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1Dans cet article je m’intéresse à la manière dont Émile Durkheim explique la religion et je pose qu’il l’explique selon les règles de la méthode sociologique qu’il a testées en 1893 [1], énoncées en 1894 [2] et confirmées en 1898 et 1901 notamment [3]. Tout d’abord, je rappellerai ces règles. Je montrerai ensuite qu’elles trouvent dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse leur application la plus complète, à une exception près, tout se passant comme si l’immense documentation ethnographique réunie dans cet ouvrage n’attendait que de rencontrer une idée de jeunesse de Durkheim pour dévoiler son ordre caché, lequel avait échappé jusqu’alors à la recherche sur l’Australie et sur quelques autres sociétés premières. Je terminerai par trois considérations.

Quatre règles de l’explication sociologique

2Les phénomènes sociaux, assure Durkheim, sont des combinaisons régulières d’actions que les individus accomplissent sous l’influence de façons de sentir et de penser qu’il appelle « représentations », employant ce mot dans le sens où il revient dans le vocabulaire philosophique depuis Descartes : les représentations sont ce à quoi correspond, dans l’esprit, la réalité extérieure. Propres aux groupes sociaux et, certaines d’entre elles, répandues dans la société, i. e. communes aux groupes qui s’entrecroisent sur la surface d’un territoire borné, les représentations incluent tout état mental, dont les croyances, susceptible de se traduire en comportements exigés et répétés. Le premier pas à faire pour expliquer un phénomène social est donc de se demander d’où viennent les représentations dont ce phénomène est l’expression.

3Les représentations découlent des hausses de la densité morale des groupes. Cette locution – densité morale – désigne la fréquence, mesurée par le nombre de leurs échanges, avec laquelle les individus interagissent. Plus il y a d’individus en contact, plus il y a d’échanges. La modalité de contact entre les individus qui multiplie davantage leurs échanges est la contiguïté. Il en ressort que la densité morale est élevée dans les lieux et dans les occasions où la population se concentre.

4C’est ce qu’atteste, dans De la Division du travail social, une « loi de gravitation du monde social » affirmant que la civilisation progresse d’autant plus vite que des individus nombreux demeurent longuement réunis (1902 a [1893], 330). C’est ce que montrent aussi, dans Les Règles et ailleurs, les passages qui repèrent dans l’« association », c’est-à-dire dans la manière dont les individus sont disposés sur le sol les uns par rapport aux autres, la source de tout ce qui s’est produit d’important (et même de négligeable) durant l’évolution de l’humanité, la disposition spatiale des individus (combien sont-ils réciproquement éloignés/rapprochés ?) constituant aussi le « milieu interne » des sociétés (1947 [1985], 102-103, 110-111, 122 ; 1902 a [1893], 262-264, 342 ; 1897, 350-353 ; 1898 a, 33-36, 41-42 ; 1963 [1898-1899], 53).

5Les lieux et les occasions où la population se concentre sont respectivement les villes et les assemblées. Au cours de ces dernières, des individus s’amassent temporairement dans des espaces restreints. Dans les deux cas, les représentations naissent comme des faits émergents – bien que Durkheim n’utilise pas ce terme – chaque fois que s’opère entre les consciences jadis séparées une interpénétration accompagnée de leur fusion (une « coalescence ») qui en relâche la « matière » (1902 a [1893], 237-241). Ainsi libérés, les contenus des différentes consciences s’agrègent et suscitent des états mentaux nouveaux (1898 a, 41-44). Mais, alors que dans les grandes agglomérations humaines ces conséquences des hausses, même brusques, de densité morale se manifestent lentement, dans les assemblées elles sont immédiates.

6Dans une assemblée, pourvu que des affections similaires y prennent pied, un sentiment inattendu – une attitude, une émotion, une opinion – se dégage des interactions répétées des individus. Il survient avec leur concours mais indépendamment de leurs volontés. « [U]ne même force les meut dans le même sens » (1947 [1985], 11). Se répercutant d’un esprit à l’autre, ce sentiment s’affermit. La véhémence de cette suite de faits est la raison pour laquelle il faut situer dans les assemblées les moments créateurs de l’histoire. Confrontés à des changements le plus souvent soudains, les groupes se resserrent et donnent libre cours à leurs craintes, à leur colère, à leur enthousiasme. L’assemblée terminée, la société en sort régénérée, parfois renouvelée (1902 a [1893], 67 ; 1947 [1985], 6-7 ; 1897, 110-111 ; 1963 [1898-1899], 53).

7Le temps que les représentations emploient à se former ne décide cependant pas de leur nature. Élaborées en commun par les individus, elles sont collectives en tout état de cause. Une conscience supra-individuelle, collective elle aussi, en est la dépositaire. En effet, « collectif » se dit de ce qui manifeste les traits d’un groupe pris dans son ensemble (1947 [1895], 5-6 ; Fauconnet et Mauss, 1901, 142). L’autorité que les représentations communiquent aux phénomènes sociaux et qui les rend obligatoires tient à leur caractère collectif.

8Une fois qu’une représentation est née, elle ne dure que si de nouvelles contractions morales des groupes la corroborent, jusqu’à ce que le phénomène social qui en relève se solidifie. La durée des représentations comporte deux choses : la première est qu’elles s’individualisent ; la seconde est que les phénomènes sociaux s’avèrent utiles.

9Les représentations s’individualisent dans la mesure où chacun les fait varier à sa manière. Il est prévu que cela arrive, car les individus ont leur tempérament, leurs aptitudes, tout phénomène social devant être séparé des « applications qui en sont faites par les particuliers », de ses « manifestations privées » (1947 [1895], 8-10). L’utilité des phénomènes sociaux, pour sa part, est la « fonction » qu’ils remplissent et qui « consiste […], au moins dans nombre de cas, à maintenir la cause préexistante d’où ils dérivent » (Ibid., 96).

10Comment s’assurer que la cause confirmée par la fonction, la « cause efficiente » à chercher dans le milieu interne des sociétés, est la bonne ? En comparant, dans les sociétés du même genre où il figure, le développement du phénomène à expliquer. Dans chaque société, on remontera d’abord aux origines de ce phénomène de sorte à en repérer le « type plus rudimentaire ». On établira ensuite par l’ajout de quels caractères il s’est progressivement diversifié jusqu’à devenir ce qu’il est. Si la marche du phénomène en question est partout la même, son explication sera dite réussie et on appellera « génétique » la méthode comparative ainsi appliquée (Ibid., 137).

11Les trois premières règles de l’explication sociologique que je viens d’évoquer – faire voir que tout phénomène social naît d’un resserrement moral des groupes, est, à tout moment de sa carrière, l’aboutissement d’un processus d’individualisation et persiste aussi en raison de son utilité – structurent sans conteste Les Formes élémentaires, un ouvrage qui finalement pose entre les représentations et les actions, et notamment entre les croyances et les rites, le même rapport qui existe entre la pensée et le mouvement (1912, 50). La quatrième règle – suivre le développement du phénomène à expliquer à travers le plus grand nombre de sociétés homogènes – est en revanche modifiée. Durkheim renonce à ses comparaisons étendues. Il tient cependant pour acquis qu’on ne rend vraiment compte d’un phénomène social que si on en détermine les débuts.

Le resserrement moral des groupes à l’origine de la religion

12Les Australiens, dont la société est composée de clans (son segment le plus petit), classes matrimoniales, phratries et tribus, créent la religion durant leurs assises périodiques quand, emportés et défaits par des états réitérés de surexcitation et délire, ils se sentent à la fois dominés et soutenus, i. e. élevés au-dessus d’eux-mêmes, par une force extraordinaire, anonyme et diffuse.

13Précédé par l’énoncé, donc non inédit chez Durkheim, qu’il n’y a rien de mieux que l’observation du comportement des individus rassemblés pour se convaincre de l’action « roborative » que les groupes sociaux exercent sur leurs membres (voir ce qui est arrivé à Versailles la nuit du 4 août 1789), le récit des scènes d’exaltation (cris, danses et violences) auxquelles se livrent les Australiens au cours de leurs réunions est tiré notamment des rapports de Baldwin Spencer et Francis Gillen (1899, 1904) sur les Arunta, tribu de l’Australie centrale (1912, 295-314). Ce déchaînement de passions a cependant déjà été décrit par Durkheim vingt ans auparavant, dans De la Division du travail social, au sujet du lien social par similitudes. La nature de ce lien est éclairée par les sentiments de vengeance au moyen desquels un groupe social réagit à des offenses qu’il perçoit comme graves :

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« [T]out le groupe atteint se contracte en face du danger et se ramasse, pour ainsi dire, sur lui-même […]. [L]’émoi qui a gagné de proche en proche pousse violemment les uns vers les autres tous ceux qui se ressemblent et les réunit en un même lieu […] ; les réactions émotionnelles, dont chaque conscience est le théâtre, sont […] dans les conditions les plus favorables pour s’unifier […]. Elles participent […] de la même uniformité et, par suite, viennent […] se confondre en une résultante unique qui leur sert de substitut et qui est exercée, non par chacun isolément, mais par le corps social ainsi constitué. »
(1902 a [1893], 71-72.)

15Spencer et Gillen racontent ce qu’ils ont vu, mais ont-ils compris que, hormis les occurrences où elles s’adonnent à leurs cérémonies, les populations australiennes vivent dispersées ? Durkheim produit alors maintes fois son argument :

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« [L]e seul fait de l’agglomération agit comme un excitant exceptionnellement puissant. »
(1912, 308.)

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« [L]e rapprochement d’un certain nombre d’hommes associés dans une même vie a pour effet de dégager des énergies nouvelles qui transforment chacun d’eux. »
(Ibid., 315.)

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« On sait […] comment les sentiments humains s’intensifient quand ils s’affirment collectivement. La tristesse, comme la joie, s’exalte, s’amplifie en se répercutant de conscience en conscience et vient, par suite, s’exprimer au dehors sous forme de mouvements exubérants et violents. »
(Ibid., 572.)

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« [T]oute communion des consciences, sous quelques espèces qu’elle se fasse, rehausse la vitalité sociale. »
(Ibid., 574 [4].)

20Fallait-il que Durkheim passe par l’Australie pour qu’il découvre les vertus, ou, inversement, les dangers de la densité ? Évidemment non, car ces mêmes remarques apparaissent, elles aussi, dans De la Division du travail social, presque mot pour mot :

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« [O]n sait quel degré d’énergie peut prendre une croyance ou un sentiment, par cela seul qu’ils sont ressentis par une même communauté d’hommes en relation les uns avec les autres […]. De même que des états de conscience contraires s’affaiblissent réciproquement, des états de conscience identiques, en s’échangeant, se renforcent les uns les autres. Tandis que les premiers se soustraient, les seconds s’additionnent […]. Voilà pourquoi, dans les assemblées nombreuses, une émotion peut acquérir une telle violence ; c’est que la vivacité avec laquelle elle se produit dans chaque conscience retentit dans toutes les autres. »
(1902 a [1893], 66-67.)

22Par la suite, l’idée qu’il suffit de rapprocher étroitement des individus pour qu’un phénomène psychique nouveau jaillisse de leur interaction – idée directrice de la sociologie de Durkheim – traverse son œuvre. Il l’expose avec verve au ive congrès international de philosophie (1911 a, 133-135). Il s’appuie à cette occasion sur le supplément de preuves qu’il vient de collecter dans Les Formes élémentaires, dont le manuscrit est quasiment achevé.

23La force inhabituelle et anonyme par laquelle l’Australien est réconforté et tonifié est le « principe totémique ». Elle se fixe sur le simulacre du totem, l’emblème du clan – le drapeau du groupe – qui, par conséquent, devient sacré. C’est au totem que l’Australien finit par attribuer cette force, qu’il a le sentiment de subir (elle « lui vient du dehors », 1912, 317), qu’il ne serait pas en mesure d’exprimer seul et dont il ignore qu’elle émane de son clan. L’avènement de la religion comme culte de la société à laquelle on appartient, société hypostasiée et transfigurée, commencerait alors. Cependant, cette objectivation dans un emblème n’est pas typique des croyances religieuses. Elle caractérise à des degrés différents toutes les représentations, pour deux raisons.

24La première a trait à la manière dont elles se forment. Pour que les esprits individuels fusionnent, il faut que, préalablement, les signes qui en traduisent les dispositions intérieures fassent de même. À la suite de l’apparition d’un signe unifié, les individus réalisent qu’ils sont moralement unis. La seconde raison pour laquelle les représentations s’objectivent tient aux pratiques de leur confirmation. En effet, une fois les assemblées dissoutes, les sentiments qui y ont pris naissance auraient tendance à s’évanouir s’ils n’étaient pas ancrés dans des choses durables les tenant « perpétuellement en éveil », si bien que « l’emblématisme, nécessaire pour permettre à la société de prendre conscience de soi, n’est pas moins indispensable pour assurer la continuité de cette conscience » (Ibid., 329-331).

25Or, ce raisonnement qui consiste à déduire du fait générateur des représentations (le resserrement moral des groupes) la nécessité que ces dernières comportent des emblèmes (leurs formes extérieures et tangibles) date aussi de De la Division du travail social :

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« Comme par suite de leur origine collective […], ces sentiments [demandant que les offenses causées au groupe soient expiées] ont une force exceptionnelle, ils se séparent radicalement du reste de notre conscience dont les états sont beaucoup plus faibles. Ils nous dominent […] et, en même temps, ils nous attachent à des objets qui sont en dehors de notre vie temporelle. Ils nous apparaissent donc comme l’écho en nous d’une force qui nous est étrangère et qui, de plus, est supérieure à celle que nous sommes. Nous sommes ainsi nécessités à les projeter en dehors de nous, à rapporter à quelque objet extérieur ce qui les concerne. »
(1902 a [1893], 68-69.)

27Qu’y a-t-il d’original dans Les Formes élémentaires quant à l’explication de la genèse des phénomènes sociaux qui s’y développe ? Un mot y est relativement neuf : « effervescence ». Les tribus australiennes rassemblées connaissent des jours et des nuits d’effervescence. Les époques créatrices où les peuples conçoivent leurs idéaux sont des périodes d’effervescence (1912, notamment 312-314, 323-324, 547, 611). Soit une échelle de densité morale, l’effervescence y occupe les degrés les plus élevés. Le mot est relativement nouveau, car Durkheim l’a déjà utilisé dans son cours sur les mœurs (1950 [1896-1900], 150), deux fois dans Le Suicide (1897, 102, 217) et dans des occasions contemporaines de la rédaction des Formes élémentaires (1911 a, 134) pour qualifier des situations où, du fait d’un accroissement des relations entre les individus, la vie sociale s’intensifie ; c’est dans cette acception qu’il va l’employer dorénavant [5]. Mais, le terme d’effervescence désigne également, dans Le Suicide (1897, 284, 308, 332, 422), dans L’Éducation morale (1963 [1898-1899], 126-127) et encore en 1911 (voir 1911 b, 89) l’état d’« impatience collective » ou d’« agitation morbide » qui se détermine quand, à cause d’une détente des normes sociales, « les convoitises sont soulevées » et que l’« on a soif de choses nouvelles ». L’effervescence est une préciosité linguistique. La densité morale est une notion.

L’individualisation des croyances religieuses

28L’individualisation des croyances religieuses commence tout de suite après leur apparition (et c’est un « après » plus logique que chronologique, 1912, 382), quand le principe totémique se partage entre les participants aux assemblées. Chacun d’eux en garde un fragment qui s’introduit dans leur corps sans pourtant s’y dissoudre. Il leur reste extérieur, un « hôte de passage » qui va leur survivre (Ibid., 356). Ce fragment, cette parcelle de vigueur rayonnant de leur communion, est leur âme. Par elle les valeurs qu’ils ont bâties ensemble prennent possession de leurs consciences et les dirigent. Ce fait est universel, car l’âme est une réalité défendue par toutes les cultures et, partout, elle n’existe que par opposition au corps. Alors que ce dernier est le siège des penchants humains égoïstes, l’âme héberge les inclinations contraires empreintes de désintérêt et d’abnégation. De là, la conviction ancienne que l’homme est double, un être à la fois « sensible » et spirituel. La religion élémentaire montre le bien-fondé de cette idée, car elle fait voir que, dès le premier jour, c’est par l’âme que « la société […] s’organise en nous d’une manière durable » (Ibid., 376-377).

29À la mort des corps, les âmes vont au ciel, au « pays des âmes ». Les plus efficaces d’entre elles en descendent pour se réincarner et y remonter ensuite. Leur circulation entre le royaume des morts et celui des vivants se poursuit sans cesse jusqu’à ce que tout nouveau-né soit l’avatar d’un ancêtre. C’est ainsi que les ancêtres acquièrent la consistance d’esprits, la plupart bienfaisants. Une hiérarchie s’établit avec le temps entre les esprits ancestraux, « êtres sacrés secondaires » par rapport au principe totémique et aussi résultats ultérieurs de son morcellement. Il en est qui demeurent des personnages vénérables des clans, objet de cultes locaux. D’autres sont transformés en héros mythiques, fondateurs d’une civilisation. Leur culte unit les phratries, et donc les clans, d’une même tribu. Viennent en dernier (et ici l’ordre est chronologique) les esprits ancestraux qui sont élevés au rang de dieux suprêmes, éternels et créateurs du monde. Ils fédèrent dans leur culte plusieurs tribus voisines. Ce sont des entités « internationales ». Les sources de Durkheim assurent que leur conception n’est pas importée par les missionnaires mais est autochtone (Ibid., 415).

30Avec l’idée d’un grand dieu, le totémisme atteint le stade « où il rejoint et prépare les religions qui suivront, et il nous aide à les comprendre » (Ibid., 422). En même temps, le nombre des fidèles de ce dieu éminent est tel que la variété des croyances qui le concernent s’impose à l’analyse comme un fait irréversible. Cela n’empêche pas que ces croyances portent la marque de la force anonyme dont elles dérivent. Du totémisme aux religions à venir, les choses ne changeront plus sous cet aspect. Aucun culte particulier ne s’adressera jamais à des divinités qui ne soient « des formes individualisées de forces collectives » (Ibid., 607), et, quoiqu’elle se singularise, aucune croyance religieuse ne sera jamais individuelle au départ, c’est-à-dire créée par des individus pris séparément l’un de l’autre.

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« Une philosophie peut bien s’élaborer dans le silence de la méditation intérieure, mais non une foi […]. [L]es croyances ne sont actives que quand elles sont partagées. On peut bien les entretenir quelque temps par un effort tout personnel ; mais ce n’est pas ainsi qu’elles naissent ni qu’elles s’acquièrent ; il est même douteux qu’elles puissent se conserver dans ces conditions. »

32Dans son intervention à la séance du 4 février 1913 de la Société française de philosophie, Durkheim (1913, 24-25) prête aux Formes élémentaires le mérite d’avoir rendu compte de la « dualité » de la nature humaine (l’année suivante ce sera plutôt son « dualisme [7] »). Cela n’est vrai qu’à moitié, car Durkheim a toujours expliqué de la même façon la partie la meilleure, la plus noble de l’homme. Il a toujours dit que les dispositions de ce dernier traduisent l’action que les groupes sociaux exercent sur lui, selon la formule du Suicide énonçant que deux « forces antagonistes » sont en présence. « L’une vient de la collectivité et cherche à s’emparer de l’individu ; l’autre vient de l’individu et repousse la précédente. » (1897, 360.) Durkheim est original relativement à ses textes antérieurs uniquement là où il suggère que les groupes ont recours à l’âme pour faire valoir leur autorité (« […] j’ai montré que l’âme, c’est la conscience collective incarnée dans l’individu », 1913, 35).

33En revanche, Durkheim ne reviendra plus sur son exposé du mode selon lequel les Australiens seraient arrivés, d’assemblée en assemblée, à se persuader de l’existence d’un dieu suprême, créateur de l’univers. Or il s’agit là de sa contribution majeure aux raisons de l’athéisme. Dans De la Division du travail social, dieu est déjà un produit sûr de l’imagination. Durkheim entrevoit d’où viennent les pouvoirs exceptionnels que le croyant lui prête, mais ne le dit pas encore. Dans Le Suicide ce problème est désormais résolu et dieu est l’emblème des emblèmes, une hypostase. Il manquait une description plausible de la construction sociale de l’idée de dieu (comment s’est-elle formée ? en passant par quelles étapes ?) ; la voici, tirée de rapports ethnographiques même contradictoires qu’une proposition sur la nature des représentations sociales (elles proviennent toutes d’une élaboration collective et s’individualisent ensuite) rend cependant parlants. Une progression mène ainsi du principe totémique au grand dieu. Le chemin n’est pas moins suggestif si on le parcourt au retour :

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« Le grand dieu tribal […] n’est qu’un esprit ancestral qui a fini par conquérir une place éminente. Les esprits ancestraux ne sont que des entités forgées à l’image des âmes individuelles. […] Les âmes, à leur tour, ne sont que la forme que prennent, en s’individualisant dans des corps particuliers, les forces impersonnelles que nous avons trouvées à la base du totémisme. L’unité du système en égale la complexité. »
(1912, 422-423.)

La fonction et la cause

35Dans Les Règles, défendant sa thèse selon laquelle la fonction (l’utilité) d’un phénomène social consiste à préserver la cause dont il est l’effet, Durkheim résume comme suit le rapport qui existe entre l’effet et la cause : l’effet « tire son énergie » de la cause, « mais aussi il la lui restitue à l’occasion et, par conséquent, ne peut disparaître sans qu’elle s’en ressente » (1947 [1895], 95). Pour démontrer cette relation de réciprocité, Durkheim cite le cas de la fonction de la peine qu’il a établie dans De la Division du travail social. La peine sert à maintenir les valeurs diffuses violées par le crime. Par cette voie, elle concourt à vivifier la cohésion sociale (1902 a [1893], 52-57). L’explication que Durkheim donne de la fonction des rites, i. e. de la partie observable de la religion (ce qu’on en voit avant de comprendre ce que c’est et même si on n’arrive pas à le comprendre), se calque sur celle de la fonction de la peine de 1893. Les rites sont les manifestations des croyances et réagissent sur elles. Ainsi, ils renforcent le resserrement moral des groupes (la cause des croyances) qui se relâcherait faute de ces revitalisations cycliques.

36Cinq types de rites religieux sont distingués par Durkheim : ascétiques, sacrificiels, mimétiques, commémoratifs et piaculaires. Ces rites sont d’abord des fêtes, « joyeuses » (types 1-4) et « tristes » (type 5). En tant que fêtes, ils ont des propriétés. Ils obligent les individus à se concentrer, à intensifier leurs contacts. Le résultat est que les groupes sont comme régénérés et « [l]a foi commune se ranime tout naturellement au sein de la collectivité reconstituée » (1912, 494). On connaît désormais la raison de cela : « [l]a société ne peut raviver le sentiment qu’elle a d’elle-même qu’à condition de s’assembler » (Ibid., 441-42). Certains de ces rites sont également des réponses à des crises, notamment les rites du type 2, 3 et 5. Aux crises attendues, liées aux changements saisonniers et aux rythmes de la vie économique, il faut ajouter les crises inopinées (deuils et autres calamités) et les inquiétudes générales comme celles qui sont dues au retard avec lequel l’animal totémique se reproduit. Or, même les crises et les soucis partagés poussent tribus et clans à se réunir, de sorte que, d’une façon ou de l’autre, la « vraie justification » des cérémonies religieuses résidant dans l’« action invisible qu’elles exercent sur les consciences », les rites sont « les moyens par lesquels le groupe social se réaffirme périodiquement ». « Par cela seul qu’elles sont collectives, elles [les cérémonies] élèvent le ton vital. » (Ibid., 514, 553 et 583.)

37La recherche séparée de la cause efficiente et de la fonction remplie est, d’après Les Règles, la condition indispensable de toute explication réussie. Où Durkheim a-t-il suivi, illustré cette prescription plus soigneusement que dans Les Formes élémentaires ? Et comment saisir la cohérence de cet ouvrage (et sa structure même, centrée sur l’opposition du livre ii et du livre iii) si on fait abstraction de ce principe ? En revanche, Durkheim a déjà rencontré des crises salutaires comme celles des tribus australiennes. Ce sont les crises politiques et les guerres qui profitent à l’intégration des groupes et « avivent les sentiments collectifs » (1897, 222 ; 1963 [1898-1899], 58).

Le premier anneau de la chaîne

38Sur la part qu’il faut faire au passé dans l’explication sociologique, Durkheim n’a que des certitudes et il les a exprimées plusieurs fois à la suite de ce qu’il avait soutenu dans Les Règles au sujet de la méthode comparative, sa méthode de la preuve. Cette part est grande, et elle est d’autant plus grande que le phénomène à expliquer se compose de traits accumulés, transmis à partir d’un fonds originaire qui en a dirigé l’évolution (1947 [1895], 136). C’est le cas des institutions, c’est-à-dire de « toutes les croyances et de tous les modes de conduite institués par la collectivité », la religion en premier lieu, dont la sociologie est bien « la science » (Ibid., xxii ; 1901, 15 [8]). Leur étude suppose qu’on en établisse préalablement les racines. Cela signifie que le sociologue est appelé à travailler comme l’historien, ni plus ni moins, toute différence entre eux étant destinée à disparaître le jour où l’historien aussi se décidera à comparer, délaissant sa prédilection pour les faits singuliers, traités isolément l’un de l’autre (1898 b, 32-33). Cette prise de position revient, singulièrement marquée, dans l’ouverture des Formes élémentaires[9].

39

« Tout d’abord, nous ne pouvons arriver à comprendre les religions les plus récentes qu’en suivant dans l’histoire la manière dont elles se sont progressivement composées. L’histoire est, en effet, la seule méthode d’analyse explicative qu’il soit possible de leur appliquer. Seule, elle nous permet de résoudre une institution en ses éléments constitutifs, puisqu’elle nous les montre naissant dans le temps les uns après les autres. […] Toutes les fois donc qu’on entreprend d’expliquer une chose humaine, prise à un moment déterminé du temps […] il faut commencer par remonter jusqu’à sa forme la plus primitive et la plus simple, chercher à rendre compte des caractères par lesquels elle se définit à cette période de son existence, puis faire voir comment elle s’est peu à peu développée et compliquée, comment elle est devenue ce qu’elle est au moment considéré. Or, on conçoit sans peine de quelle importance est, pour cette série d’explications progressives, la détermination du point de départ auquel elles sont suspendues. C’était un principe cartésien que, dans la chaîne des vérités scientifiques, le premier anneau joue un rôle prépondérant. »
(1912, 4-5.)

40Après avoir confirmé de cette manière l’axiome selon lequel le début des choses en hypothèque l’avenir, Durkheim en vient à la mise en pratique de ses vues sur l’analyse comparative, rétrospective, des phénomènes religieux. Il est conforté en cela par les erreurs de James Frazer et de l’« école anthropologique » qui rapprochent pêle-mêle les contextes les plus disparates (Ibid., 132-133). Selon Les Règles, cette comparaison devrait concerner des faits ressortissants à des sociétés à la fois du même genre, considérées au même stade de leur développement et les plus nombreuses si possible en raison de la généralité des phénomènes religieux-mêmes (1947 [1895], 137).

41Au contraire, dans Les Formes élémentaires, Durkheim se borne à demander que les sociétés soient homogènes et de même niveau de développement. Faisant de nécessité vertu, il justifie le fait qu’il ne va s’occuper que des sociétés australiennes et de certaines sociétés nord-américaines. Ensuite, par un glissement net, il dit que la quantité des contextes à retenir n’est pas une priorité pour lui. Non seulement « la valeur des faits importe-t-elle beaucoup plus que leur nombre », mais il considère qu’« [u]n fait unique peut mettre une loi en lumière » (1912,134-135). Et plus bas, dans la conclusion, il affirme : « quand une loi a été prouvée par une expérience bien faite, cette preuve est valable universellement. » (Ibid., 593). Il existe assurément dans Les Règles l’idée que, toutes choses égales par ailleurs, peu de cas bien choisis constituent à eux seuls la base d’une comparaison satisfaisante (1947 [1895], 132), mais il faut qu’il y ait un seuil au-dessous duquel le nombre de cas ne devrait pas descendre. Avec un fait unique, il n’y a évidemment pas de comparaison.

42Durkheim vise à prévenir l’objection selon laquelle le premier anneau qu’il a découvert en Australie ne serait pas le même qu’ailleurs. Il a fait tout ce qu’il fallait. Que l’on sache, quoi qu’il en soit, qu’une étude soigneusement menée suffit à produire des résultats généralisables. Et Durkheim de mobiliser un autre de ses principes méthodologiques majeurs : « à un même effet correspond toujours une même cause » (Ibid., 127). « Il n’est pas concevable […] que, suivant les circonstances, un même effet puisse être dû tantôt à une cause, tantôt à une autre » (1912, 594). Cela n’empêche pas que, rayant le nombre des cas des conditions d’une comparaison valide, Durkheim a fait une entorse, la seule enfin, à ses Règles.

Trois problèmes

43La continuité de la méthode de Durkheim tout au long de son œuvre est un fait patent. Elle est soulignée par Durkheim lui-même qui, dans Les Formes élémentaires, renvoie vingt cinq fois à ses travaux antérieurs. Comme dans le passage suivant :

44

« On sait […] que les phénomènes sociaux prennent naissance, non dans l’individu, mais dans le groupe. Quelque part que nous prenions à leur genèse, chacun de nous les reçoit du dehors. »
(Ibid., 331.)

45Ces lignes s’achèvent par la note de bas de page : « V. sur ce point Les Règles de la méthode sociologique, p. 5 sq. ».

46Parfois Durkheim exagère ses mérites de précurseur. La structure des tribus australiennes ? C’est celle qu’il avait appelée dès 1893 « organisation à base de clans » (Ibid., 136). La disposition d’esprit du primitif à l’égard de la mort ? Il en avait déjà parlé dans Le Suicide (Ibid., 383). Et que dire d’un lexique dont les termes restent stables eux aussi ? La « conscience collective » (six citations) est sur le devant de la scène dans Les Formes élémentaires. Même les pages de cet ouvrage qui passent pour être les plus novatrices, depuis un mémoire de L’Année sociologique (Durkheim et Mauss, 1903), i. e. celles qui affirment que les catégories de l’entendement seraient de dérivation sociale, ne sont pas vraiment pionnières, car Durkheim ne fait qu’y développer son idée que tout ce qui existe dans les sociétés, et donc la pensée logique également, se compose de représentations. Or, une fois que l’on a dit que les catégories sont des représentations, il n’y a guère à ajouter. On sait par cela même comment elles sont nées ; on imagine qu’elles se sont individualisées, car les représentations encouragent leur nature et se combinent selon leurs lois (1947 [1895], xviii-xix ; 1901, 11 ; 1912, 605). L’analyse des origines de la pensée logique aussi reprend les thèses de « Représentations individuelles et représentations collectives » (article qui est, en effet évoqué trois fois). Certes, Les Formes élémentaires s’appliquent à faire voir de quelle manière la société de l’Australien aurait suggéré à ce dernier les concepts de genre, espèce, temps, etc., par ses subdivisions et ses alternances. Mais, il a fallu de fortes hausses de densité morale, des moments de haute fusion des consciences individuelles – il a fallu des assemblées –, pour que ces suggestions se produisent, et c’est ce qui importe dès lors que l’on s’attache à la façon d’expliquer de Durkheim.

47La fidélité des Formes élémentaires aux règles des Règles soulève trois problèmes.

48Le premier est celui des conditions de possibilité de cette fidélité. Comment est-il possible que trente ans d’enquêtes de terrain (une littérature considérable dépouillée) trouvent leur place et même un arrangement harmonieux dans un schéma aussi constitué à l’avance, conçu à la fin des années 1880 à la mesure d’une « étude sur l’organisation des sociétés supérieures [10] » ? Cela est possible parce qu’on ne change pas une théorie en fonction des données dont on dispose, mais une théorie choisit, sélectionne ses données. Dès 1895, contre Edward Westermarck, Durkheim blâme le recours aveugle aux observations ethnographiques qui conduit à prendre « le secondaire pour l’essentiel et les détails curieux pour les faits fondamentaux » (Durkheim, 1895, 74). Il en vient à dire que pour comprendre les sociétés primitives, il faut en sortir (Ibid.). Et à Frazer, qui nie au totémisme le caractère religieux qu’il lui avait attribué en 1887 parce que les Arunta (encore d’après Spencer et Gillen) ne pratiqueraient pas les deux interdictions de manger l’animal ou la plante totémiques et de se marier au sein du même clan, Durkheim répond que, comme la relation entre le totémisme et l’exogamie a été vérifiée à de nombreuses occasions,

49

« quand une proposition a pour elle l’autorité d’une expérience aussi étendue, il est contraire à toute méthode d’y renoncer trop facilement, sur la simple découverte d’un fait qui paraît la contredire. »
(1902 b, 321)

50Il est à croire que Durkheim aussi estime que de nouvelles données peuvent amener à corriger ou à abandonner une théorie. Cependant, il n’en a jamais rencontrées qui lui ont fait penser qu’il devait modifier la sienne, ou, s’il en a rencontrées, il ne les a pas reconnues ou a fait semblant de ne pas les voir.

51Le deuxième problème soulevé par la continuité de la méthode de Durkheim est comment cette constance s’accorde avec une définition de la religion qui évolue depuis ses premières formulations de 1886-1887 et n’est définitivement centrée sur la dichotomie choses sacrées/choses profanes qu’à partir d’un cours de 1906-1907 (Durkheim, 1907) [11]. La méthode et la définition s’accordent parce que, les choses sacrées étant le siège d’une force (« d’une puissance, d’une énergie », 1917), expliquer la religion veut dire expliquer d’où vient cette force et la montrer à l’œuvre. Elle pousse l’individu à agir en exerçant sur lui une influence « dynamogénique », selon l’adjectif insolite que Durkheim exhibe après 1912 [12], de sorte que le croyant est « un homme qui peut davantage » (1912, 595 ; 1913, 23 [13]).

52On est ici au cœur de la pensée de Durkheim : le social et le religieux empiètent l’un sur l’autre dans leur commune opposition à l’individuel. En effet, tous les phénomènes sociaux ont la même origine que la religion, puisque les représentations qui en sont à la base se dégagent des individus assemblés, et tous, la morale notamment, font subir à l’individu la même emprise, d’une façon plus ou moins marquée [14]. La contrainte à laquelle on les reconnaît, c’est-à-dire leur caractère obligatoire, conséquence de leur genèse collective, est bien la manifestation d’une force. Les sociologies de Durkheim, la religieuse et les autres, sont ainsi également impliquées dans le début des Règles : un fait social est extérieur aux individus et doué d’une « puissance impérative et coercitive » par laquelle il s’impose à eux (1947 [1985], 4).

53Le troisième problème que soulève la fidélité des Formes élémentaires aux règles des Règles est celui de l’attitude à adopter vis-à-vis des interprétations, lectures et relectures qui, depuis Talcott Parsons, pour fixer un terme a quo, font du Durkheim des Formes élémentaires un second Durkheim par rapport au premier, justement celui des Règles, scientiste et positiviste. Cette attitude doit être de respect, celui qui échoit aux exercices d’une activité répandue parmi les sociologues, presque constitutive de leur discipline : le « présentisme ». Cela consiste en l’annexion de la sociologie d’hier à celle du jour. La présente contribution se démarque de ces exercices. Elle s’est donné pour but de restituer les choses telles qu’elles se sont réellement passées, selon une maxime de Leopold von Ranke de 1824, dont les derniers braves partisans ont de la peine à sortir à découvert et à se rassembler – de peur sans doute de donner origine à une religion.

Notes

  • [1]
    Année de publication de sa thèse, De la Division du travail social (1902 a [1893]), achevée en mars 1892.
  • [2]
    Les Règles de la méthode sociologique (1947 [1895]) paraissent d’abord à cette date dans la Revue philosophique.
  • [3]
    Dates de publication, la première, de « Représentations individuelles et représentations collectives » (1898 a) et du 1er volume de L’Année sociologique, dont je considère ici la préface (1898 b), et, la deuxième, de la 2e édition des Règles, augmentée d’une nouvelle préface parue également sous forme d’article (Durkheim, 1901).
  • [4]
    Voir aussi Ibid., 493, 497, 499 et 582-583.
  • [5]
    Durkheim, 1913, 57; 1914, 329. Voir Pickering, 1984, 380-390.
  • [6]
    Voir cette même idée dans Durkheim, 1899, 163-165.
  • [7]
    Durkheim, 1914.
  • [8]
    Durkheim renvoie à Fauconnet et Mauss, 1901, 150-151. Il est probablement un coauteur de ce texte.
  • [9]
    C’est-à-dire dans l’article « Sociologie religieuse et théorie de la connaissance » (1909 a) repris en partie dans Les Formes sous le titre « Objet de la recherche ».
  • [10]
    C’est le sous-titre de la 1re édition de De la Division du travail social.
  • [11]
    Voir l’article de G. Paoletti dans ce même numéro de L’Année sociologique.
  • [12]
    Durkheim, 1913, 26 ; Durkheim et Mauss, 1913, 706 ; … D’origine française, le qualificatif « dynamogénique » paraît revenir à Durkheim des États-Unis via William James. Voir Jones, 2005 a, 229-230 ; 2005 b, 93-94 ; et Watts Miller, 2005, 18-22.
  • [13]
    Voir également Durkheim, 1909 b, 144.
  • [14]
    « D’ailleurs nous avons montré qu’il n’y a pas de morale qui ne soit imprégnée de religiosité. » (Durkheim, 1914, 327, renvoi implicite à Durkheim, 1906).
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Résumé

Émile Durkheim explique la religion selon trois de ses Règles de la méthode sociologique. Elles assurent, respectivement, que les phénomènes sociaux découlent du resserrement moral des groupes, sont, à tout moment de leur carrière, l’aboutissement d’un processus d’individualisation et persistent aussi en raison de leur utilité. Une quatrième règle, demandant que la cause des phénomènes sociaux soit établie par des comparaisons historiques étendues, est en revanche modifiée par Durkheim dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse. Il y tient néanmoins pour acquis qu’on ne rend vraiment compte d’un phénomène social que si on remonte à ses origines.

Mots-clés

  • analyse comparative
  • cause
  • densité morale
  • Durkheim
  • effervescence
  • explication sociologique
  • fonction
  • histoire
  • individualisation
  • religion
  • représentations
  • totémisme

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Massimo Borlandi
Professeur de sociologie à l’université de Turin (Italie)
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 31/10/2012
https://doi.org/10.3917/anso.122.0367
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