CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1 La problématique de l’obésité a été mise à l’agenda en France, en Allemagne et en Angleterre au cours des années 1990 et a donné lieu à de nombreux plans nationaux dans les années 2000. C’est le cas en France avec le Plan national nutrition-santé PNNS en 2001 et le Plan National Obésité en 2010 ; en Angleterre avec le Plan d’action national Healthy Weights, Healthy Lives en 2008 ; ou encore la même année en Allemagne avec le plan national IN FORM : Deutschlands Initiative für gesunde Ernährung und mehr Bewegung. Ces plans ont en commun de mettre à l’index certaines pratiques alimentaires définies comme « mauvaises », dont les effets sur la santé seraient susceptibles de se révéler sur le corps des citoyens : être obèse serait ainsi tout à la fois ne pas manger correctement, ne pas faire attention à sa santé, ou encore se laisser-aller. On peut rapprocher ces injonctions des valeurs morales d’individualisme, de responsabilité et de performance.

2 Dans ces trois pays, la question du surpoids et de l’obésité concerne une partie importante de la population. Ainsi, en France, en 2010, 23,3 % des femmes et 37,6 % des hommes étaient en surpoids et 13,4 % des femmes et 12,4 % des hommes étaient obèses [1]. En Angleterre [2], en 2009, 32,8 % des femmes et 43,7 % des hommes étaient en surpoids et 23,9 % des femmes et 22,1 % des hommes étaient obèses. En Allemagne, en 2009, 29,1 % des femmes et 44,4 % des hommes étaient en surpoids et 13,8 % des femmes et 15,7 % des hommes étaient obèses (OECD, 2014). Dans ces trois pays, la prévalence de surpoids et d’obésité est plus élevée pour les femmes ayant un faible niveau de vie (Saint Pol, 2008). Chez les hommes, la prévalence de la surcharge pondérale est mieux répartie dans les différentes catégories professionnelles, en particulier lorsque l’on regarde le niveau de revenu, mais tend à différer avec le niveau de diplômes (Pigeyre et al., 2012). D’autres variables comme l’âge, la région de résidence ou le fait d’être d’origine immigrée, influencent également la variabilité de ces prévalences.

3 Si l’histoire et les débats autour des normes nutritionnelles peuvent être saisis du point de vue des acteurs des politiques publiques et du corps médical, il est également intéressant de questionner leurs effets en partant des citoyens ordinaires et en particulier de ceux qui en sont les cibles privilégiées : les personnes en surcharge pondérale. Que connaissent ces dernières des recommandations nutritionnelles actuelles et comment se positionnent-elles vis-à-vis de celles-ci ? L’injonction à maigrir et la stigmatisation de leur corpulence ont-elles un effet sur leur comportement alimentaire ?

4 Pour répondre à ces questions, le choix a été fait d’interroger des femmes, plus soumises que les hommes aux idéaux de minceur (Robineau, Saint Pol, 2013) et plus perméables aux discours nutritionnels (Beardsworth, 2002 ; Carof, 2015), mais également de les prendre majoritairement « en surpoids », pour ne pas partir de femmes dont l’obésité désignée comme « maladie » les soumettrait immédiatement aux normes médicales. À l’inverse, les femmes étiquetées « en surpoids » ont une corpulence intermédiaire, ce qui permet de mettre en lumière le va-et-vient incessant entre justifications esthétiques, morales et médicales dans la remise en cause des fortes corpulences. Les enquêtées et répondantes interrogées vivent en effet dans des univers sociaux, familiaux et professionnels façonnés par les normes esthétiques de minceur et par l’influence des discours de santé publique qui leur rappellent en permanence le danger – ou les risques éventuels – de leur poids.

5 La littérature scientifique a depuis longtemps montré que les différents groupes sociaux n’ont pas le même rapport à l’alimentation et au corps (Bourdieu, 1979 ; Boltanski, 1971 ; Grignon, Grignon, 1980 ; Corbeau, Poulain, 2002 ; Poulain, 2009). Bien que ces différences se soient amenuisées depuis une vingtaine d’années, elles demeurent prégnantes (Régnier, Masullo, 2009). De même plusieurs auteurs ont décrit des différences nationales en termes de représentations et de pratiques alimentaires (Mennell, 1985 ; Pfirsch, 1997 ; Fischler, Masson, 2008). L’objet de cet article sera ainsi de montrer la complexité des différents positionnements nutritionnels et corporels possibles, liée à l’entrecroisement des caractéristiques sociales et nationales, mais également à la diversité des trajectoires pondérales.

6 Pour saisir ces différents positionnements, 61 entretiens semi-directifs avec des femmes « en surpoids » et 25 avec des femmes « obèses » ont été réalisés en France, en Allemagne et en Angleterre (36 en France, 26 en Angleterre et 24 en Allemagne), dans des grandes villes et leurs périphéries. Des annonces auprès de proches, dans des cabinets médicaux et diététiques, sur des forums dits « féminins », dans des journaux (comme le Hannoversche Allgemeine Zeitung), dans des associations de lutte contre les discriminations (comme Allegro Fortissimo), ainsi qu’auprès de participantes à une enquête médicale portant sur la régulation de l’appétit à Londres, ont permis de diversifier le profil des enquêtées interrogées. Ces dernières ont entre 19 et 74 ans et des caractéristiques socio- économiques très diversifiées, bien qu’aucune ne soit complètement exclue du marché du travail.

7 En outre, un questionnaire de 80 questions a été passé par Internet : sur des forums féminins (comme Doctissimo, Sofeminine, Brigitte), des sites d’associations (Pulpe Club, Adipositas Foren, Uk Big People), de petites annonces (Gumtree, Hannover Forum) ou sur des sites universitaires (de l’université d’Hanovre par exemple). Cette diffusion a aussi bénéficié de l’effet boule de neige, les répondantes ayant passé ce questionnaire à leurs contacts, ce dernier étant adressé à toutes les femmes adultes, résidant dans les trois pays analysés, sans aucune limite pondérale. Plusieurs questions introductives ont ensuite permis de choisir les répondantes selon leur corpulence. 319 réponses complètes de femmes françaises, allemandes et anglaises (144 en surpoids et 175 obèses) ont ainsi été recueillies. Ce questionnaire, du fait de son recrutement et du fait d’une surreprésentation des femmes de classe moyenne et supérieure en France et en Angleterre et d’étudiantes en Allemagne, a une valeur essentiellement exploratoire. Sans prétendre rendre compte de l’ensemble des femmes en surpoids et obèses de ces trois pays, il a cependant fourni un grand nombre d’informations en cohérence avec les entretiens, observations et analyse d’articles scientifiques réalisés pour cette recherche.

8 Dans un premier temps, nous analyserons l’influence des caractéristiques socio-économiques et pondérales sur l’acquisition des connaissances nutritionnelles et sur leur mise en pratique. Si la socialisation primaire et les conditions économiques peuvent expliquer certaines croyances et pratiques, la corpulence ainsi que les trajectoires pondérales peuvent amener à reconfigurer ces dernières, soit vers plus de respect des règles nutritionnelles, soit au contraire vers plus de souplesse. Ces restructurations dépendent en outre fortement de la dimension nationale, « bien manger » n’ayant pas toujours le même sens dans les trois pays analysés. Dans un second temps, nous décrirons ainsi comment les enquêtées peuvent jouer avec la complexité des valeurs et des normes de leur pays de résidence pour respecter ou mettre à distance les injonctions alimentaires, ou encore en montrer les limites et proposer des dépassements possibles.

Une injonction sociale à « bien manger »

Savoir ce qu’il « faut » manger

9 Trois campagnes de santé publique ont été lancées en France, en Allemagne et en Angleterre au cours des années 2000 pour encourager les citoyens à « bien manger » : la campagne du Programme National Nutrition Santé (PNNS) en France, celle du « 5 am Tag-Kampagne » de l’association 5 am Tag e. V. en Allemagne et celle du « Five a day » du National Health Service (NHS) en Angleterre. La plupart des études portant sur ces campagnes ont montré que ces dernières avaient été mal comprises : 33 % des Allemands interprétaient par exemple le « 5 am Tag » comme « 5 Mahlzeiten am Tag essen » (manger cinq repas par jour) (Rubner-Institut, 2008). Si les enquêtées rencontrées n’ont pas toujours bien retenu les messages affichés, parlant de « cinq fruits et cinq légumes par jour » ou de « cinq fruits et légumes frais par jour », elles ont toutes entendu ce message de santé publique et peuvent citer très globalement les aliments à éviter et ceux à consommer pour être en bonne santé, selon les normes en vigueur. Mais si leurs connais- sances nutritionnelles sont influencées en partie par les messages de santé publique, quels sont donc les autres éléments qui peuvent les façonner ? Quels sont les contextes, les individus ou les caractéristiques qui tendent à construire leur rapport aux normes nutritionnelles ?

10 La famille est la première informatrice en ce qui concerne le « bien manger ». Les enquêtées de milieu populaire évoquent en termes positifs l’alimentation traditionnelle de leurs parents en comparaison avec les Fast-foods et les plats tout-prêts actuels, quand les enquêtées de milieu plus favorisé mentionnent l’équilibre alimentaire reçu dans leur jeunesse. Les reportages télévisuels, la presse féminine ou médicale sont ensuite régulièrement cités comme source d’information diététique, autant que les discussions avec les amies ou les collègues. Les interactions sociales avec des professionnels de la santé, de la nutrition ou des coachs sportifs sont ensuite mentionnées.

11 Si ces sources d’informations sont multiples, elles sont accessibles, traduites et mises en pratique différemment selon les caractéristiques sociales des enquêtées, les plus diplômées étant celles qui trouvent le plus souvent « évidentes » les prescriptions nutritionnelles. Le niveau d’éducation et la proximité avec les élites médicales conduisent en effet les classes favorisées à intérioriser plus souvent les messages de santé publique (Wardle, Steptoe, 2003). De nombreuses études ont rapporté que ce sont aussi celles qui les appliquent le plus (Escalon et al., 2009 ; Malon et al., 2010). Ce lien évident entre poids, alimentation et santé est présent chez certaines enquêtées très favorisées, comme Lauren (An, 40 ans, fs, doctorante-enseignante, mariée à un cadre financier [3]), qui raconte comment elle éduque un de ses cinq enfants à ne pas manger « trop gras » :

12

– Mon garçon de dix ans, par exemple, m’a dit l’autre jour : « Est-ce que je peux acheter un Mars avec mon argent de poche ? », « Tu peux, mais je te dis, c’est très gras les Mars et ce n’est pas bien pour toi ». C’est tout ce que j’ai dit. Et puis il a choisi de ne pas l’acheter. Mais je voulais lui donner cette information, parce qu’il m’a déjà dit : « Je me sens un peu lourd ». C’est un garçon de dix ans, il est dans sa phase « rondouillard ».

13 Les membres des classes supérieures auraient ainsi incorporé les normes nutritionnelles dominantes et un « goût de nécessité » dans leur rapport à l’alimentation, quand les classes populaires défendraient un « goût de liberté » et le refus des pressions de santé publique (Régnier, Masullo, 2009). C’est le cas pour Pauline (Fr, 21 ans, ls, animatrice dans des garderies, célibataire) qui vient d’un milieu populaire et met en doute le lien établi entre alimentation « saine » et santé :

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– Il faut qu’elle [sa meilleure amie] mange ses cinq fruits et légumes et faut bien manger le midi, à telle heure, à telle heure et…Ouais elle est souvent malade, elle attrape tout…et moi je mange, pas n’importe quoi, mais je ne mange pas non plus mes cinq fruits et légumes par jour, mais je ne suis pas malade quoi…C’est souvent comme ça quoi...

15 Ces différences sociales peuvent s’expliquer par des contraintes financières (Drewnowski, Specter, 2004), mais également par les normes et valeurs reçues au cours de la socialisation primaire, et qui s’entretiennent par l’habitude lorsque le contexte de vie et le réseau social ne changent pas. À l’inverse, la rencontre avec un partenaire ayant d’autres normes alimentaires et corporelles, la survenue d’une maladie, un changement de vie (une ascension sociale) ou encore un métier (aide-soignante, infirmière) ou des études (conseillère en économie sociale et familiale) spécifiques peuvent accroître le niveau d’acquisition des normes alimentaires, alors même que certaines ont des budgets très limités. La corpulence et la pression pour mincir peuvent également reconfigurer les différences sociales, en accroissant le niveau de connaissances nutritionnelles et de pratiques des enquêtées populaires stigmatisées du fait de leurs rondeurs.

Une injonction à mincir

16 Plusieurs études ont montré que les régimes sont plus souvent mis en œuvre par les femmes (ANSES, 2010), ainsi que par les personnes des milieux sociaux les plus favorisés (Saint Pol, 2008). Mais si la minceur est plus valorisée parmi les classes supérieures, elle est également appréciée chez une part non négligeable de femmes des classes populaires (Vandebroeck, 2015), tout comme les fortes rondeurs sont critiquées dans presque tous les milieux sociaux. Dans cette enquête, ce sont également les plus corpulentes, les plus âgées et les moins diplômées qui sont les plus insatisfaites de leur poids, la norme de minceur étant pour elles associée à la sveltesse de la jeunesse et à la réussite professionnelle.

17 Quatre grandes raisons ont pu être décrites pour expliquer le désir de maigrir : les raisons liées au milieu social ou professionnel (ascension sociale, normes de son groupe social), les raisons médicales (problèmes de santé, difficultés physiques), les rais- ons esthétiques (séduction, désir de mincir pour « être belle » ou pour trouver des vêtements à sa taille) ou le désir de ne pas être stigmatisée ou discriminée. Si les premières sont associées au milieu social et les troisièmes souvent à l’âge des enquêtées et répondantes, les raisons médicales ou liées aux stigmatisations touchent tous les milieux sociaux. Pour Ilse (All, 61 ans, tfs, vendeuse à la retraite, mariée à un chapiste), par exemple, ce sont les difficultés physiques pour faire son ménage et son jardinage ou encore pour monter dans sa voiture qui justifient son désir de maigrir. Elle a fait son premier régime à 12 ans, sur demande médicale et après six ou sept tentatives de Weight Watchers et d’Optifast à l’âge adulte et plusieurs pertes de poids de l’ordre de 25 kilos, elle est toujours catégorisée comme « obèse ». Ilse ne veut plus faire de régimes, trop inquiète d’une nouvelle prise de poids possible, mais voudrait tout de même maigrir pour son diabète depuis que sa généraliste lui a parlé des risques qu’elle courait. Elle me montre au cours de l’entretien son carnet de Weight Watchers et la répartition nutritionnelle des aliments qu’elle connait désormais par cœur.

18 Leslie (An, 31 ans, tfs, actrice d’origine populaire au chômage, en couple avec un boulanger) évoque de son côté la violence des remarques sur son poids et leur fréquence, qui l’ont conduite plus jeune à tenter de se suicider :

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– Ils se moquaient de moi affreusement à l’école, au collège, vraiment affreux… J’ai essayé de me tuer, c’était vraiment affreux…

20 Maigrir serait pour elle un moyen d’échapper à cette violence sociale. De nombreuses enquêtées et répondantes ont également déclaré avoir été victimes de discriminations et de stigmatisations médicales, familiales, professionnelles ou du fait de remarques d’inconnus dans l’espace public, ce qui est confirmé par la littérature sur le sujet (Paraponaris et al., 2005 ; Bocquier, 2005). En outre, les enquêtées et répondantes les plus corpulentes et les moins éduquées se disent dans cette enquête plus souvent stigmatisées pour leur poids. Cela explique pourquoi elles souhaitent maigrir, et pas uniquement dans une perspective curative ou brève (Depecker, 2010 ; Régnier, Masullo, 2009). Paula (Fr, 33 ans, tfs, aide maternelle, mariée avec un peintre en bâtiment), qui a du mal à s’habiller, me dit par exemple qu’elle aimerait faire un régime « plus doux et surtout sur la longueur », dans l’objectif de ne plus refaire de yoyo.

21 L’expérience du régime, en termes de connaissances nutritionnelles et de savoirs-faire, peut transformer les valeurs et pratiques des enquêtées moins diplômées. Certaines témoignent en outre d’un apprentissage de nouveaux goûts et de nouvelles sensations gustatives et digestives, après un régime, qui les rendent plus sensibles aux messages de santé publique. Tout autant que l’origine sociale, la corpulence est donc un facteur expliquant le niveau élevé de connaissances parmi les enquêtées moins favorisées. C’est donc moins le contenu que la mise en pratique de ces normes qui peut parfois leur poser des difficultés, pour des raisons financières, temporelles ou organisationnelles.

22 Le poids peut également transformer le rapport traditionnel des classes moyennes et supérieures face à l’alimentation, les enquêtées concernées apprenant à mettre à distance les normes alimentaires et corporelles de leur milieu.

« Écouter » son corps

23 Depuis quelques années et avec la critique des régimes qui s’est amplifiée dans les milieux médicaux et psychologiques, une nouvelle conception émerge autour de l’alimentation : celle de l’écoute du corps. Celle-ci présuppose un poids génétique naturel que chaque individu possède, un « set point » auquel il retournera s’il mange à sa faim sans se priver. Cette perspective conduit à critiquer les régimes et à défendre une approche sensorielle des pratiques alimentaires. Cette approche est défendue notamment par le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (G.R.O.S) [4], association regroupant des professionnels de santé, qui critique la stigmatisation des personnes obèses et cherche à dédiaboliser les aliments tabous (comme le gras et le sucre). Le corps est pris comme un ensemble de signaux – de satiété, de faim, de manque de nutriments – qu’il faudrait apprendre à écouter, cet apprentissage pouvant être acquis par l’éducation, puis perdu (à cause des régimes par exemple) ou encore appris/retrouvé à l’âge adulte, généralement après une phase de régimes inefficaces ou fatigants. L’objectif serait ainsi d’atteindre, paradoxalement, une pratique instinctive de manière réflexive. Daniela, (Fr, 42 ans, fs, assistante de direction au chômage, célibataire) explique :

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– Enfin j’écoute beaucoup mon corps en fait. Enfin je ne l’écoute pas, c’est… J’ai envie de manger tel aliment, je me dis que c’est parce que je dois en avoir besoin. Y a eu des périodes où j’étais attirée par les oranges et je sais que le….J’ai lu que la vitamine C « fixe » entre guillemets je ne sais pas…mais par rapport au fer, « fixe » le fer…enfin je ne sais pas si c’est le terme…

25 Cette écoute du corps peut être défendue en opposition aux recommandations nutritionnelles qui ne prennent pas en compte l’individualisation des besoins et des sensations, ou en complément de ces recommandations, l’accroissement des connaissances permettant de mieux saisir pourquoi l’on pourrait avoir envie de légumes ou de fruits.

26 Ce discours est très présent chez les enquêtées qui ont vécu de nombreuses prises et pertes de poids rapides et est lié à une plus grande tolérance (ou une recherche de tolérance) vis-à-vis de leurs propres rondeurs. En ce sens, ce discours dévoile la possible transformation du rapport à l’alimentation et au corps des enquêtées favorisées. Si les normes nutritionnelles ne sont pas remises en cause chez celles-ci, leurs injonctions sont ainsi atténuées, ces enquêtées valorisant le « bien-être psychologique » plus que le respect strict des règles. De même l’idéal de minceur est particulièrement critiqué par ces enquêtées, qui insistent à la fois sur le sexisme de la norme de minceur, tout autant que sur les conséquences qu’elle peut avoir, en termes de troubles du comportement alimentaire notamment. L’expérience de l’échec des régimes, du yoyo et la recherche d’une réappropriation corporelle conduisent ainsi ces femmes de classe moyenne ou supérieure à défendre des principes habituellement plus présents dans les classes défavorisées : le rejet des normes nutritionnelles trop prescriptives, le plaisir alimentaire (de manger des produits « tabous ») et l’acceptation des légères rondeurs.

27 Si cette conception de l’écoute du corps se veut alternative face à la rationalisation moderne de l’assiette, elle place une nouvelle fois la responsabilité des pratiques alimentaires (et donc du poids et de la santé) sur le mangeur qui doit savoir traduire les signaux que son corps lui envoie. Pourtant tout mangeur vit dans un environnement qui l’influence, comme le pays de résidence.

Des normes et des pratiques alimentaires sous contrôle national

En France, une minceur à déguster

28 Manger assis, avec d’autres, à des horaires réguliers sont des règles très suivies en France. 54 % des Français mangent par exemple à 12h30 quand seulement 17,6 % des Anglais le font à 13h (Saint Pol, 2007) et 20 % des Allemands à 12h30 (Tavoularis, Mathe, 2010). Les Français passent aussi plus de temps à table (130 mn) que les Allemands (100 mn) et les Anglais (80 mn) (OCDE, 2009). Le temps passé à faire la cuisine a cependant baissé de 25 % en France entre 1986 et 2010, ce qui est lié à l’augmentation des repas pris hors du domicile et à l’utilisation de plats tout prêts (Larochette, Sanchez-Gonzalez, 2015). Mais cette évolution depuis les années 1960 vers des repas moins encadrés et plus de plats tout prêts reste moins forte qu’en Angleterre (Warde et al., 2007).

29 Le « mode communiel » du repas (Fischler, Masson, 2008) demeure en outre en France une valeur importante, rassemblant autour de la table des individus qui partagent les mêmes plats. L’importance des traditions culinaires françaises, symbolisée par l’inscription par l’Unesco du « repas gastronomique à la française » au patrimoine immatériel de l’humanité, renforce cette conception particulière de l’alimentation française. La convivialité, le plaisir, l’encadrement des contenus et des horaires de repas ont ainsi pu être évoqués comme des raisons expliquant la prévalence moins forte du surpoids et de l’obésité en France par rapport à d’autres pays européens (Fischler, 2011).

30 Ainsi, 40 % des Français seraient classés parmi les « gastronomes », mettant le plaisir au premier plan dans leur rapport à l’alimentation (Rozin et al., 2006 ; Tavoularis, Mathe, 2010 ; Escalon et al., 2009). Capucine (Fr, 47 ans, tfs, ingénieure formatrice, mari ingénieur) témoigne dans l’extrait suivant, du lien fréquemment fait chez les enquêtées rencontrées entre qualité des produits, santé, plaisir et convivialité :

31

– Mon père donc, sa famille est d’origine paysanne puisque ma grand-mère avait encore une exploitation, donc là on mangeait des trucs, sur le lait il y avait encore la crème au-dessus… [Rires]. C’était du vrai de vrai, les œufs on ne se posait pas la question. […] On mangeait bio sans le savoir et donc c’est vrai que là il y avait un côté avec du goût, avec des choses qui étaient bonnes et … […] Finalement à gourmand je préfère gourmet. C’est-à-dire des choses qui ont du goût et qui font plaisir. Pour moi, manger c’est un moment convivial, et c’est très simple, à chaque fois qu’il y a des problèmes c’est sur la nourriture que ça se pose.

32 Le respect des normes nutritionnelles, au sens strict, n’est ainsi jamais indépendant pour cette enquêtée du plaisir alimentaire. Les aliments « bons pour la santé » doivent également avoir « bon goût ». Cette valorisation alimentaire lui permet de refuser le statut de « mauvaise mangeuse » que son obésité lui attribue socialement et de montrer l’importance de ses connaissances nutritionnelles, tout en les mettant à distance, si besoin, pour valoriser d’autres éléments essentiels au « bien manger ». Si ce discours est plus prégnant chez les enquêtées favorisées, l’association entre santé, plaisir et convivialité a souvent été soulignée en France, même chez des enquêtées dont les pratiques alimentaires concrètes s’éloignent de ce « modèle alimentaire français ». Ce modèle est aussi utilisé pour critiquer les régimes amaigrissants trop restrictifs, bien que dans le même temps, la beauté soit plus associée à la minceur en France que dans les deux autres pays.

33 La France est, en effet, marquée par un souci de distinction qui tend à promouvoir à la fois le bon goût décrit par Norbert Elias dès le xvvii esiècle (Elias, 2000, [1939]), et la norme de minceur, particulièrement prégnante dans ce pays (Robineau, Saint Pol, 2013). Cette norme s’est manifestée dans le langage utilisé par les enquêtées – une connaissance correcte de leur IMC –, dans leur désir de maigrir et dans la valorisation d’une beauté amincie. Dans ce cadre, si les régimes sont critiqués, ce n’est que pour mieux valoriser un contrôle permanent de ce qui est consommé. Les règles nutritionnelles dominantes doivent ainsi être suivies, mais sans les expliciter, la pression sociale devant suppléer la connaissance trop technique de ce qu’il faut manger. Par conséquent malgré une norme de minceur très prégnante, les répondantes françaises n’ont pas déclaré dans le questionnaire faire plus de régimes qu’ailleurs. Avouer avoir eu besoin de faire un régime est défini comme l’aveu d’un échec : celui de réussir à s’autocontrôler et de manger équilibré au quotidien « naturellement ».

34 Cette dimension distinctive de l’alimentation française se retrouve dans le désir d’ascension sociale de certaines enquêtées d’origine populaire et dans leur souhait de passer d’une alimentation « désordonnée » à une alimentation « équilibrée » par le truchement de pratiques très restrictives. Nabila, 42 ans, en léger surpoids, modératrice de sites internet en arrêt maladie, est mariée à un technicien ayant fait peu d’études. Elle a perdu quarante kilos en changeant ses pratiques alimentaires et celles de sa famille algérienne et en arrêtant de boire de la limonade « à chaque repas ». Elle défend désormais sa capacité à faire des légumes et des produits « sains » et note les sensations de légèreté qu’elle peut avoir après le repas, sa capacité à manger « avec faim » ainsi que « l’écoeurement » de ses anciennes pratiques alimentaires :

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– Ah non maintenant le chocolat m’écœure, ah non c’est fini maintenant. Ah non, non, je ne peux plus ça, c’est fini quoi….Y a eu Noël là, j’ai mangé une bonne papillote, des bonnes papillotes, après c’était fini, ça m’a écœuré, ça m’écœure maintenant. Ouais, non, non, mais là… Là je mange normalement, ce n’est pas…de toute façon je ne peux pas m’affamer, je mange quand j’ai faim, c’est tout.

36 Nabila critique désormais celles qui doivent faire des régimes parce qu’elles n’arrivent pas à se contrôler au quotidien. Ce discours est fréquent chez les enquêtées françaises rencontrées et témoigne à la fois de la force des règles nutritionnelles dominantes, mais également de l’injonction à la minceur. Cependant ces normes alimentaires et esthétiques peuvent dans le même temps être relativisées, ou du moins distancées dans une approche globale, qui conduit à défendre fréquemment en France la convivialité alimentaire, le plaisir gustatif et le respect de l’organisation des repas.

En Angleterre, une culpabilité à digérer

37 Si, en Angleterre, 25 % des hommes et 28 % des femmes affirment respecter les recommandations officielles des « cinq fruits et légumes par jour » (Health Survey for England, 2013), les Anglais cuisinent cependant moins d’ingrédients non transformés que les Français, déjeunent moins chez eux, consomment plus de snacks [5] et de produits tout prêts ou à emporter et suivent moins souvent la norme des trois repas par jour (Pettinger et al., 2006). Le temps passé à cuisiner et à manger a aussi baissé depuis les années 1960 (Warde et al., 2007). Ces évolutions pourraient expliquer que l’Angleterre soit l’un des pays d’Europe avec la plus forte prévalence de surpoids et d’obésité.

38 Cette transformation des habitudes alimentaires est à mettre en lien avec une représentation assez négative de l’alimentation en Angleterre (Mennell, 1985) qui s’est retrouvée dans le questionnaire. Chaque répondante a pu donner son opinion à la question « Pour vous, manger c’est : ». À l’aide de deux modèles de régression logistique, nous avons estimé l’effet du pays de résidence sur la probabilité d’avoir répondu être en accord ou tout à fait en accord avec les propositions « manger est un moment de stress » (Modèle 1) et « manger est une contrainte » (Modèle 2). On observe que le pays de résidence exerce des effets positifs et statistiquement significatifs : les Allemandes et les Anglaises répondent plus souvent que les Françaises, à âge, poids et niveau de diplôme équivalent [6], être « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec la proposition « un moment de stress » (odds-ratio de 2.05 et 2.97). Les Allemandes répondent également plus souvent être « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec la proposition « une contrainte » (odds-ratio de 2.53), mais ce sont surtout les Anglaises qui répondent, toutes choses égales par ailleurs, beaucoup plus souvent que les Françaises être « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec la proposition « une contrainte » (odds-ratio de 39.25). Le pays de résidence a ainsi un effet très important sur le rapport à l’alimentation des répondantes, les Françaises ayant une représentation plus positive de cet acte quotidien.

Tableau 1 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de considérer le repas comme un moment de stress ou une contrainte

Tableau 1 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de considérer le repas comme un moment de stress ou une contrainte Tableau 2 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de répondre « être fréquemment au régime »

Tableau 1 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de considérer le repas comme un moment de stress ou une contrainte

Odds-ratios issus de deux modèles de régression logistique. On modélise la probabilité d’avoir répondu « plutôt d’accord » ou « tout à fait d’accord » plutôt que « pas du tout d’accord » ou « plutôt pas d’accord » aux deux propositions : « Pour vous, manger c’est : un moment de stress » et « Pour vous, manger c’est : une contrainte ».
Significativité : ‘***’ p< 0,001, ‘**’ p< 0,01, ‘*’p< 0,05, ‘.’ p< 0,1.
Source : « Les femmes et leur poids en France, en Allemagne et en Angleterre », 2010-2012.

39 Plusieurs études ont montré que les Anglais avaient une représentation très nutritionnelle de l’alimentation (Fischler, Masson, 2008), même dans des milieux très populaires (McKie, Wood, 1991) et qu’ils avaient peur de ne pas faire les bons « choix » alimentaires (Rozin et al., 2006). L’importance des règles se manifeste en effet moins dans une pression collective, comme en France, où chacun contrôle ce que l’autre consomme (en mangeant ensemble), que dans une injonction à la responsabilité individuelle. Pour répondre à celle-ci, les enquêtées anglaises portent une grande attention aux étiquettes nutritionnelles et aux calories. Ces dernières sont, par exemple, définies comme un combustible qui nourrit le corps. C’est le cas pour Shirley (An, 32 ans, fs, adjointe de direction au National Health Service) :

40

– Je pense que ce que tu mets dans ton corps va t’alimenter pour pouvoir agir, donc je pense que je peux toujours améliorer ça.

41 Shirley explique utiliser une application sur son téléphone qui lui donne les calories de tous les produits existants en Angleterre, ce qui lui permet de manger « consciemment » et d’être plus performante dans son alimentation, c’est-à-dire de respecter les injonctions nutritionnelles.

42 Cette recherche de performance se manifeste aussi dans la manière de s’approprier les normes alimentaires en allant jusqu’au bout de la logique binaire (aliments « sains » contre aliments « trop gras, trop sucrés, trop salés ») qu’elles énoncent. C’est le cas de Fiona, Anglaise de 58 ans, en léger surpoids, mère au foyer mariée à un consultant et également entrepreneuse cherchant à monter une entreprise de « snacks vegan ». Elle découvre le régime macro- biotique [7] après avoir été malade après sa deuxième grossesse, le suit pendant neuf mois, perd quelques kilos et se sent en très bonne santé. Les propos de Fiona sont empreints d’une distinction permanente et très moralisée entre ce qu’il est « bon » de manger et ce qu’il est « mal » de consommer. Après avoir consommé de la margarine pendant des années, elle découvre lors d’une émission télévisuelle que cette dernière est assimilable à du « plastique », ce qui la conduit à ne plus savoir que manger, entre le beurre trop gras ou la margarine plastique. Elle m’avoue à voix basse :

43

– J’ai été perverse je sais, mais j’ai commencé à manger du beurre.

44 Très renseignée sur les prescriptions alimentaires dominantes, elle promeut ainsi une norme alternative dans laquelle il ne suffit pas de manger des « fruits et légumes » pour être en bonne santé, les fruits étant en outre jugés trop acides selon son régime macrobiotique.

45 La défense d’une « alimentation particulière » comme celle de Fiona est très présente dans le discours des enquêtées anglaises (Fischler, Pardo, 2013), ces dernières se disant en outre plus souvent végétariennes, végétalienne (pour l’une d’entre elles), ou mangeant peu de viandes. Les prescriptions nutritionnelles sont dans ce cadre individualisées, non seulement au sens d’une responsabilité individuelle promue par les pouvoirs publics (Vallgårda, 2015), mais également dans un sens positif, chacun ayant la liberté de choisir ce qu’il veut consommer. Pour faire les « bons » choix, plusieurs enquêtées anglaises ont eu recours à une stratégie à la fois efficace, ludique et pratique : préparer ou acheter des jus de fruits ou légumes ou des smoothies (avec de la glace ou du yaourt en plus). Leanne, jeune Anglaise de 23 ans, puéricultrice, en fort surpoids, boit par exemple fréquemment un smoothie sur le chemin du travail, par « simplicité ». Ce pragmatisme est une solution permettant de respecter une partie des recommandations nutritionnelles, sans avoir besoin de cuisiner, ce que la plupart des jeunes enquêtées anglaises m’ont dit ne pas aimer faire.

46 Une autre solution consiste à se mettre au régime, ce qui permet à la fois de « manger ce qu’il faut », mais également de « prendre en main sa santé », injonction également très prégnante dans le discours anglais. Dans le questionnaire réalisé, nous avons utilisé un modèle de régression logistique polytomique ordonnée basée sur les catégories adjacentes pour identifier les déterminants de la fréquence des régimes. La variable dépendante a ainsi quatre modalités ordonnées : « n’a jamais fait de régime », « entre 1 et 5 », « entre 6 et 10 » et « tout le temps au régime » (voir tableau 2). Les femmes âgées de 45 à 59 ans choisissent plus la réponse « entre 6 et 10 régimes » que « entre 1 et 5 » en comparaison avec les 25-34 ans (odds-ratio de 2.96). Les plus corpulentes répondent aussi faire fréquemment des régimes. Mais ce sont surtout les répondantes anglaises qui se distinguent des Françaises, en choisissant plus que ces dernières, à âge, poids et niveau de diplôme égal, la réponse « tout le temps au régime » plutôt que « entre 6 et 10 régimes » (odds-ratio de 6.16).

Tableau 2 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de répondre « être fréquemment au régime »

Tableau 2 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de répondre « être fréquemment au régime »

Tableau 2 – Effets de la corpulence, de l’âge, du pays de résidence et du niveau de diplôme sur la probabilité de répondre « être fréquemment au régime »

Odds-ratio issus d’une régression logistique polytomique ordonnée basée sur les catégories adjacentes. La variable dépendante a été construite à partir des quatre modalités de réponse : 0 (n’a jamais fait de régime), 1 (entre 1 et 5), 2 (entre 6 et 10) et 3 (tout le temps au régime).
Significativité : ‘***’ p< 0,001, ‘**’ p< 0,01, ‘*’p< 0,05, ‘.’ p< 0,1.
Source : « Les femmes et leur poids en France, en Allemagne et en Angleterre », 2010-2012.

47 Ces régimes très courants témoignent cependant moins d’un idéal de minceur élevé – il l’est moins en Angleterre qu’en France (Saint Pol, 2008) –, que de la prégnance des injonctions alimentaires et sanitaires dans le discours public anglais. Les corps « trop corpulents » sont moins définis selon des critères esthétiques que selon des critères moraux et révèlent l’échec des personnes concernées à se prendre en main. Cette représentation sociale péjorative explique pourquoi les enquêtées et répondantes anglaises se sont dites plus souvent stigmatisées et discriminées qu’en France et en Allemagne, ce qui les poussent également à faire plus de régimes qu’ailleurs.

En Allemagne, une éthique à cuisiner

48 En Allemagne, les pratiques alimentaires se sont simplifiées comme dans les autres pays européens (Hayn et al., 2006). Le temps passé à table a cependant augmenté depuis une vingtaine d’années (Meyer, 2004), ce qui est lié à la présence plus importante des femmes dans le monde professionnel et par conséquent à l’importance grandissante du repas chaud le soir en remplacement de l’Abendbrot traditionnel (Leonhäuser et al., 2009). La dimension collective de l’alimentation y est cependant moins importante qu’en France. Certaines enquêtées mettent même à distance une convivialité qui influencerait trop fortement leurs prises alimentaires. Katharina (All, 55 ans, fs, journaliste, célibataire) pense par exemple que la solitude l’aide à apprécier ses repas, mais également à mieux les « digérer ». La différence entre la France et l’Allemagne tient cependant moins dans l’abandon de toute forme de collectivisme, que dans la défense d’une forme différenciée de convivialité, proposant un contenu alimentaire moins uniforme (voire pas de contenu commun) entre les membres de la table (Danesi, 2013).

49 Si 13 % des Allemands disent consommer trois portions de légumes quotidiennement et 40 % deux portions de fruits (Rubner-Institut, 2008), ce sont, comme en France et en Angleterre, les femmes et les classes supérieures qui en consomment le plus. Mais contrairement au cas français, les « ouvriers » ne cherchent pas à imiter les pratiques des « cols blancs », bien que leur budget alimentaire soit très proche (Pfirsch, 1997). Ainsi, alors que les catégories favorisées deviennent de plus en plus végétariennes, les ouvriers continuent à valoriser de leur côté la consommation de viandes et de charcuteries.

50 Plusieurs végétariennes ont été rencontrées en Allemagne et plusieurs enquêtées allemandes ont des enfants végétariens ou végétaliens, ce qui est congruent avec les résultats d’une étude de 2002 qui mentionnait 2 % de végétariens en France, 8 % en Allemagne et 9 % en Angleterre (Walter, Baerlocker, 2006). « Bien manger » n’est, dans ce cadre, plus défini uniquement comme une alimentation limitée en gras, sucres et en calories, mais également comme une alimentation qui fait en même temps « du bien à la planète », moins de mal aux animaux et limite l’exposition aux produits chimiques jugés dangereux. Une enquête de 2003-2004 (Hayn, 2006), analysant le quotidien alimentaire des Allemands, a ainsi permis de montrer le lien entre les valeurs éthiques et écologiques des individus et leurs achats, cuisines et comportements alimentaires au sens large.

51 Dans ce cadre, « acheter des produits bio » est fortement valorisé et a pu être défini comme un des éléments de la nouvelle morale alimentaire allemande (Barlösius, 2008). Ses valeurs gustatives et nutritionnelles sont prises comme découlant de son éloignement aux procédés industriels de fabrication. Stefanie (All, 65 ans, tfs, employée dans une association, divorcée) achète par exemple son pain, ses céréales, son lait et ses tomates « bio » et a noté des particularités nutritives au pain bio :

52

– Après une tranche, tu n’auras plus faim. Tu n’as plus besoin de deux ou trois pains, tu as seulement besoin d’un pain bio.

53 Julia (All, 50 ans, fs, employée à temps partiel à la poste, célibataire) fait, elle, ses courses dans des magasins peu onéreux comme Aldi ou Liddle, mais y a découvert un rayon « bio » qu’elle utilise systématiquement pour le pain et le lait et régulièrement pour les fruits et légumes. Son cas n’est pas isolé parmi les enquêtées alle- mandes de milieu populaire.

54 Cette attention plus grande à la production, à l’écologie et à l’éthique n’empêche pas la prégnance des injonctions nutritionnelles plus traditionnelles et la critique de l’obésité dans le discours public allemand. Alors qu’une forte tolérance entoure les légères rondeurs, les enquêtées et répondantes catégorisées comme « obèses » se disent fréquemment stigmatisées et discriminées pour leur poids. Les discours de santé publique qui critiquent les coûts du surpoids et de l’obésité pour le système public, poussent ainsi les personnes obèses à se « prendre en main » – mais avec moins d’emphase qu’en Angleterre (Vallgårda, 2015). Les enquêtées les plus corpulentes sont ainsi celles qui culpabilisent le plus sur leurs rondeurs. L’attention au végétarisme ou à la qualité nutritionnelle des aliments n’est, en outre, pas toujours indépendante chez les enquêtées allemandes d’un désir de perdre du poids, même si l’idéal exprimé est moins bas que dans les discours français.

55 Certaines enquêtées allemandes ont cependant choisi de rappeler à l’arène publique que d’autres problématiques – telles que la présence de produits dangereux dans l’alimentation ou la dimension éthique et écologique de certaines consommations – sont tout aussi importantes pour la santé. Plutôt que de critiquer les standards nutritionnels, ces enquêtées en montrent les limites et valorisent une alimentation dite « naturelle », mais surtout plus écologique et plus éthique. Elles se dédouanent ainsi de l’accusation d’immoralité qui porte sur leurs pratiques alimentaires, qu’elles jugent « plus morales » que les alimentations dites saines, mais industrielles ou peu éthiques.

Conclusion 

56 Les messages de santé publique autour de l’alimentation sont plutôt bien connus par les enquêtées et les répondantes des trois pays analysés. Les valeurs et pratiques sont cependant fortement modelées par la socialisation familiale et professionnelle, ainsi que par le prix des produits « sains ». La corpulence peut également reconfigurer les différences sociales, tant l’influence de la norme de minceur, les injonctions médicales et nutritionnelles à être une « bonne mangeuse » et la fréquence des stigmatisations, peuvent conduire à rapprocher le vécu des femmes corpulentes de tous milieux sociaux. La mise au régime conduit ainsi des enquêtées d’origine populaire à défendre leurs nouvelles sensations gustatives et la satisfaction de leur nouvelle corpulence, sur des modèles alimentaires et corporels très proches des classes favorisées. À l’inverse, les trajectoires pondérales, et notamment la perte et la prise de poids répétitives, peuvent pousser des enquêtées très éduquées à remettre en question l’idéal de minceur, les règles nutritionnelles trop strictes et la valorisation du contrôle alimentaire contre une écoute corporelle défendue comme plus saine.

57 Les enquêtées utilisent également le contexte national de leur pays – ses traditions et ses valeurs alimentaires – pour négocier les normes dominantes et refuser la stigmatisation qui en découle. Les enquêtées françaises utilisent le « modèle alimentaire français » pour valoriser les règles nutritionnelles (même lorsqu’elles ne les appliquent pas) tout en les mettant à distance (même lorsqu’elles cherchent à les appliquer). Le plaisir alimentaire sert ainsi à contrebalancer une norme de minceur très exigeante. En Allemagne, les enquêtées critiquent les normes alimentaires qui ne prennent en compte ni la dangerosité des produits chimiques utilisés, ni l’éthique ou l’écologie. Les pratiques alimentaires ne doivent pas simplement suivre les règles nutritionnelles pour être perçues comme « moralement bonnes ». En Angleterre, la valorisation publique de la responsabilité individuelle semble d’autant plus stigmatisante aux enquêtées que leur corps témoigne de leur incapacité à suivre les normes prônées par le National Health Service. Elles s’arrangent donc soit en faisant plus de régimes qu’ailleurs, soit en adoptant des pratiques alimentaires « particulières », soit en trouvant des stratégies pragmatiques pour s’approcher des cinq fruits et légumes par jour.

58 Les recommandations nutritionnelles sont ainsi saisies par les enquêtées et répondantes anglaises comme un objectif à atteindre, en termes de performance, alors qu’elles sont prises comme une évidence devant être négociée en France et un étalon de mesure à améliorer en Allemagne. Définir ce qu’est le « bien manger » dépend ainsi autant des rondeurs des enquêtées et de leur milieu social que du contexte national dans lequel elles évoluent.

Notes

  • [1]
    Ces prévalences sont calculées à partir de l’Indice de masse corporelle (IMC), c’est-à-dire par le poids (en kilos) divisé par la taille (en mètre) au carré. Les seuils utilisés sont ceux recommandés par l’OMS ; Maigreur : moins de 18,4 kg/m² ; Normo-pondéral : 18,5-24,9 kg/m² ; Surpoids : 25-29,9 kg/m² ; Obésité modérée : 30-34,9 kg/m² ; Obésité sévère : 35-39,9 kg/m²; Obésité morbide : plus de 40 kg/m².
  • [2]
    Les entretiens et le questionnaire ont été réalisés en Angleterre, nous parlerons donc uniquement de ce pays.
  • [3]
    Chaque enquêtée sera présentée selon son pays (An = Angleterre/Fr= France/All=Allemagne), son âge, sa corpulence (ls=léger surpoids/fs = fort surpoids-obésité modérée/tfs = obésité), son métier et celui de son/sa partenaire.
  • [4]
    http://www.gros.org/
  • [5]
    Dans cette étude citée, 58,8 % des Anglais disaient manger des snacks du type chips/produits frits une fois par semaine, contre seulement 6 % des Français.
  • [6]
    Les niveaux de diplôme ont été choisis de manière à être comparables dans les trois pays : quatre années ou plus validées dans l’enseignement supérieur (Master, Diplôme d’ingénieurs, de commerce, IEP, Abgeschlossenes Hochschul-/Universitätsstudium, MA, Msc, PhD, PGCE, etc.) / entre une et trois années validées dans l’enseignement supérieur (Licence, Deug, BTS, IUT, Abgeschlossenes Fachhochschulstudium, BA, Bsc, HND, RSA Higher Diploma, Foundation degree, etc.) / diplôme de niveau Bac (Abitur, A-levels, High School Certificate, etc.) / diplôme de fin de collège ou de niveau lycée (Brevet des collèges, BEPC, CAP, BEP, Mittlere Reife, Hauptschulabschluss, GCSE, Technical School Certificate, etc.) / aucun diplôme ou Certificat d’études primaires.
  • [7]
    C’est un régime développé au milieu du xx e siècle par le Japonais Georges Ohsawa, et qui s’appuie sur des principes spirituels et philosophiques (notamment la séparation du monde en Yin et Yang) pour déterminer ce qu’il est bon de manger.
Français

En s’appuyant sur l’analyse de 86 entretiens semi-directifs et de 319 réponses de femmes catégorisées médicalement « en surpoids » et « obèses » à un questionnaire réalisé en France, en Allemagne et en Angleterre, cet article vise à mettre en lumière l’influence du poids, des caractéristiques socio-économiques et du pays de résidence sur la réception et la mise en pratique des recommandations nutritionnelles officielles. Alors qu’en France, l’idéal de minceur et le respect des règles sont contrebalancés par la valorisation du plaisir alimentaire ; en Angleterre le sentiment de culpabilité et l’importance du pragmatisme façonnent un rapport plus individualiste aux normes nutritionnelles. En Allemagne enfin, les valeurs écologiques et éthiques tendent à promouvoir des comportements plus exigeants que l’obéissance stricte aux injonctions nutritionnelles. Ce que signifie « bien manger » est ainsi façonné par les cultures nationales.

Mots-clés

  • Alimentation 
  • Allemagne 
  • Angleterre 
  • Différences socio- économiques 
  • France 
  • Genre 
  • Poids 
  • Régimes

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Solenn Carof
a réalisé sa thèse de sociologie à l’EHESS, sous la direction de Claude Fischler, sur le surpoids et l’obésité en France, en Allemagne et en Angleterre. Elle réalise actuellement des recherches post-doctorales, soit en association avec son ancien laboratoire de thèse, le Centre Edgar Morin (IIAC-EHESS), soit en association avec le CSO (Centre de sociologie des organisations) à Sciences Po. Elle a écrit : « Le régime amaigrissant : une pratique inégalitaire ? », Journal des anthropologues, 2015, 140/141, pp. 213-233.
Inserm (SESS – TIM - Canbios)
solenncarof@yahoo.fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/05/2017
https://doi.org/10.3917/anso.171.0107
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