1 Les satisfactions qu’on peut tirer d’un animal de compagnie peuvent apparaître à un ménage, personne seule ou famille, qui n’en possède aucun et n’en a jamais possédé, sans commune mesure avec les contraintes qu’il impose et les coûts occasionnés par cette présence supplémentaire et pourtant près d’un ménage sur deux continue à en posséder. Pour expliquer cet attachement qui a résisté à la migration de la campagne vers la ville, aux difficultés économiques de l’emploi et aux transformations de la vie conjugale, les sociologues ont privilégié la relation symbolique à l’animal et les attentes largement inconscientes qu’entretient le maître à son égard (Héran, 1987 ; Yonnet, 1983).
2 Nous proposons ici d’approcher ce phénomène sous un angle différent. Il n’est pas nécessairement en contradiction avec le précédent, mais il permet de faire ressortir des données importantes et originales, qui restent invisibles dans d’autres perspectives. Dans notre approche quantitative, nécessairement partielle, la possession d’un animal de compagnie est le résultat d’une décision qui n’est pas fondamentalement différente de celle que prend le ménage vis-à-vis des produits de la consommation. Gary Becker (1973 ; 1974) est le premier à avoir appliqué l’analyse économique à ce type de décisions, notamment dans le domaine de la démographie. Dans sa mouvance, il est devenu légitime d’analyser des phénomènes comme le choix du conjoint ou les décisions de fécondité en utilisant les outils de la microéconomie, avec à la base un agent maximisant son utilité sous contraintes. L’analyse présentée s’appuie sur ce type d’ap- proche. Chaque espèce animale offre des opportunités de service que le ménage est en mesure de saisir ou non selon ses ressources budgétaires et le temps libre dont il dispose. Pour surveiller son domicile, aller à la chasse ou donner un compagnon de jeu à son enfant, le ménage ne retient pas le même animal. Car les différentes espèces animales et les différentes races n’ont pas les mêmes capacités à remplir les services divers qu’on attend d’elles. Comme le suppose Lancaster (1966), le consommateur n’arbitre pas entre des biens ou des paniers de biens mais entre leurs caractéristiques. Cette décision tient compte des conséquences multiples qu’un genre particulier d’équipement peut avoir sur les autres aspects de son mode de vie. De la même façon, le ménage choisit le nombre d’animaux et l’espèce de chacun en fonction des propriétés supposées de chaque animal ou du groupe de plusieurs animaux que peut comporter ce que nous appellerons la ménagerie domestique.
3 Bien entendu, l’animal de compagnie a d’autres propriétés, qui peuvent être également étudiées à travers des approches quantitatives. Il entretient une proximité physique avec certaines personnes au point qu’il est le témoin de leur vie intime et, souvent, intervient comme acteur dans leurs épanchements sentimentaux [1]: il est caressé, câliné ou subit la colère du maître. Toutefois, nous n’aborderons pas ici cet aspect. Aucune des deux enquêtes de l’Insee, ni « Budget de Famille 2010 », ni « Trois aspects du mode de vie 1988 » sur lesquelles nous nous appuierons principalement ici [2], ne fournit d’informations sur l’aspect émotionnel de la relation entre l’animal et ses maîtres. Dans l’étude que nous présentons le nombre d’animaux possédés et leur espèce sont utilisés comme un premier type d’indicateurs : celui des usages possibles de l’animal dans le foyer. En tant qu’instrument présentant une certaine combinaison de propriétés, chaque animal familier est en compétition ou en complémentarité avec d’autres animaux, mais aussi des biens matériels et des services. Tableaux et gravures, plantes et fleurs, mais aussi poissons rouges dans leur bocal se complètent ou s’excluent pour la décoration du logement ; alarme électronique et chien pour sa surveillance ; ronronnement du chat et psychothérapie pour calmer les chagrins des enfants. Un second groupe de caractéristiques concerne les ménages. Leurs besoins, goûts ou préférences dépendent de leur situation matérielle, mais aussi de leurs convictions idéologiques ou morales. Par exemple, le débat actuel sur la cause animale peut conduire à s’interroger sur le bien-fondé d’une vie de chien en appartement, mais peut aussi pousser à adopter un chat errant. En conséquence, l’habitat, le milieu social, la composition du ménage et l’âge sont considérés dans notre analyse comme des contraintes autant que comme les indicateurs de goût caractérisant aussi bien les possesseurs que les non-possesseurs d’animaux de compagnie.
4 Les deux enquêtes ont été réalisées à plus de vingt ans d’intervalle. Elles font apparaître que la France reste également partagée entre possesseurs et non-possesseurs (tableau 1). Mais cette stabilité du taux de possession n’implique pas que la relation entre l’animal de compagnie et son maître soit restée identique. Sans vouloir attribuer l’évolution observée à celle des seules préférences, il est désormais attendu de l’animal familier moins de services domestiques et plus de compagnie dans les loisirs.
Tableau 1 : Comparaison de ménageries domestiques entre 1988 et 2010.

Tableau 1 : Comparaison de ménageries domestiques entre 1988 et 2010.
(Cinq premières lignes du tableau : % de ménages possesseurs d’animaux de compagnie ayant le type de ménagerie considéré. Dernier ligne : % de ménages ayant au moins un animal de compagnie)Le chien : le recul des usages utilitaires….
5 Dans la représentation collective, le chien garde en partie son image ancienne de compagnon dans le travail humain. Après un dressage spécifique, il peut guider les aveugles dans les transports publics ou suivre la trace d’une personne recherchée par la police. Il rassemble les moutons et garde le troupeau contre les loups, si le berger l’a élevé dans le troupeau. Il tire en meute les traîneaux. Il porte secours dans les avalanches. Pour les particuliers, il n’en reste pas moins un animal dangereux [3]. Dans l’espace public, il doit être tenu en laisse et porter l’identification de son propriétaire sur son collier. Sa présence à la maison est censée dissuader les voleurs et autres visiteurs non désirés si le ménage ne peut compter sur la surveillance de voisins. Au-delà de ces croyances et de ces faits, quelles évolutions les statistiques donnent-elles à voir durant les vingt dernières années (1988-2010) quant à la possession des chiens ?
Un loisir de plein air et de bon voisinage
6 Les effets de plusieurs facteurs, toutes choses égales par ailleurs, peuvent être évoqués sur ce point, et d’abord celui de l’âge. La possession d’un chien selon l’âge de la personne de référence, au sens de l’Insee, fait ressortir des changements entre les deux enquêtes. En 1988, le pic de la possession se situe entre 35 et 65 ans, conséquence d’une acquisition assez tardive. En 2010, les jeunes de moins de 35 ans ne sont pas moins « équipés » que les personnes qui ont la maturité (tableau 2.1 en annexe). Cette acquisition précoce du chien peut s’expliquer par des évolutions démographiques. La mise en couple est plus tardive et surtout l’âge de la jeune femme à la naissance du premier enfant ne cesse de reculer (Buisson, Lapinte, 2013). L’acquisition d’un chien peut marquer une étape avant l’arrivée éventuelle des enfants. Compagnon de son maître et/ou de sa maîtresse dans ses promenades, il est aussi un médiateur de sociabilité. Promener le chien est un moyen de rencontrer d’autres personnes qui, elles aussi, promènent leur chien. Dans les grandes agglomérations, ces rencontres sont une des sources de la sociabilité de voisinage (Jacobs, 1961). Car elles réunissent régulièrement les mêmes personnes, qui habitent à proximité les unes des autres, qui partagent le même goût pour les animaux de compagnie et surtout qui disposent de compétences complémentaires pour échanger des conseils sur leur animal (vétérinaires, produits alimentaires, gardiennage).
7 Accompagnateur utile pour briser l’anonymat urbain de son voisinage, le chien est toutefois aussi un embarras pour les ménages qui font de fréquents déplacements. En 1988, avoir un chien était également répandu dans tous les milieux sociaux. Ce n’est plus vrai en 2010 (tableau 2.1 en annexe). Les agriculteurs, catégorie sociale qui continue de partir en vacances moins souvent que les autres, ont plus de chiens que les salariés. En revanche, les artisans et commerçants qui ne se distinguaient pas des agriculteurs en 1988 possèdent en 2010 moins souvent un chien que ceux-ci. Les progrès de la surveillance électronique les ont convaincus de n’avoir plus autant besoin de chiens. Les cadres, qui fractionnent leurs départs en vacances plus que les autres milieux sociaux (Chenu, Herpin, 2002), renoncent aussi à avoir un chien. Peut-être est-ce dû aussi à la moindre participation de ce milieu social à la chasse (Fradkine, 2015) (Encadré 1 : La chasse : un loisir masculin en déclin et qui devient de plus en plus populaire).
Encadré 1 : La chasse : un loisir masculin en déclin et qui devient de plus en plus populaire.
La même source confirme, en revanche, qu’est resté stable le fait que la chasse reste un refuge des hommes pour se retrouver entre eux. 95 % des nouveaux permis de chasse sont accordés à des hommes. Dans un sondage d’opinion portant sur la chasse, réalisé en 2008, le CSA interroge, cette fois-ci, un échantillon représentatif des hommes et des femmes de plus de 18 ans. Ils sont 8 % à déclarer être chasseurs ou avoir été chasseurs dans le passé, et sont beaucoup plus nombreux parmi les hommes que parmi les femmes.
8 Un second clivage qui n’existait pas en 1988 apparaît en 2010. D’abord, les plus diplômés sont moins souvent possesseurs exclusifs d’un chien que les moins diplômés (tableau 2.2 en annexe). Les premiers étant plus souvent amenés à sortir pendant leur temps de loisir que les seconds, le chien serait un handicap. En revanche, il est un complément souhaitable pour ceux qui ont des loisirs casaniers. Toutefois, ce ne sont pas les plus diplômés du supérieur qui possèdent le moins cet animal, mais ceux qui n’ont atteint que des diplômes universitaires du second cycle. On peut avancer que ceux qui ont un doctorat universitaire ou un diplôme des grandes écoles sont devenus plus casaniers, ayant « massivement investi Internet » (Donnat, 2009).
La transmission intergénérationnelle du goût pour la possession de chien
9 Aux deux dates d’enquête, la région méditerranéenne abrite des ménages possesseurs uniquement de chien(s) en plus grand nombre que les autres régions françaises (tableau 2.2 en annexe). Le climat du Midi rend plus aisée la vie en plein air, ce qui est favorable aux promenades du chien et de son maître. Le goût pour le fait d’avoir un chien s’y transmet d’une génération à la suivante, surtout si la suivante y réside toujours [4]. Enfin, cet effet de génération joue aussi pour expliquer pourquoi les Français sont plus souvent possesseurs de chien que les résidents en France d’un autre pays européen (tableau 2.1 en annexe). Élevés plus souvent que ceux qui sont nés à l’étranger dans une famille où il y avait un chien, les Français de souche reproduisent la situation de leurs parents d’autant plus facilement qu’ils ont acquis dans leur enfance les savoir-faire pour être un bon maître de chien. Beaucoup de personnes de nationalité étrangère n’ont pas bénéficié de cet apprentissage étant jeunes (encadré 2 : Éléments de comparaison internationale). On peut aussi faire valoir le fait que l’on peut difficilement passer d’un pays à l’autre accompagné d’un chien.
Encadré 2 : Éléments de comparaison entre pays.
Pour la France, l’enquête Facco/TNS Sofres 2012 dénombre, dans les aquariums des ménages, 35 millions de poissons, dans leurs volières, 6,5 millions d’oiseaux et dans leur logement, 2,5 millions de petits mammifères, mais aussi 7,4 millions de chiens et 11,4 millions de chats.
Pour le Royaume-Uni, en 2010, l’Université de Bristol a effectué un sondage auprès des ménages anglais. Chiens et chats sont aussi nombreux au Royaume-Uni : 10,5 millions pour les premiers et 10 millions pour les seconds.
Pour les États-Unis, un sondage réalisé entre 2007 et 2009, sous la direction de Peter Dwaer, estime le nombre de chats supérieur à celui des chiens : respectivement 93,6 millions et 79,5 millions.
Le même sondage estime le nombre de chevaux à 13,3 millions, celui des oiseaux à 15 millions, celui des reptiles à 13,6 millions, celui des poissons d’eau douce à 171,7 millions, celui des poissons d’eau de mer à 11 millions et autres petits animaux à 16 millions.
Les chiens par groupes de pays.
Pour les chiens, la France n’occupe qu’une position moyenne
dans la comparaison internationale. Les pays ont été regroupés en quatre groupes selon le taux de possession des chiens par personne.
Le nombre de chiens est indiqué quand la source est connue.
Les autres évaluations sont celles de Wikipedia en français, article « Chien ».
• 1 chien pour 5 ou 6 habitants : Afrique du Sud, Australie, Brésil,
Canada, USA (soit 79,5 millions de chiens) et Pologne.
• 1 chien pour 7,8 ; 9 ou 10 habitants : Italie, France (7,4 millions),
Nouvelle Zélande, Thaïlande, UK (10,5 millions).
• 1 chien pour 13-20 habitants : Japon, Russie, Malaisie, Indonésie.
• 1 chien pour 62 habitants, soit 22 millions de chiens, en Chine
• 1 chien pour 2 609 habitants, soit 440 000 chiens, en Inde.
…. et le recul de la possession d’un chien
10 Entre 1988 et 2010, le chien avec ou sans autre animal de compagnie a diminué de presque un tiers des ménages possesseurs, de 35 % à 24 % (tableau 1). La chute est encore plus importante pour la possession exclusive d’un chien. Elle est presque de moitié : de 19 % à 11 %. Le recul de la possession d’un chien ne s’explique pas par les évolutions du revenu. En 2010 comme en 1988, le revenu du ménage n’est corrélé ni positivement ni négativement à la possession d’un chien. L’offre marchande, les dons et le troc permettent un approvisionnement pour toutes les bourses. Le chien est bon marché s’il est adopté à la SPA (Société Protectrice des Animaux). Le chien d’une race peu commune qu’on se procure dans une animalerie du bord de Seine, à Paris, ou chez un éleveur qui a pignon sur internet, est un achat de luxe. Cela ne signifie pas, pour autant, que tous les goûts soient satisfaits, ni que les frais afférents à chaque espèce (vétérinaires, alimentation, habillement) soient les mêmes pour tous les ménages. La possession d’un chien est accessible à tous les niveaux de revenu, mais pas la qualité, si l’on désigne par-là la race [5].
11 Quatre évolutions sont à prendre en compte pour comprendre le recul que connaît la population des chiens dans les ménages entre les deux dates. La première est liée à l’habitat en maison individuelle. En 2010 comme en 1988, les chiens sont plus fréquents chez les habitants de maison individuelle que chez ceux qui vivent en ap- partement (tableau 2.1 en annexe). Est-ce parce qu’un tel logement est plus vulnérable au vol que l’appartement et, qu’y habitant, on réalise qu’il faut un chien pour se protéger ? N’est-ce pas plutôt la causalité inverse ? On choisit la maison individuelle, entre autres raisons, parce qu’elle offre plus d’espace que l’appartement pour le même coût, ce qui rend la cohabitation du maître et de l’animal plus facile. Cette seconde interprétation est plus plausible. Le taux de possession d’un chien n’est, en effet, pas plus élevé en maison isolée qu’en maison de ville où l’on peut compter sur ses voisins pour la surveillance (tableau 2.1 en annexe). Quelle que soit la raison du « suréquipement » en chien en maison individuelle, cette source d’incitation à l’acquisition d’un chien s’est tarie. La progression de la possession de maison individuelle par rapport à celle d’appartement s’est interrompue depuis 2000 [6].
12 Une deuxième cause, dont les effets sont plus anciens, est liée à l’urbanisation et aux politiques municipales. Les nuisances collectives du chien ont donné lieu à estimation de leur coût dans certaines villes. Bien qu’impliquant des risques électoraux pour le parti politique au pouvoir s’engageant sur ce sujet de discorde, la possession de chien en ville a été découragée par les élus à cause des déjections canines. À Paris, par exemple, la population canine en produit 16 tonnes par jour (Fremy, Fremy, 2005, p. 231). Des « moto-crottes » ont été créées dans les années 1990 dans la capitale et, même si elles ont disparu, les Parisiens s’en souviennent.
13 Un autre type de campagnes publiques, en phase avec les idées de conversion écologique des modes de vie, a rendu les acheteurs d’animaux éventuels plus conscients de leurs responsabilités. Dans les années 1990, la SPA a mobilisé ses militants et fait campagne pour lutter contre l’abandon des animaux de compagnie au moment des vacances. L’animal est « adopté », comme il est dit désormais, quelle que soit la procédure d’acquisition utilisée. Le ménage prend alors un engagement. Il s’impose, en connaissance de cause, des contraintes particulièrement lourdes, surtout en ville et si le chien est de grande taille.
14 Enfin, depuis la fin des années 1970, le nombre des chasseurs diminue régulièrement [7]. Les porteurs de permis de chasse, qui étaient plus de deux millions en 1976/1977, ont diminué de moitié en 2010/2011. C’est autant de chiens qui n’ont pas trouvé preneurs à la suite des grands bouleversements qu’a connus la chasse.
Une comparaison à l’avantage du chat
15 Le chat, quant à lui, a connu ces dernières années une évolution sensiblement différente. Il a été longtemps laissé à demi-sauvage dans les fermes pour le rendre plus efficace dans la chasse qu’il faisait aux rats et autres rongeurs, la récolte devant être défendue, une fois entreposée dans la grange. En 2010, le chat comme seul animal dans le ménage remplit ce service en chassant les souris et les autres rongeurs, ce qui est plus particulièrement nécessaire quand la maison individuelle est isolée (tableau 3.2 en annexe). Son usage utilitaire ne va pas au-delà. À la différence du chien, le chat a longtemps été tenu à distance par les humains en raison des difficultés rencontrées pour son dressage. Dans les comparaisons entre le chien et le chat, les ménages font valoir la forme de leur intelligence. Certes, la domestication du chat ne permet pas les mêmes usages dans le cadre du travail que pour le chien. Mais l’intelligence, volontiers prêtée aux chats, est généralement valorisée par leurs possesseurs, par contraste avec les chiens. Dans les tests scientifiques, le chat apprend à sortir des cages. Il peut tirer sur des cordelettes au bout desquelles sont attachés des morceaux de nourriture. Parmi plusieurs cordelettes, il peut aussi distinguer celle où est attachée la nourriture. Sans entrer dans la polémique où s’affrontent les partisans du chien et ceux du chat sur leur intelligence, ce dernier « apprend » les caractéristiques de son habitat et sait alors y intervenir. Cette forme d’intelligence est appelée « opérante » par les psychologues. Les cas de « migrations » à longue distance, que les chats sont capables d’effectuer pour revenir chez eux, laissent penser qu’ils ont des capacités que l’on n’explique pas encore très bien.
Chat et chien n’entrent pas dans le ménage de la même façon.
16 En 2012, en grande majorité, les chats ne sont pas achetés [8]. Les trois premières races (Siamois, Persan et Chartreux) qui, elles, sont acquises au terme d’une procédure de sélection ne regroupent que 7 % des chats. Les trois quarts de ceux détenus pas les ménages sont des « chats européens », appellation « marketing » des chats de gouttière. La plupart ont été donnés par la famille, les amis ou les voisins quand, le plus souvent, ils étaient des chatons. À la campagne, plus qu’à la ville, certains se sont installés, de leur propre choix, dans les demeures. En revanche, les chiens sont le plus souvent choisis. Sept chiens sur dix sont de race ou ont une apparence de race. Les quatre premières (Labrador, Yorkshire, Terrier et Caniche) regroupent 20 % des chiens détenus pas les ménages. Le chiot s’achète dans les animaleries, chez les éleveurs ou par Internet, par exemple sur des sites comme « Le Bon Coin », où les prix sont affichés.
17 Le dressage du chien, qui implique récompenses et punitions physiques, demande aussi au maître du temps et de l’argent. L’éducation du chat qui exclut tout recours à la force ou à la contrainte ne demande pas les mêmes investissements de la part du maître. Indépendamment de l’attachement sentimental à l’animal, le maître perd plus à remplacer son chien que son chat. Le chat, en effet, ne s’éduque que de façon limitée à condition que ses maîtres l’aient traité affectueusement et de façon constante, depuis qu’il est chaton. En général, le chat, moins formé aux attentes de ses maîtres, est aussi moins fidèle que le chien. Il garde plus que le chien des comportements sauvages et a une double vie la nuit [9]. En ville et plus encore en campagne, il a son territoire de chasse. Enfin, on attend un service du chien, pas du chat.
Les ménages à chien et les ménages à chat selon la région de résidence
18 Avoir une ménagerie domestique d’une seule espèce distingue les possesseurs de chien ou de chat selon la région de leur résidence (tableaux 2.2 et 3.2 en annexe). Une ménagerie composée seulement de chien(s) est plus fréquente dans la seule région Méditerranée, où le climat favorise la vie en plein air, comme il a été dit plus haut. Une ménagerie composée uniquement de chat(s) caractérise toutes les régions du sud de la France mais aussi de l’est, où la végétation présente des conditions meilleures pour la vie semi-sauvage. Le contraste entre les régions serait accentué si l’on disposait de données statistiques sur les chats non domestiqués. Même si la reproduction du chat est de plus en plus contrôlée [10], le chat, qui conserve une partie de la nuit une vie à l’extérieur du foyer, se multiplie dans des régions où les conditions naturelles sont favorables à la vie sauvage. Les chiens errants, en revanche, ne sont pas tolérés et ce depuis plus d’un siècle [11].
La progression de la possession du chat par rapport à celle du chien
19 Les raisons du succès du chat sont, en miroir, celles du relatif désamour pour le chien. Entre 1988 et 2010, la proportion des possesseurs de chat(s) avec ou sans autre animal de compagnie a augmenté de presque un cinquième, de 22 % à 26 % (tableau 1). L’augmentation est encore plus importante pour la possession exclusive de chat(s). Elle est de plus de la moitié, de 9 % à 14 %. Cette évolution en faveur du chat n’est pas propre à la France (encadré 2 : Eléments de comparaison entre pays). Il revient moins cher que le chien à l’acquisition et vraisemblablement aussi pour son entretien courant [12]. Le caractère du chat, largement rétif à toute domestication si on le compare à celui du chien, n’a-t-il pas été un avantage pour séduire ceux qui l’adoptent ? Les enfants, sans avoir rien appris, savent l’intégrer à leurs jeux s’ils l’ont adopté chaton. Le chat n’a pas besoin d’être accompagné quand il sort du foyer. Le chien doit l’être. Or l’enfant n’a pas toujours la force nécessaire pour retenir son chien avec sa laisse quand celui-ci en rencontre un autre. Il n’a pas, non plus, l’autorité du maître pour traiter avec vigueur les débordements de l’animal dont il a la charge [13].
L’animal de compagnie est-il un palliatif à la solitude ? Les chiens et les chats dans la famille
20 L’adoption du chien ou du chat se substitue-t-elle à la naissance de l’enfant ? Paul Yonnet (1983) suggère cette thèse en faisant valoir que la présence des animaux dans les foyers n’est pas sans rapport avec le ralentissement de la fécondité humaine. Une thèse analogue est défendue par le sociologue américain Mark J. Penn (Penn, Zalesne, 2007, Partie 5 « Pet Parents »). Le départ des grands enfants hors du foyer conjugal susciterait, dans le nid désormais vide, le besoin d’acquérir un animal de compagnie ou de dépenser beaucoup plus sur l’entretien de celui que l’on a déjà [14].
21 Cette thèse serait vérifiée si les couples sans enfant et a fortiori les personnes seules sans enfant possédaient un animal de compagnie plus fréquemment que les familles avec enfant(s). Or le constat statistique est inverse. Les animaux de compagnie sont plus fréquents dans les familles (tableaux 2.1 et 3.1 en annexe). Les couples avec enfant(s) ont plus souvent un chat que les couples sans enfant. Il en est de même pour les chiens. Les personnes seules, hommes ou femmes, sont encore plus démunies. Leur taux de possession est inférieur à celui des couples avec ou sans enfant, tant pour le chat que pour le chien.
22 Certes, l’animal de compagnie, chien ou chat, aide à combattre la solitude. Mais il implique des contraintes plus lourdes pour les per- sonnes seules, qu’elles soient jeunes ou âgées. Jeunes, si elles s’absentent de leur domicile, elles n’ont pas la ressource de laisser l’animal aux soins de leur conjoint ou de leurs grands enfants. Il leur faut négocier avec des voisins, recourir à des garderies ou emmener l’animal dans leurs déplacements. Pour les personnes seules âgées, c’est aussi l’absence d’une personne de confiance qui fait obstacle à la possession d’un chien ou d’un chat. Qui, en effet, s’occupera de l’animal si son maître ou sa maîtresse tombe malade ou se trouve dans la nécessité de quitter son logement pour une maison de retraite où, le plus souvent, ne sont pas acceptés les animaux familiers ? Or il est de notoriété publique que ce genre d’établissement médicalisé se généralise [15]. De plus, le fait de vivre seul ne signifie pas que les personnes soient isolées. Elles ne vivent pas forcément à l’écart des formes les plus courantes de la sociabilité (Pan Ké Shon, 1999). La possession d’un animal familier a donc des effets bénéfiques limités contre la solitude.
23 L’enquête ne permet pas de savoir si les personnes seules sans enfant au moment de l’enquête ont eu, dans le passé, des enfants. Cependant on peut faire l’hypothèse que les femmes seules, moins dépourvues de relations sociales que les hommes seuls, peuvent compter sur l’entraide pour garder leur animal si la situation le nécessite. De fait, les hommes seuls sont, plus que les femmes seules, tout particulièrement privés de compagnie animale. Ils sont moins souvent possesseurs d’un chien que les femmes seules (tableau 2.1 en annexe). Ces dernières ont aussi plus souvent que les hommes un chat (tableau 3.1 en annexe). Leur taux de possession de cet animal est égal à celui des couples sans enfant.
24 Les familles avec enfant(s) accueillent plus volontiers un chien ou un chat que les ménages sans enfant. Les familles monoparentales, mais aussi les couples avec enfant(s), sont plus possesseurs de chat que les personnes seules ou le couple sans enfant (tableau 3.1 en annexe). La supériorité du taux de possession d’un animal chez ces deux types de familles avec enfant(s) s’observe pour le chien, mais de façon moins forte que pour le chat (tableau 3.2 en annexe). Car le travail domestique ne manque pas dans une maison avec enfant(s). Or le chat ne ruine pas les efforts de la maîtresse de maison pour garder son logement propre. Il ne sent pas mauvais comme la plupart des chiens. Il salit moins les fauteuils, les dessus-de-lit et les tapis avec ses poils. Il ne rentre pas « crotté » de ses sorties. S’il lui faut choisir, la maîtresse de maison préfèrera la présence du chat à celle du chien, qu’il lui faudra sortir [16] quand le mari (ou les enfants) n’aura (n’auront) pas le temps et qui, moins propre que le chat, a davantage besoin de soins.
25 La composition de la fratrie dans les familles monoparentales apporte un argument supplémentaire à cette analyse sur la charge de travail domestique. La présence plus nombreuse de filles que de garçons au sein de la fratrie ne fait pas augmenter celle des chats, mais celle des chiens. La mère dans ces familles peut accorder un chien à ses filles si ces dernières forment un groupe crédible qui s’engage à s’occuper du chien. Il n’en est pas de même pour les couples avec enfant(s), où la composition de la fratrie est sans effet sur la possession du chien. Il est plus difficile pour des enfants de persuader deux adultes qui n’ont pas forcément les mêmes arguments que d’en persuader un seul.
26 Le chien regagne néanmoins du terrain quand les enfants atteignent l’adolescence et sont en mesure de s’occuper davantage de cet animal et notamment de le sortir. La proportion des ménages avec enfant(s) et « équipés » d’un chien est plus faible significativement quand l’aîné se situe entre 7 et 14 ans et se redresse ensuite quand l’aîné atteint et dépasse 14 ans (tableau 4.1 en annexe). Le constat est identique pour les couples avec enfant(s) et pour les familles monoparentales. Il n’est pas surprenant qu’il n’en soit pas ainsi pour le chat (tableau 4.2 en annexe), plus autonome que le chien dans la vie du ménage.
Possesseurs et non-possesseurs d’un animal de compagnie
27 Les enquêtes évoquées ici livrent des enseignements précieux concernant l’évolution de la possession des animaux de compagnie, au-delà de celle des chats et des chiens. En France, dans les années 1960 et 1970, la tendance est à la hausse des ménages possesseurs d’au moins un animal de compagnie (Herpin, Grimler, Verger, 1991). Durant ces deux décennies leur nombre croît de 40 %. En revanche, la proportion des ménages possesseurs d’un animal de compagnie n’a que très peu progressé. Elle est de 48 % en 1967 et de 50 % en 1988. Les vingt dernières années, enregistrent un léger recul. Même si les ménages possesseurs d’un animal familier ne sont plus que 48 % en 2010, le taux de possession ne s’est pas effondré avec les périodes de crise [17]. Un autre indicateur montre que, dans ces mêmes années, les animaux familiers ne sont pas affectés dans leur bien-être matériel. La part de budget allouée par les ménages à leurs animaux familiers ne diminue pas (encadré 3 : Les dépenses des Français pour les animaux de compagnie résistent aux crises économiques). Il se pourrait même que, dans la période suivante, les acquisitions aient fait croître le pourcentage des ménages possesseurs d’un animal de compagnie entre 2010 et 2013, leur prix à l’achat ayant crû moins vite que l’inflation en moyenne.
Encadré 3 : Les dépenses des Français pour les animaux de compagnie résistent aux crises économiques
Entre 1988 et 2010, tous les trois augmentent en volume.
L’alimentation et la santé ont une croissance continue durant cette période et plus rapide que celle de l’ensemble de la consommation des ménages. La santé croît malgré la croissance plus forte de son prix relatif et l’alimentation, grâce à une augmentation relativement faible de son prix relatif. Mais ces deux postes de dépenses ne connaissent aucune baisse, ni autour des années 1993, durant lesquelles la croissance est particulièrement faible, ni en 2002/2003 quand le marasme reprend. Les ménages n’ont pas fait porter sur leurs animaux de compagnie le poids de leurs difficultés pécuniaires.
Ces mêmes périodes, en revanche, ont vu ralentir l’achat de l’animal de compagnie. Mais les acquisitions connaissent un fort mouvement de rattrapage, après 2003 jusqu’à la crise financière de 2008/2009. Le mouvement des prix d’acquisition est favorable, car il stagne et même amorce une baisse après 2010. La concurrence s’est durcie avec l’introduction d’internet sur le marché des chiots de race. Une des rubriques de « Le Bon Coin », pour ne prendre que l’exemple de ce site, renouvelle les annonces quotidiennement.
Sans que soit mentionné s’il s’agit de l’offre de particuliers ou d’éleveurs, les annonces décrivent avec précision la race et le prix des animaux mis en vente. Les seuls chats proposés sont de race. Sont aussi offerts quelques chevaux de selle, des oiseaux, des lapins et des cochons d’Inde.
Les animaux les plus souvent proposés à la vente sont des chiots de race, dont les prix unitaires peuvent être très élevés, même s’ils sont inférieurs à ceux des animaleries du quai de la Mégisserie à Paris.
Indépendamment de l’aspect « prix », les conditions dans lesquelles se font ces acquisitions par Internet sont beaucoup plus proches de l’adoption que de l’achat. Dans les animaleries, les chiots sont entassés dans des cages. Les annonces sur Internet font se rencontrer deux familles, attentives toutes les deux au bien-être futur de l’animal qui change de mains.20
Les autres animaux de compagnie
28 En plus du chien et du chat, les ménages s’entourent d’autres animaux de compagnie : oiseaux dans des cages, poissons dans des aquariums, petits rongeurs, comme les hamsters et autres espèces apprivoisées, ou même animaux sauvages qui ne font parler d’eux dans les journaux que quand ils s’échappent et font courir des risques aux passants dans la rue. La ménagerie domestique des Français comporte aussi les chevaux d’équitation qui ne sont pas répertoriés dans les enquêtes de l’Insee. Le nombre des licenciés en 2003/2004 fait de l’équitation le cinquième sport de loisir en France [18]. Certains de ces animaux (« la plus noble conquête que l’Homme ait jamais faite » selon Buffon) sont la possession de particuliers, soit dans une propriété à la campagne, soit gardés dans un centre hippique. D’autres sont loués pour la promenade ou dans le cadre d’activités d’apprentissage [19].
29 Nous proposons d’évoquer dans ce qui suit la possession de l’animal de compagnie, sans tenir compte du cheval d’équitation. Il s’agit principalement des oiseaux, des poissons, mais aussi des hamsters et des lapins. Quand ils sont exclusifs du chien et du chat, ces animaux sont présents dans 6,6 % des ménages, soit la moitié du pourcentage des ménages n’ayant que des chats (tableau 1). Ces ménageries domestiques ont trop de variétés pour en préciser les fonctions pour le ménage. Cependant, la comparaison de ce regroupement, à plus de vingt ans d’intervalle, fait ressortir des changements.
30 En 1988, cette ménagerie est celle de la tranche de population qui a le revenu le plus élevé. La seconde caractéristique distinctive est qu’elle est particulièrement rare dans les communes rurales, les autres dimensions étant uniformes, notamment le diplôme, le type de ménage, l’habitat, la région, la propriété du logement, le milieu social et l’âge. En 2010, le sous équipement des communes rurales a disparu, mais aussi l’effet positif du revenu. Un peu comme la possession d’un chat de façon exclusive, ce regroupement « autres animaux de compagnie », dont les deux composantes les plus nombreuses sont celle des poissons rouges et celle des oiseaux, perd de sa distinction socio-économique et urbaine. En revanche, ces autres animaux ont une place particulière dans le débat interne à la famille. La résistance que les parents peuvent offrir à leurs enfants quand ces derniers font pression pour l’acquisition d’un chien ou d’un chat peut se traduire par l’achat d’un animal moins encombrant, comme des oiseaux ou des poissons rouges. Ce genre de transaction réussit mieux dans les couples avec enfant(s) si les deux parents sont du même avis (tableau 3.3 en annexe). Les enfants peuvent mieux imposer leur premier choix, celui du chien et surtout celui du chat, dans les familles où l’adulte ne peut compter sur l’appui d’un conjoint : les « autres animaux », en effet, sont relativement peu adoptés dans les familles monoparentales. L’ensemble des autres animaux est aussi la possession la plus fréquente de ménages où les adultes ne sont pas souvent chez eux pendant la journée.
Posséder ou non un animal au début et à la fin du cycle de vie
31 Le choix d’un animal, avons-nous dit plus haut, prend en compte l’importance des soins qu’il occasionne pour le ménage qui l’accueille. Il est aussi source de dangers tout particulièrement pour les enfants. Le chien pourrait renverser le bébé ou l’enfant qui n’est pas encore stabilisé sur ses jambes. Le chat pourrait se montrer jaloux et griffer le nouveau venu dans le cadre de la famille. Des allergies sont à craindre des poils du chien et surtout du chat. Aussi, les familles sont-elles moins fréquemment « équipées » d’un animal de compagnie quand les enfants sont en bas-âge (tableau 4.1 en annexe). Mais la proportion des ménages avec enfant(s) qui ont un animal de compagnie augmente significativement quand l’enfant le plus âgé atteint 14 ans (tableau 4.2 en annexe). Pour aller plus loin dans la description et confirmer ces résultats, il serait nécessaire de disposer d’une enquête sur les ménages qui enregistre les dates d’acquisition et de départ des divers animaux familiers.
32 Le rapport de forces entre parents et enfants, en effet, change avec la montée en âge des enfants. Ces derniers, lorsqu’ils sont jeunes, ont un argument de poids quand leurs deux parents ont un emploi. Au retour de l’école, nombre d’entre eux trouvent la maison vide. Lorsque les deux parents travaillent à temps complet, près d’un élève du primaire sur dix ne les retrouve pas au retour de l’école en semaine (Sautory, Biausque, Vidalenq, 2011) [20]. De toute la journée du mercredi, quatre sur dix ne les voient ni l’un ni l’autre. La grande majorité des collégiens déjeunent à la cantine et rentrent chez eux seuls. Une fois rentrés chez eux, 16 % sont seuls. L’animal de com- pagnie n’est pas censé remplacer les parents absents, mais la littérature enfantine fournit de nombreux exemples dans lesquels il accueille l’enfant, le sort d’embarras dans des situations rares mais dangereuses ou simplement se révèle un bon compagnon de jeu. Pour les parents, cette acquisition offre un instrument éducatif dans les rapports interpersonnels. « Les animaux de compagnie s’avèrent un outil précieux pour enseigner aux enfants le respect, l’empathie, le sens des responsabilités et la douceur » [21]. L’association canadienne des vétérinaires a organisé en 2014 une campagne à l’adresse des parents pour que ces derniers se montrent attentifs à faire respecter par leurs enfants des règles de conduite à l’égard de l’animal de compagnie. Le message passe d’autant mieux que les enfants sont les demandeurs d’un animal. Cette dernière situation est alors favorable aux parents pour qu’ils fassent accepter des engagements à leurs enfants (nettoyer la litière du chat, promener le chien) et passent des compromis. Ce peut être un moment fort dans la vie familiale. Par la suite, l’animal est sollicité pour jouer, mais aussi pour calmer les chagrins qui émaillent la vie des enfants... Le chat, qui vient se faire caresser et ronronne, est perçu comme ayant un avantage sur le chien.
33 Plus généralement, le fait de vivre quotidiennement en contact avec un animal, chien ou chat, peut aussi contribuer à éveiller les enfants aux soins du corps, aux maladies, à la procréation et aux rôles différents selon leur sexe qu’ils auront plus tard à tenir. Sur ces sujets, les filles sont plus directement concernées que les garçons. La proportion des familles ayant un animal de compagnie est plus faible dans les familles de garçons et plus élevée dans les familles où les enfants sont en majorité des filles (tableau 2.3 en annexe). Cela se vérifie aussi bien pour les couples avec enfant(s) que dans les familles monoparentales.
34 À l’autre extrémité du cycle de vie, c’est la non-possession d’un animal familier qui soulève, ici, des questions sans réponses, faute de données. Les personnes âgées ont relativement peu souvent ce genre de compagnie et il s’agit là d’une constante à vingt ans d’intervalle (tableau 2.3 en annexe). Mais ni l’enquête de 1988, ni celle de 2010 ne permettent de distinguer entre celles qui ont eu autrefois un animal de compagnie et celles qui n’en ont jamais eu. Parmi les premières, certaines, déçues de leur acquisition, n’ont pas renouvelé l’expérience. D’autres ont fait de même, mais pour la raison inverse : elles gardent de cet animal un trop bon souvenir. À la différence des biens industriels, les traits d’un animal auquel le maître s’est attaché ne se retrouvent pas à l’identique dans un autre, même au sein d’une race hautement sélectionnée. On peut faire l’hypothèse que nombre de personnes âgées, mais aussi d’âge mûr, n’ont plus d’animal de compagnie parce que celui qui a disparu est irremplaçable à leurs yeux. À la fin de vie, la question « qui survivra à l’autre ? » est cruciale. Les différences de longévité sont au désavantage du chat, qui vit plus longtemps. Mais on peut penser qu’il lui sera plus facile de trouver un autre maître. La SPA ne confie plus l’animal à quelqu’un de trop vieux. En tout état de cause, il faut s’attendre à une baisse de cet « équipement » en fin de cycle de vie.
Conclusion
35 Cet article ne fait pas à l’affectif la place qu’il a dans la vie des possesseurs de chiens, de chats ou de chevaux. Il force les traits du comportement raisonnable en faisant de l’animal de compagnie un équipement de loisirs et d’éducation. Ce faisant, il se situe dans le cadre de la sociologie de la consommation et, plus largement, dans le prolongement des analyses des sociologues et des historiens consacrées à l’étude de la vie privée. Mais comme l’attestent les données livrées ci-dessus, cette approche permet de répondre à des questions fréquemment posées, mais qui restent sans réponses ou à l’état de simples hypothèses dans nombre d’études, comme, par exemple, celle des liens entre la possession d’un animal de compagnie et la solitude.
Tableau 2 : Chien et au moins un animal de compagnie (modèles Logit)

Tableau 2 : Chien et au moins un animal de compagnie (modèles Logit)
Lecture :Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
En blanc : non significatif au seuil de 5 %.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %
Lecture :
Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
Case laissée en blanc : la modalité n’est pas significativement différente au seuil de 5 % de sa modalité de référence.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %.
Lecture :
Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
Case laissée en blanc : la modalité n’est pas significativement différente au seuil de 5 %.de sa modalité de référence.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %.
Tableau 3 : Chat et autres animaux (modèles Logit)

Tableau 3 : Chat et autres animaux (modèles Logit)
Lecture :Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
Case laissée en blanc : la modalité n’est pas significativement différente au seuil de 5 % de sa modalité de référence.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %.
Lecture :
Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
Case laissée en blanc : la modalité n’est pas significativement différente au seuil de 5 %.de sa modalité de référence.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %.
Tableau 4 : Avoir un animal de compagnie selon l’âge des enfants (modèles Logit)

Tableau 4 : Avoir un animal de compagnie selon l’âge des enfants (modèles Logit)
Lecture :Le coefficient de Wald (carré de la statistique de Student) donne une mesure de la précision de l’estimation du coefficient : plus sa valeur est élevée, plus l’estimation est précise. Il est usuel de comparer sa valeur avec le seuil de 4, qui est approximativement la valeur limite permettant d’interpréter le signe du coefficient. Un coefficient sera dit significativement positif (respectivement négatif), au seuil de 5 %, si la valeur de la statistique de Wald associée dépasse 4. Ceci signifie que la probabilité que le coefficient soit du signe contraire est inférieure à 5 %.
Case laissée en blanc : la modalité n’est pas significativement différente au seuil de 5 %.de sa modalité de référence.
Réf. : aucun des coefficients de la variable n’est significatif au seuil de 5 %.
Notes
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[1]
De nombreuses preuves existent de l’affection que les paysans avaient pour leurs animaux avant la Révolution française (Baldin, 2014, pp. 24-36). L’animal, familier du foyer, qui apparaît en dehors de la population rurale date du xix e siècle en France (animal de compagnie) et en Angleterre (pet) avec le mouvement séculaire de repli sur la sphère privée (Elias, 1985 [1974] ; Ariès, Duby, 1987).
-
[2]
La première, intitulée « Trois aspects du mode de vie » a été réalisée en 1988 par l’Insee. Elle a donné lieu à l’article qui sert ici de comparaison : N. Herpin et D. Verger, « Sont-ils devenus fous ? La passion des Français pour les animaux familiers » (Herpin, Verger, 1992). La seconde enquête dont sont tirés les résultats de cet article est celle du « Budget des Familles, Insee, 2010 ». Ce sont les mêmes modèles statistiques (Logit) qui sont mis en œuvre, aux deux dates, dans les exploitations.
-
[3]
Aux États Unis, sur les 4,5 millions de gens mordus annuellement par un chien, 77 % le sont suite à des attaques du chien de la famille ou de celui des amis de la famille (US Center for disease control, 2008). Il n’existe pas de chiffres comparables pour la France.
-
[4]
La comparaison de moyennes régionales donne des résultats convergents. À la demande de la Fédération nationale des chasseurs, le CSA, institut de sondage, a exploité le fichier de l’ONCFS, organisme public qui a la responsabilité de distribuer les permis de chasse. Les nouveaux chasseurs en 2004 qui se recrutent entre 15 et 35 ans, sont relativement plus nombreux que leur classe d’âges dans ces deux régions : Méditerranée et Sud-Ouest. C’est l’inverse pour la région parisienne. Seulement 5 % des nouveaux chasseurs résident en Île-de-France alors que les 15-34 ans de cette région représentent 20 % la population française de cette classe d’âges.
-
[5]
Les données statistiques sont plus limitées en 2010 qu’en 1988, date à laquelle on disposait de données relatives à la race des chiens et aux dépenses occasionnées pour l’entretien de l’animal de compagnie.
-
[6]
« La proportion de l’habitat individuel est stable depuis les années 2000 (56,6 % en 2013), après avoir augmenté régulièrement dans les décennies 70 à 90 (de 50,9 % en 1970 à 56,5 % en 2002). (Arnault, Crusson, Donzeau, Rougerie, 2015).
-
[7]
Dans la première partie de sa thèse, Héloïse Fradkine (Fradkine, 2015, pp. 45-161) explique le recul de la chasse par la diminution des effectifs du petit gibier, par l’émergence d’un droit européen sur l’environnement et par l’action des associations de protection de la nature, par la dégradation de l’image de la chasse dans le grand public, que reflètent les sondages d’opinion, par la conception nouvelle (sportive et gestionnaire du renouvellement des espèces sauvages) qu’impose l’administration publique pour encadrer la pratique de la chasse.
-
[8]
Enquête Facco/TNS SOFRES, 2012.
-
[9]
Dans la seconde partie du xix e siècle, ce sont les caractéristiques morales du chat qui sont soulignées et décriées. D. Baldin cite un manuel publié en 1872 sur les animaux d’appartement : « Les chats sont poussés par leur naturel à vivre seuls. Rien ne les porte à s’attacher à nous ». Le chat est aussi méprisé « pour sa sexualité jugée débridée et ses sentiments peu maternels ».
-
[10]
81 % des mâles sont castrés, 74,5 % des femelles sont stérilisées (Enquête 2012 Facco/TNS SOFRES).
-
[11]
« Avec la loi du 21 juin 1898, l’envoi en fourrière de tout chien errant devient une obligation » (Baldin, 2014, p. 133).
-
[12]
L’enquête « Trois aspects du mode de vie » (Insee, 1988) chiffre le coût de l’entretien des animaux familiers. Un chien revient, en moyenne, deux fois plus cher qu’un chat. (Herpin, Grimler, Verger, 1991).
-
[13]
Le cheval de selle est aussi un animal familier qui défie les capacités à être contrôlé par les enfants et les adolescents/adolescentes. Laissé à lui-même quelques mois dans un pré, il oublie qu’il a été dressé et retourne vite à l’état sauvage.
-
[14]
Ces travaux ne font pas mention de résultats d’enquête où serait observée la composition du ménage au moment de l’acquisition de l’animal de compagnie.
-
[15]
« Depuis le milieu des années 1980, les personnes âgées décèdent de plus en plus dans une maison de retraite » (Niel, Baumel, 2010).
-
[16]
Le fait de devoir sortir son chien pour le promener chaque jour n’est pas toujours une contrainte. Une personne peut chercher à s’obliger à faire des promenades régulières pour améliorer sa condition cardiaque en achetant un chien. Sortir l’animal est alors une façon détournée de s’imposer un comportement faisant partie de soins bénéfiques et que le patient renâcle à suivre. Cette situation dans laquelle c’est le chien qui promène son maître se rencontre aussi pour le chômeur. N’étant plus astreint à un horaire fixe, promener le chien lui permet de ne pas perdre le sens du temps. Dans ces deux situations, le chien tient un rôle de compagnon.
-
[17]
Les effets de la crise seraient mieux évalués si les enquêtes enregistraient la date d’acquisition des animaux possédés par le ménage. Ces informations ne figurent pas dans les enquêtes auprès des ménages.
-
[18]
En 2003/2004, le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, le Conseil Supérieur de la pêche et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ont établi le palmarès suivant à partir de la vente des licences : 1) Football (2.410.239) ; 2) Chasse (1.374.183) ; 3) Pêche (1.319.006) ; 4) Judo (556.406) ; 5) Équitation (468.591) ; 6) Basket (427.445) ; 7) Handball (318.981) ; Voile (280.196) ; 9) Canoë kayak (236.843) ; 10) Gymnastique (231.002).
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[19]
Dans les grandes villes japonaises, les immeubles interdisent souvent aux occupants de posséder un chien. Il existe donc des commerces pour la location du chien à la journée (Brisebarre, 2007).
-
[20]
Source : « Conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Complément à l’enquête emploi ». La collecte a été réalisée en 2010 par l’Insee à la demande d’Eurostat.
-
[21]
http://www.veterinaireaucanada.net/documents/teaching-your-child