CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le cercle herméneutique a été utilisé par tous ceux qui ont défendu la thèse de l’autonomie méthodologique des sciences humaines par rapport aux sciences naturelles. Il est généralement perçu comme un problème ontologique ou logique [1]. L’un des défenseurs les plus influents de l’interprétivisme dans le monde, Charles Taylor, prétend par exemple :

« C’est une manière de tenter d’exprimer ce que l’on appelle le “cercle herméneutique”. Ce que nous essayons d’établir est une certaine lecture d’un texte ou d’expressions, et ce sur quoi nous fondons cette lecture ne peut être que d’autres lectures. Le cercle peut également être pris en termes de relations entre les parties et leur tout : nous tentons d’établir une lecture pour l’ensemble du texte, et pour cela nous faisons appel à des lectures de ses expressions partielles ; et pourtant dans la mesure où il est question de sens, de donner du sens, et que les expressions ne font sens ou pas qu’en relation à d’autres expressions, la lecture d’expressions partielles dépend de celle d’autres expressions, et ultimement du tout ».
(Taylor, 1985, p. 18)
Notre compréhension d’une société est supposée être circulaire de manière analogue : par exemple nous ne pouvons comprendre certaines composantes d’un processus politique que si nous comprenons l’ensemble, mais nous ne pouvons comprendre l’ensemble que si nous avons déjà compris les composantes. L’objet de cet article est d’explorer la validité de cet argument. Je commencerai par une brève présentation de trois variantes du problème (section I). J’entamerai ensuite une discussion sur ces variantes en faisant appel à des solutions alternatives (section II), pour clore finalement par une courte conclusion (section III).

I – Le problème du cercle herméneutique

1 – Le cercle herméneutique est-il un problème ontologique ?

2Le philologue Friedrich Ast (1778-1841) a probablement été le premier à attirer l’attention sur la circularité de l’interprétation (Ast, 1808). Il a signalé « la loi fondamentale de toute compréhension et connaissance », laquelle consiste « à trouver le sens de la totalité à travers les individus, et à travers la compréhension totale de l’individu » (Schleiermacher, 1999, p. 178) [2]. De nombreux philosophes ont présenté le cercle herméneutique comme étant un problème ontologique. Le « locus classicus » auquel ils font référence est Heidegger :

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« Ce cercle herméneutique n’est pas un cercle dans lequel quelque forme de la cognition bouge, mais il est l’expression de la pré-structure de l’existence même. Le cercle ne doit pas être considéré comme étant un cercle vicieux » [3].
(Heidegger, 1993 [1927], p. 153)

4La question se pose alors de savoir ce que cela signifie, et si effectivement le cercle herméneutique est un problème de ce type (Albert, 1994). Selon le point de vue traditionnel, l’ontologie fait référence à ce qui existe, et les arguments ontologiques souvent avancés soulignent le fait que le monde doit contenir les choses d’une classe comme par exemple des êtres nécessaires, des choses non étendues, des choses simples, etc.

5De manière alternative, le principe de Quine sur les engagements ontologiques, selon lequel être est être la valeur d’une variable, ne nous dit pas quelles sont les choses qui existent ; il nous dit simplement comment déterminer les choses dont une théorie soutient qu’elles existent. Comme il le dit lui-même :

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« On peut très facilement s’impliquer dans des engagements ontologiques en disant par exemple qu’il y a quelque chose (variable liée) que les maisons rouges et les couchers de soleil ont en commun ; ou qu’il existe quelque chose qui est un nombre premier supérieur à un million. Mais il s’agit là essentiellement de la seule façon de s’impliquer dans des engagements ontologiques : par l’utilisation de variables liées. […] Tout ce que nous disons à l’aide de noms peut être dit dans un langage qui refuse totalement l’usage de noms. Être considéré comme une entité revient purement et simplement à être reconnu comme la valeur d’une variable. »
(Quine, 1980, pp. 13 sq.)

7En tout état de cause, l’ontologie se rapporte au problème de l’existence de certaines entités, et la question qui se pose est d’établir si le cercle herméneutique a à voir avec cette question.

2 – Le cercle herméneutique est-il un problème logique ?

8Le cercle de la compréhension peut être compris comme étant un problème logique [4]. Il se pourrait que le phénomène du cercle herméneutique ait un rapport avec un cercle logique. La relation du tout significatif avec ses éléments et vice-versa pourrait être d’une nature logique. Deux problèmes peuvent être pertinents à ce propos. Le cercle herméneutique peut constituer un cas d’argumentation circulaire dans une déduction – dans un tel cas il dérive du fait qu’au moment de produire une preuve, on suppose des affirmations que l’on est censé prouver. Il peut aussi être en rapport avec une définition circulaire qui se présente parce que le concept, qui doit encore être défini, a déjà de manière irréfléchie été utilisé dans le texte. La nature du problème est-elle logique ?

3 – Le cercle herméneutique est-il un problème empirique ?

9Le cercle herméneutique est typiquement conçu soit comme un problème ontologique, soit comme un problème logique, et il est analysé en fonction de ces conceptions respectives. Cependant, la question se pose de savoir si le phénomène auquel font référence les défenseurs de l’herméneutique sous le terme « cercle de la compréhension » n’implique pas aussi un problème empirique. Par là, je veux dire que le mouvement de la compréhension de la totalité vers les parties, et à nouveau vers la totalité, est une opération mentale qui se déroule dans le cerveau de tout interprète, et qui peut être analysée avec les outils de la science empirique. Dans ce cas, le cercle herméneutique n’entretient aucun rapport avec l’ontologie ou la logique ; il est lié à la représentation de la connaissance dans l’esprit de l’interprète, en présentant le problème empirique suivant : comment le système cognitif de l’interprète perçoit, classifie et comprend les signaux écrits ? Cette opération mentale est-elle automatisée ? Quelle sorte de mécanisme cognitif est activé pour faire que la signification d’une partie d’une expression écrite soit seulement accessible à l’interprète en rapport au tout, et vice-versa ?

II – La solution du problème

10Si le cercle herméneutique avait été un problème logique ou ontologique, cela aurait alors eu des conséquences importantes. Si le cercle herméneutique avait été un véritable problème ontologique, nous aurions alors pu être amenés à changer notre conception de l’ontologie. Le cercle herméneutique étant très répandu dans l’utilisation du langage et de l’analyse de textes, nous aurions pu être obligés de prendre un ensemble d’engagements ontologiques que sinon nous n’aurions pas voulu prendre. Par ailleurs, si le cercle herméneutique avait été un problème logique, les fondements des sciences humaines auraient alors été affectés et leur scientificité menacée. Dans les deux cas de figure, la portée des conséquences n’est pas négligeable. Dans les pages suivantes, je voudrais montrer que le cercle herméneutique ne relève ni d’un problème ontologique, ni d’un problème logique, et que, par conséquent, ni l’ontologie ni la méthodologie des sciences humaines ne se trouvent menacées [5]. Je soutiendrai que le cercle herméneutique relève d’un problème empirique et que, par conséquent, il a déjà été étudié en utilisant les outils de la science empirique.

1 – Pourquoi le cercle herméneutique n’est pas un problème ontologique

11Les philosophes qui ont souligné le caractère ontologique du cercle herméneutique ne sont concernés par aucune ontologie spéciale ou régionale – disons l’ontologie du monde social. Il ne s’agit pas dans leur recherche de déterminer l’existence des faits sociaux ni le statut de leurs propriétés [6]. Il ne s’agit pas non plus de déterminer comment la réalité sociale s’articule à notre ontologie globale, c’est-à-dire comment l’existence de faits sociaux est liée à l’existence d’autres choses. La thèse des défenseurs de l’herméneutique, en revanche, est que le cercle herméneutique constitue une expression de la structure fondamentale des êtres humains. Par ailleurs, ils prétendent que l’exploration de la structure fondamentale des êtres humains doit se faire dans le cadre d’une discipline spéciale, l’ontologie fondamentale, consistant en propositions de statut spécial, c’est-à-dire de nature ni logique ni empirique. Par exemple, Heidegger souligne dans son texte classique Sein und Zeit :

« Der “Zirkel” im Verstehen gehört zur Struktur des Sinnes, welches Phänomen in der existenzialen Verfassung des Daseins, im auslegenden Verstehen verwurzelt ist. Seiendes, dem es als In-der-Welt-sein um sein Sein selbst geht, hat eine ontologische Zirkelstruktur » [7].
(Heidegger, 1993 [1927], p. 153)
Toutefois, cette thèse ne peut littéralement constituer qu’une description poétique de la nature humaine, et ne constitue en aucun cas un problème, et encore moins un argument qu’on peut aborder de manière raisonnable.

2 – Pourquoi le cercle herméneutique n’est pas un problème logique

12Bien que les raisons qui poussent à rejeter le cercle herméneutique comme étant un problème ontologique soient relativement claires, la question de son caractère logique est plus complexe. Comme Stegmüller l’a bien noté dans un texte classique (Stegmüller, 1986), d’un point de vue logique la question du cercle herméneutique est parsemée de difficultés qui alourdissent toute la littérature sur l’herméneutique : le langage pictural-métaphorique, le flou des niveaux-objet et des méta-niveaux, le manque de clarté à propos du statut des termes herméneutiques clés (avant tout l’ambiguïté du terme « compréhension »), la distance apparente avec le psychologisme, et finalement l’absence totale d’exemples dans l’analyse.

13Cependant, il est clair que le phénomène du cercle herméneutique ne relève pas d’un cercle logique, malgré les insinuations des défenseurs de l’herméneutique. La relation du tout significatif avec ses parties n’est pas de nature logique. Il ne s’agit alors pas d’une argumentation circulaire dans une déduction, qui a lieu quand on essaie de prouver quelque chose en utilisant comme prémisse ce que l’on veut prouver. Il ne s’agit pas non plus d’un cas de définition circulaire, qui se produit parce qu’un concept, pas encore défini, a déjà été utilisé au préalable et de manière irréfléchie dans le texte.

14Il est toutefois possible que le cercle herméneutique, ne relevant pas d’un cas de logique circulaire, relève d’un autre type de problème logique. Dans une analyse détaillée du concept, Stegmüller soutient qu’il constitue un dilemme, ou plus précisément une des six formes spécifiques d’un dilemme, dépendant de la signification du terme « cercle herméneutique » dans chaque cas [8]. Cependant, cette analyse du phénomène comme différentes formes de dilemme ne paraît pas être correcte. En principe, l’analyse de Stegmüller essaie de montrer que le cercle herméneutique n’est en fait pas un problème logique. Il peut cependant être interprété comme étant un problème méthodologique. Selon cette interprétation, le cercle herméneutique ne se cantonnerait pas aux sciences humaines ; il constituerait un problème aussi dans d’autres disciplines. Il s’applique, par exemple, au dilemme de la confirmation. Il s’applique aussi au dilemme concernant la distinction entre « connaissance implicite » et faits. Dans une élégante analyse fondée sur des exemples empruntés à la littérature et à l’astronomie, Stegmuller montre que, au moment de contrôler empiriquement une hypothèse, plusieurs difficultés sur la distinction entre « connaissance implicite » et faits apparaissent. Tester une hypothèse exige d’établir une séparation entre, d’un côté, les composantes hypothétiques des données observées et, de l’autre, la connaissance théorique implicite. Stegmüller a bien montré que ce problème ne se présente pas uniquement dans les sciences humaines. Il peut être résolu uniquement par le biais de discussions critiques et par une sorte d’accord entre les participants de la discipline en question sur ce qui doit être considéré comme des faits et des éléments théoriques implicites dans le cas concret qu’il s’agit de tester (Stegmüller, 1986, p. 74 sq.). Føllesdal, Walløe et Elster ont aussi soutenu que le cercle herméneutique est un problème méthodologique [9]. Ils discutent une série de problèmes méthodologiques qui se présentent pendant le processus de compréhension ; ils soutiennent que ces problèmes émergent dans le contexte de justification d’une interprétation.

15Je ne conteste pas ce type d’analyse du problème. Cependant je soutiens qu’il ne relève pas d’un problème logique dans un sens étroit, mais plutôt d’un problème méthodologique. Je tends néanmoins à nier que le problème de la relation entre le tout significatif et ses parties puisse être transformé de cette manière. Un point que je partage avec Stegmüller et avec Føllesdal, Walløe et Elster est que, dans le développement de la signification des textes, des hypothèses interprétatives doivent être testées. En testant ces hypothèses, les problèmes méthodologiques ou les dilemmes que ces auteurs discutent vont souvent, si ce n’est toujours, émerger, notamment le problème de la distinction entre faits et « connaissance implicite ». Cependant, le problème de la relation entre le tout significatif et ses parties ne surgit pas au moment de tester les hypothèses interprétatives, mais au moment où elles sont formulées[10]. Il s’agit d’un phénomène qui se produit quand on essaie de comprendre des expressions linguistiques (ou d’autres signes) de manière immédiate, c’est-à-dire plus ou moins automatique. Il est nécessaire alors de mettre en place des hypothèses interprétatives ; c’est précisément à ce moment que l’on se trouve confronté au problème du tout significatif et de ses éléments. Dans les pages suivantes, je tenterai de clarifier en quoi consiste cette activité et comment elle doit être expliquée.

16Nous pouvons donc conclure que le cercle herméneutique, tel qu’il est présenté par les représentants de la littérature herméneutique, ne relève pas d’un dilemme méthodologique qui puisse être résolu par le biais d’une décision ou d’une autre manière. L’inévitabilité de la situation herméneutique est décrite en termes de « cercle » uniquement pour dramatiser la question. Stegmüller et Føllesdal, Walløe et Elster nient le caractère désespéré de ce problème ; à l’aide de considérations méthodologiques, ils pensent pouvoir faire face à cette question. Je peux admettre ce désespoir, mais en même temps voudrais réduire son impact en montrant que la situation herméneutique relève d’un problème empirique.

3 – Pourquoi le cercle herméneutique relève d’un problème empirique

17Voici comment Gadamer, le plus important défenseur de la philosophie herméneutique, décrit le processus de compréhension d’un texte comme relevant d’un ensemble de « cercles herméneutiques » :

18

« Celui qui veut comprendre un texte accomplit un processus de conception. Il a d’avance un sens du tout, dès qu’un premier sens se présente dans le texte. Ce dernier se présente seulement dans la mesure où on lit le texte avec des attentes d’un certain sens. L’élaboration d’une telle conception, qui est évidemment révisée en permanence, et qui avance en progressant dans le texte, est la compréhension de l’écrit ».
(Gadamer, 1990 [1960], p. 271)

19Le lecteur ou l’interprète lit un texte avec un ensemble préconçu d’attentes (des préjugés ou des opinions), et pendant son travail, il procède à des révisions. La compréhension d’un texte, cependant, « est toujours déterminée par le mouvement anticipatoire de la précompréhension » (Gadamer, 1990 [1960], p. 298). Lorsque cette activité a eu lieu, et lorsque la compréhension est en place, le cercle du tout et ses parties n’est « pas dissolu dans une parfaite compréhension mais, bien au contraire, est complètement réalisé » (Gadamer, 1990 [1960], p. 298). Dans cette exposition classique du cercle herméneutique [11], il me semble évident – contrairement à l’opinion de la plupart des philosophes herméneutiques – que le phénomène en question est empirique [12].

20De quoi s’agit-il exactement ? Dans The Concept of Mind Ryle fait la distinction entre connaissance déclarative et connaissance procédurale, entre « knowing that » et « knowing how » (Ryle, 1949, chap. 2). Toute notre connaissance de faits singuliers et de connections causales constitue des connaissances déclaratives. Toutes nos capacités sont des connaissances procédurales. Ryle soutient qu’il y a une différence de catégorie entre ces deux formes de connaissance, et qu’il s’agirait d’une erreur de catégorisation que d’attribuer un phénomène qui appartient à une de ces catégories à une autre catégorie. Depuis la publication du livre de Ryle, la distinction entre « knowing that » et « knowing how », – que Ryle avait introduite dans la discussion philosophique afin de soutenir un argument contrecarrant la doctrine du « ghost in the machine » (Ryle, 1949, p. 17) –, est devenue empiriquement acceptable [13].

21La question est alors de savoir si la compréhension linguistique peut être classifiée comme « knowing that » plutôt que comme « knowing how » [14]. Étant donné que cette activité cognitive n’est pratiquement pas prouvable, qu’on peut devenir plus rapide et plus précis, il est clair qu’il s’agit d’une capacité, c’est-à-dire d’un cas de « knowing how ». En général, le processus pour acquérir des capacités est très différent du processus d’apprentissage des faits. Par exemple, une violoniste apprend à jouer des morceaux par le biais de la pratique. Un enfant apprend à se nettoyer les dents par le biais de la pratique, etc. L’investigation des processus d’apprentissage est une branche établie de la recherche psychologique depuis très longtemps.

22Dans notre contexte, ce qui est significatif est que dans le processus d’acquisition de capacités, nous sommes non seulement capables de devenir plus rapides et précis, mais la pratique devient aussi plus facile à être accomplie, en finissant par devenir automatique [15]. Dans la vie courante, il y a un grand nombre de capacités qui sont acquises de cette manière. Cela signifie qu’elles deviennent des routines ; aucune ressource cognitive ne doit être mobilisée pour les obtenir. L’automatisation des capacités implique qu’elles sont acquises sans médiation d’un effort conscient. Dans le cas de la compréhension du langage, qui est particulièrement intéressant, l’« effet Stroop » est paradigmatique – cet effet a reçu le nom du chercheur qui l’a découvert : Ridley Stroop (Stroop, 1935, pp. 643-662). Si des individus sont confrontés aux noms des couleurs imprimés dans d’autres couleurs – « bleu » est imprimé en rouge, « vert » est imprimé en noir, etc. – et s’ils sont invités à désigner les couleurs dans lesquelles les mots sont imprimés, ils ont tendance à lire les mots, parce que le fait de lire est une capacité automatisée. Nous avons tendance à prononcer les mots inconsciemment parce que nous avons pratiqué ceci depuis des années [16].

23Cette automatisation des capacités apprises est un phénomène général qui a déjà été empiriquement étudié et expliqué (même s’il n’y a pas encore de consensus sur les processus neurophysiologiques qui le sous-tendent). Il est bien connu, par exemple, que dans la phase moyenne d’un jeu, un expert en échecs a besoin de cinq à dix secondes pour proposer un bon mouvement, qui est souvent objectivement le meilleur mouvement (Simon, 1979, p. 386). Voici ce que Simon dit en se référant à cette explication :

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« Elle va plus au fond que l’explication de notre capacité de reconnaître en quelques secondes l’un de nos amis que nous avons retrouvé en chemin de retour des courses. À moins que vous soyez complètement enfermé dans vos propres pensées pendant votre marche, vous serez capable de reconnaître votre ami de manière immédiate et fiable. Dans n’importe quel domaine ou l’on a gagné une expérience considérable, nous avons acquis un nombre important d’« amis » – un nombre important de stimuli que nous pouvons reconnaître immédiatement. […] Nous pouvons faire cela pas seulement avec des visages, mais aussi avec les mots de notre propre langue. Presque toute personne ayant une éducation supérieure peut comprendre – et se souvenir de – la signification de cinquante mille à cent mille mots différents. D’une certaine façon, au cours de notre vie, nous avons tous passé plusieurs centaines d’heures en regardant des mots, et nous avons fait des amis avec cinquante mille ou cent mille mots. Tout entomologiste professionnel a une capacité comparable pour distinguer parmi les insectes qu’il regarde, et tout botaniste est capable de distinguer parmi les plantes. En tout domaine d’expertise la possession d’une capacité de distinction précise et claire permet de reconnaître cent mille objets ou situations différents, en constituant ainsi un outil de base pour l’expert et la source de ses principales intuitions ».
(Simon, 1983, p. 26)

25Les textes ne sont alors pas lus uniquement en fonction d’un ensemble de préjugés et d’attentes ; les lecteurs mobilisent aussi leur propre expérience. Du fait que les capacités en question sont devenues des routines, le texte est compris automatiquement et non consciemment. Il faut par conséquent souligner qu’étant donné qu’il s’agit d’une capacité complexe, tous les niveaux jouent un rôle dans la compréhension du langage : le niveau phonologique, le niveau sémantique, le niveau syntaxique et le niveau pragmatique. On gagne de l’expérience à tous ces niveaux avec le temps, de sorte que des sons, des mots, des phrases et des textes entiers sont automatiquement classifiés, et que donc l’analyse du langage dans les conditions normales se réalise sans effort.

26Lorsque l’on rencontre une difficulté dans le processus de compréhension du langage, ou lorsque l’on n’arrive pas à comprendre immédiatement des expressions linguistiques, des ressources cognitives sont en action afin de résoudre le problème. On fait des efforts de concentration afin d’interpréter consciemment une expression : une hypothèse interprétative est consciemment générée. Dans la psycholinguistique cette compréhension consciente du langage est généralement modélisée comme un processus interactif. Les niveaux pertinents de traitement de l’information – phonologique, sémantique, syntaxique et pragmatique – ne sont pas actifs de manière séquentielle, c’est-à-dire l’un après l’autre. L’information est plutôt traitée à tous ces niveaux en même temps et de manière simultanée. Notre système de compréhension du langage maintient toute l’information disponible de manière à avoir accès à toute l’information sur les catégories à tout moment [17].

27Tout le « discours sur le cercle herméneutique » n’est plus qu’une manière imprécise de faire référence au processus de recherche qui est actif lorsqu’un interprète linguistique ne comprend pas immédiatement une expression quelconque. Aujourd’hui la psycholinguistique nous offre non seulement des descriptions plus précises de ce phénomène ; elle nous offre aussi des explications sur le processus de recherche sous-jacent, ainsi que sur les mécanismes de compréhension du langage. Nous savons, par exemple, que la reconnaissance du langage est le résultat d’un processus de classement de cadres, et qu’un bon nombre de données sont nécessaires pour accomplir ce classement. Les explications offertes par la psycholinguistique sont testables, ayant été contrôlées par des expériences de laboratoire. Toute référence au cercle herméneutique est exclue [18].

28Par ailleurs, par rapport à la finalisation de la compréhension de l’achèvement du cercle herméneutique, je voudrais souligner le type de mécanisme cognitif qui est à la base de toute expérience de type « aha » [19]. Les expériences de type « aha » de différentes intensités, qu’un interprète a lorsque le processus de compréhension est terminé, ne sont ni irrationnelles ni a priori. L’argument principal concernant le mécanisme cognitif qui est en place dans un phénomène donné est constitué par le fait que seules des personnes ayant les connaissances appropriées ont des expériences de type « aha ». Des personnes ne connaissant pas le Grec ancien ne peuvent pas avoir des expériences de type « aha » ou comprendre complètement le texte qui est à la fin de la République. Sans reconnaissance fondée sur des expériences préalables, le processus de compréhension d’expressions linguistiques nouvelles ne peut pas avoir lieu, et au moment de réaliser cette activité, notre intuition exploite la connaissance que nous avons obtenue lors des recherches passées.

29Herbert Simon met ce genre de mécanisme en rapport avec l’intuition. Voici ce qu’il en dit :

30

« Qu’est-ce que l’intuition ? C’est un fait observable que les gens parviennent parfois à trouver des solutions à des problèmes de manière soudaine. Ils font alors une expérience de type “aha !” de degré d’intensité variable. Il n’y a aucun doute sur l’authenticité du phénomène. En outre, les solutions que les gens trouvent lorsqu’ils font ces expériences, lorsqu’ils font des jugements intuitifs, sont fréquemment correctes ».
(Simon, 1983, p. 25)

31L’un des experts majeurs en matière d’intuition, le psychologue allemand Gerd Gigerenzer, pense que l’on peut comprendre l’évolution de la cognition comme une boîte à outils d’instincts évolutive, qu’il appelle méthodes empiriques ou heuristique.

32

« L’essentiel des comportements intuitifs, de la perception à la croyance en passant par la méprise, peuvent être décrits sous la forme de ces mécanismes simples adaptés au monde dans lequel nous vivons. Ils nous aident à relever le défi majeur pour l’intelligence humaine : aller au-delà de l’information donnée ».
(Gigerenzer, 2007, p. 40)

33Ainsi, notre cerveau utilise constamment des stratégies par inférence à chaque fois qu’il est question d’aller au-delà de l’information donnée – il compose des choses fondées sur des hypothèses de manière à résoudre le problème en jeu. Dans le cas qui nous intéresse ici, nous procédons par inférence intuitive en allant de la partie vers le tout et vice versa, autrement dit nous allons au-delà de l’information donnée, et très souvent (mais pas toujours), nous sommes en mesure de résoudre ce problème spécifique avec l’aide de l’heuristique.

34Finalement, il est important de souligner le processus perceptif qui sous-tend le processus mental global de compréhension de textes. Premièrement, l’expression écrite est codée ; dans un deuxième temps est mise en place l’analyse syntaxique et sémantique connue sous le nom de parsing. Le parsing est le processus par lequel les mots d’une expression sont transformés en une représentation mentale avec le sens combiné des mots. Pendant cette procédure, la signification d’un texte est traitée phrase par phrase, et l’accès à la formulation des phrases a lieu lorsque leur signification est traitée (Anderson, 2005, p. 391). Les gens intègrent des pistes sémantiques et syntaxiques afin d’arriver à la compréhension d’un texte. Comme l’a noté correctement Steven Pinker :

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« La compréhension exige alors l’intégration des fragments éparpillés de phrases dans une vaste base de données mentale. Afin de mettre cela en place, les personnes qui parlent ne peuvent pas faire parvenir ces fragments en morceaux dans la tête de l’auditeur. La connaissance n’est pas une liste de faits spécifiés dans une colonne, mais une organisation dans un réseau complexe. Quand une série de faits se présentent de manière successive, comme dans un dialogue ou un texte, le langage doit être structuré d’une manière telle que l’auditeur puisse placer chaque fait dans un cadre préexistant ».
(Pinker, 1994, p. 227)

36Il semble alors que dans la compréhension, le phénomène nommé « cercle herméneutique » est en place. Aussitôt qu’un mot est produit, les gens essaient d’en extraire le plus de signification possible : ils n’attendent pas que la phrase soit terminée afin d’interpréter un mot – il s’agit d’une découverte faite grâce aux travaux de Just et Carpenter, entre autres [20]. Si une phrase contient des mots non familiers, qui ne peuvent pas être compris immédiatement, alors on utilise davantage de temps pour, vers la fin de la phrase, intégrer leur signification. Le problème du tout significatif et de ses parties constitutives, et vice-versa, ne se présente donc pas au moment de tester de manière interprétative des hypothèses, mais au moment de les générer. Il fait référence à un phénomène qui se produit lorsqu’il n’est pas possible de comprendre une expression linguistique de manière immédiate, c’est-à-dire plus ou moins automatiquement. Le problème se présente autant pour des mots que pour des phrases, et aussi pour des textes entiers. Afin de le résoudre, des ressources cognitives sont activées. Nous concentrons notre attention sur l’interprétation consciente d’une expression et des hypothèses interprétatives sont consciemment produites.

37Une deuxième procédure particulièrement pertinente pour la compréhension textuelle fait référence au traitement des informations qui intervient après que les processus d’analyse syntaxique et sémantique aient déjà eu lieu. Kintsch et van Deijk (1978) ont développé un modèle qui se concentre sur le développement ultérieur du texte, après que l’ensemble initial de propositions ait été identifié et que les processus d’analyse grammaticale aient été appliqués à leur analyse. Ils supposent qu’il y a une capacité limite, une limite au nombre de propositions qui peuvent être maintenues actives dans la mémoire en fonction. Une conséquence est que ne sont maintenues actives que les propositions qui sont pertinentes – selon le critère de proximité temporelle et d’importance de l’information – pour saisir le sens du texte entier. En accord avec ce que l’on appelle la stratégie de pointe, les sujets maintiennent active la proposition qui a été mobilisée le plus récemment ainsi que les propositions qui, dans la représentation hiérarchique du texte, ont la priorité sur le reste. Ils le font en supposant qu’il existe une relation hiérarchique entre les propositions du texte. Il est important ici de préciser qu’il y a également un processus parallèle d’élaboration au cours duquel, d’un côté, des « inférences de connexion » permettent au sujet de mettre en relation des termes autrement sans lien et, d’un autre côté, des « macro-propositions » sont établies pour contenir un résumé de l’essentiel du texte. Au cours de ce processus d’élaboration, l’interprète construit activement la signification de l’ensemble du texte et par conséquent « le comprend ».

38La description résumée du modèle que Kintsch a appelé le « modèle de construction-intégration » est également intéressante :

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« Un processus modèle de compréhension d’un texte essaie de décrire les étapes par lesquelles le langage écrit ou parlé est transformé en représentation mentale dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur. Le modèle de construction-intégration suppose que ce processus implique deux phases : une phase de construction, au cours de laquelle un modèle mental approximatif et incohérent est construit localement à partir de l’input textuel et des objectifs et des connaissances du sujet, puis une phase d’intégration qui est essentiellement un processus de satisfaction d’une contrainte qui rejette les constructions locales inappropriées en faveur de celles qui s’intègrent dans un tout cohérent. Les règles de construction dans ce modèle peuvent être relativement simples et robustes parce qu’elles doivent prendre en compte uniquement le contexte local. Le contexte global devient important uniquement dans la phase d’intégration, lorsque le réseau incohérent et provisoire, formé à partir des règles de construction en l’absence de contexte, est fixé dans un état stable ».
(Kintsch, 1998, p. 119)

40Cela devrait être évident maintenant, mais je souhaiterais l’exprimer de manière claire : pour que mon argumentation générale soit valide, il n’est pas nécessaire d’accepter par exemple que le mécanisme de parsing constitue la bonne explication du phénomène, ou que les niveaux pertinents de traitement de l’information soient activés simultanément et non pas séquentiellement, ou de retenir les autres hypothèses concernant le processus de compréhension que j’ai décrites précédemment. La seule chose importante est que ces propositions sont des propositions empiriques – même si elles sont fausses, elles restent empiriques.

III – Conclusion

41En conclusion, on peut dire que jusqu’à maintenant, il n’a pas été possible de montrer que le cercle herméneutique constituait un problème ontologique ou un problème logique. Tout indique plutôt qu’il fait référence à un phénomène empirique, qui peut être étudié dans le cadre de la psycholinguistique et d’autres disciplines empiriques. Il ne peut pas, par conséquent, être utilisé comme argument pour légitimer la séparation entre les sciences naturelles et les sciences humaines, et ne peut donc pas contribuer à soutenir la thèse de l’autonomie des sciences humaines.

Notes

  • [1]
    Dans les termes de Wolfgang Stegmüller (1986, p. 28) : « Le cercle herméneutique semble être le noyau rationnel, qui vient de la thèse sur la distinction ou la supériorité des sciences humaines par rapport aux sciences naturelles, après avoir éliminé tous les facteurs irrationnels. »
  • [2]
    Schleiermacher a défini le cercle herméneutique de la manière suivante : « de la même manière que le tout est évidemment compris en référence aux individus, l’individu ne peut être compris uniquement qu’en relation à la totalité » (Schleiermacher, 1999, p. 329).
  • [3]
    Voir aussi les commentaires de Hans-Georg Gadamer, quand il écrit : « La réflexion herméneutique d’Heidegger ne prouve pas seulement l’existence du cercle, mais elle montre plutôt que ce cercle a un sens ontologiquement positif » (Gadamer, 1993 [1959], p. 59).
  • [4]
    Le « locus classicus » auquel la littérature fait référence est Hans-Georg Gadamer : « La règle herméneutique d’après laquelle on doit comprendre le tout à partir du singulier et le singulier à partir du tout trouve son origine dans la rhétorique antique, et elle est adoptée par l’herméneutique moderne, de l’art de parler à l’art de comprendre. C’est une relation circulaire qui existe un peu partout » (Gadamer, 1993 [1959], p. 59).
  • [5]
    Little (1991, chap. 4), Kincaid (1996, chap. 6) et Manicas (2006, chap.. 3) proposent des discussions sur l’interprétivisme.
  • [6]
    Voir par exemple Searle (1995 et 2011) pour une recherche de ce genre.
  • [7]
    Le « cercle » dans la compréhension appartient à la structure du sens, dont le phénomène trouve ses racines dans la constitution existentiale du Dasein, dans la compréhension interprétative. L’étant pour lequel, en tant qu’Être-au-monde, son être même est en jeu, a une structure ontologique circulaire.
  • [8]
    Pour une explication encore plus détaillée de ce concept, voir Göttner (1973, p. 132).
  • [9]
    Voir Dagfinn, Follesdal, Lars, Walloe et John Elster (1996, p. 116). Ils explorent quatre variantes : le cercle du tout et sa partie, le cercle du sujet objet, le cercle de la Méthode hypothéticodéductive et le cercle de la question réponse. Martin (1994, pp. 265 sq.) tente également de « montrer qu’il existe un problème analogue au cercle herméneutique en sciences naturelles, mais que cela n’a pas empêché les scientifiques de tester objectivement leurs théories ».
  • [10]
    Voir à ce propos Mantzavinos (2005).
  • [11]
    La discussion se réfère tout le temps à ce passage. Voir par exemple plus récemment Reale (2000, p. 96).
  • [12]
    Il est très caractéristique de la confusion actuelle que Gadamer, en divers endroits, dise des choses différentes ou contradictoires sur le cercle herméneutique. Il dit ceci dans Wahrheit und Methode, p. 298 sq : « Le cercle herméneutique n’est point un cercle méthodologique, mais décrit un moment ontologique structurel de la compréhension » (Je souligne). Mais plus tard, dans une note de bas de page, Gadamer réagit sur la critique de Stegmüller : « L’objection du côté logique contre l’idée du “cercle herméneutique” méconnait qu’il n’y a aucune revendication de preuve scientifique, mais qu’il s’agit d’une métaphore logique – connue dans la rhétorique depuis Schleiermacher » (Je souligne). Ainsi il est supposé être en même temps « un moment ontologique structurel de la compréhension » et une « métaphore logique », la signification de « métaphore logique » étant très peu claire.
  • [13]
    Des études neurologiques avec des patients atteints d’amnésie montrent que la différence entre « knowing how » et « knowing that » est liée au système nerveux. Dans une étude classique, par exemple, Cohen et Squire parlent de patients capables d’acquérir une « mirror-reading skill », alors même qu’ils ne pouvaient pas retenir les mots qu’ils lisaient ni le fait même d’être confrontés à cette tache. Leur amnésie en relation au « knowing that » (dans le cas de mots spécifiques et le fait de les traiter dans une expérimentation de laboratoire) n’a empêché ni l’apprentissage ni la pratique du « knowing how » (dans ce cas la lecture de mots qui leur étaient présentés sur des images mirroir). Voir Neal, Cohen et Squire (1980, pp. 207-210).
  • [14]
    « Knowing how » ne doit pas être interprété comme équivalent à « connaissance tacite ». Pour davantage d’information sur ce sujet, voir Mantzavinos (2001, p. 31).
  • [15]
    Sur ce point, voir Baron (1994).
  • [16]
    Il est possible de rencontrer le même problème d’une manière similaire.Essayez de donner le nombre de symboles pour chaque groupe de symboles de la liste suivante. Par exemple, lorsque vous voyez XXX, répondre 3, lorsque vous voyez 5555, répondre 4, etc.
  • [17]
    Cette approche interactive du traitement du langage a été étudiée expérimentalement, notamment par Danks, Bohn et Fears (1983, pp. 193-223).
  • [18]
    Pour une vision globale de la compréhension linguistique, ainsi qu’une bibliographie supplémentaire voir Anderson, (2005, chap. 12).
  • [19]
    Une expérience « aha », aussi connue comme « effet euréka », est l’expérience que tout un chacun peut faire de compréhension soudaine d’un concept ou d’un problème non compris auparavant.
  • [20]
    Just et Carpenter ont étudié le mouvement des yeux pendant la lecture d’une phrase, et étant donné que les individus fixaient leurs yeux sur presque tous les mots, ils ont trouvé que le temps de fixation des individus sur un mot est proportionnel à la taille de l’information que ledit mot contient. Si une phrase contient un mot relativement peu familier, le mouvement des yeux se fixe davantage sur ce mot. Par ailleurs, à la fin de la phrase où se trouve le mot peu familier, les pauses sont plus longues. Voir Just et Carpenter, (1980, pp. 329-354).
Français

Le cercle herméneutique a été utilisé par tous ceux qui ont défendu la thèse de l’autonomie méthodologique des sciences humaines par rapport aux sciences naturelles. Il est généralement perçu comme un problème ontologique ou logique par les Herméneutistes. Le but de cet article est de montrer que le cercle herméneutique n’est ni l’un ni l’autre. Tout indique, plutôt, qu’il fait référence à un phénomène empirique, qui peut être étudié dans le cadre de la psycholinguistique et d’autres disciplines empiriques. Il ne peut pas, par conséquent, être utilisé comme argument pour légitimer la séparation entre les sciences naturelles et les sciences humaines, et ne peut donc pas contribuer à soutenir la thèse de l’autonomie des sciences humaines.

Mots-clés

  • compréhension
  • herméneutique
  • naturalisme
  • Verstehen

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C. Mantzavinos
C. MANTZAVINOS est Professeur à l’Université d’Athènes, Faculté de philosophie et d’histoire de la science (Grèce). Il a été « Senior Fellow » au Max Planck Institute for Research on Collective Goods (Bonn, Allemagne). Il a enseigné à l’université de Freiburg, de Bayreuth, à Stanford et à Witten/Herdecke (Allemagne). Il a notamment publié Wettbewerbstheorie, Eine kritische Auseinandersetzung (Duncker & Humblot, 1994) ; Individuals, Institutions, and Markets (Cambridge University Press, 2001) ; Naturalistic Hermeneutics (Cambridge University Press, 2005) ; Philosophy of the Social Sciences ; Philosophical Theory and Scientific Practice (Cambridge University Press, 2009).
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Mis en ligne sur Cairn.info le 23/01/2014
https://doi.org/10.3917/anso.132.0509
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