisine vapeur, au wok, en papillote) et une gastronomie de la diététique associant en France, et de manière originale, santé, esthétique et art culinaire (Régnier, 2015).
16 Les années 1980 constituent un tournant dans la revue française : le corps et ses excès se placent progressivement au centre des préoccupations. La revue parle d’excès de « poids », de « kilos » « superflus » ou à « perdre». L’aboutissement est le numéro spécial « Maigrir » de mai 1988, qui correspond également à l’élan de modernisation qui anime la revue à partir des années 1990. Le travail sur l’excès de poids devient central : « rondeurs », « ronde », « cellulite », « kilos » caractérisent les discours des années 1990, et le « régime » amaigrissant prend plus de place qu’auparavant. Dans les années 2000, ce souci est énoncé de manière euphémisée, à travers la minceurL : il s’agit moins de maigrir que de « mincirL ». L’alimentation adaptée relève désormais d’une approche nutritionnelle, fondée sur un discours à prétention scientifique (on parle protéinesL, lipidesL, « oméga », « antioxydants », « polyphénols » « probiotiques »).
17 Dans Good Housekeeping, le mouvement qui mène à la prédominance contemporaine de la minceur s’inscrit dans le cadre d’un souci nutritionnel particulièrement marqué (Levenstein, 1988 ; 1993), l’on voit se succéder dans la revue au fil des numéros, les différentes recommandations officielles en matière de nutrition, en particulier la nécessité de consommer chaque jour des aliments provenant des sept groupes d’aliments principaux (les « Basic Seven » en 1943), réduits à quatre en 1956.
18 Dans ce cadre, l’injonction à maigrir s’y observe plus tôt et bien plus fortement qu’en France. Dans les années 1930 et 1940, comme en France, il s’agit d’assurer des besoinsL de base, et notamment un apportL suffisant en « vitaminesL » et autres nutriments considérés comme essentielsL. Mais dès cette époque, la crainte à l’égard des produits grossissants (peurL, « fattening ») est particulièrement sen- sible, dans le cadre d’un souci du gras qui s’observe aux États-Unis dès le tournant du xx esiècle (Stearns, 1997) : « Is butter a fattening food? » interroge une lectrice (GH, 10/1938, p. 221).
19 De même, les « régimes amaigrissants » (« reducing diets ») sont déjà beaucoup plus fréquents qu’en France, et visent à diminuer le poids à travers la réduction des calories ingérées. Les années de guerre sont certes des années de restriction aux États-Unis, mais elles ont peu d’effet sur la quantité des aliments réellement disponibles. La restriction alimentaire n’est pas subie, mais choisie, et le souci de perte de poids se déploie. Dans les années 1950, cette place tenue par le souci de minceur est confortée.
20 Une inflexion s’observe dans les années 1960 : disparaissent les préoccupations anciennes – l’importance des vitamines par exemple, et plus largement tout ce qui supposait un mode alimentaire destiné à suppléer des manques que l’on redoute – au profit de priorités contemporaines : celles de la minceur et de la santé. Il s’agit de faire diminuer le poids et de veiller aux apports en calories (importance du « low calorie ») ou en graisses. Plus spécifiquement, l’époque voit se multiplier les « diètes » particulières pour chaque affection (excès de poids, certes, mais aussi cholestérol, goutte, diabète, maladies cardio-vasculaires). Les années 1970, qui confrontent l’Amérique à une crise économique brutale, laissent place aux questions de « budgetL » sans que disparaisse toutefois le souci d’une alimentation conforme aux recommandations nutritionnelles.
21 Les années 1980 et 1990 mettent plus nettement l’accent sur l’exercice physique (« exercise », « fitness L », entraînementL), et on observe dans les années 1990 une focalisation plus marquée encore qu’avant sur le gras (« fat »). Les années 2000, enfin, voient dominer la « perte de poids » et les « kilos » dans une optique affichée de santé.
Le régime amaigrissant : un souci français, une obsession américaine
22 Lorsqu’il s’agit de maigrir, la suprématie américaine apparait plus nettement encore quand on s’intéresse aux couvertures [6], qui, parce qu’elles sont vues par un public beaucoup plus large que le lectorat d’un numéro, sont stratégiques et conditionnent le succès de ce dernier (Chenu, 2008). Pour notre analyse, la comparaison est d’autant plus intéressante qu’elle se révèle particulièrement pure : le nombre de couvertures est strictement identique entre les deux revues (12 couvertures par an), ce qui permet d’éliminer d’éventuels biais liés à la collecte des données, ou à l’histoire des revues [7].
23 La minceur fait la « une » bien plus fréquemment dans Good Housekeeping que dans Modes et Travaux – 259 fois contre 50 – et bien plus tôt. La première couverture faisant référence à la minceur apparait en juin 1955 (« Fancy desserts for calorie watchers »), en février 1968 seulement dans Modes et Travaux (« «20 trucs» pour suivre votre régime amaigrissant »).
Figure 2 : Nombre de couvertures faisant référence à la minceur dans Modes et Travaux et Good Housekeeping (par décennie), 1934-2010.

Figure 2 : Nombre de couvertures faisant référence à la minceur dans Modes et Travaux et Good Housekeeping (par décennie), 1934-2010.
24 Enfin, la multiplication des couvertures « minceur » connait une première accélération dans les années 1960, puis une seconde, plus marquée, dans les années 2000, où quasiment toutes les couvertures évoquent la minceur. Dans Modes et Travaux, l’augmentation du nombre de couvertures consacrées à la minceur est progressive et plus tardive. Elle ne devient véritablement significative que dans les années 1990 et 2000, mais sans jamais rejoindre sa consœur américaine : au mieux, un quart des couvertures font référence à la minceur (figure 2).
25 L’alimentation y tient une place centrale. Du côté américain, seules 56 couvertures sur toute la période ne mentionnent pas l’alimentation, principalement dans les années 1980 où la revue préfère mettre l’accent sur les pertes de poids – par exemple, « I lost 115 pounds » (GH, 03/1983) –, ou sur l’exercice physique – « Tune in, drop pounds : TV’s top workouts, (GH, 04/1998). Du côté français, l’alimentation est plus centrale encore : seules 5 couvertures sur 50 ne l’évoquent pas (par exemple « Chassez la cellulite là où vous en avez vraiment besoin » (MT, 06/1997)). Quant à l’exercice physique, il est beaucoup plus rare en couverture (4 mentions seulement).
26 Cette singularité française du régime et cette chronicité américaine apparaissent dans la saisonnalité de la minceur « en une » (figure 3). Le domaine alimentaire, on le sait, présente d’importantes variations saisonnières (Besnard, 1989), auxquelles n’échappent pas les régimes amaigrissants. En France, la minceur en couverture présente une double saisonnalité : la principale est printanière (en mai), qui vise à préparer l’été et les vacances. Elle apparait dès les années 1950, jusqu’à devenir un classique, le marronnier du « Dernier régime avant le maillot » (06/2008). La seconde est hivernale (février), et elle n’apparait qu’au milieu des années 1990 : il s’agit de remédier au relâchement de la surveillance alimentaire pendant les fêtes de fin d’année.
27 Dans Good Housekeeping, il n’est point de saison du régime : celui-ci est présent tout au long de l’année. Par sa régularité, son évocation est la norme. Seul le mois de décembre connait un déficit – les couvertures sont consacrées aux préparatifs de Noël – contrebalancé par le nombre élevé des couvertures en janvier. L’injonction à maigrir est permanente, et non pas, comme en France, exceptionnelle.
28 Le souci de contrôle du poids est ainsi chronique aux États-Unis : les individus y sont en permanence incités à se mettre au régime. En France, cette sollicitation est régulière, certes, mais sort de l’ordinaire : on parle d’un dossier « Spécial minceur », « Spécial forme », etc. En France, le régime amaigrissant relève de la « mise à la diète », c’est-à-dire d’une restriction limitée dans le temps, alors que doit prévaloir de manière générale un souci d’équilibre alimentaire. Aux États-Unis, le régime amaigrissant fait partie du mode de vie, conformément au sens premier du terme « diet », mais, et c’est une exigence nouvelle, sous une forme particulièrement restrictive. Plusieurs éléments éclairent ces différences : elles peuvent relever d’un ajustement de Good Housekeeping aux attentes peut-être moins diversifiées du lectorat américain. Elles peuvent également correspondre à la transformation de la pratique du régime en norme aux États-Unis, en relation avec le rayonnement qu’y tient la nutrition, en particulier à partir de la fin du xix esiècle, et qui a bénéficié d’une confluence d’intérêt qui en ont permis la promotion dans une classe moyenne américaine en plein essor : campagnes d’information du gouvernement, monde académique par l’intermédiaire des « home economics », industrie agro-alimentaire qui utilise à son profit l’argument nutritionnel, et médias sont conjointement venus cautionner et diffuser les savoirs issus des découvertes scientifiques.
Figure 3 : Saisonnalité de la minceur en « une » (couvertures de Modes et Travaux et Good Housekeeping, 1934-2010).

Figure 3 : Saisonnalité de la minceur en « une » (couvertures de Modes et Travaux et Good Housekeeping, 1934-2010).
29 Maigrir, il le faut donc : mais de combien, et comment ?
Corps idéal et bonne alimentation : des correspondances
Les rares mesures du corps idéal et la quantification de la perte
30 Dans les deux corpus, il est bien question de « poids idéal », mais à 15 reprises seulement dans Modes et Travaux, et 14 dans Good Housekeeping. Plus encore, les réelles possibilités de savoir ce qu’est exactement ce corps idéal sont singulièrement rares : sur les soixante-dix années du corpus, Good Housekeeping ne fournit que 15 mesures, et Modes et Travaux 8.
31 Les mesures de ce corps idéal sont diverses, se succédant dans le temps, et parfois coexistant : la mesure du corps en centimètres (ou en inches), le poids du corps en kilos (ou en pounds) et ses variantes (quand il est mis en relation avec la taille, ou la carrure), et l’indice de masse corporelle, qui fait intervenir à la fois le poids et la taille.
32 Des années 1930 aux années 1950 domine la mesure du corps et de ses contours, en centimètres/inches : on mesure le tour de hanches, le tour de poitrine ou le tour de taille, ce qui suppose l’usage du mètre à ruban, dont la familiarité pour la lectrice correspond à une époque antérieure au prêt-à-porter, où les vêtements se font à domicile ou chez la couturière.
33 À partir des années 1960, de manière particulièrement nette dans Modes et Travaux, les kilos font progressivement leur apparition. Ils finiront par dominer, bien plus sollicités en France pour évaluer le corps que les centimètres [8]. Cette transformation correspond à la diffusion, dans les ménages, de la balance comme outil de mesure du corps désormais privilégié, accompagnée de la diffusion du discours physiologique et des connaissances scientifiques qui trouvent un relais dans le développement de la scolarisation et des média. Dans Good Housekeeping le passage de la mesure du corps des centimètres aux kilos est beaucoup moins net : la mesure en inches reste très en usage au fil du temps, ce qu’il est difficile d’éclairer totalement. Une hypothèse est la persistance de l’usage du mètre à ruban – attribut de la femme couturière – dans une classe moyenne blanche aux valeurs restées plus traditionnelles qu’en France : 1968 et les mouvements féministes ont introduit dans l’hexagone une véritable rupture dans les valeurs et styles de vie. En outre, alors qu’une estimation en kilos ne fournit qu’un chiffre global, une évaluation en inches permet un quadrillage bien plus précis du corps, qui correspond au goût américain pour la mesure et la quantification des domaines alimentaires et corporels.
34 Pour autant, Modes et Travaux ne donne pas le nombre idéal de kilos que la lectrice devrait peser : le calcul du poids idéal n’apparait qu’à deux reprises (MT, 10/1965 et MT, 07/1973) à travers l’indice de Lorentz, cette formule mathématique employée en particulier dans les pays à système métrique, des années 1950 aux années 1990 (Saint Pol, 2010). La revue explique :
Nous avons, chacun, notre « poids idéal » auquel il faut se tenir coûte que coûte et ne pas dépasser, dans un sens ou dans un autre. Rien n’est plus simple que de le connaître. [...] Un crayon et un bout de papier suffisent. (MT, 10/1965, p. 142)
36 Le relais sera pris ensuite par l’IMC, à 3 reprises.
37 Dans Good Housekeeping, on trouve en outre d’autres modes de calculs qui se révèlent particulièrement complexes. Dès les années 1930, la revue propose des modes de calcul du corps idéal qui mettent en rapport poids et taille, ou poids et carrure (déterminée par la circonférence du poignet). Le quadrillage du corps est à la fois précis et compliqué :
In any case, your waistline should be at least 8 to 10 inches less than your bust, your hips measure not more than 2 inches larger than your bust, and your calf should be 4 to 5 inches larger than your ankle (GH, 03/1949, p. 74).
39 L’idéal de minceur reste ainsi difficile à déterminer, et les revues mettent moins l’accent sur la norme à atteindre, que sur la nécessité pour la lectrice de peser moins que ce qu’elle pèse actuellement. Mais de combien doit-elle maigrir ? Dans Modes et Travaux, la perte de poids la plus fréquente est de « deux » ou « trois » kilos, par mois, qui semble une norme française (Fischler, 2002). Dans Good Housekeeping, il s’agit le plus fréquemment de deux pounds par semaine.
40 Ce chiffre évolue peu dans Modes et Travaux : la perte de 2 à 3 kilos par mois reste une norme. Seule augmente – et de façon notable – sa fréquence : 2 mentions dans les années 1930, 11 dans les années 1980 et 23 dans les années 2000. Dans Good Housekeeping, l’évolution est très différente : sa fréquence augmente considérable- ment (2 occurrences dans les années 1930, 55 dans les années 2000), et les pertes de poids plus importantes sont croissantes. Ainsi, à partir des années 1980, des pertes de poids supérieures à 10 et même à 20 pounds sont de plus en plus fréquentes (respectivement 61 et 26 occurrences dans les années 2000). Enfin, la narration des « success stories », particulièrement nombreuses dans les années 2000, permet d’évoquer des pertes de poids considérables, allant jusqu’à « 283 pounds » (GH, 07/1984, couverture) : le travail sur le corps y est présenté à la fois comme une renaissance et une rédemption, dans une vision très morale de l’alimentation.
Les techniques de la minceur : de l’action extérieure au travail intérieur
41 À la façon dont est mesuré le corps sont liés des modes d’interventions différents. Il est difficile d’affirmer que ces techniques en découlent directement et mécaniquement, mais les deux domaines sont intimement liés, et les équivalences sont fortes, quoique souvent implicites, entre le corps et l’aliment qui vient le nourrir. Au corps « léger » correspondent des recettes « légères », rhétorique plus sévère encore dans le corps américain où l’on vante des préparations « lean » ou « skinny ».
42 Dans les années 1930 et 1940, le corps est principalement évalué et mesuré en centimètres/inches : le mode privilégié d’intervention est une action extérieure, et non l’alimentation. Dans les deux revues, l’instrument qui fait diminuer le volume du corps est la gaine (« girdle »), qui finira par disparaître au cours des années 1960 en France, des années 1970 aux États-Unis. Cette action extérieure relève aussi, mais surtout dans le corpus français, du produit que l’on applique sur le corps (savon, huile) et qui permet de « maigrir » : le verbe désigne en effet à cette époque une action menée sur l’enveloppe du corps. Les Américains se montrent en revanche moins friands de ces procédés « magiques » et les abandonnent rapidement (Stearns, 1997). À l’époque, certains produits – médicamentsL, thés et tisanes – font maigrir de l’intérieur, mais sous le mode de la médication. Quant à l’aliment, il est vu comme ce qui réconforte et nourrit, pas comme ce qui aide à maigrir.
43 Au moment où le corps est principalement mesuré en kilos (ou pounds), ce travail extérieur sur le corps cède la place à une action intérieure : c’est par le régime amaigrissant que la masse corporelle peut être réduite. Il s’agit, dans les deux revues, de réduire des « calories », qui préoccupent les Américains bien plus que les Français (2 726 vs 296 occurrences). Aux États-Unis en effet, la diminution calorique est promue dès les années 1930, et jusqu’aux années 1980, pour réduire la corpulence, à un moment où la France a encore recours principalement à l’action extérieure : dominent le « pauvre en calories », les régimes « low fat » ou « fat controlled », accompagnés de toutes sortes d’autres régimes (Scardale, Mayo Clinic, pauvres en hydrates de carbones, ou régime vanté par telle ou telle vedette du grand ou du petit écran).
44 Dans Modes et Travaux, la réduction calorique s’observe à partir des années 1960 seulement avec l’apparition des recettes « basses calories »: « Pour répondre à une demande formulée par un grand nombre de lectrices, nous publierons chaque mois une semaine de menus «basses calories» » (MT, 04/1967, p. 162). Au fil du temps, ce souci du « basses calories » finit par passer au second plan, considéré sans doute comme acquis.
45 Mais des différences sont notables entre la France et les États-Unis, qu’il s’agisse spécifiquement du régime amaigrissant et, plus encore, d’une « bonne alimentation ». Une « bonne alimentation » en France désigne une « alimentation équilibrée », un idéal français qui échappe à une définition précise : « Une bonne alimentation est, répétons-le, une question de mesure et d’équilibre» (MT, 10/1971, p. 149). Bien manger s’apparente à une forme de sagesse, celle de la mesure et de la modération : variété et diversité des aliments, consommation quotidienne de toutes les catégories d’aliments, répartition des prises alimentaires dans la journée en sont les bases.
46 Dans Good Housekeeping, en revanche, les indications sont à la fois plus précises et plus normatives. La présence des différentes catégories d’aliments est, comme en France, nécessaire à l’équilibre alimentaire, mais elle est ici quantifiée. À la lectrice qui demande « Can you advise me as to the protein needs of the ideal diet? », la revue répond :
It is now established that if 10 to 15 percent of your total calorie need is supplied by protein of good quality [...]. To apply this practically, let us assume that your calorie requirement is 2 500. Taking the larger figure, 15 percent, of this, you would need 375 calories from protein. A pure protein supplies 4 calories per gram. Dividing 375 by 4 would mean that you must eat each day 94 grams, or about 3.3 oozes of pure protein. [...] If you are getting protein from meat, such as beef, which contains 22 percent protein, you will get the amount of meat necessary by dividing the 3.3 by 22 and multiplying by 100; in other words, 15 ounces of beefsteak would give you your full requirement for the day (GH, 07/1936, p. 79).
48 Cette quantification, qui conduit à une complexification du domaine alimentaire, se retrouve tout au long du corpus : « The simple math of weight-loss success: eat fewer calories than you burn » suppose de la lectrice qu’elle calcule, à partir de trois paramètres (son poids, sa taille et son âge), le nombre de calories qu’elle brûle et celles qu’elle doit soustraire quotidiennement pour perdre du poids (GH, 05/2004, p. 152).
49 La revue française, en revanche, récuse un calcul exact: « Il n’est pas nécessaire de nous munir d’une machine à calculer les calories, vitamines, etc. » (MT, 01/1974, p. 112) : en France, on ne quantifie pas ce qui constitue une bonne alimentation. L’équilibre alimentaire est supposé faire partie du sens commun, à la différence de l’intense travail de quantification en œuvre aux États-Unis quand il s’agit du domaine alimentaire (Murdry, 2009). Faut-il y voir une forme de taylorisation de l’alimentation (par les tables de calories) et du corps humain (par les tables de corpulence) ? Le modèle tayloriste qui reposait sur une standardisation de la production et de la consommation, a en effet soumis le corps à des règles fixes (Rabinbach, 2004) et à une mécanisation des corps vivants dont on voit peut-être ici un héritage, à travers les différentes mesures, les modes de calculs, les tablesL et standardsL proposés. Deux modèles s’opposent donc clairement : un modèle français, particulièrement stable à travers le temps (Hébel, 2012 ; Saint Pol, 2012 ; Lhuissier et al., 2013) qui garde pour horizon le culinaire, même quand il s’agit de diététique, et un modèle américain, marqué à la fois par une approche nutritionnelle et par la place qu’y tient une industrie agro-alimentaire fortement dénoncée notamment dans la lutte contre « l’épidémie » d’obésité (Schlosser, 2001 ; Nestle, 2002).
50 L’exercice physique est le troisième mode d’intervention sur le corps, intermédiaire entre l’action interne et l’action externe : il s’agit d’une action extérieure qui peut conduire à diminuer tout à la fois le volume du corps, et sa masse. L’exercice physique pour la femme n’est pas une invention du xx esiècle, et depuis les traités de santé du Moyen Âge, les médecins ont constamment conseillé aux femmes de faire davantage d’exercice physique (Remaury, 2000). Ces incitations se sont intensifiées au fil du temps, avec le développe- ment du sport féminin à partir des années 1920, puis la démocratisation de la pratique sportive féminine à partir des années 1960, au fur et à mesure de l’émancipation des femmes.
51 C’est dans ce contexte que s’inscrit la place de plus en plus importante prise par l’exercice physique, surtout dans le corpus américain (920 occurrences vs 133) [9] : à partir des années 1980 ce mode d’intervention sur le corps se fait particulièrement spécifique, rejoignant en importance le régime alimentaire, ce qui n’est pas le cas dans Modes et Travaux. Le développement de l’aérobic et son intense médiatisation aux États-Unis à partir des années 1970, par l’intermédiaire de stars comme Jane Fonda, lie le travail du corps à l’effort sur soi, dans lequel le terme « workout » connote un entraîne- ment physique – avec la régularité et l’intensité qu’il suppose – et celui de « fitness », comportant une idée de convenance, de justesse, donc de norme.
52 Exercice physique et alimentation partagent cependant un point commun. Contrairement à la gaine qui s’apparente à la prothèse, exercice physique comme alimentation ont une action structurelle sur le corps : la réduction du corps doit désormais être réelle.
Un corps féminin sur mesure : le travail sur soi, morale ou régulation ?
53 Ces différentes techniques correspondent en effet à une vision spécifique du corps, qui a connu, depuis les années 1930, d’intenses transformations.
Le corps-machine et l’alimentation comme carburant
54 Dans les premières années du corpus, en France comme aux États-Unis, le corps féminin est évoqué à travers la métaphore de la machineL, et l’alimentation en est le carburantL qui le fait fonctionner. Dans Modes et Travaux, cette vision s’inscrit dans l’optique d’une alimentation rationnelle à partir des années 1950. Le corps est conçu comme un « organisme » :
Connaissez vos besoins pour calculer votre ration. Un homme fonctionne comme une machine, mais ce sont les aliments qu’il consomme qui remplacent le charbon et lui fournissent les calories nécessaires. (MT, 09/1955, p. 94).
56 Dans le corpus américain, où domine également, durant les premières décennies, cette vision organiciste, la machine humaine est très tôt assimilée à un moteur, en rapport peut-être avec la place prise dès les années 1930 par l’automobile dans le mode de vie américain. Il convient donc d’approvisionner le corps en « carburant » ( fuel) :
When the engine is running at high speed, you give it gas; when it idles, you cut down the fuel. [...] This principle applies equally well to the human engine. [...] Food is mainly body fuel. (GH, 10/1937, p. 82).
58 Cet imaginaire du corps-machine est l’héritier d’un vaste ensemble de représentations, élaborées notamment au xvii esiècle, dont Descartes puis La Mettrie seront des figures emblématiques, et qui repose sur l’application des lois de la mécanique au corps humain. À la fin du xviii esiècle, les lois de la thermodynamique mettent l’accent sur la nécessité de fournir le corps en énergie, d’où la place que prend l’alimentation (Rabinbach, 1992 ; Le Breton, 1990) : un bon régime alimentaire permet de créer et de maintenir la force de travail, d’optimiser les ressources productives du corps.
59 Mais des différences entre la France et les États-Unis peuvent être soulignées. La vision américaine du corps est liée à l’énergie et à la vitalité, et encore jusqu’à aujourd’hui, alors que cette conception disparait en France dans les années 1970. L’optique française met l’accent, quant à elle, sur l’équilibre (entre apports et dépenses, entre les différents aliments qu’il faut ingérer), s’inscrivant dans une « éthique de la mesure », une sagesse diététique selon laquelle il s’agit de s’accorder au rythme du monde, c’est-à-dire aux saisons, aux âges de la vie (Nahoum, 1979, p. 30). Héritage sans doute de la théorie des humeurs, car l’équilibre des aliments vient faire écho à celui des humeurs.
Modeler un corps sur mesure
60 Au fil du temps, tout particulièrement à partir des années 1970 dans notre corpus, et y compris dans le corpus américain, le corps humain comme machine s’efface devant la représentation d’un corps plus souple, modelable sur mesure. La femme transforme désormais son corps à sa guise, là où elle le souhaite : « Maigrir là où vous voulez » promet Modes et Travaux en février 2000. Le peut-elle ou le doit-elle ? Là réside toute l’ambiguïté, car comme le formule Good Housekeeping sur un style injonctif : « Your stomach has to be sculpted » (GH, 03/1996, p. 74). Le corps n’est plus une machine qu’il s’agit de faire fonctionner, mais quelque chose qui peut, ou doit, être modifié à volonté. Désormais il s’agit moins d’avoir les « mesures » du corps, que d’avoir un « corps sur mesure » (Travaillot, 1998). Et ce d’autant plus que se diffusent de nouveaux modes d’intervention, comme la chirurgie esthétique, et que les méthodes mises en œuvre par les femmes sont adaptées à chacune : le régime est à la carte, le programme sur mesure, la nutrition personnalisée, l’exercice phy- sique individualisé (adaptationL), tendance forte des évolutions de la consommation (Cherbut, 2015).
61 Dans le corpus français, le substantif « corps » lui-même est en régression : on s’intéresse au fil du temps aux parties du corps, qu’il faut remodeler. Une topographie du corps à travailler émerge, qui fait apparaître, dans les années 2000, les lieux du corps à sculpter : cuissesL, fessesL, ventreL.
Santé : un corps sur mesure. Des cuisses fines, un ventre plus plat, des fesses galbées et des bras bien fermes… tout ce dont on rêve avant l’été. Redessiner notre silhouette, c’est possible, notre équipe de pros vous le prouve. (MT, 06/2005, p. 156).
63 Le régime amaigrissant, dès lors, se fait « sur mesure » : pour affiner les cuisses, il faut réduire la consommation de sel ; pour galber les fesses, manger plus de protéines ; pour aplatir le ventre, éviter les graisses cachées et les sucres rapides.
64 Dans le corpus américain, ce travail est différent. Les différentes parties du corps sont très fréquemment évoquées dès les années 1930, car ce sont elles qui servent aux mesures du corps, et progressive-ment s’impose un discours sur le corps en son entier. Mais il s’agit bien de remodeler le corps (« improve » « reshape »), en particulier à travers l’exercice physique :
The New Cardio Workout. To lose weight, you must participate in some form of cardiovascular exercise three times a week – anything that gets your heart rate up for at least 15 minutes. (GH, 04/2000, p. 41).
66 L’accent est ainsi mis moins sur le « sur-mesure » que sur l’effort à fournir et le travail sur soi, qu’il s’agisse de la restriction alimentaire quotidienne ou de l’exercice physique. Effet, peut-être, de l’éthique protestante dont Weber a souligné le goût de l’effort et la discipline au travail.
67 Peut-être s’agit-il également de contrebalancer, par l’expression de nouvelles contraintes, un accès illimité à la consommation, dans le cadre d’une société d’abondance qui a conduit aux États-Unis, depuis les années 1970, au développement de l’obésité, notamment chez les femmes [10]. Dans ce contexte, le travail sur le corps relève en priorité de la perte de poids. En France, moins touchée par l’obésité, les femmes se distinguent par leur sveltesse (Robineau, Saint Pol, 2013) : il s’agit alors pour elles de parfaire les parties du corps qui seraient imparfaites. Dans les deux cas, ce travail sur le corps peut être interprété comme une forme de régulation sociale (Durkheim, 1897), établissant des normes de consommation et de corpulence dans une société qui semble s’en être affranchie.
Une convergence franco-américaine : intensité des contraintes et responsabilité
68 Transformable, le corps féminin est dans le même temps soumis à un travail personnel plus intense, à une surveillance plus étroite, tendance vers laquelle convergent France et États-Unis. La persistance de modèles alimentaires distincts n’empêche en effet pas la diffusion, de part et d’autre de l’atlantique, d’une même norme de discipline corporelle, de plus en plus contrainte et individualisée. Le développement de nouvelles techniques d’embellissement, ainsi que leur promotion plus intense, s’est accompagné d’une obligation de connaissance, d’un contrôle accru sur le corps, et d’une obligation en matière de résultats (Remaury, 2002). Sous une apparente liberté et facilité de moyens, le résultat esthétique est particulièrement attendu : la pression, permanente, est accrue. Cette intensité des exigences n’est pas sensible dans l’idéal corporel présenté, tant sont rares les moyens de le calculer [11]. Cette transformation des exigences n’est pas non plus sensible dans la perte de poids conseillée, stable en France, en forte augmentation certes aux États-Unis, mais parallèle à l’augmentation de la corpulence moyenne américaine.
69 Cette augmentation des exigences s’observe en revanche à travers l’évolution du statut de la femme telle qu’elle est présentée dans les revues. Dans les premières décennies, la lectrice est la « ménagère », la « mère de famille » dont la tâche est celle de nourrir autrui. Au fil du temps, s’affirme dans les magazines l’émancipation des femmes, qui s’accompagne d’une individualisation des discours, dont témoigne la progression des pronoms personnels « je » – dans le corpus français – ou « you » – dans le corpus américain. Que la femme parle en son nom propre – « Je retrouve la ligne avec le régime wok ! » (MT, 02/2005, couverture) – ou que la revue s’adresse à elle – « I know you can do it » (GH, 01/2003, p. 131) – cette évolution a pour conséquence une responsabilisation de la femme dans l’embellissement d’elle-même, dans la discipline de sa corpulence et de l’alimentation qui lui est associée. Cette insistance sur une morale personnelle – qui s’exprime ici dans le domaine du corps – vient refléter, sans doute, les formes de l’individualisme contemporain où l’autonomie prend la place de la discipline, avec pour corollaire une augmentation des responsabilités personnelles (Ehrenberg, 1991).
70 L’augmentation des contraintes est plus sensible encore à travers le travail proposé sur le corps, qui passe de la promotion du maquillage du corps à sa réduction effective, d’une action cosmétique à une action structurelle agissant sur la corpulence par l’alimentation. Dans les premières années du corpus, en effet, les modes d’intervention sur un corps trop gros relèvent essentiellement d’une opération de camouflage : pour perdre des centimètres de tour de taille, la femme porte une gaine. L’action extérieure sur le corps vise à en masquer les défauts, comme le fard maquille les imperfections du visage. Quand il s’agit en revanche de perdre du poids, l’action est réelle : il faut faire véritablement diminuer un corps qui s’expose dénudé bien plus souvent qu’autrefois.
71 D’où une intensité du regard porté sur le corps. Les termes même sont employés dans des usages plus précis. Dans les années 1930 « maigrir » et « amaigrissement » désignent aussi bien la perte de poids que le résultat d’une action externe. Progressivement, « maigrir » est réservé à la perte réelle des kilos, et « mincir » à l’affinement des contours du corps. Parallèlement, le regard sur les formes du corps se fait plus perçant, et par là plus exigeant. Dans un dossier « Pour retrouver des seins fermes et des fesses toniques ! », Modes et Travaux affirme : « À l’approche des beaux jours, toutes les femmes affrontent leur miroir sans tricher pour observer leur corps d’un œil critique » (MT, 05/1980, p. 206). Il ne s’agit donc plus de masquer, de maquiller, mais – comme le suggère l’expression « sans tricher » – de « changer » et d’agir réellement sur le corps. L’optique est celle d’une correction, d’une rééducation, bref d’une vision orthopédique du corps :
Changer de silhouette. Ronde devant, toute plate derrière, enrobée sur les côtés…[...]. L’été approche, mais pas de panique ! Rien n’est définitif et tout ce que vous considérez comme un défaut de votre silhouette peut être corrigé [...]. (MT, 06/1999, p. 41)
73 De même, « You too can change your body » affirme Victoria Principal, auteur d’un programme minceur, en couverture dans Good Housekeeping (GH, 10/1983), qui promet également « 5 ways to lose big ! [...] If you change your lifestyle, you’ll change your weight » (GH, 08/2005, p. 120).
74 Cette augmentation des exigences est cependant dissimulée par des discours qui mettent en avant une forme d’hédonisme. Valeur en hausse dans les années contemporaines, le plaisir est souligné dans ce corpus à partir de la fin des années 1980. Autrefois lié à la restriction et à la répression des appétences spontanées, à l’effort sur soi et à une lutte, le régime amaigrissant devient la source d’un plaisir désormais pris dans la restriction et la conformité aux règles diététiques : « Le régime 100 % plaisir » (MT, 02/2003, p. 28), « You will love our new diet » (GH, 10/2007, p. 178). Hédonisme affirmé d’autant plus facilement que l’accession à un corps parfait est dite chose aisée : « Pour garder son poids idéal, il suffit d’adopter une alimentation équilibrée et de faire régulièrement un peu d’exercice » (MT, 05/2002, p. 48), « Lose 30 pounds the easy way », réplique Good Housekeeping (GH, 02/2007, couverture).
75 Parallèlement, les discours se font moins injonctifs et moins normatifs dans le ton adopté : la norme corporelle ne s’énonce plus sur le mode du devoir et de la nécessité, mais sur celui du conseil et du conditionnel, laissant en apparence plus de liberté à la lectrice. Alors que dans les années 1950, dominaient la nécessité et la difficulté (exigencesL, nécessaireL dans Modes et Travaux, devoirL, nécessitéL dans Good Housekeeping), dans les années contemporaines les revues affirment plaisir et facilité.
76 Enfin, ces contraintes sur le corps, autrefois extérieures, sont devenues auto-contraintes, et leur expression moins explicite ne signifie pas leur affaiblissement, mais leur intériorisation. À l’époque du corps-machine, le travail corporel était exprimé en termes de règles strictes ou de discipline. Quand domine un corps sur mesure, prévaut le « management de soi », en souplesse (on maigrit « en douceur »), et le travail permanent sur soi (voir Rabinbach, p. 11 sq.). La discipline exigée en matière corporelle n’est pas moins forte : son énonciation est simplement euphémisée.
77 Si le plaisir devient injonction, l’hédonisme est alors contraint. La société contemporaine qui a libéré le corps des femmes – en autorisant leur dénudation progressive – lui a aussi imposé de nouvelles contraintes (Détrez, 2002 ; Saint-Pol, 2010), en termes de discipline de la corpulence et de surveillance de l’alimentation. Minceur et beauté sont dites plus accessibles, mais à une condition : que la lectrice fasse ce qu’il faut à cette fin. Elle en a l’entière responsabilité, par le suivi des conseils reçus, par l’attention qu’elle porte à son corps, par les régimes qu’elle met en œuvre, par le temps qu’elle consacre à l’exercice physique. De même que le respect des normes diététiques relève aujourd’hui de l’éthique (Régnier, Masullo, 2009), de même être belle et être mince relève plus que jamais du devoir moral. Ce travail sur le corps et sur l’alimentation qui lui est associée relève également d’une forme de régulation qu’une société vient imposer à ses membres féminins, accompagnant le développement de la société de consommation et la libération des mœurs.
Conclusion
78 L’analyse du corps idéal féminin, et des techniques qui per- mettent d’y parvenir, depuis les années 1930, au moyen d’une comparaison France/États-Unis, ne fournit pas les seuils exacts à partir desquels un corps de femme est « trop gros ». Les discours sur le corps idéal féminin se situent entre deux normes divergentes : d’une part, une tendance largement partagée d’augmentation de la corpulence moyenne des populations, notamment aux États-Unis, d’autre part des images idéales toujours plus minces. Entre les deux, la norme du corps idéal féminin promue par les magazines est celle d’une injonction à toujours perdre du poids.
79 Pour atteindre cet idéal de « peser toujours moins », différentes techniques sont proposées, qui évoluent au fil du temps. Elles sont liées à la façon dont le corps est évalué : quand le corps est mesuré en centimètres, dominent des interventions extérieures ; quand il l’est en kilos, domine l’action intérieure, par le régime amaigrissant, qui donne à l’alimentation une place privilégiée dans la discipline de la corpulence. En France prévaut cependant la notion d’équilibre et de sagesse, alors qu’aux États-Unis, le régime amaigrissant fait partie, de façon chronique, du mode de vie américain, à quoi viendra s’ajouter le rôle de l’exercice physique, dans une représentation qui valorise l’effort sur soi.
80 Les deux revues convergent, à partir de la fin des années 1980, dans l’augmentation des exigences placées sur le corps des femmes, alors même que les discours s’euphémisent, mettant l’accent sur l’hédonisme. Au corps-machine, qu’une alimentation bien conçue vient faire correctement fonctionner, vient succéder un corps-sur-mesure, malléable à volonté, dont la femme est totalement responsable. L’intervention sur le corps se fait également plus exigeante : il ne s’agit plus d’un maquillage des imperfections de la silhouette, mais d’une action structurelle qui agit sur la corpulence par l’alimentation et l’exercice physique lesquels, pour ce faire, se font sur mesure. Au corps sur mesure correspondent des techniques personnalisées et individualisées. Un échec en la matière peut être lu comme une faute morale individuelle, mais aussi comme un signe d’anomie dans une société qui ne parviendrait plus à encadrer les comportements et les corps des individus qui la composent. La précision tout à la fois du regard sur le corps féminin, des exigences qui pèsent sur les femmes, et des méthodes pour y parvenir constituent dès lors une forme de régulation du corps féminin.
81 Le corpus
82 L’étude commence en 1934, date à laquelle les numéros de Modes et Travaux sont disponibles pour consultation à la Bibliothèque Nationale de France. Good Housekeeping (GH), créée en 1885, et Modes et Travaux (MT), créée en 1919, sont parmi les plus anciennes revues existant encore aujourd’hui. Leurs tirages en font respectivement le second magazine féminin américain et le troisième magazine féminin français ; leur lectorat est celui d’une vaste classe moyenne.
83 Tous les numéros de Modes et Travaux et de Good Housekeeping depuis janvier 1934 jusqu’en décembre 2010 ont été systématiquement consultés. Un corpus de 1 200 pages de notes a été constitué, rassemblant 152 321 occurrences (compte des mots) et 11 453 vocables [12] dans Modes et Travaux, et 341 902 occurrences et 14 284 vocables dans Good Housekeeping (plus répétitive, donc, dans ses discours).
84 Ce corpus a fait l’objet d’une analyse de contenu classique et d’une analyse textuelle menée à l’aide du logiciel Hyperbase, à partir d’une grille systématique d’analyse.
85 Les tables de spécificités lexicales
86 Pour cette analyse, nous nous sommes en particulier appuyé sur les tables de spécificités établies, pour chaque décennie et pour chaque revue, par le logiciel Hyperbase, au travers des écarts-réduits, qui mesurent la sur- ou la sous-représentativité d’un mot dans un corpus par rapport à une norme, celle de l’ensemble du corpus. Le calcul de ces écarts-réduits obéit à la formule, très largement utilisée en statistique lexicale (Muller, 1977) :
87 écart-réduit = (fréquence observée - fréquence théorique)/racine carrée (fréquence théorique).
88 L’analyse factorielle des spécificités diachroniques et comparées
89 Nous avons également mené une analyse plus statistique de ce corpus afin d’établir une analyse factorielle. Pour cela, nous avons procédé à une lemmatisation raisonnée de ces vocables [13] après suppression des mots-outils (« et », « donc » etc.).
90 Pour saisir les transformations du discours au travers des lemmes dans les deux pays, nous avons cherché à repérer les lemmes spécifiques par leurs sur- ou sous-représentations au cours des décennies. Pour ce faire nous avons établi une table présentant le comptage ni,j des lemmes i (en lignes) pour le corpus français puis américain, de chaque décennie j (en colonnes). Cette table compte donc 8 colonnes (8 décennies) et 1 002 lignes (452 pour MT et 550 pour GH).
91 Comme nous l’avons déjà fait pour d’autres travaux (Régnier, 2004 ; Régnier, Masullo, 2009), nous avons ensuite calculé la matrice des indicateurs d’intensité de lien Ei,j (formule ci-dessous) qui mesurent la relation entre i et j, et dont la valeur est d’autant plus élevée que le lemme et la décennie sont associés. La répartition des mots dans un texte obéit à la loi de Zipf (Muller, 1977), une variante extrême de la loi de Pareto : si l’on range par fréquence décroissante les lemmes, le produit du rang par la fréquence est une constante. Il s’ensuit que les écarts des mots ne sont pas additifs mais multiplicatifs : il convient alors de mesurer non pas les écarts de nombres ni,j, mais de logarithme de ces nombres log(ni,j). Pour se parer contre le problème des effectifs nuls, nous avons appliqué la solution envisagée par Agresti (1990), en ajoutant 1/2 à chaque effectif :
92 Ei,j = log(ni,j+1/2) – moyi [log(ni,j+1/2)] – moyj [log(ni,j+1/2)] + moyij [log(ni,j+1/2)].
93 Cet écart à l’indépendance vaut 0 si le lemme i est présent dans la décennie j dans la même proportion que dans la somme des périodes, positif si la décennie présente plus souvent le lemme qu’à l’indépendance, et négatif dans le cas inverse.
94 Ces tables permettent de concevoir la proximité entre deux péri-odes comme le fait qu’elles sont caractérisées par la sur-représentation des mêmes lemmes et la sous-représentation d’autres. Dans ce cas, la corrélation linéaire des écarts permet de mesurer cette proximité. Respectivement, deux lemmes seront d’autant plus proches qu’ils caractérisent les mêmes décennies et que les autres les évitent.
95 L’analyse factorielle (analyse en composantes principales) qui s’ensuit présente, sur ses deux premiers axes (le premier concentre 36 % de la variance totale du nuage et le second 19 %), une structure temporelle caractéristique : les décennies se présentent comme un arc de cercle disposé de telle sorte que le sud-ouest du plan factoriel représente des dates les plus anciennes, le nord les années 1970, et le sud-est les années 2000. Les lemmes situés au sud sont surreprésentés aux dates extrêmes et sous-représentés dans les années 1970. De cette façon un lemme est d’autant plus éloigné du centre qu’il présente un profil temporel caractéristique. Nous avons retenu les 200 lemmes les plus clivants, parmi lesquels nous avons exclu ceux sans signification vis-à-vis de notre objet (par exemple le « cottage-cheese » dans le corpus américain, aliment star des régimes minceur) et complétés par d’autres, moins clivants mais pour nous plus signifiants, comme les « calories ».
Notes
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[1]
L’auteur adresse ses très vifs remerciements aux membres de l’équipe Nourritures (EHESS/Collège de France) pour les riches échanges à propos des thèmes abordés dans ce texte ; au département SAE2 de l’INRA et à l’équipe « Nutrition, Food Studies and Public Health » qui ont rendu possible un séjour comme Visiting Scholar à la New York University (2011-2012) ; à Thibaut de Saint-Pol et aux relecteurs de L’Année Sociologique, enfin, dont les commentaires ont considérablement permis d’enrichir la première version de ce texte.
-
[2]
Pour plus de précisions sur la constitution du corpus, voir annexe méthodologique.
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[3]
Même si « régime », et plus encore « diet » qui dans le corpus américain désigne toute forme de régime alimentaire destiné à soigner une affection, ne font pas exclusivement référence au régime amaigrissant.
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[4]
Voir l’annexe méthodologique.
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[5]
Les termes cités entre guillemets sont statistiquement spécifiques des discours de telle ou telle décennie – ici des années 1930 – de Modes et Travaux ou de Good Housekeeping. Ils proviennent des tables de spécificités établies, pour chaque décennie et pour chaque revue, par le logiciel Hyperbase, au travers des écarts-réduits (voir annexe méthodologique). L’exposant L désigne les termes de la liste des 250 lemmes les plus clivants.
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[6]
Nous avons compté les couvertures présentant au moins une référence à la minceur (régime, exercice physique, recettes minceurs, médicaments, etc.).
-
[7]
Malgré le soin apporté au dépouillement des revues, l’inégale longueur des corpus recueillis pourrait provenir d’un plus fort intérêt pour le corpus américain, en quelque sorte exotique à nos yeux, ou de la plus grande longueur de telle revue, ou de telle rubrique, à telle période.
-
[8]
25 occurrences pour « centimètres » contre 241 pour « kilos , 65 occurrences pour « inches » contre 76 pour « pounds ».
-
[9]
« Exercise » « fitness » « workout » vs « exercice », « sport » et « gym ».
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[10]
Passage d’une prévalence de 17 % de femmes obèses en 1970, à 33 % en 2000 (Régnier, 2005).
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[11]
Une analyse des images, qui reste à mener précisément dans cette longue durée, montrerait sans doute un amaigrissement des top-models présentés dans les pages des magazines, même si nos deux revues gardent en la matière une forme de modération.
-
[12]
Chaque forme n’est comptée qu’une seule fois même si elle apparaît à plusieurs reprises
-
[13]
La lemmatisation désigne le regroupement des formes derrière une forme canonique (les formes verbales à l’infinitif ; les substantifs au singulier ; les adjectifs au masculin singulier). La lemmatisation automatique d’un corpus présente bien des limites – par exemple « été » désigne à la fois la saison et le participe passé du verbe « être ». Aussi avons-nous préféré procéder à une lemmatisation manuelle de notre corpus, avec vérification systématique de chaque vocable. Par exemple, « calcul », « calculer », « compter », « comptabiliser », « % », « grammes », etc. ont été regroupés dans le lemme « calcul ».