CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Non déterminés a priori, les intérêts des femmes sont diversement définis, selon les contextes sociohistoriques, par les acteurs (le plus souvent, les actrices) qui s’en font les défenseurs. Droit de vote et d’éligibilité, égalité professionnelle, sanction pénale du viol et des violences, droit à l’avortement et à la contraception... : par-delà ses définitions variables, la cause des femmes comporte le plus souvent, dans son énonciation même, une forte dimension juridique. De façon corollaire, les luttes féministes se déploient sur des terrains juridiques autant que politiques : investissement de l’arène judiciaire, lobbying auprès des ministères et des parlementaires pour influencer le processus de production de la loi. Par la place qu’ils accordent ainsi au droit dans la définition des termes et des modalités de leurs luttes, les défenseurs de la cause des femmes attestent leur confiance envers cette institution comme levier de changement social dans un État revendiquant une légitimité de type rationnel-légal (Weber, 1997 [1971]).

2Si le droit est ainsi amené à occuper une place centrale dans les mobilisations collectives, cette place ne saurait pour autant être caractérisée de façon uniforme. Ainsi, les catégories d’analyse classiques des mouvements sociaux comme « réformistes » ou « révolutionnaires » échouent à rendre compte de la complexité des stratégies juridiques déployées par les défenseurs de causes, mais aussi de la place changeante du droit dans la définition même de ces causes. Afin de saisir plus finement ces aspects, il convient de s’intéresser au sens attribué au droit (Lépinard, 2009). Une telle analyse impose de se placer dans le cadre de débats juridiques précis. En effet, le sens assigné au droit (alternativement conçu comme opprimant, neutre, émancipateur...) dépend des domaines juridiques et de conjonctures politiques particulières. Une démarche comparative est à même d’illustrer cette place variable du droit dans la défense des causes, ainsi que d’en faire émerger des pistes explicatives. C’est dans cette optique que nous nous intéresserons à l’investissement, par les défenseurs de la cause des femmes en France et au Québec, des dispositions juridiques ayant trait au règlement des conséquences financières du divorce (pensions alimentaires, prestation compensatoire, définition des régimes matrimoniaux).

3Depuis les années 1970, la cause des femmes a été le plus souvent associée à des thèmes tels que l’égalité professionnelle, l’avortement et la contraception, la lutte contre les violences et la promotion de la représentation politique des femmes. Moins médiatisées et moins étudiées, les mobilisations concernant le règlement des conséquences financières du divorce en droit familial n’en ont pas moins constitué un aspect important des luttes en faveur de la cause des femmes dans le dernier quart du XXe siècle.

4Au regard d’une analyse de la place et du sens attribués au droit dans la défense des causes, ces dispositions juridiques présentent un intérêt certain du fait de leur plasticité symbolique. En effet, la prestation compensatoire, les pensions alimentaires et la liquidation du régime matrimonial impliquent une redistribution des ressources entre conjoints au moment du divorce [2], le plus souvent en faveur des femmes, qui peut faire l’objet d’interprétations diverses : s’agit.il d’un entretien de la dépendance à l’égard du lien conjugal par-delà le divorce, d’une protection concédée à des êtres faibles, ou encore d’une juste compensation des inégalités subies par les femmes en raison de la division sexuelle du travail ? Selon les lectures qui en sont faites, ces dispositions pourront ainsi être perçues comme entretenant la subordination sociale des femmes, ou à l’inverse, comme participant d’un objectif d’égalité entre les sexes. Selon cette dernière lecture, le droit n’est plus seulement le lieu d’affirmation d’un principe juridique d’égalité (égalité dans le droit), mais devient un moyen en vue d’une égalité réelle des conditions (égalité par le droit) (Sabbagh, 2003). Comme l’ont montré les récents travaux sur les luttes en faveur de la parité en politique (Bereni, 2007 a ; Bereni et Lépinard, 2004 ; Lépinard, 2007), cet usage stratégique du droit ne va pas de soi, et fait beaucoup moins consensus, parmi les défenseurs de la cause des femmes, que les luttes en faveur de l’égalité de traitement dans le droit.

5Comment et sous quelles conditions sociohistoriques, culturelles et politiques, une telle utilisation du droit familial comme outil d’une justice de genre est-elle possible ? La comparaison des cas français et québécois, qui permet de mettre en évidence la diversité des lectures possibles de ces dispositions juridiques, et de façon corollaire la place variable qui leur est accordée dans la défense de la cause des femmes, nous amène également à proposer des pistes explicatives de ces différences. Parmi celles-ci, nous explorerons ici l’influence du profil social des militantes, ainsi que le rôle des significations culturelles véhiculées par le droit. Nous préciserons au préalable comment les apports de la sociologie politique du droit et de la sociologie des mouvements sociaux invitent à penser la place du droit dans la défense des causes en prenant en considération la diversité des sites possibles (institutionnels et non institutionnels) de contestation.

La place du droit dans la défense des causes

6Au-delà de la problématique classique de l’influence des mouvements sociaux sur le droit, comment penser la place du droit dans la défense des causes ? Le droit, selon la perspective proposée ici, doit être conçu indissociablement comme une contrainte et une ressource dans l’action de défenseurs de la cause des femmes situés aussi bien dans la société civile qu’à l’intérieur même de l’appareil d’État.

De l’influence des mouvements sociaux sur le droit à la place du droit dans les mobilisations collectives

7À l’interface de la sociologie des mouvements sociaux et de la sociologie du droit et de l’action publique, le rapport des mouvements sociaux au droit a d’abord été pensé à partir de la question de l’influence de ces mouvements sur le droit. Dans une optique de sociologie des mouvements sociaux, la transformation du droit (modification de la loi ou de la jurisprudence) peut être analysée comme un « résultat » (outcome) (Gamson, 1975, 28-37) ou un « impact substantiel » (substantive impact) (Kitschelt, 1986, 66-67) de l’action des mouvements contestataires. Relativement peu traitée en France du fait d’une forte tradition d’analyse microsociologique de l’engagement individuel et des répertoires d’action, cette question de l’ « impact » ou des « résultats » juridiques et politiques des mobilisations rejoint les analyses relevant d’une sociologie politique du droit, qui, à partir d’un questionnement centré sur le droit, mettent l’accent sur les luttes politiques présidant à la production des normes juridiques (Commaille, 1994, 1995 ; Corten, 1998).

8Mais la question du rapport des mouvements sociaux au droit peut être posée de façon plus large, à partir de la question de la place du droit dans les mobilisations collectives. L’expression permet de rendre compte aussi bien de l’influence du droit sur les mobilisations que des usages stratégiques du droit par les mouvements sociaux. Relèvent de la première démarche les analyses en termes d’opportunités politiques, qui mettent l’accent sur l’influence du contexte politique sur le cycle de mobilisation (dans une perspective historique) (McAdam, 1982), ou sur les formes et l’intensité variable de la mobilisation d’un contexte à l’autre (dans une perspective comparative) (Koopmans, 1995 ; Kriesi, Koopmans, Duyvendak et Giugni, 1995). Bien que ces travaux ne s’intéressent pas à la dimension proprement juridique du contexte politique, celle-ci est tributaire d’une telle analyse [3].

9Par contraste avec cette focalisation sur la contrainte exercée par le contexte juridico-politique sur le processus de mobilisation, d’autres travaux envisagent les usages du droit comme ressource par les mouvements sociaux. Ont notamment été analysées dans cette perspective les stratégies d’investissement de l’arène judiciaire par les groupes contestataires, selon une démarche qualifiée de « mobilisation juridique » (legal mobilization) (Burstein, 1991 ; McCann, 1994). Initiées à partir d’une problématique centrée sur les usages du droit comme ressource, ces analyses sont toutefois le plus souvent attentives aux effets du contexte juridico-politique sur la mobilisation juridique (McCann, 1994, 100-108). Par exemple, au Canada, plusieurs travaux mettent en lumière l’influence de l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés (1982) sur le développement d’une stratégie d’activisme judiciaire de la part des mouvements sociaux, et notamment du mouvement des femmes (Manfredi, 2004 ; Morton, 1987).

10C’est également dans le cadre d’une perspective plus attentive à la dialectique entre contraintes et ressources que Nick Pedriana met en lumière le rôle du droit dans le « cadrage » des causes (Pedriana, 2006). Cette idée est déjà présente chez Michael McCann (1994), pour qui le concept de mobilisation juridique renvoie non seulement à la stratégie d’activisme judiciaire adoptée par les mouvements sociaux, mais aussi à la place consécutive du discours juridique, et notamment du discours sur les droits, dans la défense des causes. Ont ainsi été identifiés des effets de « rétroaction » du droit sur les mobilisations juridiques (Pedriana et Stryker, 1997).

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11L’examen de la mobilisation des défenseurs de la cause des femmes dans le cadre de réformes précises (ici, celles concernant le règlement des conséquences financières du divorce en France et au Québec) est particulièrement à même de révéler la place du droit (en l’occurrence, du droit familial), intervenant à la fois comme contrainte et comme ressource, dans la défense de cette cause (cf. encadré 1). Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’expliquer la genèse des lois étudiées, même si les défenseurs de la cause des femmes y jouent effectivement, dans certains cas, un rôle de premier plan. Notre interrogation porte sur la place et le sens que ces acteurs assignent à leur investissement de ce domaine juridique dans leur défense de la cause des femmes : s’agit-il pour eux d’une stratégie marginale ou dominante ? Conçoivent-ils les pensions alimentaires et la prestation compensatoire comme des aides entretenant la dépendance vis-à-vis du lien conjugal, ou bien comme des mesures contribuant à faire des femmes des sujets de droit ? Objet de mobilisations, le droit oriente aussi celles-ci : l’utilisation du droit comme ressource est en partie tributaire de significations culturelles véhiculées par le droit, qui influencent le sens assigné à ces dispositions juridiques par les défenseurs de la cause des femmes, et partant, l’intensité et les modalités de l’engagement de ces derniers dans ces réformes.

12Avant d’explorer cette diversité des investissements du droit dans une perspective comparative France-Québec, il convient de préciser ce que nous entendons par « défenseurs de la cause des femmes ».

Penser la défense des causes, au-delà de la politique « non conventionnelle »

13Traditionnellement assimilée aux mouvements sociaux et à la politique « non conventionnelle », la défense de cause (advocacy) fait l’objet d’appréhensions plus élargies dans de nombreux travaux récents. Ces recherches montrent qu’au-delà de ceux que Gamson qualifiait de « groupes contestataires » (challenging groups) (Gamson, 1975), juristes et praticiens du droit dans l’arène judiciaire (Israël, 2001 ; Sarat et Scheingold, 1998), fonctionnaires dans l’administration (Malloy, 2003 ; Spanou, 1991), experts (Saurugger, 2002), religieuses dans l’Église et militaires dans l’armée (Katzenstein, 1998), sont tout aussi susceptibles de militer en faveur de causes dans leurs cadres institutionnels respectifs. La précision est ici importante : il ne s’agit pas seulement de montrer que l’action collective peut être le fait de personnes institutionnellement établies, mais de mettre en lumière des dynamiques de contestation à l’intérieur même de cadres institutionnels.

14L’analyse de la défense des causes gagne donc à être mise en œuvre à partir d’une perspective élargie, prenant en considération cette diversité d’acteurs et de lieux de la mobilisation [4]. C’est en ce sens que Doug McAdam, Sidney Tarrow et Charles Tilly proposent de parler de « politique contestataire » pour englober des formes de contestation aussi bien « transgressives » que « contenues », se déployant dans des cadres institutionnels et non institutionnels (Mathieu, 2004 ; McAdam, Tarrow et Tilly, 2001, 7-8 ; Tilly et Tarrow, 2006). Pour autant, la mise en relation des dynamiques de contestation ne doit pas se faire au détriment de l’appréhension de la spécificité de chacune : chaque cadre institutionnel est vecteur de normes, impose des contraintes propres et fournit des ressources spécifiques aux acteurs contestataires en son sein.

15Parmi les sites institutionnels de défense de la cause des femmes, retiendront particulièrement notre attention ici des instances étatiques dont la défense de cette cause constitue la mission officielle [5]. En effet, du fait de leur situation à l’intérieur de l’appareil d’État et de leur vocation explicite de promotion des droits et des intérêts des femmes, ces institutions se situent à l’interface entre les autres défenseurs de la cause des femmes et la production de la loi, et constituent de ce fait des révélateurs privilégiés des usages du droit dans la défense de cette cause. Leurs interventions dans les réformes précédemment évoquées constituent donc un point d’entrée heuristique pour l’analyse de la place du droit familial dans la défense de la cause des femmes [6].

16Comment ces divers acteurs porteurs de la cause des femmes, en France et au Québec, ont-ils investi l’enjeu du règlement juridique des conséquences financières du divorce ?

La cause des femmes, avec ou sans le droit matrimonial ?

17Contre l’idée d’un mouvement uniforme de recours croissant au droit par les mouvements sociaux, la comparaison des cas français et québécois fait apparaître la variabilité des stratégies de recours au droit. Les divergences observées concernent indissociablement la place accordée à ces réformes dans la définition de la cause des femmes et le sens qui leur est assigné.

Quelle place pour le droit familial dans la définition de la cause des femmes ?

18Dans l’optique d’une évaluation du rôle des défenseurs de la cause des femmes dans les transformations du droit familial, la comparaison des cas français et québécois fait d’abord apparaître d’importantes similitudes : les principales réformes concernant le règlement des conséquences financières du divorce y ont en effet été initiées, promues et/ou portées par ceux-ci. En témoigne le fait que les principales lois, en la matière, ont été présentées par les ministres chargées de la « Condition féminine » ou des « Droits des femmes ». En France, les lois de 1975 et 1984 sur le recouvrement des pensions alimentaires sont présentées respectivement par Françoise Giroud, secrétaire d’État à la Condition féminine, et Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme [7]. En 2000, sans que les IEF soient à l’origine de la réforme, la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale joue un rôle non négligeable dans le travail législatif autour de la loi réformant la prestation compensatoire, en produisant notamment un rapport d’information. De façon similaire, au Québec, la loi de 1989 instituant le patrimoine familial et celle de 1995 créant un système de perception automatique des pensions alimentaires sont présentées respectivement par les ministres à la Condition féminine Monique Gagnon-Tremblay et Jeanne Blackburn.

19Cette appréhension commune du règlement juridique des conséquences financières du divorce comme une « question de femmes », et le rôle attribué aux IEF dans la production des lois correspondantes, ne doivent pas pour autant occulter la place variable occupée par cet enjeu dans la définition plus générale de la cause des femmes dans chaque contexte national. Si l’on déplace le regard du rôle des défenseurs de la cause des femmes dans la genèse de ces réformes à la place de cet investissement du droit familial dans leur action, le bilan comparatif s’avère plus contrasté.

20En France, la cause des femmes, depuis les années 1970, a été essentiellement définie en termes de droit à la contraception et à l’avortement (Bard et Mossuz-Lavau, 2007), de lutte contre les violences faites aux femmes, de promotion de la représentation politique des femmes (Bereni, 2007 a ; Giraud, 2005 ; Lépinard, 2007) et, de façon centrale pour les IEF, d’égalité professionnelle (Lévy, 1988 ; Mazur, 1995 ; Revillard, 2007 b). Le règlement juridique des conséquences financières du divorce n’a occupé, au mieux, qu’une place marginale dans les luttes en faveur de la cause des femmes. Ainsi, bien qu’elles aient joué un rôle essentiel dans les réformes précédemment évoquées, les IEF n’ont accordé à ces dernières qu’une place secondaire parmi leurs priorités d’intervention. Par exemple, le projet de loi de 1984 sur le recouvrement des pensions alimentaires arrive tardivement sur l’agenda de réformes du ministère des Droits de la femme, après les batailles législatives, primordiales pour Yvette Roudy, concernant le remboursement de l’IVG (loi du 31 décembre 1982) et l’égalité professionnelle (loi du 13 juillet 1983) (Jenson et Sineau, 1995).

21Au Québec, si l’on retrouve par ailleurs les mêmes thèmes de lutte qu’en France (maîtrise de la fécondité, égalité professionnelle, lutte contre les violences, participation politique), la question du règlement juridique des conséquences financières du divorce se trouve à plusieurs reprises en tête des priorités, tant pour le mouvement des femmes que pour les IEF. Au sein du mouvement, ces questions font l’objet d’importantes coalitions regroupant la quasi-totalité des groupes de femmes. Est ainsi créé en 1980, en partie sous l’impulsion du Conseil du statut de la femme, un « Front commun pour un véritable service de perception des pensions alimentaires » qui regroupe 31 organisations féminines [8]. Quinze ans plus tard, la mise en place d’un système de perception automatique des pensions alimentaires figure en tête des priorités de la Marche du pain et des roses, apogée des luttes féministes pendant la décennie 1990 (Giraud, 2001). Entre-temps, un diagnostic quant au caractère trop restrictif de la jurisprudence sur la prestation compensatoire avait conduit un groupe de juristes spécialisées en droit familial à revendiquer, à partir de 1986, l’institution du patrimoine familial, campagne à laquelle se joignent 73 groupes de femmes, et qui débouche sur la loi de 1989 « favorisant l’égalité économique des époux », qui impose le partage du patrimoine familial en cas de divorce ou de décès quel que soit le régime matrimonial des époux (Revillard, 2006). Ces réformes, pendant toute la période entourant leur adoption, figurent en bonne place au sein des priorités d’intervention des IEF.

22Ainsi, alors qu’en France, l’amélioration du règlement juridique des conséquences financières du divorce ne constitue qu’une stratégie marginale pour les promoteurs de la cause des femmes, au Québec, ce recours au droit familial occupe à plusieurs reprises une place centrale dans les luttes. Cette divergence quant à la place du recours au droit familial dans la défense de la cause des femmes a pour corollaire [9] une différence majeure quant au sens attribué à ce domaine juridique par les acteurs concernés.

Maintien de la dépendance, protection humiliante ou justice due aux femmes ?

23L’examen comparatif de nos deux cas, au prisme des travaux plus généraux de Jacques Commaille sur les politiques de la famille (Commaille, 1993, 1998, 2001 ; Commaille, Strobel et Villac, 2002), permet d’identifier trois idéaux types du sens assigné à ces mesures : une lecture familialiste, une lecture protectionniste, et une lecture en termes de justice de genre. La lecture familialiste consiste à faire des obligations financières des ex-conjoints en cas de divorce un moyen de prolongation du devoir conjugal au-delà du mariage. Ces dispositions constituent alors l’instrument d’un renforcement paradoxal de l’institution matrimoniale en dépit du divorce. Selon la conception protectionniste, ces mesures participent d’un impératif de protection d’êtres représentés comme faibles et victimes du divorce : les femmes et les enfants. Cette perspective justifie une intervention directe de l’État en cas de défaillance de l’ex-conjoint (par exemple, avance sur pension alimentaire par les CAF en France). Enfin, ces dispositions peuvent aussi être conçues comme l’outil d’une justice de genre, en tant que juste compensation d’inégalités structurelles entre les sexes liées à la division sexuelle du travail. Dans ce cas, la prestation compensatoire et les pensions alimentaires ne sont pas conçues comme un prolongement de la dépendance vis-à-vis du conjoint ou comme une aide octroyée en raison d’une situation de faiblesse, mais bien comme un droit légitime, participant pleinement de la citoyenneté sociale des femmes.

24En France, les pensions alimentaires et la prestation compensatoire sont essentiellement perçues dans des termes protectionnistes et familialistes par les défenseurs de la cause des femmes qui interviennent dans les débats les concernant. Ainsi, l’exposé des motifs du projet de loi sur le recouvrement des pensions alimentaires déposé en juillet 1984 par la ministre des Droits de la femme reproduit, derrière la neutralité formelle de la référence aux « parents », la figure féminine traditionnelle de la mère seule, faible, et ayant besoin de protection pour elle-même et ses enfants :

« Ces parents peuvent hésiter, psychologiquement, à faire valoir seuls leurs droits à l’encontre du conjoint ou de l’ancien conjoint défaillant ; fréquemment isolés, ils disposent en tout état de cause d’une capacité limitée de dissuasion. » [10]

25Ce discours protectionniste, qui justifie l’intervention des CAF pour pallier, seulement dans une limite forfaitaire [11], le non-versement de la pension, contraste avec la démarche d’empowerment qui est par ailleurs celle du ministère des Droits de la femme vis-à-vis des mères seules, visant à faire de ces dernières des sujets de droit et des actrices de leur destin. Yvette Roudy affirme ainsi en 1983 en préface à un Guide des droits des femmes seules :

« [...] connaître ses droits, c’est exister dans une citoyenneté pleine et entière. Les femmes seules, dans une société qui n’a pas été conçue pour elles, peuvent souffrir de se sentir rejetées, incomprises, abandonnées du corps social. C’est ce qui ne doit pas être. Un tel sentiment doit être combattu par l’expérience de la citoyenneté reconnue et vécue. La connaissance de ses droits en est le premier palier. » [12]

26Cependant, les interventions du ministère des Droits de la femme afin de promouvoir cette « citoyenneté pleine et entière » se déploient principalement dans la sphère professionnelle, avec notamment le développement de programmes de réinsertion professionnelle spécifiquement dédiés aux « mères isolées ». Cette hiérarchisation des stratégies d’intervention à l’égard des femmes seules, avec une priorité accordée à l’emploi par rapport au droit familial, est indissociable du sens assigné à ces différents vecteurs d’amélioration de leur statut : la stratégie d’émancipation par l’activité professionnelle est jugée plus digne que l’usage du droit social de la famille [13], associé à une image de femme faible et victime.

27Les interventions des membres de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale dans le cadre de la réforme de la prestation compensatoire en 2000 confirment encore plus nettement l’emprise d’interprétations traditionnelles (en termes de protection et de défense de l’institution familiale) de ces dispositions juridiques réglant les conséquences financières du divorce. En effet, alors que la réforme vise à réduire la portée d’une mesure dont les hommes sont décrits comme les victimes, les membres de la délégation, loin de contester cette définition des termes du débat, la reprennent en dénonçant le caractère obsolète d’une protection juridique dont les femmes n’auraient plus besoin du fait de leur autonomie gagnée par l’emploi. Ainsi, selon la députée socialiste Danièle Bousquet, critiquant le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère : « La plupart des femmes exerçant désormais une activité professionnelle, une prestation à caractère alimentaire serait maintenant humiliante. » [14] L’assimilation de la prestation à une « humiliation », de la part d’une députée qui défend de longue date la cause des femmes [15], est révélatrice de la prégnance d’une vision de la prestation compensatoire comme une mesure entretenant la dépendance vis-à-vis du conjoint, dans la continuité de la conception familialiste. On sent pointer ici une certaine fierté de ne pas avoir besoin d’une telle mesure, du fait de l’autonomie gagnée par la participation au marché du travail.

28Ce sens majoritairement assigné par les défenseurs de la cause des femmes aux dispositions juridiques fixant les conséquences financières du divorce, comme des mesures relevant d’une protection à l’égard d’êtres faibles et/ou prolongeant la dépendance à l’égard du lien conjugal, éclaire la marginalité de la stratégie d’investissement de ces dispositions dans les luttes en faveur de la cause des femmes. En effet, ainsi interprétée, cette stratégie est jugée peu digne, et contraire à l’objectif d’égalité des sexes.

29À l’inverse, au Québec, les défenseurs de la cause des femmes utilisent ces dispositions comme l’outil d’une justice de genre, participant de la quête d’une égalité réelle entre les sexes. Les luttes menées autour des régimes matrimoniaux et de la prestation compensatoire offrent une bonne illustration de cette démarche.

30En effet, alors qu’en France, les mobilisations féministes concernant les régimes matrimoniaux se bornent à la revendication d’une égalité de traitement (égalité des conjoints dans les régimes matrimoniaux), au Québec, la définition même des régimes, c’est-à-dire du statut des biens possédés par le couple marié (biens propres ou communs), ainsi que les usages qu’en font les femmes (adoption du régime légal, signature de contrats de mariage en séparation de biens), constituent des enjeux importants de mobilisation. À partir des années 1970, inquiets quant aux effets jugés défavorables pour les femmes, en cas de divorce, d’une tradition ancienne de signature de contrats de mariage en séparation de biens, les défenseurs de la cause des femmes s’efforcent d’encourager le recours au régime matrimonial légal de la société d’acquêts (le Conseil du statut de la femme développe l’information juridique en ce sens à partir de la fin des années 1970 [16]). Ils luttent par ailleurs en faveur de la mise en place de la prestation compensatoire (obtenue en 1980), puis du patrimoine familial. Il s’agit donc d’influencer à la fois la lettre des textes de loi et le recours au droit en vue de favoriser un partage des ressources entre conjoints au bénéfice des femmes.

31Objectivement utilisé comme l’outil d’une redistribution des ressources entre conjoints, le droit familial est aussi alors pensé et promu comme un levier de justice pour les femmes. Les mesures évoquées ici sont en effet défendues, non pas en termes de protection des femmes et/ou de consolidation de l’institution matrimoniale [17], mais bien en termes de justice à l’égard des femmes et de promotion de l’égalité des sexes, tant de la part des groupes les plus impliqués sur ces questions au sein du mouvement des femmes, que chez les ministres à l’origine des projets de loi concernés. Ainsi, dès la fin des années 1970, le Réseau d’action et d’information pour les femmes (RAIF) présente la revendication des « mesures compensatoires » (à l’époque, pensions alimentaires pour la conjointe et les enfants) comme « un geste d’autonomie » :

« [...] une femme qui réclame justice et dédommagement pour l’emploi de son temps pose un geste d’autonomie, de valorisation de soi, elle assume ses droits. Les mesures compensatoires réparent un tort subi par les femmes mariées. Il ne faut pas leur faire honte de vouloir les obtenir ou les en priver pour les forcer à se recycler. Un droit demeure un droit » [18].

32Il s’agit donc bien, pour ce groupe, de défaire ces mesures de l’idée d’un « soutien » dont les femmes auraient « besoin », pour les fonder sur une logique de justice. De façon similaire, dix ans plus tard, la ministre Monique Gagnon-Tremblay, lorsqu’elle défend à l’Assemblée nationale le projet de loi 146 instituant le patrimoine familial, défend l’idée d’une « responsabilité » du Législateur quant à « l’avènement de rapports égalitaires entre hommes et femmes dans et par le droit » [19].

33La place différente des dispositions juridiques étudiées dans les luttes en faveur de la cause des femmes en France et au Québec se trouve ainsi éclairée par le sens qui leur est attribué : conçues comme des instruments de protection et de maintien des femmes dans la dépendance, elles ne jouent en France qu’un rôle marginal dans ces luttes, alors qu’au Québec elles occupent une place beaucoup plus centrale, à partir d’une lecture en faisant l’outil d’une justice de genre.

Du constat à l’explication

34Au-delà du constat, comment expliquer cette place variable du droit familial dans la défense de la cause des femmes, et de façon corollaire, cette divergence majeure quant au sens attribué aux dispositions juridiques réglant les conséquences financières du divorce ? La sociologie des mouvements sociaux propose trois grands outils analytiques qui, habituellement utilisés pour expliquer le processus de mobilisation, peuvent contribuer à éclairer ces stratégies divergentes par rapport au droit familial : l’analyse des structures de mobilisations (qui invite à s’intéresser à l’assise sociale et à l’infrastructure organisationnelle du mouvement des femmes), celle des opportunités politiques (le droit familial constitue-t-il un secteur particulièrement ouvert ou fermé à une influence du mouvement des femmes ? Ce dernier dispose-t-il, notamment, d’ « alliés d’influence » dans ce secteur ?), et celle des processus de cadrages (qui renvoie à l’analyse, déjà amorcée, de la manière dont la cause des femmes est « cadrée », ou définie) (McAdam, McCarthy et Zald, 1996). Plutôt que de reprendre successivement ces trois facteurs, nous les mobiliserons conjointement en suivant deux pistes explicatives transversales, centrées l’une sur le profil des acteurs porteurs de la cause des femmes, et l’autre sur les significations culturelles cristallisées dans le droit.

Qui défend la cause des femmes ?

35Une explication du sens assigné aux dispositions étudiées par les défenseurs de la cause des femmes appelle en premier lieu une analyse du profil social de ces derniers : quels sont les « groupes porteurs » (Weber, 1996) de la cause des femmes, et en quoi leurs caractéristiques éclairent-elles la place du droit familial dans leurs luttes ? Notre appréhension large des défenseurs de la cause des femmes nous conduit à prendre en considération ces acteurs quel que soit le cadre dans lequel leur lutte se déploie (mouvement des femmes, État, sphère juridique, etc.). Cette analyse nous permettra donc de caractériser les structures de mobilisations du mouvement des femmes dans chaque contexte, mais aussi certaines dimensions des opportunités politiques (et notamment la présence d’ « alliés d’influence » dans le processus politique, par l’intermédiaire des IEF).

36Numériquement minoritaires au sein du mouvement des femmes, les féministes issues des groupes radicaux de l’après-68, dont le militantisme s’est par la suite étendu à des sphères institutionnelles (université, administration publique...) tout en prenant dans certains cas une tournure réformiste, constituent bien le « groupe porteur » de la cause des femmes en France depuis les années 1970 (Giraud, 2005 ; Jenson, 1989). L’ « espace de la cause des femmes » est ainsi symboliquement dominé par une frange urbaine, intellectuelle, de femmes actives ayant suivi des études supérieures (Bereni, 2007 b). Ces caractéristiques sociales font en sorte que ces femmes n’ont généralement elles-mêmes pas « besoin » d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire pour assurer leur autonomie économique. De surcroît, le caractère fondateur de la critique de la famille patriarcale pour ce courant de la pensée féministe, s’ajoutant à une méfiance vis-à-vis du droit et de l’État, était peu propice à un investissement stratégique du droit familial. Doté d’une assise beaucoup plus populaire et rurale, le mouvement des femmes québécois réunit un grand nombre de femmes qui, faute d’un patrimoine personnel et/ou de revenus d’activité suffisants, sont susceptibles de se sentir plus directement concernées par l’enjeu du règlement juridique des conséquences financières du divorce. Ainsi, deux organisations ayant joué un rôle important dans ces réformes, l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS) et les Cercles de fermières, regroupent des associations implantées depuis le début du XXe siècle en milieu rural (Cohen, 1990), qui réunissent de nombreuses femmes travaillant uniquement au foyer ou en tant que collaboratrices dans l’entreprise familiale.

37Concernées au premier chef par les débats qui nous intéressent ici, les associations de familles monoparentales se positionnent différemment par rapport au mouvement des femmes dans chaque contexte. En France, elles s’autodésignent comme des associations familiales, et non comme des associations de femmes : elles sont depuis 1970 membres de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) (Martin-Papineau, 2003, 10). Au Québec, elles se définissent en premier lieu comme des associations féminines, voire féministes, tout en revendiquant par ailleurs leur appartenance au mouvement familial (elles font partie de la Fédération des unions de familles [FUF]). Elles ont ainsi participé depuis les années 1970 à des coalitions avec d’autres groupes de femmes. Au début des années 1990, la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec (FAFMQ), qui les regroupe au niveau provincial, exerce une influence non négligeable sur l’ensemble du mouvement des femmes, comme en témoigne la reprise, par la Fédération des femmes du Québec (FFQ), du thème de la lutte contre la pauvreté, dont la FAFMQ avait été porteuse depuis sa création. Cette ouverture de l’ensemble du mouvement des femmes aux revendications des mères seules a favorisé l’ancrage des associations de familles monoparentales au sein de ce mouvement, alors qu’en France, le corporatisme familial de l’UNAF (Minonzio et Vallat, 2006), une fois que les familles monoparentales y étaient acceptées, ouvrait des chances bien plus considérables d’influence que celles offertes par un mouvement des femmes divisé auquel les associations de mères seules avaient d’autant plus de difficultés à s’identifier qu’il était associé à des images de radicalité et de critique de la famille. L’assise sociale du mouvement des femmes, les configurations respectives du mouvement des femmes et du mouvement familial, ainsi que le rapport de force entre eux en termes d’influence politique, permettent ainsi de mieux comprendre les définitions divergentes de la cause des mères seules, comme « femmes » ou « familles » (monoparentales).

38Or cette configuration des mouvements sociaux n’est pas sans influence sur la définition de la cause des femmes, non seulement au sein du mouvement des femmes, mais aussi dans l’État : alors que les IEF, en France, sont peu incitées par le mouvement des femmes à prendre en charge les questions relatives au règlement juridique des conséquences financières du divorce, au Québec, leur légitimité est subordonnée à leur répercussion des importantes revendications de ce mouvement dans ce domaine. Par ailleurs, le profil de leurs responsables les encourage à agir en ce sens. En effet, les ministres responsables de la condition féminine ont souvent un passé militant au sein du mouvement des femmes. Les ministres à l’origine des deux lois les plus significatives sur les questions qui nous intéressent (la loi de 1989 sur le patrimoine familial et la loi de 1995 sur la perception automatique des pensions alimentaires), Monique Gagnon-Tremblay et Jeanne Blackburn, ont toutes deux été membres de l’AFEAS avant d’exercer des fonctions ministérielles.

Le droit familial, un outil de changement social symboliquement chargé

39Si le profil des défenseurs de la cause des femmes, à l’extérieur comme à l’intérieur de l’appareil d’État, contribue à expliquer leurs stratégies divergentes par rapport au droit familial, celles-ci doivent également être rapportées aux significations culturelles dont ce domaine juridique est porteur. Ainsi que précédemment démontré, la place du droit familial dans les luttes est indissociable du sens qui lui est assigné. Or cette perception du droit par les défenseurs de la cause des femmes dépend de significations culturelles véhiculées par le droit. Dès lors, pour mieux comprendre la place du droit dans la défense des causes, il est indispensable de mieux saisir ce que signifie le droit pour les acteurs concernés : de quoi le droit est-il le symbole ? De quelles représentations est-il porteur, et en quoi cela influence-t-il les stratégies des acteurs mobilisés ?

40En nous intéressant aux significations culturelles associées au droit, nous n’entendons pas promouvoir une approche strictement cognitive. Ces significations culturelles nous intéressent en tant qu’elles permettent d’établir un lien entre le droit et les mobilisations, par l’intermédiaire du sens que les défenseurs de causes attribuent à leurs actions. Mais ces significations cristallisent elles-mêmes une histoire particulière de la construction étatique et des relations État-société. L’analyse des significations culturelles associées au droit, loin de se borner à une attention portée aux représentations, permet ainsi de saisir l’influence de l’histoire de la construction nationale et étatique sur les mobilisations contemporaines.

41En France, la prédominance, jusque parmi les défenseurs de la cause des femmes, d’une lecture familialiste des dispositions juridiques réglant les conséquences financières du divorce, doit être reliée à l’emprise ancienne et durable d’un familialisme conservateur sur le droit familial (Commaille, 1998 ; Lenoir, 2003). En amont même du Code civil qui en a longtemps constitué le symbole, ce phénomène renvoie à une tradition de politisation de la famille dans un sens conservateur profondément ancrée dans l’histoire politique française, et qui date de l’Ancien Régime (Commaille et Martin, 1998 ; Verjus, 2002). Portée par quelques députés de la droite conservatrice, mais surtout par de nombreux juristes (notamment professeurs de droit), cette vision faisant du droit familial un garant de l’institution familiale et partant, de l’ordre social, exerce sur ce domaine juridique une emprise telle qu’elle tend à en rendre impensable l’instrumentalisation dans l’optique d’une justice de genre, au-delà de la seule inscription d’un principe d’égalité dans le droit. Ce mécanisme, dont l’effet paradoxal est de laisser à la droite conservatrice le monopole de la réflexion sur la justice dans la sphère privée (Théry, 1996), a favorisé, en contrepartie, le développement du droit social de la famille. Notamment encouragé par la Gauche [20], celui-ci a été guidé par l’idée de protection du plus faible. L’État, dans cette perspective, intervient pour pallier les injustices de genre dans la sphère privée, sans nécessairement lutter directement contre celles-ci (c’est le sens de l’intervention des CAF en matière d’avance sur pensions alimentaires). Cette deuxième lecture du règlement des conséquences financières du divorce, relevant plus du droit social que du droit civil, est par ailleurs encouragée par une solide tradition d’interventionnisme étatique en matière familiale (Commaille, Strobel et Villac, 2002). Ces deux représentations du droit, l’une familialiste et l’autre protectionniste, sont dotées d’une telle force institutionnelle et d’une telle résonance avec l’histoire nationale et étatique française, qu’elles tendent à saturer l’espace des significations possibles du droit familial, ne permettant pas de lecture alternative en termes de justice de genre, et ce d’autant moins que l’analyse féministe est quasi inexistante en droit familial.

42Originellement identique au droit français, et également associé au processus de construction étatique-nationale, le droit civil de la famille n’en est pas moins investi, au Québec, de significations culturelles différentes. Certes, il s’est trouvé associé, au début du XXe siècle, à une idéologie de la « survivance » de la nation canadienne-française comportant une forte composante familialiste. Cependant, à partir des années 1960, dans le contexte de la Révolution tranquille [21], et plus nettement à partir de 1980 (réforme du droit de la famille), le Code civil a été associé à la redéfinition du nationalisme québécois autour d’un projet de modernisation sociale et d’étatisation de la société. Le droit familial réformé est ainsi devenu un symbole de modernité, dont les défenseurs de la cause des femmes ont, dès lors, pu s’emparer. En outre, l’enjeu de l’affirmation nationale québécoise, dont le Code civil constitue un des principaux symboles, joue un rôle essentiel dans la définition du féminisme québécois (Belleau, 1999). La revendication d’un renforcement des prérogatives provinciales en matière de droit familial (« rapatriement » du droit du mariage et du divorce, de compétence fédérale), a ainsi conduit le mouvement des femmes québécois à se dissocier des féministes du reste du Canada à l’occasion des débats constitutionnels du début des années 1980 (Revillard, 2007 a).

43Ainsi, au Québec, les défenseurs de la cause des femmes faisaient face à un droit familial qui, en interaction étroite avec leurs propres revendications, en était venu à apparaître comme un symbole de modernisation et un outil de changement social, par contraste avec l’emprise d’un familialisme conservateur sur le droit familial français. En outre, l’intrication entre lutte des femmes et lutte nationale favorisait une appropriation stratégique du Code civil, symbole national important. Enfin, la présence non négligeable d’une réflexion féministe en droit, à la fois chez les professeurs d’université et chez les praticiens (notamment avocats) a facilité l’intégration du droit civil de la famille parmi les stratégies visant à promouvoir une justice de genre. Soulignons, pour finir, qu’une politique sociale de la famille moins développée qu’en France (du fait d’un contexte politique nord-américain généralement moins interventionniste) pouvait conduire les responsables politiques à accueillir plus favorablement les demandes ayant trait à la redistribution des ressources entre ex-conjoints que les revendications relevant du droit social, et supposant une redistribution des ressources de l’État. Ces opportunités de réforme relativement plus ouvertes en droit civil qu’en droit social ont également contribué à orienter les demandes des défenseurs de la cause des femmes [22].

44Les processus différents de construction étatique-nationale (poids relatif du familialisme dans l’histoire politique nationale, affirmation nationale dans un contexte fédéral, rôle du droit civil dans cette affirmation nationale, traditions d’intervention en matière sociale) contribuent ainsi à expliquer les significations culturelles distinctes qui se trouvent cristallisées dans le droit dans chacun des deux contextes étudiés. Ces significations influencent indissociablement la place et le sens attribués au droit familial dans la défense de la cause des femmes : non seulement parce que certaines (droit familial comme symbole de modernisation sociale) sont plus favorables que d’autres (familialiste) à leur investissement par les défenseurs de la cause des femmes, mais aussi parce qu’à ces significations différentes se trouvent associées des perceptions distinctes des opportunités politiques. La perception du droit familial comme l’appareil idéologique inébranlable du familialisme d’État tend à dissuader toute tentative d’influence, alors que sa perception comme un outil plus souple de modernisation sociale en favorise les usages stratégiques. Opportunités politiques et « cadrage » du droit familial contribuent donc à renforcer les stratégies juridiques distinctes des défenseurs de la cause des femmes en France et au Québec.

Conclusion

45Loin de l’image courante d’un féminisme à dominante anti-institutionnelle, une appréhension plus large des défenseurs de la cause des femmes fait apparaître l’importance des stratégies juridiques dans la défense de cette cause, et plus avant, la place essentielle du droit dans la définition même de celle-ci. Pour autant, le droit n’occupe pas une place uniforme, et son rôle dans la défense des causes ne peut être caractérisé de façon générique. Comme l’illustrent les modalités variables d’investissement, par les défenseurs de la cause des femmes, des débats ayant trait au règlement juridique des conséquences financières du divorce, la place et le sens attribués au droit dans la défense des causes varient selon les domaines juridiques et les contextes politiques. Une disposition comme la prestation compensatoire pourra ainsi être qualifiée de « protection humiliante » en France, alors qu’elle sera interprétée comme une justice rendue aux femmes au Québec. Ces lectures diamétralement opposées de la part d’acteurs se revendiquant similairement de la défense de la cause des femmes ne peuvent se comprendre sans une prise en considération du profil de ces acteurs, ainsi que des significations culturelles dont le droit de la famille est porteur dans chaque contexte national. Elles-mêmes tributaires d’une histoire particulière de la construction nationale et étatique, ces significations constituent le vecteur d’une rétroaction du droit sur les mobilisations juridiques. Sont ainsi durablement confortées deux stratégies juridiques distinctes, au prisme desquelles se trouvent révélées des conceptions marginalement divergentes de la cause des femmes, l’une centrée sur l’émancipation par la participation à la sphère publique (par l’intermédiaire de dispositifs juridiques visant à promouvoir l’ « égalité professionnelle » ou la « parité en politique »), et l’autre plus attentive à la situation juridique des femmes dans la sphère domestique.

Notes

  • [1]
    L’auteure tient à remercier Jacques Commaille, Patrice Duran, ainsi que deux relecteurs anonymes de la revue, pour leurs utiles commentaires sur des versions précédentes de cet article.
  • [2]
    Cette redistribution de ressources a des fondements juridiques distincts : l’ex-conjointe reçoit une prestation compensatoire en son nom propre, alors que la pension alimentaire est principalement versée au titre des enfants. La prestation compensatoire vise à compenser l’inégalité de ressources entre ex-conjoints (en France) ou la contribution d’un conjoint à l’enrichissement du patrimoine de l’autre (au Québec), alors que la pension alimentaire correspond au maintien de l’obligation alimentaire des deux parents vis-à-vis des enfants par-delà le divorce. Nous traitons ici conjointement de ces différentes dispositions du fait des proximités entre les mobilisations les concernant, par contraste avec d’autres objets de lutte des défenseurs de la cause des femmes ; nous soulignerons toutefois au fil de l’analyse les spécificités liées à chaque disposition.
  • [3]
    Parmi quelques exceptions, citons Liora Israël, qui propose de parler de « structure d’opportunité juridique » pour désigner les circonstances favorables à la mise en forme juridique d’une situation (Israël, 2003).
  • [4]
    Dans le cas particulier de la cause des femmes, Laure Bereni opérationnalise cette démarche en proposant la catégorie d’ « espace de la cause des femmes » pour désigner « l’ensemble des actrices engagées dans des collectifs spécialisés dans la lutte au nom des femmes (le groupe des femmes constitue le référent et le sujet des luttes) et pour la cause des femmes (transformation de rapports de genre jugés injustes), quelle que soit la définition des termes de leur lutte (notamment leur degré de radicalité) et le site dans lequel elle se déploie » (Bereni, 2007 b, 107).
  • [5]
    Nous les désignerons par l’acronyme IEF (instance étatique chargée de la promotion du statut des femmes). De telles instances ont été créées à partir des années 1960, et plus nettement des années 1970, dans les deux contextes nationaux étudiés, comme dans la plupart des pays occidentaux (McBride Stetson et Mazur, 1995). En France est créé en 1965 un Comité d’étude et de liaison des problèmes du travail féminin, instance consultative au sein du ministère du Travail, qui est suivie d’instances de type ministériel, avec la nomination en 1974 d’une secrétaire d’État à la condition féminine. D’autres postes ministériels dédiés à cette fonction se succèdent ensuite, sous des dénominations variées. En 1999 ont par ailleurs été créées, au Sénat et à l’Assemblée nationale, des délégations parlementaires aux droits des femmes. Au Québec est créé en 1973 un Conseil du statut de la femme ; puis est nommée à partir de 1979 une ministre responsable de la Condition féminine, disposant d’une administration de soutien, le Secrétariat à la condition féminine.
  • [6]
    Cette analyse se situe donc au croisement de deux démarches d’investigation empirique, l’une concernant l’action des IEF, et l’autre centrée sur les débats ayant trait au règlement juridique des conséquences financières du divorce, en France et au Québec (Revillard, 2007 b). En ce qui concerne les IEF, nous avons travaillé à partir des archives des instances déposées aux Archives nationales, ainsi qu’à partir des archives du Service des droits des femmes en France. Nous avons par ailleurs réalisé des entretiens avec des membres du personnel et des responsables politiques de ces instances. Le processus de production des lois en matière de pensions alimentaires, de prestation compensatoire et de définition des régimes matrimoniaux a été exploré à partir des débats parlementaires, des revues de presse et de quelques entretiens avec des acteurs clés de ces débats. Nous avons par ailleurs étudié plus spécifiquement, le cas échéant, l’implication du mouvement des femmes dans ces débats (essentiellement à partir des archives des principales fédérations et regroupements d’associations impliqués).
  • [7]
    Entre-temps, en 1979-1980, la question du non-recouvrement des pensions fait l’objet d’un important travail d’expertise à l’initiative de Monique Pelletier, ministre déléguée à la Condition féminine. Source : Centre des archives contemporaines (ci-après CAC), 19810605, art. 33 et 71.
  • [8]
    Archives nationales du Québec (ci-après ANQ), E99 (fonds Conseil du statut de la femme), 1993-05-007, art. 16.
  • [9]
    Nous nous garderons ici d’établir une relation de causalité univoque. Si l’importance accordée au recours au droit familial est bien entendu tributaire du sens assigné à cette démarche, elle dépend aussi d’autres facteurs (notamment en termes d’opportunités politiques et de capacité d’influence des défenseurs de la cause des femmes sur le droit familial) qui contribuent à entretenir une représentation de ces dispositions juridique en accord avec leur place effective au sein des luttes.
  • [10]
    Ministère des Droits de la femme (1984), Projet de loi relatif à l’intervention des organismes débiteurs des prestations familiales pour le recouvrement des créances alimentaires impayées (enregistré le 13 juillet 1984), p. 2, Centre des archives du féminisme (Université d’Angers), 5 AF, 74.
  • [11]
    L’avance sur pension ne se fait que dans les limites du montant de l’allocation de soutien familial.
  • [12]
    Ministère des Droits de la femme (1983), Guide des droits des femmes seules, Paris, La Documentation française - CNIDF, p. 1.
  • [13]
    On assiste en effet, avec l’intervention des CAF, à un glissement du droit civil au droit social dans le règlement juridique des conséquences financières du divorce.
  • [14]
    Assemblée nationale. Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (2000), Rapport d’information (no 2109) sur la proposition de loi (no 735), adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce. Disponible en ligne : hhhttp:// wwww. assemblee-nationale. fr/ rap-info/ i2109. asp.
  • [15]
    Danièle Bouquet a milité au Mouvement français pour le planning familial dans les années 1970, et elle a été chargée de mission départementale aux droits des femmes au début des années 1980.
  • [16]
    ANQ, E99, 1993-05-007, art. 18 et 39.
  • [17]
    Ceci n’allait particulièrement pas de soi dans le cas du patrimoine familial, qui induit objectivement un renforcement des obligations liées au mariage, constituant une forme de régime matrimonial impératif. À ce titre, le patrimoine familial suscite des inquiétudes, jusque parmi les défenseurs de la cause des femmes, quant à ses effets possibles sur la nuptialité : est crainte, dans un contexte de baisse de la nuptialité, une désaffection accrue des couples vis-à-vis d’un mariage juridiquement plus protecteur que l’union libre. Cette tendance s’est prolongée, et le taux de nuptialité est actuellement de 2,9 ‰ au Québec et de 4,2 ‰ en France (sources : Institut de la statistique du Québec et INSEE).
  • [18]
    Réseau d’action et d’information pour les femmes (1979), Le livre rouge de la condition feminine : critique de la politique d’ensemble du Conseil du statut de la femme contenue dans « Pour les Québécoises - Égalité et indépendance », p. 196.
  • [19]
    Journal des débats, 8 juin 1989, p. 6489.
  • [20]
    Par exemple, dans le cadre de la réforme du divorce de 1975, les partis de gauches (PCF notamment) revendiquent la mise en place d’un « fonds de garantie » des pensions alimentaires.
  • [21]
    On peut mentionner ici la capacité civile de la femme mariée, instituée en 1964, ou encore la réforme des régimes matrimoniaux en 1969.
  • [22]
    C’est ainsi que la mise en place du patrimoine familial, en 1989, fait suite à l’échec d’une autre revendication du mouvement des femmes qui concernait le droit social, à savoir l’intégration des femmes au foyer au Régime des rentes du Québec (Revillard, 2006).
Français

En combinant les apports de la sociologie politique du droit et de la sociologie des mouvements sociaux, cet article s’intéresse à la place du droit dans la défense des causes, à partir d’une analyse des modalités variables d’engagement des défenseurs de la cause des femmes dans les débats ayant trait au règlement juridique des conséquences financières du divorce en France et au Québec. L’analyse comparative montre que les dispositions concernées (prestation compensatoire, pensions alimentaires, définition des régimes matrimoniaux) occupent une place beaucoup plus centrale dans les luttes en faveur de la cause des femmes au Québec qu’en France. De façon corollaire, le sens attribué à ces dispositions juridiques diffère : perçues en France comme des instruments de protection et de maintien des femmes dans la dépendance, elles sont utilisées au Québec comme l’outil d’une justice de genre. Deux pistes explicatives de ces différences sont explorées, l’une centrée sur le profil social des militantes, et l’autre sur les significations culturelles véhiculées par le droit.

Mots cles

  • Comparaison France-Québec
  • droit familial
  • féminisme d’État
  • mobilisations juridiques
  • mouvement des femmes

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Anne Revillard
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/10/2009
https://doi.org/10.3917/anso.092.0345
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