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Introduction

1Selon une évaluation certainement sévère, la sociologie contemporaine, à la différence de la sociologie classique, aurait évacué de son agenda un certain nombre de problèmes théoriques et méthodologiques de fond. Son état de crise actuel (réel ou perçu) ne serait pas d’ailleurs sans liens avec ces oublis (Boudon, 1998 a, 13-14).

2Cet article a pour objet l’un de ces problèmes majeurs que la sociologie contemporaine nous semble effectivement négliger : celui de la place que la construction systématique de « modèles » devrait avoir dans notre discipline. À cet égard, il est singulier de constater qu’un ouvrage récent qui étudie le concept de « modèle » tel qu’il est adopté dans de nombreuses disciplines (relevant tant des sciences naturelles que des sciences sociales) ne contient aucun chapitre qui soit consacré à la sociologie (Nouvel, 2002).

3Selon nous, c’est la thèse de fond de l’article, la place accordée aux « modèles » par les sociologues devrait être des plus importantes. Il en serait ainsi car, qu’on le veuille ou non, tout phénomène social repose sur des imbrications multiples entre des actions, des interactions et des structures qui donnent naissance à des enchaînements (de longueur variable) de boucles de rétroaction. Notre impression est que la richesse des flux d’événements engendrés par ces boucles échappera toujours au sociologue. Tâcher de la reproduire, bien souvent en faisant du niveau micro le lieu privilégié de l’analyse, ce serait insensé ; l’ignorer, en se situant au niveau sociétal des relations entre des grandeurs agrégées, ce serait renoncer à comprendre les sources de production de ces régularités systémiques.

4Le « modèle » pourrait alors être l’outil cognitif et pratique approprié pour maîtriser la complexité du réel, et pour échapper par là à ces deux solutions qu’on vient d’évoquer au travers desquelles, sous des formes bien entendu variées et plus ou moins sophistiquées, la sociologie a pourtant historiquement tenté de résoudre les difficultés posées par l’analyse de son objet. La démarche par les « modèles » impose ainsi, dans un premier temps, d’abstraire et de simplifier, et, dans un second temps, de se procurer les moyens d’évaluer l’écart qui existe entre les conséquences de cette opération de simplification et l’explanandum réel. La logique de la « modélisation » demande par ailleurs à ce qu’on procède progressivement par la construction de modèles « locaux », par leur complexification croissante ainsi que, enfin, par leur combinaison (selon un esprit de recherche qui rappelle d’ailleurs de près le concept de « théorie de portée moyenne » proposé par Merton [1967]).

5Que l’on nous permette, afin d’appuyer notre propos d’un exemple historique, de solliciter le passage suivant :

« En général, on étudie des choses qui varient par degrés insensibles ; et plus la représentation qu’on s’en fait approche de la réalité, plus elle tend à devenir quantitative. On exprime souvent ce fait, en disant qu’en se perfectionnant, les sciences tendent à devenir quantitatives. [...] Longtemps l’économie politique fut presque entièrement qualitative ; puis avec l’économie pure, elle devint quantitative, au moins théoriquement. Nous tâcherons donc de réaliser, en sociologie aussi, un semblable progrès, et de substituer des considérations quantitatives aux considérations qualitatives ; car, bien qu’imparfaites, voire très imparfaites, les premières valent du moins toujours un peu mieux que les secondes » (Pareto, 1917-1919, 63-64).

6Or on sait à présent que la transformation dans la science économique évoquée par Pareto a largement bénéficié précisément de la place centrale que la « modélisation » a historiquement occupé dans cette discipline (Armatte, 2005, 99-102 ; Walliser, 1999, 128-137 ; 2002). Ne devrions-nous pas nous attendre alors à ce que le progrès prôné par Pareto tarde longtemps encore à se concrétiser en sociologie à défaut d’une véritable prise de conscience de l’importance du concept de « modèle » ?

7À une telle interrogation, on pourrait répondre d’emblée négativement en remarquant que ce concept est en lui-même fort ambigu (Bunge, 1973 a), et, de plus, qu’il est employé par les sociologues dans une multiplicité de sens (Fararo, 2005 a). Ensuite, on pourrait nous objecter que l’on ne dispose pas encore d’outils adéquats pour « implémenter » (au double sens de formaliser et d’analyser déductivement) des modèles suffisamment riches pour qu’ils soient utiles au sociologue. De ce point de vue, on nous rappellera certainement à la réalité en nous opposant les difficultés liées à l’utilisation du formalisme mathématique en sociologie.

8Cet article se veut in fine une tentative de dissiper ces réserves. Dans un premier temps (§ 1), nous proposerons en effet de restreindre l’utilisation du concept de « modèle » à l’une de ses déclinaisons théoriques possibles : celle de « modèle générateur ». Cette notion nous semble présenter l’intérêt d’indiquer clairement les « ingrédients » de base ainsi que les contraintes de forme que le sociologue devrait se donner durant la phase d’élaboration conceptuelle d’un « modèle ». Ensuite (§ 2), nous parcourrons certaines des acceptions typiques dans lesquelles le concept de « modèle » est adopté en sociologie dans le but de montrer que ce pluralisme terminologique renvoie en réalité à des modalités différentes de « formalisation » et d’étude d’un modèle théorique. L’objectif de cette deuxième partie est de suggérer que ces différentes formes de « modélisation » n’ont pas toutes la même capacité de mettre en œuvre un « modèle générateur ». De ce point de vue, nous attirerons tout particulièrement l’attention du lecteur sur une forme récente de « modèles informatiques » – les systèmes multi-agents – qui semblent pouvoir réaliser cette tâche de manière exhaustive. Sur ce point spécifique, notre réflexion méthodologique renverra ainsi à une conception des « systèmes multi-agents » en tant que « microcosmes artificiels » qui a été formulée, dans des termes tout autres que les nôtres, par des informaticiens éminents (Ferber, 2006).

9En conclusion, nous proposerons un schéma qui intègre les multiples facettes du concept de « modèle » mobilisées au cours de l’article. Nous espérons ainsi proposer une grille de recherche qui puisse aider à penser, à mettre au point et à réaliser un type de sociologie qui soit véritablement centrée sur l’activité de « modélisation » [1].

1. L’élaboration théorique : les « modèles générateurs »

10Suivant Bunge (1973 a, 104 ; 1997, 427), nous estimons aussi que la solidité d’une discipline repose sur la cohérence avec laquelle celle-ci développe des modèles ayant un objet spécifique : les « mécanismes ». De tels modèles ont en effet comme objectif de clarifier la genèse des phénomènes observés. Ils s’opposent aux « boîtes noires » et ils se présentent en revanche comme des « boîtes translucides ».

11En sociologie, des modèles ayant pour objet des « mécanismes » ont reçu un nom précis : « modèles générateurs » (Boudon, 1979 a ; Fararo, 1969). En première approximation, ils peuvent être définis comme des représentations conceptuelles simplifiées dont les conséquences seraient l’ensemble d’observations à expliquer (cf. aussi, Schelling, 1978, 89) [2].

12Comme nous allons essayer de le démontrer, un « modèle générateur » peut (et doit) être caractérisé d’un double point de vue : 1 / selon ses composantes (les « mécanismes ») ; 2 / selon sa structure (l’ « individualisme méthodologique complexe »).

1 . 1. La brique élémentaire d’un « modèle générateur » :les « mécanismes »

13L’idée de « mécanisme » n’est pas nouvelle. L’épistémologie et la méthodologie de nombreuses « sciences dures » (telles que la biologie, la physique, la chimie ou la médecine, par exemple) reposent, du moins depuis le XVIIe siècle, sur la mise en évidence expérimentale et sur la modélisation des « mécanismes » (Machamer, Darden et Craver, 2000). En sociologie, les traces historiques de cette approche sont également patentes dès les « classiques » (Boudon, 2005 a, chap. VI ; Cherkaoui, 1998, chap. 3 ; 2005 a, chap. 1, 2 ; Elster, 2003, 44-48 ; Fararo, 1989, 134-137, 345, 346). Bien que Merton (1949, 103, 106, chap. 11, 371-379 ; 1967, 43) ait sans doute contribué à introduire, dans la sociologie moderne, certains traits analytiques de cette notion, ce sont assurément les années 1960 et 1970 qui ont constitué son véritable « berceau », tant au plan épistémologique (Harré, 1972 ; Harré, Secord, 1972 ; Bunge, 1997, 2004) que du point de vue des applications (Boudon, 1973, 1976, 1979 a ; Davidovitch, Boudon, 1964 ; Fararo, 1969 ; Schelling, 1971, 1978 ; Sorensen, 1976). Que le concept de « mécanisme » ait attiré, à partir des années 1990 (Stinchcombe, 1991), une attention croissante et qu’autour de lui se constitue à présent une véritable perspective sociologique – dite « analytique » (Barbera, 2004 ; Cherkaoui, 2005 ; Hedstrom, 2005 ; Hedstrom, Swedberg, 1998 a, b) – ne doit donc pas conduire à l’oubli de cette longue histoire (cf. aussi, Philosophy of social science (2004, 34, 2 et 3)).

14Or pour contrer le flou conceptuel dans lequel le concept de « mécanisme » se trouve à l’heure actuelle (Mahoney, 2001, 577-582), on peut se demander, dans le but de le définir, d’une part, à quoi un « mécanisme » sert, d’autre part, quel est son contenu.

15Du premier point de vue, un mécanisme a la fonction d’éclairer comment et pourquoi une relation (ou une structure de relations) a été engendrée (Harré, 1972, 6, 118). Il s’agit de s’intéresser au mode de production des phénomènes (Cherkaoui, 1998, chap. 3). Concevoir le mécanisme de cette manière, c’est saisir son trait distinctif : la « générativité » (Fararo, 1989, 39-43). Cette notion pousse à rechercher l’émergence, l’engendrement ou la genèse de ce qui est observé. C’est d’ailleurs pourquoi on qualifie le plus souvent les mécanismes de « générateurs ». Qu’on les conçoive comme des entités réelles du monde (Harré, 1972 ; Bunge, 1997, 2004 ; Fararo, 1989) ou, au contraire, comme des constructions analytiques (Stinchcombe, 1991 ; Hedstrom et Swedberg, 1998 b), le postulat commun est le suivant : ce qu’on observe au niveau k doit s’expliquer en tant qu’effet d’une ou plusieurs instances – les mécanismes – qui se situent plus en profondeur au niveau k n. Y et X étant deux phénomènes quelconques, un mécanisme n’agit alors pas sur les valeurs ou sur le comportement de X et Y considérés séparément, mais sur le processus d’émergence de la relation en tant que telle (forme et nature). Un « mécanisme » n’est donc pas à confondre avec une « variable intermédiaire ou parasite » (Mahoney, 2001, 580 ; Pawson, 1989, 130-131) [3].

16Si l’on admet d’adapter une définition propre à la biologie (Machamer, Darden et Craver, 2000), un « mécanisme » peut en revanche être défini eu égard à son contenu comme un ensemble cohérent d’entités (structures et acteurs), de relations systématiques entre ces entités (système d’influence, d’interaction et d’interdépendance) et d’activités (choix, actions, échanges, etc.). Dès lors, le concept de mécanisme peut être précisé en distinguant trois classes générales de mécanismes (Hedstrom, Swedberg, 1998 b, 21-23 ; cf. aussi Tilly, 2001).

17a) Les « mécanismes situationnels » ou « mécanismes Macro → Micro se focalisent sur la manière dont les éléments contextuels contraignent l’autonomie des acteurs. En dépit des différences qui existent parmi les nombreux mécanismes qui rentrent dans cette classe, tous ont trait aux modalités selon lesquelles des éléments qui échappent et préexistent à tel ou tel individu particulier affectent une ou plusieurs composantes de son action. Ainsi, ils permettent de clarifier les modalités suivant lesquelles se crée le lien entre un élément macro et un élément micro [4].

18Afin de repousser toute interprétation « mécaniciste » d’un mécanisme, il importe de préciser que les « mécanismes situationnels » doivent être conçus comme fondés sur les multiples processus de « filtrage » que les acteurs mettent en place pour se rapporter aux données qui s’imposent à eux. Soutenir qu’un élément structurel, quel qu’il soit, affecte l’activité de l’acteur à travers les effets qu’il peut exercer sur les composantes de son action (croyances, préférences et opportunités), ce n’est pas affirmer qu’il la détermine. La « structure » n’est que le paramètre de l’ « action » ; de la même manière que, dans l’équation analytique d’une droite (Y = aX + b), par exemple, α n’est responsable que de la pente de la droite, et non de la valeur finale de Y. Si l’élément structurel définit l’horizon des possibles, l’acteur n’est pas pour autant dépourvu d’un pouvoir stratégique d’initiative, d’invention ou de création (Joas, 1999). Cette capacité qu’ont les acteurs de se réapproprier des contraintes structurelles (Archer, 2004) fait que le lien entre « structure » et « action » (lien que les « mécanismes situationnels » se proposent d’éclairer) n’est que probabiliste et conditionnel, et non déterministe et inconditionné.

19b) S’il s’agit ensuite de comprendre comment les croyances, les intentions et les opportunités de l’acteur se combinent afin de produire telle ou telle action spécifique, l’on mobilisera des « mécanismes de formation de l’action » ou « mécanismes Micro → Micro ». On peut les rapporter à l’image stylisée de l’acteur que le sociologue décide d’utiliser et, plus en particulier, à la conception de la rationalité dont on veut doter les individus [5].

20À cet égard, par-delà les différences d’accents existant en son sein (Goldthorpe, 2000, chap. 6), l’on peut tout d’abord évoquer la conception instrumentale et conséquentialiste de la rationalité. Ici, le principe générateur des choix individuels se rapporte aux conséquences futures en termes de bien-être (d’intérêt ou d’utilité) personnel que les acteurs peuvent tirer de leur action actuelle, comparativement aux coûts qu’ils doivent supporter pour l’accomplir [6]. On peut solliciter, ensuite, une conception « adaptative », « pragmatique » ou « évolutive » de la rationalité (conception issue de la théorie des jeux itérés et évolutionnaires (Abell, 1996)), selon laquelle les acteurs construiraient leurs actions non pas en fonction des conséquences futures de l’action, mais en fonction des stratégies passées ayant montré une capacité adaptative à l’environnement (Macy, 1997). Considérons aussi la conception de la rationalité parfois dite « sideward-looking » (Barbera, 2004, 118) selon laquelle les acteurs formeraient leurs actions en imitant les actions d’autrui qui ont fait preuve d’efficacité. L’action d’autrui est donc ici conçue comme une source d’information (Hedstrom, 1998).

21On mentionnera, enfin, la conception « cognitive » de la rationalité, selon laquelle les acteurs auraient la capacité de théoriser le contexte dans lequel ils agissent et de développer des systèmes de raisons subjectivement perçues comme fondées, du point de vue des ressources matérielles, symboliques et cognitives dont ils disposent (cf. pour une synthèse récente, Boudon, 2003). Une telle conception de la rationalité a une vocation générale d’un double point de vue. D’une part, puisqu’elle admet que les « raisons » des acteurs peuvent être de différentes natures, on peut y intégrer les autres conceptions de la rationalité. D’autre part, la rationalité cognitive, s’appliquant au domaine descriptif tout aussi bien qu’au domaine prescriptif ou normatif, se présente non seulement en tant que « rationalité des moyens », mais aussi comme « rationalité des fins » [7].

22Ainsi, lors de la construction d’un « mécanisme Micro → Micro », se posera le problème du choix d’une conception de la rationalité parmi ces conceptions multiples. Puisque le but fondamental d’un modèle générateur est de rendre compte d’une régularité au niveau sociétal, le degré de réalisme de la conception de la rationalité à retenir ne saurait constituer qu’un critère partiel. En effet, un « mécanisme Micro → Micro » ne se propose pas de reconstruire dans le détail la psychologie de chaque individu. Le type de rationalité retenu devrait alors être fonction de la complexité de la régularité macrosociale à expliquer. C’est là, nous semble-t-il, la signification des principes d’ « abstraction décroissante » et de « complexité suffisante » proposés par Lindenberg (1992, 1998, 2002).

23c) Dès lors qu’il s’agit d’éclairer les modalités de combinaison des actions individuelles, il faudra enfin faire appel à des mécanismes dits « mécanismes de transformation » ou « mécanismes Micro → Macro ». Leur importance est capitale pour la théorie sociologique car toute issue sociétale se produit par leur intermédiaire (Boudon, 1977 ; 1979 b, chap. IV, V, VI ; 1984, 66-71).

24Nous proposons de distinguer deux types généraux de « mécanismes de transformation » : les « mécanismes d’agrégation simple », d’une part, les mécanismes d’agrégation complexe ”, d’autre part. Ces deux types renvoient à deux modalités différentes de composition des actions et, donc, à des manières différentes d’opérer le passage du niveau individuel au niveau sociétal.

25Dans le premier cas, les acteurs n’ont pas de liens entre eux : ils agissent indépendamment les uns par rapport aux autres. Dans cette situation (solipsiste, pourrait-on dire), la transition du niveau de l’individu au niveau de la « société » est immédiate. Les actions se composent par simple juxtaposition ou par « sommation ». Le passage d’un niveau à l’autre n’implique aucune difficulté particulière : le « tout » dérive de façon immédiate des « parties ». Ainsi, si ce type de passage du « micro » au « macro », réalisé par agrégation simple d’actions individuelles indépendantes, permet, certes, de remonter de l’ « action » à la « structure », en règle générale, et en l’absence d’autres précisions, la structure dont il est ici question est bien particulière. Plutôt que d’un niveau « macro », il serait peut-être plus juste de parler d’un « niveau agrégé » [8].

26Il en va autrement en présence de « mécanismes d’agrégation complexe ». Ceux-ci renvoient à toute situation où l’action d’un acteur a des effets sur les croyances, les préférences et/ou les opportunités d’un autre acteur.

27Cette interdépendance peut prendre des formes multiples qui peuvent être conçues comme formant un continuum allant de la pure et simple imitation à l’interaction stratégique (Abell, 2000). Chacun des modes d’interdépendance que l’on peut imaginer le long de ce continuum peut d’ailleurs assumer une forme « directe » ou bien « indirecte » (Boudon, 1979 b, 130). Dans le premier cas, les acteurs entretiennent une relation de proximité et de voisinage. La modification des croyances, des préférences et/ou des opportunités se fait au sein de l’interaction et de la rencontre personnelle. Ce sont des interactions d’adjacence qui soutiennent un éventuel « mécanisme d’agrégation complexe ». C’est ce que l’on a appelé « effet interaction dyadique » (Barbera, 2004, 80-85). Dans le second cas, en revanche, l’interdépendance entre les acteurs n’est pas la conséquence de leur proximité et de leur contiguïté, mais bien davantage l’effet d’agrégats dérivant d’actions passées. Parmi ces formes d’interdépendance indirecte, l’ « interdépendance paramétrique » (Abell, 1996) et l’ « interdépendance stratégique » (Abell, 2000 ; Barbera, 2004, 127-132) sont d’une importance particulière [9].

28Quel que soit le type d’interdépendance à l’œuvre, sa présence implique que la connaissance des propriétés de chaque acteur pris singulièrement est insuffisante pour déterminer le résultat au niveau « sociétal ». Un « saut » s’interpose entre les actions de départ et leur produit systémique. Celui-ci sera « original » par rapport à celles-là en raison du jeu des interactions et des renvois réciproques qui existent entre les acteurs. Dans ce cas seulement, on parlera d’ « émergence » (cf., sur ce concept, Cherkaoui, 1998 ; Sawyer, 2001 ; Stephan, 1999, 2002). Le concept de « macro » devrait probablement être réservé à cette situation spécifique.

29La distinction entre « agrégation simple » et « agrégation complexe » a cependant un caractère analytique. Selon que l’on est capable ou non de mobiliser des « mécanismes » renvoyant à des structures d’interdépendance, on sera en droit de qualifier le niveau « structurel », de « macro » ou, simplement, d’ « agrégé ». L’émergence est donc à nos yeux un problème analytique relevant du type de théorie que le sociologue est en mesure de construire et non un trait de la réalité sociale en tant que telle. Pour qualifier cette position, nous serions tentés de parler d’ « émergentisme analytique ».

30Or, qu’il s’agisse d’un « mécanisme situationnel » ou d’un « mécanisme de formation de l’action » ou encore d’un « mécanisme de transformation », une propriété essentielle doit à présent être rendue explicite. Tout mécanisme, et a fortiori toute combinaison de mécanismes (cf. plus bas), est le plus souvent inobservable. Métaphoriquement, on peut dire que les mécanismes sont des « invisible codes » (Cherkaoui, 2005, 1). De là cette conséquence : un mécanisme ne peut qu’être conjecturé (Bunge, 1997, 420) et imaginé (Harré, Secord, 1972, 67, 71-73) par le chercheur. Afin de pouvoir l’étudier, il faut au préalable le théoriser et en construire une représentation stylisée et abstraite (Hedstrom, Swedberg, 1998 b ; Hedstrom, 2005, chap. 1), un modèle, donc. Comme le souligne Bunge, cependant :

« there is no method, let alone a logic, for conjecturing mechanisms [...] is an art, not a technique » (2004, 200).

31Un « modèle générateur » tâche de relever ce défi.

1 . 2. La structure d’un « modèle générateur » : l’ « individualisme méthodologique complexe »

32Nous pensons qu’il est peu réaliste de supposer que des mécanismes d’un seul type suffisent pour générer les différentes facettes d’un phénomène social. C’est pourquoi il s’agira le plus souvent de conjecturer une « concaténation » de mécanismes ou bien des « molecular mechanisms » ou encore un « generator », selon que l’on retiendra la terminologie proposée respectivement par Gambetta (1998), par Elster (1998) ou par Fararo (1989, 75, 144).

33Cet assemblage de mécanismes pourrait avoir une forme de base récurrente qu’on peut représenter en reformulant légèrement le diagramme célèbre habituellement attribué à Coleman (1986 a, 1322 ; 1990, 5-21).

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Fig. 1. — Forme statique d’un « modèle générateur » (adaptation du « Coleman Boat »)

34En effet, parmi les trois classes générales de mécanismes que nous venons de présenter, au moins un mécanisme de type « Micro → Micro » devra être présent. Puisque seuls les acteurs ont le pouvoir de relier, de transformer, de construire ou de détruire des aspects de la réalité sociale (Abell, 2004, 293), l’idée de « générativité » serait en effet vidée de son sens en l’absence d’une référence à l’action individuelle (Bunge, 1997, 447 ; Fararo, 1989, 146). Mais, la formation de l’action ne peut se comprendre sans référence au contexte qui lui préexiste (Esser, 1998 ; Popper, 1967) : au moins un mécanisme de type « Macro → Micro » sera alors nécessaire. Or, puisque la reconstruction du comportement des acteurs n’est pas pour le sociologue une fin en soi (Coleman, 1986 a, 1321), il faudra se donner les moyens de remonter du niveau de l’action à celui de la « structure ». Au moins un « mécanisme Micro → Macro » sera donc nécessaire aussi.

35Ainsi, la forme élémentaire d’un « modèle générateur » renvoie à une variante spécifique de l’individualisme méthodologique : celle qui refuse d’identifier, si l’on nous permet les néologismes, la « micro-fondation » de l’explication à sa « micro-réduction ». Il s’agit d’une forme d’individualisme méthodologique car un « modèle générateur » repose sur l’admission du primat analytique de l’acteur, de ses raisons et de ses actions. C’est là cependant une forme d’individualisme non réductionniste car le primat analytique de l’acteur coexiste avec l’admission de l’importance, en amont, des « structures » sociales et, en aval, des systèmes d’interdépendances directes et indirectes qui se créent continuellement entre les acteurs [10].

36Pour ce qui est du premier aspect (le primat analytique de l’acteur), de nombreux sociologues s’accordent aujourd’hui de plus en plus, semble-t-il, à reconnaître l’intérêt de la perspective qui consiste à prendre pour point de départ de l’explication l’hypothèse d’une intentionnalité et d’une rationalité des actions (cf. Marini, 1992 ; Déchaux, 2002 ; cf. aussi European Sociological Review, 1996 ; Sociologie et Société, 2002). Cette hypothèse aurait, avant tout, un « privilège explicatif » en ce sens qu’aucune question additionnelle ne se pose dès lors que l’on démontre que le phénomène à expliquer dérive de la composition d’actions intentionnelles et rationnelles (Coleman, 1986 b, 1). Puisque, comme nous l’avons déjà rappelé, seuls les acteurs peuvent « relier » et « transformer » (Abell, 2004, 293), il ne peut y avoir d’autres sources véritables de causalité que les individus et leurs actions (Hedstrom, Swedberg, 1998 b, 11-13). En ce sens, toute boîte noire est alors éliminée de l’explication (Boudon, 1998 b). Mais, il s’agirait aussi d’un « privilège ou priorité logique » dans la mesure où l’hypothèse d’une intentionnalité et d’une rationalité des actions donne à l’analyse un point de départ (Coleman, Fararo, 1992, XIV-XV ; Goldthorpe, 2000, chap. 6, 134) [11]. Cette hypothèse aurait également un privilège que l’on pourrait qualifier de « normatif », en ce sens que les acteurs eux-mêmes se veulent rationnels et revendiquent ce caractère pour leurs actions (Elster, 2001, 12763). On évoquera enfin la nécessité de se référer à l’action individuelle rationnelle pour avancer dans la conceptualisation du problème des interconnexions entre les niveaux microsociologique et macrosociologique (Abell, 1992 ; Friedman, Hechter, 1988). Pour que cette question soit intelligible, il faut en effet se demander où et comment telle ou telle structure sociétale est apparue. La référence à l’action individuelle devient ainsi logiquement indispensable [12].

37Pour ce qui est ensuite du second aspect (admission de l’importance des « structures » sociales), il semblerait que le regain d’intérêt pour l’action, depuis la fin des années 1970, tienne, pour partie, à une volonté plus poussée qu’auparavant de combiner action et structure, d’articuler les niveaux micro et macro de l’analyse (Giesen, 1987). À nos yeux, bien qu’on ait tendance à assimiler l’individualisme méthodologique à sa forme « atomiste » et « réductionniste », de nombreux éléments présents en littérature suggèrent l’existence d’une variante qui prône la combinaison systématique de l’ « action » et de la « structure » cristallisée dans la figure 1 (cf. aussi Boudon, 1979 a, 296).

38On la retrouve, par exemple, dans une partie de la sociologie allemande et hollandaise, dès les années 1970, sous l’appellation d’ « individualisme structurel » (Lindenberg, 1977 ; Wippler, 1978 ; Raub, 1982). On la retrouve également dans la sociologie française, sous la même expression d’ « individualisme structurel » (Boudon, 1983, 3) ou bien sous des étiquettes légèrement différentes, telles qu’ « individualisme institutionnel » (Bourricaud, 1977). Jean-Pierre Dupuy (1992) parle quant à lui d’ individualisme méthodologique complexe pour désigner cette conception non simpliste de l’individualisme méthodologique qui

« s’oppose tant à l’individualisme méthodologique simple qu’au holisme. [...] l’individualisme méthodologique complexe insiste sur la boucle qui unit récursivement les niveaux individuel et collectif » (Dupuy, 1992, 19).

39Au sein de la sociologie américaine, ensuite, la perspective dite « morphogénétique » (Archer, 1995) se fonde ouvertement sur une articulation réciproque de ces deux niveaux d’analyse. Mais, fait non négligeable, cette forme « hybridée » d’individualisme méthodologique est présente également en philosophie des sciences [13]. Bhaskar parle de « modèle transformationnel » (Archer, 1995, 137-141). Bunge prône une combinaison de holisme et d’individualisme qu’il qualifie de « systemism » (1997, 441 ; 2004). Philip Pettit (1993) propose la notion de « holisme individualiste ».

40Ainsi, le « Coleman boat » contenu dans la figure 1 met en avant une forme d’individualisme méthodologique qui est moins rare qu’on ne pourrait le croire au premier abord. Comme on l’a remarqué (Udehn, 2001, 307), le contenu du « Coleman boat » équivaut en effet à celui de la formule « M = MmSM´ », à travers laquelle Boudon (1984, 40) exprime sa conception de l’individualisme méthodologique [14]. Nous suggérons que le cycle « morphogénétique » d’Archer (1995, 76), c’est-à-dire la séquence conditionnement structurel → interaction sociale → élaboration structurelle », est largement équivalent à la boucle « Macro → Micro → Macro de Coleman et de Boudon. Quelques auteurs ont d’ailleurs reconnu cette proximité de fond, en l’étendant par ailleurs, élément intéressant, à l’ « individualisme méthodologique complexe » de Dupuy (Caillé, 2004, 37).

41Un « modèle générateur » propose donc de considérer la « structure » et l’ « action » comme séparables au plan analytique et impose de faire des hypothèses sur des modalités selon lesquelles s’articulent leurs renvois réciproques. Les « mécanismes Macro → Micro », les « mécanismes Micro → Micro » et les « mécanismes Micro → Macro » constituent la source d’alimentation (à modéliser) de ces renvois. En ce sens, on dira qu’un « modèle générateur » repose sur une forme complexe d’individualisme méthodologique.

42Nous croyons qu’il s’agit là d’une solution originale au problème – récurrent en sociologie (Cuin, 2002) – des rapports entre la « structure » et l’ « action ». Parmi ceux qui ont essayé de le résoudre, en effet, l’autre proposition intéressante est celle qui consiste à considérer « structure » et « action » comme les deux côtés indissolubles et mutuellement constitutifs de la réalité sociale. La « théorie de la structuration » de Giddens (1984) nous paraît représenter l’exemple le plus net de ce type de solution, avec, comme l’a suggéré Axel van den Berg (1998), le « structuralisme génétique » de Bourdieu. Mais, chez certains tenants majeurs du concept de « complexité », tels que Morin, on pose aussi le problème des rapports entre individu et société en termes d’inséparabilité et de coproduction réciproque [15]. Un tel point de vue refuse à la fois la micro et la « macro-réduction », jugeant ces deux opérations également inutiles : la « structure » et l’ « action » se coproduiraient continuellement en produisant ainsi le social. Pour notre part, cette idée du « dualisme de la structure » présente la difficulté suivante. En concevant la « structure » et l’ « action » comme indissolubles et mutuellement constitutives, on s’interdit de penser leurs liens réciproques. Dès lors, le problème des rapports entre l’individuel et le collectif n’est pas résolu : il est en réalité dissout. C’est pourquoi Archer (1995, chap. 4) qualifie cette solution de fusion centrale ou élision . La réduction s’opère en effet ici par amalgame des différents niveaux d’analyse (cf. aussi, Sawyer, 2005, chap. 7).

43Or, tel que nous l’avons défini, un « modèle générateur » évite cette impasse, et il pousse le chercheur à restituer à tout phénomène social son caractère dynamique. Ceci dérive du fait que la « structure » et l’ « action » prennent place sur deux échelles temporelles qui sont systématiquement décalées. Du point de vue d’une action qui se déroule à l’instant t, la structure est toujours antérieure : elle est le résultat, le plus souvent non voulu, d’actions interdépendantes ayant eu lieu à l’instant t – 1 (Abell, 1996, 261 ; 2003 ; Archer, 1995 ; Coleman, 1993, 63). La construction d’un « modèle générateur » demande alors à ce que l’on conçoive toute régularité sociétale comme la résultante d’un enchaînement de boucles « structure → action → structure » : son but sera de clarifier l’enchevêtrement des mécanismes sous-jacents à ces chaînes.

44Ainsi, en complexifiant la figure 1, la forme de base d’un « modèle générateur » peut être stylisée – le long de son versant dynamique – de la manière suivante (voir illustration page suivante).

45Il importe de voir que ces différents niveaux d’analyse qu’un « modèle générateur » tâche de mettre en relation gardent leur autonomie relative.

Iimage 2
Fig. 2. — Forme dynamique d’un « modèle générateur »
Note. — MS = « mécanismes situationnels » ;MFA = « mécanismes de formation de l’action » ; MT = « mécanismes de transformation »

46Pour ce qui est des « structures », la présence éventuelle de « mécanismes d’agrégation complexe » fera de celles-ci des produits émergents de l’action. Bien que cette dernière constitue leur fondement ultime, la présence d’une (ou de plusieurs) structures d’interdépendance filtre l’action des acteurs singulièrement pris, introduisant ainsi un « saut » entre le niveau « micro » et le niveau « macro ». On parlera alors d’une discontinuité ascendante entre l’ « action » et la « structure ». Quant aux « actions », ensuite, reconnaître le caractère sui generis de structures ainsi venues à l’existence ne signifie par pour autant nier l’autonomie des acteurs qui agiront postérieurement. La présence de « mécanismes situationnels » assure que les acteurs théoriseront la « structure » en y appliquant différentes sortes de « filtres ». Ce qui fera du comportement de l’acteur un produit « émergent » par rapport à la « structure », c’est-à-dire fondamentalement original au regard de ce qu’on pourrait s’attendre à observer si l’action procédait uniquement de celle-ci. Puisque l’on se situe le long de la ramification descendante du « Coleman boat », on parlera alors d’une discontinuité descendante entre la « structure » et l’ « action ».

47Deux éléments nous semblent alors justifier le qualificatif d’ « individualisme méthodologique complexe » que nous attribuons à la forme de base de tout « modèle générateur ». Premièrement, de tels modèles tâchent de démêler les jeux d’imbrication d’une pluralité de mécanismes relevant de différents niveaux analytiques, et dont les effets s’entremêlent dynamiquement. On peut dire qu’un modèle générateur se propose de représenter de manière stylisée la « complexité des mécanismes » sous-tendue par toute régularité macrosociale que le sociologue souhaite expliquer, et non seulement décrire [16]. Deuxièmement, un « modèle générateur » attribue une importance particulière aux « mécanismes d’agrégation complexe », c’est-à-dire ceux qui renvoient aux multiples systèmes d’interdépendance (directe et indirecte) qui relient les acteurs. En cela, de tels modèles renvoient alors à l’un des traits distinctifs de l’approche dite de la « complexité » (approche par ailleurs fort hétérogène, cf. Axelrod, Cohen, 2000, 46-53), à savoir l’attention constante que celle-ci a consacrée à l’interdépendance entre les entités constitutives d’un système ainsi qu’aux phénomènes d’émergence qui en découlent (Atlan, 1991 ; Morgan, 2005 ; Morin, 1999, chap. 4 ; Simon, 1996, chap. 7, 1999 ; Weisbuch, 2003). Sur ce point, notons cependant que notre discipline ne manque pas de précurseurs illustres :

« Les sociétés doivent être considérées comme des enchevêtrements complexes de systèmes d’interaction »,

48lit-on, dès la fin des années 1970, chez Boudon (1979 b, 113).

2. La formalisation et l’analyse d’un « modèle générateur »

49Au cas où l’on accepterait de faire reposer l’activité de théorisation en sociologie sur la construction systématique de « modèles générateurs », un problème de taille reste néanmoins à résoudre : celui de leur « mise en œuvre ». Le modèle étant conçu au plan théorique, il s’agira en effet de le mettre sous une forme appropriée (opération de formalisation du modèle) pour pouvoir déduire ses conséquences (opération d’analyse du modèle).

50Déterminer le degré de conformité entre ces dernières et les régularités empiriques à expliquer, c’est un passage obligé pour doter (ou non) d’une « présomption de validité et de réalisme » les mécanismes postulés. Certains auteurs ont d’ailleurs émis des doutes quant à la légitimité d’une démarche qui prétend expliquer des phénomènes observés par des entités invisibles, les mécanismes (Mahoney, 2004 ; Sica, 2004). Nous pensons que, afin de contrer cette critique, il est urgent d’aborder le problème de la « mise en œuvre » et de l’étude, autre que purement verbale, d’un « modèle générateur ».

2 . 1. Les « modèles statistiques »

51Les méthodes statistiques (multivariées) constituent certainement l’application des mathématiques la plus répandue en sociologie. Comme le remarque Fararo (2005 a), d’ailleurs, l’une des acceptions dans lesquelles le concept de modèle est le plus couramment utilisé dans notre discipline est précisément celle de « modèles statistiques ». En raison de cette omniprésence, il serait presque naturel de s’adresser à la technique statistique pour « mettre en œuvre » un « modèle générateur ».

52Cette solution nous semble cependant présenter des limites non négligeables. Notons d’emblée que, en dépit de son usage récurrent, le concept même de « modèle statistique » n’est pas dépourvu de toute ambiguïté. D’une part, en effet, ce concept opère, par un glissement langagier indésirable, un amalgame entre le formalisme utilisé pour exprimer le modèle (le langage mathématique) et les outils utilisés pour l’estimer. Ces outils, eux, relèvent effectivement de la statistique (notamment inférentielle), laquelle, par ailleurs, n’est à son tour qu’une branche des mathématiques (Barbut, 1994, 2000). D’autre part, parler de « modèles statistiques » est aussi regrettable car la présence du terme « modèle » occulte la nature théoriquement pauvre, du point de vue sociologique, des « modèles statistiques » (Esser, 1996). Ces derniers ne renvoient en effet le plus souvent qu’à des hypothèses sur la forme des relations entre les variables (linéaire plutôt que non linéaire ; additive plutôt que multiplicative, etc.), sur les conditions à respecter pour estimer ces relations (forme de la distribution des variables, forme de la distribution des erreurs, etc.), et sur les contraintes nécessaires pour estimer les paramètres (somme des paramètres égale à zéro, produit des paramètres égal à un, etc.). Or la première classe d’hypothèses n’entretient que des liens lâches avec des hypothèses sociologiques précises (Clogg, Haritou, 1997, 88, 93 ; Goldthorpe, 2000, chap. 8, 98 ; Sorensen, 1998, 238, 239, 243-244) tandis que les deux autres n’ont que très difficilement une justification sociologique (Freedman, 1991 a, 311). Vraisemblablement, donc, la portée d’un « modèle statistique » n’est que descriptive [17].

53Les ambiguïtés contenues dans le concept même de « modèle statistique » laissent ainsi entrevoir une première source de tension entre celui-ci et un « modèle générateur » : leurs objectifs diffèrent. Au plan épistémologique, en effet, un modèle théorique centré sur les mécanismes s’oppose frontalement à un modèle centré sur les variables, car ce dernier ne livre tout simplement pas une explication.

54Aussi sophistiqués soient-ils, les paramètres d’un « modèle statistique » n’expriment que l’intensité, le signe et, éventuellement, la forme du lien entre deux ou plusieurs aspects du réel, opérationnalisés sous forme de variables. Rien n’est en revanche dit, dans de tels modèles, sur les sources de production de ce lien (Boudon, 1976 ; Bunge, 1997 ; Hedstrom, 2005, 31-36, chap. 5 ; Sorensen, 1998). En l’absence d’une modélisation des mécanismes sous-jacents aux relations observées, l’explication est creuse. Dans ce cas, aucun caractère de causalité ne peut être attribué à l’action de X sur Y. Ni l’antériorité temporelle (ou logique) de X par rapport à Y, ni la résistance de leur lien à l’introduction d’une suite de variables tierces W ne peuvent justifier l’attribution de la causalité au lien observé. Un « modèle statistique » – dont la logique de base a parfois été qualifiée de « correlation analysis » (Mahoney, 2001) – repose sur une conception de la causalité que l’on peut nommer successionist causality ”, pour reprendre les termes de Harré (1972, 116, 121, 136-137). Un « modèle générateur », en revanche, se fonde sur ce que le philosophe anglais a qualifié de generative causality (cf. aussi Goldthorpe, 2000, chap. 7, 151, 154-155) [18].

55Notre impression est cependant qu’une seconde source de tension entre un « modèle statistique » et un « modèle générateur » relève, non pas de l’épistémologie, mais plus concrètement de la structure même des techniques statistiques multivariées. Ce sont probablement les propriétés intrinsèques de celles-ci qui rendent difficile, voire impossible, la mise en œuvre en leur sein d’un « modèle générateur » (Manzo, 2006 a).

56a) Un premier point concerne le caractère inobservable d’un « modèle générateur ». Certaines de ses composantes pourraient certainement s’appuyer sur des données empiriques : mais, la logique de fonctionnement du modèle dans son ensemble ne semble pas saisissable empiriquement. Il serait donc vain d’espérer en saisir la configuration par des variables qui reposent sur des données empiriques (Mahoney, 2001, 581). Attribuer aux « variables » la vertu de renvoyer à des mécanismes, ce serait donc nécessairement une opération artificielle, car elle est rhétorique et fictive. La technique statistique peut, dans le meilleur des cas, saisir les effets d’un mécanisme, mais elle ne peut pas en représenter le fonctionnement.

57b) Un second point essentiel tient à ce que la définition même d’un « mécanisme générateur » implique que l’on démontre que les relations observées sont produites par des entités et des activités se trouvant à des niveaux inférieurs par rapport à celui où l’on observe la relation. Alors qu’un « modèle générateur » peut être pensé comme un « dispositif » pour générer des données – en ce sens qu’il permet de faire temporairement abstraction des données empiriques et de produire artificiellement ses propres données –, ce changement de niveau est totalement absent d’un « modèle statistique ». En son sein, toutes les constructions se réalisent sur les données observées. Aucune opération de « production exogène de données » n’existe (Stinchcombe, 1991, 371). Aussi sophistiqué soit-il, un « modèle statistique » ne fait que restituer sous une autre forme les données de départ. Mais, il ne permet pas de styliser l’engendrement de ces structures, car il ne dispose d’aucun élément qui soit, comme c’est le cas d’un « modèle générateur », externe aux données empiriques.

58c) Une troisième difficulté tient à la capacité de la part d’un « modèle statistique » de traiter les systèmes d’interdépendances multiples qui relient les acteurs. Les « mécanismes d’agrégation complexe » constituent l’une des pièces principales d’un « modèle générateur » : l’un des objectifs de celui-ci est en effet de décomposer analytiquement les différents systèmes d’influences directes et indirectes reliant les acteurs qui permettent de transiter du niveau individuel au niveau sociétal. Quelle que soit la technique statistique utilisée, en effet, une « variable » ne dérive que de la juxtaposition d’informations recueillies au niveau des individus. Ces derniers sont traités isolément les uns des autres, et la variable ne fait qu’agréger les informations concernant des acteurs « solipsistes ». Du point de vue du passage du « Micro » au « Macro », la statistique multivariée ne peut ainsi traiter que les formes d’agrégation simple (celles qui fonctionnent par juxtaposition immédiate des actions individuelles), restant muette sur les formes d’agrégation complexe centrées sur l’interdépendance directe ou indirecte entre les acteurs (Esser, 1996, 162). Autrement dit, un « modèle statistique » est structurellement impropre à représenter et à modéliser directement l’interaction entre les acteurs [19].

59d) Un quatrième point mérite d’être soulevé. Un « modèle générateur » compte, parmi ses objectifs, de faire des « structures » sociales (et de leurs transformations) des phénomènes macrosociaux émergents. Tel que nous avons défini le niveau « macro », il n’est légitime de qualifier de « macro » une régularité sociétale qu’à la condition d’en faire le produit d’acteurs en situation d’interdépendance multiple. Or, si, comme nous venons de le dire, un « modèle statistique » ne peut pas tenir compte des structures d’interdépendance dans lesquelles les acteurs sont plongés, il se trouve alors dans l’impossibilité de rendre compte du passage du « micro » au « macro » (Cherkaoui, 2005, chap. 6). Puisque la statistique multivariée ne connaît que des formes d’ « agrégation simple », c’est-à-dire fondées sur la juxtaposition immédiate d’attributs individuels, elle ne peut aboutir au « macro » car celui-ci se fonde, par définition, sur la présence de structures d’interdépendance.

60Ce qui a une conséquence de taille. Si l’on n’est pas en mesure d’ « engendrer » les éléments relevant de la « structure », on ne peut a fortiori rendre compte des effets de rétroaction que ces derniers peuvent avoir sur des actions successives. En d’autres termes, l’étude de l’enchevêtrement dynamique de différents niveaux d’analyse trouve très difficilement sa place dans le cadre de la technique statistique standard. La forme complexe d’individualisme méthodologique contenue dans tout « modèle générateur » (cf. plus haut, 1 . 2, fig. 2) reste ainsi en dehors de la portée des « modèles statistiques ».

61À cet égard, des techniques avancées, telles que les techniques d’analyse de données de durée (Blossfeld, 1998) ou les variantes multiples d’analyse multiniveau (Courgeau, 2003, chap. 2) ou encore les méthodes d’ « appariement optimal » (Abbott, 1995 ; Abbott, Tsay, 2000) méritent certainement d’être surveillées de près. Bien que par des voies différentes, ces méthodes se donnent, en effet, pour objectif de mieux étudier la connexion entre les niveaux micro et macro de l’analyse à travers la prise en compte du « temps » et l’introduction de différents niveaux d’agrégation. Elles remettent par ailleurs au premier plan la nature dynamique des phénomènes sociaux ainsi que la cohérence des séquences d’événements caractérisant la vie sociale et individuelle. On peut néanmoins penser qu’il s’agit là, une fois encore, de solutions partielles. Dans la mesure où ces méthodes restent en effet basées sur des données structurellement similaires à celles des techniques plus classiques, elles ne peuvent représenter directement et dynamiquement stricto sensu l’action des mécanismes multiples sous-jacents à l’enchaînement de ces événements et responsables de leur émergence. C’est probablement pourquoi Sorensen (1998, 265) estime que ces techniques avancées

« has become just another way of doing regression analysis with rich opportunities for controlling for everything » [20].

62Ainsi, les quatre problèmes que nous venons d’indiquer semblent constituer, du moins pour l’instant, autant d’obstacles à la formalisation et à l’analyse d’un « modèle générateur » par l’intermédiaire d’un « modèle statistique ». Sans pour autant vouloir nier leur utilité (nous y reviendrons dans les conclusions), un véritable changement de perspective méthodologique semble s’imposer.

2 . 2. Les « modèles informatiques » et les « modèles simulés »

63Nous suggérons que certaines méthodes de simulation fournissent désormais au sociologue une infrastructure adéquate à la formalisation et, surtout, à l’analyse d’un « modèle générateur » (cf. aussi Manzo, 2003, 2005).

64Ce qui implique de mobiliser deux autres acceptions dans lesquelles le concept de modèle est souvent utilisé – celle de « modèle informatique » et celle de « modèle simulé » –, acceptions qui, tout comme celle de « modèle statistique », demandent que l’on en clarifie au préalable le sens.

65L’expression de « modèle informatique » opère en effet un amalgame entre le modèle théorique en tant que tel et un langage spécifique adopté pour le formaliser : le langage informatique. L’expression « modèle simulé », en revanche, opère un saut direct du modèle théorique en tant que tel à l’outil utilisé pour l’analyser : la technique de la simulation. Mais, si le concept de « modèle informatique » implique celui de « modèle simulé » (car un modèle théorique exprimé en langage informatique sera prioritairement étudié par simulation), l’implication inverse n’est pas toujours vérifiée. Un modèle analysé par simulation pourrait en effet être formulé en langage mathématique.

66Ces glissements langagiers (potentiellement équivoques) étant dévoilés, il faut ensuite préciser que notre thèse selon laquelle un « modèle générateur » peut être analysé de la manière la plus achevée à travers la simulation fait écho à des propositions anciennes. L’idée qu’il existerait un lien privilégié entre les « mécanismes » et la « simulation » s’esquisse en effet dès les années 1960, tant en sociologie (Boudon, 1965, 1967, 1973, 1979 a ; Boudon, Gremy, 1977 ; Coleman, 1962, 1965 ; Davidovitch, Boudon, 1964) que, plus généralement, dans les sciences sociales (Guetzkow, 1962 ; cf. aussi Archives européennes de sociologie, 1965 ; The American Behavioral Scientist, 1965). C’est bien à cette époque d’ailleurs que Schelling (1971) nous livra une illustration magistrale de cette perspective en créant et résolvant à la main une sorte d’ « automate cellulaire » ante litteram.

67En conséquence, les argumentaires plus récents développés par Collins (1988) ou par Goldthorpe (2000, chap. 7, 158) en faveur de la simulation, les liens de plus en plus explicites qui se sont créés entre l’ « intelligence artificielle » et la sociologie (Carley, 1996) tout comme le programme d’une véritable sociologie computationnelle (Hummon, Fararo, 1995) doivent être regardés comme la manifestation récente la plus accomplie et la plus visible d’idées qui n’ont pourtant jamais été complètement étrangères à notre discipline.

68Reconnaître ce lien historique, ce n’est pas pour autant sous-estimer le chemin parcouru dans la période qui va des années 1960 à nos jours. Il est en effet indéniable que, depuis le début des années 1980, on assiste à une diffusion et à un développement sans précédent de la réflexion autour de cette perspective et de ses applications (Bruderer, Maiers, 1997 ; Hummon, 1990, 65 ; Troitzsch, 1997, 45). Que certains auteurs parlent de « simulation era » (Hartmann, 1996, 77, 79, 84, 98) ou d’un « new way of doing social science » (Gilbert, 1999, 1486) suggère qu’une véritable « révolution silencieuse » s’est opérée. À présent, les méthodes de simulation semblent être sorties de la position marginale dans laquelle elles étaient restées depuis les propositions originaires des années 1960 (Halpin, 1999) [21].

69À cet égard, les développements techniques constituent sans doute l’avancée la plus considérable. Macy (2001) distingue trois vagues successives, qui ont conduit à la constitution d’une gamme de méthodes si étendue, variée et hétérogène qu’elle exigerait un manuel tout entier (tel celui de Gilbert et Troitzsch, 1999) pour être présentée de manière détaillée.

70Par-delà les spécificités des différentes techniques [22], on peut, en règle générale, définir la « simulation » comme l’exécution d’un programme qui traduit le système théorique représentant l’objet de l’analyse (le modèle, donc) sous la forme d’un ensemble d’algorithmes écrits dans un langage informatique spécialisé. Par ce biais, le comportement d’un tel système peut être étudié et observé dans son évolution dynamique sous des conditions différentes (Macy, 2001, 14439 ; Moretti, 2002 ; Troitzsch, 1997, 46 ; Hanneman, Patrick, 1997, 2 . 3 ; Hartmann, 1996, 83). La simulation présuppose donc une activité de modélisation préalable, sans laquelle elle ne pourrait exister. On simule toujours le comportement d’un objet – le modèle – qui doit avoir été pensé auparavant. C’est pourquoi, chez les tenants de l’ « approche simulationniste » en sciences sociales, on insiste souvent sur les conséquences positives que la simulation peut avoir pour la théorie, sociologique en particulier (Collins, 1988, 647-648 ; Hanneman, 1995 ; Hanneman, Patrick, 1997 ; Hanneman, Collins, Mordt, 1995, 3 ; Hegselmann, 1996, 222-230 ; Jacobsen, Bronson, 1997, 98, 99). C’est là d’ailleurs l’un des objectifs principaux de la « sociologie computationnelle », particulièrement bien exprimés dans les écrits de Carley (1994, 1999, 2001).

71On voit donc d’emblée toute la distance qui sépare un modèle que l’on traite par la simulation d’un « modèle statistique ». Au lieu de s’attacher d’abord à ce qui est mesurable et observable, on se focalise, avant tout, dans un « modèle informatique », sur la théorisation de l’objet qu’il s’agit d’étudier. En ce sens, de tels modèles semblent avoir une affinité importante avec les « modèles générateurs ». Avant d’être étudiées concrètement, les « instances » qui composent ces derniers, les mécanismes, doivent en effet être modélisées théoriquement. Ainsi, si les « modèles statistiques » paraissent structurellement impropres à accueillir un « modèle générateur », il en va tout autrement pour les méthodes de simulation. Ces dernières sont presque intrinsèquement faites pour les mettre en œuvre.

72Deux raisons principales supportent une telle idée. La première renvoie à la phase de model translation (Whicker, Sigelman, 1991, 37), à savoir l’opération d’écriture d’un programme informatique qui incorpore le modèle théorique à étudier. Écrire une suite d’algorithmes qui précisent comment les variables sont reliées entre elles, c’est en effet postuler une série de mécanismes générateurs. À la différence des techniques statistiques standard, l’algorithmique est ici écrite explicitement pour formaliser les hypothèses génératives des données. L’exécution du programme ensuite, et c’est là notre seconde raison, rend possible une véritable « animation » des mécanismes postulés. Quand on fait « tourner » le modèle, on demande en effet à l’ordinateur de dérouler itérativement toutes les instructions (l’algorithmique) dans le but d’observer le résultat de cette dynamique. On crée donc ici, en procédant de la sorte, le processus virtuel qui découle de l’ensemble de mécanismes générateurs postulés [23]. Ainsi, comme certains auteurs l’ont souligné, « simuler », c’est essentiellement engendrer soi-même une structure de données à partir d’un ensemble de règles théoriquement significatives qui seraient, selon nous, à l’origine du phénomène étudié (Halpin, 1999, 1500 ; Hanneman, Collins, Mordt, 1995, 5). On est là au cœur de l’idée qui constitue l’essence d’un « modèle générateur » : celle de « generativity ».

73Ce lien intime qui existe entre les « mécanismes » et la « simulation » a certainement une portée très générale (Gilbert, 1996 a, 449 ; Gilbert, 1999, 1485 ; Gilbert, Troitzsch, 1999, 17) [24]. À nos yeux, une classe spécifique de techniques est cependant encore mieux adaptée que d’autres pour mettre en œuvre un « modèle générateur ».

74Il s’agit de ce que l’on peut globalement appeler les méthodes de simulation « individus-centrées » (Amblard, 2003), dont le cœur est constitué, d’une part, par les « réseaux d’automates cellulaires » (issus de la biologie et de la physique, cf. Hegselmann, 1996 et Weisbuch, 1992), et, d’autre part, par les « systèmes multi-agents » (issus de l’informatique, notamment de la branche dite de l’ « intelligence artificielle distribuée », cf. Davidsson, 2002). Ces dernières années, une littérature considérable s’est rapidement accumulée autour de cette classe de techniques (cf. entre autres, Doran, 1998 ; Moss, 1998 ; Sichman, Conte, Gilbert, 1998 ; Terna, 1998). C’est sans doute la « vague » la plus récente dans l’histoire des méthodes de simulation (Macy, 2001).

75Les « systèmes multi-agents » reçoivent tout particulièrement une attention croissante en tant qu’outil de modélisation, de formalisation, et d’étude des dynamiques sous-jacents aux phénomènes sociaux (Axtell, 2006 ; Gilbert, 2006 ; Sistemi Intelligenti, 2005). En géographie (Sanders, 2006), en science politique (Axelrod, 1997 ; Cederman, 2001 ; Johnson, 1999) ou en économie (Bourgine, Nadal, 2004 ; Phan, 2004 ; Phan, Pajot, 2005), on leur reconnaît un intérêt grandissant. Et, fait qui nous intéresse davantage ici, la sociologie montre une tendance similaire. Les potentialités des « systèmes multi-agents » pour l’analyse sociologique commencent à être reconnues (Gilbert, 1996 b ; Hedstrom, 2005, chap. 6 ; Macy, Willer, 2002 ; Moretti, 2004, chap. 4 ; Sawyer, 2003, 2004 a, 2004 b, 2005 ; Squazzoni, Boero, 2005).

76Cette diffusion rapide nous semble tenir en grande partie aux propriétés particulièrement appréciables propres à l’infrastructure même de cette technique. Un « système multi-agents » permet en effet de modéliser individuellement des entités (les agents), d’insérer celles-ci dans des structures réticulaires, d’étudier leur évolution dynamique et, par là, d’établir des liens (éventuellement récursifs) entre le comportement de ces entités, leurs interactions et les résultats systémiques auxquels ces interactions conduisent.

77Sur le versant « ascendant », celui qui va du « micro » au « macro », cette méthode permet donc de traiter le problème théorique essentiel des systèmes d’interdépendances qui relient les actions individuelles. Surtout, c’est l’un des grands intérêts de la technique que de permettre de construire des véritables topologies de liens entre les agents. Le sociologue dispose ainsi d’un support concret pour formaliser et étudier les effets des interactions entre les acteurs. Les « mécanismes d’agrégation complexe » peuvent donc être représentés. Mais, l’autre versant des rapports entre la « structure » et l’ « action » – celui « descendant » qui va du « macro » au « micro » –, l’est tout autant. Puisqu’un système multi-agents permet d’enraciner les acteurs en des multiples structures résiliaires et de « stocker » les résultats partiels de ces interactions, on peut également avancer dans la compréhension d’un second problème théorique essentiel : celui des voies par lesquelles le comportement des acteurs est contraint par la présence d’autrui ainsi que par les agrégats qui sont continuellement engendrés par cette « interdépendance généralisée ». Les « mécanismes situationnels » trouvent ainsi également leur représentation dans un système multi-agents. Par ailleurs, puisque la possibilité existe de représenter de manière stylisée même les composantes cognitives des acteurs (c’est le cas des modèles dits « à agents cognitifs », cf. Castelfranchi, 1998), les « mécanismes de formation de l’action » aussi pourraient trouver leur place au sein d’un système multi-agents.

78Ainsi, notre impression est que des « modèles informatiques » de type « multi-agents » constituent probablement le meilleur cadre pour formaliser et pour analyser des « modèles générateurs », tant du point de vue de leur contenu (les mécanismes) que de leur forme (l’ « individualisme méthodologique complexe »). Simuler de tels modèles informatiques, c’est en effet permettre de démultiplier concrètement dans le temps les multiples boucles « Macro → Micro → Macro » sur lesquelles repose tout modèle générateur (cf. plus haut, § 1, fig. 2). De la sorte, le sociologue dispose d’un dispositif qui permet de concevoir et d’étudier des modèles théoriques qui, tout en étant en deçà de la richesse du réel, en respecteraient tout au moins la configuration de base [25].

2 . 3. Les « modèles mathématiques »

79Afin de compléter notre discussion des modalités de mise en œuvre d’un « modèle générateur », il faut se demander si le langage mathématique ne pourrait pas jouer lui aussi un rôle important dans la réalisation de cet objectif.

80Il importe tout d’abord de préciser que l’expression de « modèle mathématique », tout comme celle de « modèle informatique », opère un amalgame entre le modèle théorique en tant que tel et le langage d’expression de celui-ci (le langage mathématique). Dans bien des domaines du savoir, le concept de modèle s’identifie d’ailleurs presque spontanément à celui de « modèle mathématique ». On lit souvent chez les mathématiciens que « formaliser », c’est « mathématiser » (Barbut, 1994).

81Or il est certain que les « modèles mathématiques » ont un avantage sur les « modèles statistiques ». Les premiers ne peuvent en effet pas exister en l’absence d’une modélisation théorique préalable du phénomène d’intérêt. Ce qu’on mathématise, c’est toujours une représentation stylisée d’une réalité donnée, et non la réalité en tant que telle (Barbut, 1994, 8-10 ; 2000, 206-207 ; Bunge, 1973 b, 131). C’est pourquoi certains auteurs ont soutenu que la technique statistique doit être utilisée principalement pour estimer les paramètres de « modèles mathématiques » qui, eux, représenteraient des idées précises sur les mécanismes générateurs des phénomènes sociaux. C’est là une tradition ancienne héritée de Coleman (1964) et de Sorensen (1976, 1998), mais dont les échos continuent de se faire sentir de nos jours (Backman, Edling, 1999).

82Les relations entre mathématiques et sociologie sont d’ailleurs complexes et historiquement très riches (Barbut, 2000 ; Edling, 2002 ; Martin, 2002).

83La « sociologie mathématique » en tant que sociologie spécialisée est une réalité historique indéniable (Scott, 1997 ; The Journal of Mathematical Sociology, 1984 ; Sociological Forum, 1997 ; Sociological Theory, 2000). Celle-ci s’est précisément construite sur la nécessité des « modèles mathématiques » de devoir théoriser avant de pouvoir formaliser. En dépit de sa variante tournée vers l’estimation empirique, que nous venons d’évoquer, la sociologie mathématique est en effet essentiellement une « sociologie théorique » (Collins, 1988, annexe ; Edling, 2002, 202 ; Fararo, 1997, 91 ; Hayes, 1984, 325). Le langage mathématique est ici choisi en raison de sa précision, de sa puissance, de sa parcimonie par rapport au langage naturel, aussi spécifique et spécialisé soit-il. Le langage mathématique permettrait ainsi de clarifier la théorie, d’en étudier systématiquement et logiquement toute conséquence et, par ce biais, d’en enrichir le contenu et d’en complexifier la structure. En cela, la sociologie centrée sur la modélisation mathématique a d’autres ambitions et d’autres objectifs que la sociologie basée sur les « modèles statistiques » qui visent, eux, la description et la quantification empirique (Fararo, 2005 a, b) [26].

84Mais, en dépit du fait que les « modèles mathématiques » sont mieux préparés pour représenter des idées sur les mécanismes générateurs des phénomènes sociaux, l’on pourrait se demander s’ils sont pour autant la solution la plus efficace pour formaliser et pour analyser des « modèles générateurs » véritablement complexes ? Un début de réponse se trouve, selon nous, dans les évolutions récentes de la sociologie mathématique elle-même.

85Depuis quelques années, on a en effet tendance à lui reconnaître un état de crise (Fararo, 1997, 89-95 ; 2005 b, 441). Sa consolidation et, même, sa survie semblent moins sûrs aujourd’hui qu’autrefois. La section de « sociologie mathématique » de l’association américaine de sociologie ne compte que 185 membres (Edling, 2002, 2). De plus, leur provenance est fort hétérogène : aucun membre ne se qualifie de « sociologue mathématicien » stricto sensu (Edling, 2002, 211 n). Il semblerait que la sociologie mathématique ait renoncé à son ambition de se constituer en sous-champ spécifique de l’analyse sociologique (Scott, 1997). Mais, ce qui est pour nous particulièrement intéressant, c’est que certains auteurs commencent, pour remédier à cette impasse, à proposer d’intégrer la « sociologie mathématique » avec les méthodes de simulation (Fararo, Butts, 1999). C’est précisément au sein de la sociologie mathématique d’ailleurs que le programme d’une « sociologie computationelle » a vu le jour (Hummon, Fararo, 1995). Or, chez ces auteurs, l’idée de s’adresser à des « modèles informatiques » étudiés par la simulation repose sur un constat précis : dès lors qu’il s’agit de construire des modèles théoriques qui visent la représentation de « processus » particulièrement compliqués, le langage mathématique ne permet plus d’écrire le modèle et, quand cela est encore possible, il peut ne pas fournir les outils pour le résoudre analytiquement (Fararo, Butts, 1999, 35 ; cf. aussi Collins, 1998, annexe, fig. A . 1).

86Le courant économique hétérodoxe qui s’appuie sur les « systèmes multi-agents » a abouti à des conclusions similaires. Venant d’une discipline très fortement mathématisée, ces économistes se sont en effet demandé si les « systèmes multi-agents » doivent être considérés comme un substitut (ou comme un complément) au traitement analytique des modèles mathématiques classiques (cf., entre autres, Axtell, 2000 ; Epstein, 2006, chap. 1, 2 ; Phan, 2006).

87La réponse avancée est que les « modèles informatiques » de type « multi-agents » ne constituent de véritables alternatives au traitement mathématique d’un modèle qu’en présence de situations particulièrement complexes dans lesquelles la formulation mathématique s’avère incapable de résoudre le problème. C’est notamment le cas de situations où il s’agit de représenter des interactions multiples et enchevêtrées reliant des entités hétérogènes en termes de comportements et de préférences. Mais, même dans ces cas complexes, note Epstein (2006, chap. 2) :

« The issue is not whether equivalent equations exist, but which representation (equations or programs) is most illuminating. »

88En ce sens, ce serait un avantage en termes de « lisibilité » du modèle, notamment de certaines de ses composantes telles que l’interaction entre les acteurs, qui pourrait conduire à préférer la formalisation informatique à celle mathématique.

89Ainsi, en l’état actuel de la recherche, nous ne saurions pas exclure a priori la possibilité de formuler mathématiquement et, surtout, de traiter par voie analytique un « modèle générateur ». Quand c’est possible, il nous paraît utile de passer par une phase de formalisation mathématique en raison de la précision, de la parcimonie et de l’élégance de ce langage. On passera ensuite au langage informatique pour traiter des « modèles générateurs » particulièrement complexes qui contiennent des multiples systèmes d’interdépendances enchevêtrées entre les acteurs. Dans ce cas, la simulation « multi-agents » s’avère d’une importance capitale pour traiter de tels modèles et pour restituer la dimension dynamique qui leur est sous-jacente. La formalisation informatique et le traitement par simulation d’un « modèle générateur » ne devraient donc probablement pas être considérés comme un substitut de sa formalisation mathématique. Loin de représenter deux moments mutuellement exclusifs, ces deux opérations de formalisation constituent bien davantage deux phases complémentaires et successives d’un même procédé de recherche qui permet de mettre en relation le modèle avec les données empiriques qu’il s’agit d’expliquer.

Conclusion

90Cet article a pris explicitement parti en faveur du concept de « modèle » et il a proposé d’en faire l’un des piliers de la production des connaissances en sociologie. De manière générale, nous avons conçu un « modèle » à la fois comme une représentation partielle d’un phénomène social donné et comme une modalité pour retrouver partiellement celui-ci grâce au traitement déductif de ses hypothèses fondatrices (cf. aussi Armatte, 2005, 112-118). Il s’agit d’utiliser les « modèles » comme des « analogies sophistiquées » indispensables pour penser et pour maîtriser la complexité du réel (Edmonds, 2005).

91La polysémie ainsi que les usages multiples auxquels le concept de « modèle » semble être condamné ne constituent pas vraiment des obstacles à un tel projet. À condition d’avoir conscience des assimilations que certaines expressions opèrent entre des opérations différentes (conception, formalisation, analyse, etc.), il s’agit moins d’établir un sens « correct » que d’intégrer ses usages différents dans un cadre de recherche cohérent. En guise de conclusion, nous en suggérons un en réorganisant les éléments essentiels de l’analyse qui a précédé.

92Dans un premier temps, nous avons proposé de concevoir l’activité de modélisation théorique en tant que construction de « modèles générateurs ». Ces modèles font des hypothèses sur les mécanismes de production des relations observées et affichent l’ambition de combiner des mécanismes relevant de plusieurs niveaux d’analyse. En dépit de son contenu spécifique, un « modèle générateur » suppose que les phénomènes sociaux sont la résultante d’un enchaînement dynamique de boucles « Macro → Micro → Macro ». Dans un deuxième temps, nous avons noté que ce type de modèles théoriques ne se laissent pas « mettre en œuvre » aisément : leur formalisation ainsi que l’étude de leurs conséquences ne sont pas des tâches immédiates. À cet égard, nous avons attiré l’attention sur les difficultés que l’on rencontrerait si l’on s’entêtait à vouloir le faire dans le cadre des « modèles statistiques » classiques. Ces derniers sont en effet particulièrement mal adaptés pour prendre en compte les « mécanismes d’agrégation complexe » contenus dans un modèle générateur ainsi que pour « animer » le processus contenu en puissance dans celui-ci. En raison de sa flexibilité, le langage informatique paraît en revanche être une modalité d’expression d’un modèle générateur particulièrement appropriée et, en conséquence, certaines méthodes de simulation, notamment les « systèmes multi-agents », se présentent comme un outil puissant pour déterminer les conséquences de tels modèles.

93À cet égard, il importe de noter qu’une épistémologie de la « générativité » a été presque spontanément développée par des auteurs qui, en dehors de la sociologie, s’intéressent depuis longtemps aux « systèmes multi-agents » (Epstein, 2006, chap. 1 et 2 ; cf. aussi Cederman, 2005).

94Or l’importance que nous attribuons aux « modèles informatiques » et à leur « animation » par la simulation « multi-agents » ne doit pas cacher l’utilité que nous pensons être celle des « modèles statistiques » plus classiques. Qu’ils ne soient pas bien armés pour mettre en œuvre des « modèles générateurs » ne signifie pas ipso facto qu’ils n’aient aucun intérêt. Nous en signalons deux ici.

95Premièrement, en l’absence de descriptions solides des régularités empiriques, un « modèle générateur » resterait sans explananda. Sans analyses statistiques robustes, le sociologue est condamné à construire des phénomènes à expliquer qui n’ont de pertinence que dans sa propre vision du monde. Et une recherche empirique de piètre qualité (du point de vue de la technique statistique) risque de fournir au sociologue en place des faits de purs artefacts. Les « modèles statistiques » assurent alors une fonction descriptive d’importance primordiale. De ce point de vue, le rôle des « modèles informatiques » peut être conçu de la façon suivante :

« Agent-based models use simulation to search for causal mechanisms that may underlie statistical associations » (Macy, Willer, 2002, 162).

96Deuxièmement, il est nécessaire de se munir au préalable de données empiriques correctement élaborées du point de vue statistique afin de pouvoir confronter les « sorties » des simulations avec des données issues de l’observation. On peut en effet faire reposer sur cette confrontation entre les données simulées et les données empiriques une partie essentielle de la procédure d’évaluation des résultats d’un système multi-agents et de la pertinence des mécanismes générateurs qu’il tâche d’ « animer ». Par rapport à une conception des « modèles informatiques » comme des purs « laboratoires virtuels » (Carley, 1999), une alliance, en aval, entre la technique statistique descriptive et des « modèles générateurs » à visée explicative animés par simulation pourrait ainsi satisfaire, du moins en partie, l’exigence, ressentie de plus en plus fortement, d’une meilleure « validation » des « modèles simulés » (Boero, Squazzoni, 2005 ; Moss, Edmonds, 2005 ; Hedstrom, 2005, chap. 6).

97Si l’on considère enfin l’intérêt que nous avons reconnu à la formalisation mathématique dans la clarification de la structure analytique d’un « modèle générateur », le lecteur dispose désormais de tous les éléments pour comprendre la configuration de notre conception d’un usage « combiné » du concept de « modèle ». La figure 3 donne une représentation stylisée de cette conception.

Iimage 3
Fig. 3. — Intégration des opérations et des langages sous-jacente à une sociologie centrée sur l’activité de modification

98Une sociologie centrée sur l’activité de « modélisation » s’articulerait ainsi autour de quatre moments idéaux principaux.

99Dans un premier temps, le chercheur devrait s’attacher à la « description » empirique. Il s’agit d’identifier des régularités systémiques dont la genèse est opaque. Des « modèles statistiques » appropriés peuvent être ici mobilisés. Dans un deuxième temps, on devrait s’occuper de « modéliser » les mécanismes générateurs de ces régularités. C’est là une activité intrinsèquement théorique qui relève d’opérations telles que l’abstraction, la simplification et la stylisation. L’objectif de cette phase est de construire un « modèle générateur ».

100Dans un troisième temps, le sociologue devrait se tourner vers la « formalisation », l’activité qui tient à la « mise en forme » du modèle dans un langage spécifique différent du langage naturel (le langage mathématique et/ou informatique). Enfin, le chercheur devrait s’intéresser aux outils concrets pour étudier les conséquences du modèle générateur (selon nous, la simulation multi-agents) dans le but ultime de se rapprocher du référant empirique que le modèle prétend éclairer. Ce rapprochement pourra se faire au travers d’une étude statistique inductive des données produites par le modèle générateur formalisé afin de déterminer leur conformité de structure avec les données empiriques de départ.

101Une telle combinaison d’opérations et de langages doit bien évidemment être prise au sens d’un schéma idéal-typique que nous soumettons à débat. Nous-mêmes ne sommes qu’au début de ses applications (Manzo, 2006 b, 2007). Nous avons parfaitement conscience d’ailleurs que, selon l’objet spécifiquement étudié et selon l’état de développement des connaissances disponibles dans le domaine où celui-ci se situe, chacune de ces étapes pourra être réalisée plus ou moins complètement. Selon les situations de recherche, leur coexistence ainsi que leur enchaînement sera en outre plus ou moins linéaire.

102Mais, d’ores et déjà, nous soulignons qu’une telle intégration d’opérations et de langages permet de coupler plusieurs perspectives sociologiques qui, du moins dans les pratiques actuelles de la recherche, semblent se centrer sur l’une plutôt que sur l’autre des étapes indiquées. Notamment, la sociologie dite « des variables » tend à s’arrêter à la phase descriptive en s’appuyant sur des « modèles statistiques » d’un raffinement croissant (Esser, 1996). La sociologie dite « analytique » est en revanche pour l’heure spécialisée dans la construction théorique de modèles centrés sur les mécanismes (Barbera, 2004 ; Cherkaoui, 2005 ; Hedstrom, 2005 ; Hedstrom, Swedberg, 1998 a, b) : elle passe cependant très rarement aux phases successives de formalisation et d’étude du modèle (Hedstrom, 2005, chap. 6). La sociologie mathématique ensuite privilégie la phase de formalisation mathématique en cherchant très peu à mettre en rapport le modèle formalisé avec les données empiriques (Edling, 2002 ; Fararo, 2005 b). La sociologie dite « computationnelle » enfin a encore tendance à faire de même, mais en substituant le langage mathématique à l’informatique (Carley, 1994, 1999, 2001 ; Fararo, Butts, 1999 ; Hummon, Fararo, 1995 ; Macy, Willer, 2002).

103Notre proposition d’intégration souscrit en revanche à l’idée, synthétiquement formulée par Halpin (1999, 1501, 1503), selon laquelle une

« interface between statistics, simulation, and sociological theory is critically important for the development of a sociology that is both theoretically sound and empirically founded, particularly when it comes to dealing with issues that are inherently complex ».

Notes

  • [1]
    Que l’on nous permette de signaler que nous avons donné ailleurs un premier exemple d’application d’un tel programme de recherche (Manzo, 2006 b, 2007).
  • [2]
    Il est d’ores et déjà clair qu’un modèle ne peut être pour nous que « théorique » en ce sens qu’il est toujours le produit de notre propre activité de réflexion sur un référant empirique. Seulement la pauvreté et/ou l’abstraction limitée de cette activité de réflexion sauront justifier des expressions quelque peu ambiguës telles que « modèles empiriques ».
  • [3]
    À présent, on comprend mieux pourquoi Bunge qualifie, comme nous l’avons rappelé plus haut, de boîtes translucides les « modèles théoriques » ayant comme objet des mécanismes. Puisque de tels modèles se donnent pour objectif de rendre compte de la production d’une relation, ils ne se limitent ni à établir son existence (ce qui constituerait une boîte noire ) ni à l’éclairer introduisant des variables additionnelles situées au même niveau d’analyse que les variables qui définissent la relation originaire (ce qui constituerait, dans le langage de Bunge, une boîte grise ).
  • [4]
    Les « préférences adaptatives et contre-adaptatives » sont un exemple d’un mécanisme Macro ? Micro qui affecte les désirs des acteurs (Elster, 1989, 2003 ; Hedstrom, 2005, 60-61, 88-89). Les « chaînes de postes vacants » sont un exemple de « mécanisme Macro ? Micro » qui touchent aux opportunités disponibles aux acteurs (White, 1970 ; Sorensen, 1976, 1998). Ce qu’on qualifie d’ effet social endogène ”, d’une part, et d’ effet structurel ”, d’autre part (Barbera, 2004, 80-85, 85-91), constituent des exemples intéressants de mécanismes situationnels affectant les croyances (ou les croyances et les opportunités à la fois) des acteurs.
  • [5]
    Notons cependant qu’il serait approprié de compter parmi ces « mécanismes Micro ? Micro » des mécanismes cognitifs intrapsychiques, tels la « dissonance cognitive » (Kuran, 1998), ainsi que des mécanismes plus proprement liés à la composante émotive de l’action (Elster, 2003 ; Scheff, 1992).
  • [6]
    Les visées hégémoniques de certains grands programmes économiques, tel celui de Gary Becker (1993), ajoutées à l’accord qui s’est fait jour en sociologie autour de ce modèle (Coleman, 1990), expliquent sans doute pourquoi la théorie du choix rationnel est aujourd’hui la conception de la rationalité la plus répandue, presque spontanément endossée, dans des larges secteurs de la discipline (Abell, 2001 ; Demeulenaere, 1996 ; Revue française de Sociologie, 2003). Notons enfin que, en dépit des perspectives nouvelles qu’elle ouvre, la suggestion de Simon (1979 ; 1996, chap. 2), qui propose de substituer le critère du « satisfaisant » au principe de maximisation, reste dans le cadre de ce type de rationalité.
  • [7]
    Lindenberg (2000) propose une discussion stimulante du modèle boudonien, qui le conduit à proposer une version différente de la conception cognitive de la rationalité. Sans pour autant être incompatible avec le modèle de Boudon, la proposition de Lindenberg introduit une notion (celle de « frame ») qui soulève, selon nous, des difficultés. Cuin (2005) a également proposé il y a peu une réflexion intéressante sur la conception cognitive de la rationalité, réflexion à laquelle Boudon (2005 b) a ponctuellement répondu.
  • [8]
    Le « taux de suicide » est un illustre exemple de ce type de grandeur. Comme l’ont montré les commentateurs de Durkheim (Cherkaoui, 1998 ; cf. aussi, pour une synthèse, Udhen, 2001, 179-185), le « taux de suicide » en soi n’est en rien un fait social. Il n’est qu’un fait statistique qui dérive de l’agrégation simple d’actions (l’acte de se suicider) accomplies les unes isolément des autres. Des nombreuses grandeurs économiques (telles que l’épargne, les investissements, le taux de chômage, etc.) ou démographiques (telles que le taux de fécondité, le taux de natalité, etc.) habituellement considérées comme relevant du « macro » rentrent aussi dans cette catégorie. La fonction de demande (ou d’offre) agrégée n’est rien d’autre qu’un autre exemple de ce passage simple du « micro » ou « macro », passage justifié au moyen de la métaphore de l’ « agent représentatif » (Barbera, 2004, 124-125).
  • [9]
    Selon la première, l’énième acteur qui agit subit les conséquences des actions des acteurs qui l’ont précédé par l’intermédiaire du cumul des effets que ces mêmes actions antérieures ont engendrés. D’après la seconde, l’acteur a conscience, ne serait-ce que vaguement, des effets des actions d’autrui et cherche à les prévoir dans le but de choisir une action mieux adaptée à cet environnement changeant. Ces deux formes d’interdépendance en contiennent à vrai dire une troisième : l’ interdépendance processuelle (Esser, 1996, 161). Ici, l’action de l’acteur agissant à l’instant t est affectée par la configuration de l’enchaînement des actions (et de leurs effets) qui ont été antérieurement accomplies par les autres acteurs. Pour certains aspects, donc, l’ « interdépendance processuelle » s’instaure dans tout processus qui se déroule selon un temps historique.
  • [10]
    La notion de « structure » a une polysémie et une ambiguïté désormais bien connues. Ici, nous nous tiendrons à une définition de la « structure sociale » comme ensemble des paramètres contextuels limitant la marge d’autonomie d’un individu, ou selon l’objet étudié, d’un groupe ou d’un réseau de groupes (Boudon, 2003, 160 ; Hedstrom, 2005, 10).
  • [11]
    L’idée est d’ailleurs ancienne en sociologie (Weber, 1903-1906, 69 ; 1913, 306, 309 ; 1917, 426-427 ; 1922, 32) ainsi qu’en philosophie des sciences (Popper, 1967, 145-146).
  • [12]
    Mais, cette idée aussi est déjà clairement formulée chez Weber (1922, 46-47).
  • [13]
    C’est le cas aussi d’ailleurs de l’économie, notamment du courant dit « économie des conventions » (cf., entre autres, Lazega, Favereau, 2002) ainsi que de l’école dite « néo-institutionnaliste » (cf., pour une revue critique, Udehn, 2001, chap. 9).
  • [14]
    C’est pourquoi d’ailleurs Bunge parle de Coleman-Boudon diagram (Bunge, 1997, 454). Notons au passage que, historiquement, Coleman n’a probablement pas été l’inventeur de ce diagramme. Lindenberg (1977) le décrit verbalement dans l’article en allemand rappelé plus haut et jamais traduit en anglais (Barbera, 2004, 38, n. 14). À la lumière de ce détail, on comprend mieux pourquoi Abell (1996) parle souvent de « Coleman-Lindenberg diagram », sans pour autant citer aucun texte de Lindenberg.
  • [15]
    Cette hypothèse d’ « inséparabilité » paraît consubstantielle à la conception même que Morin se fait de la « complexité ». Selon cet auteur, cette approche renvoie en effet avant tout à une attitude intellectuelle qui vise à tenir ensemble ce qui est normalement considéré comme disjoint et séparable et à unir ce qui est opposé. Comme l’a bien vu Berthelot (1996, 11, n. 1), la critique du « principe analytique » (qui nous inspire ici) constitue l’un des axes essentiels de l’œuvre entière d’Edgar Morin. L’auteur expose sa conception de la société comme objet complexe dans Morin (1984, en particulier partie II) ; il présente une version synthétique de sa conception de la complexité dans Morin (1990). À cet égard, Morin et Le Moigne (1999, chap. 4) constituent aussi une source utile.
  • [16]
    Cette idée de la « complexité des mécanismes générateurs » nous écarte de quelques-uns des rares auteurs qui se sont interrogés sur l’utilisation de la notion de « complexité » en sociologie. Pour Havelange (1991), cette notion renverrait à la prise de conscience de la coproduction du « social » et de l’ « individuel ». Mais, une telle conception de la complexité ne fait que renouer avec la « théorie de la structuration » de Giddens.
  • [17]
    C’est probablement pourquoi Grusky et DiCarlo (2001) ont tenté de défendre leur usage en proposant l’idée d’une descriptive theorizing », ce qui nous paraît, à vrai dire, une contradiction dans les termes.
  • [18]
    Remarquons que l’explication par les « mécanismes » s’oppose également à la conception de l’explication d’inspiration positiviste – le modèle nomologique déductif (Hempel, 1965 a, b), dont l’explication par les variables n’est d’ailleurs qu’une variante – selon laquelle expliquer, c’est faire des régularités empiriques observées une instance de relations générales situées à un niveau d’abstraction plus élevé (cf., sur ce point, Bunge, 1997 ; Cherkaoui, 2005, chap. 4 ; Hedstrom, 2005, chap. 2).
  • [19]
    Cette difficulté de la statistique multivariée est sans doute alimentée par la dominance de protocoles de collecte des données qui consistent à relever des attributs individuels en dehors de toute information sur les multiples contextes d’interdépendance dans lesquels les acteurs sont enracinés (Hedstrom, 2005, 159). De ce point de vue, l’accumulation de bases de données strictement relationnelles ne peut qu’ouvrir des pistes de recherche stimulantes. Nous croyons cependant que ce serait là une solution partielle à l’incapacité de la statistique multivariée d’implémenter la démarche par les mécanismes. Celle-ci exige, en effet, que l’interdépendance entre les acteurs soit représentée directement et que l’on étudie ce que sa constitution dynamique engendre au fil du temps. Des données relationnelles ne feraient ainsi que restituer au chercheur un autre type d’explananda, sans livrer les « mécanismes d’agrégation complexe » qui les auraient vraisemblablement engendrés. Cette idée nous paraît d’ailleurs confortée par les conclusions auxquelles arrivent les travaux de Tom Snijders (1996 ; Snijders, Van Duijn, 1997) sur le traitement statistique de données longitudinales de réseaux sociaux. Selon cet auteur, pour qu’elles soient utiles, les techniques statistiques disponibles doivent en effet être couplées avec des méthodes de simulation « orientées-acteur ».
  • [20]
    Par-delà la radicalité de l’affirmation de Sorensen, nous voyons trois raisons principales à son fondement. En premier lieu, tel qu’il est implémenté dans les techniques en question, le temps s’identifie à la durée d’un « épisode » ou, ce qui est équivalent, à la rapidité de sortie d’un état donné. Les trajectoires individuelles ont donc un caractère dynamique au sens où elles sont conçues en tant que suite de « permanences/sorties » d’une série d’événements enchaînés. En ce sens, la technique ne permet pas de modéliser des mécanismes et, surtout, d’animer concrètement leur action de façon dynamique. Ici encore, seuls leurs effets peuvent être, éventuellement, capturés. On reste, pour ainsi dire, à la surface des choses. En second lieu, la seule forme d’interdépendance que l’on peut ici décrire est celle qui existe entre les états des choses que les individus expérimentent : le fait de se marier, par exemple, a-t-il un effet sur la probabilité d’avoir un enfant ? Si c’est le cas, est-ce le même effet pour les hommes et pour les femmes ?, etc. Là encore, nous restons à la surface. Les structures d’interdépendance concrètes entre les individus responsables de l’existence de telle ou telle structuration des événements ne sont pas modélisées. Enfin, même dans les versions multiniveau les plus sophistiquées, le « micro » et le « macro » se réduisent à la coprésence de variables individuelles et agrégées. Le contextuel n’est pas produit par des mécanismes spécifiques construits par le chercheur et il n’existe pas de représentations dynamiques des boucles multiples de rétroaction qui s’instaurent entre l’individu et son contexte par l’intermédiaire des diverses structures d’interdépendance qui relient les acteurs les uns aux autres.
  • [21]
    Les numéros spéciaux que d’importantes revues ont consacrés à cette question se sont multipliés durant les quinze dernières années (cf., pour la parution la plus récente, American Journal of Sociology, 2005). Des revues spécialisées ont vu le jour (cf. la revue électronique JASSS). Des ouvrages collectifs, issus le plus souvent de congrès, colloques, groupes de travail ou forum, se sont multipliés en l’espace de quelques années (cf., entre autres, Gilbert, Conte, 1995 ; Hegselmann, Mueller, Troitzsch, 1996 ; Sichman, Conte, Gilbert, 1998 ; Troitzsch, Mueller, Gilbert, Doran, 1996). Il existe désormais une European social simulation association (Moss et al., 2002). De véritables manuels sur les méthodes de simulation sont enfin apparus (Gilbert, Troitzsch, 1999).
  • [22]
    Soit noté en passant que cette multiplicité de méthodes a comme contrepartie un certain manque d’unité et l’absence, pour l’heure, de protocoles homogènes et standardisés de recherche. C’est pourquoi certains auteurs n’ont pas hésité à parler d’ « art » de la simulation (Axelrod, 2005 ; Marney, Tarbert, 2000 ; Whicker, Sigelman, 1991, chap. 8).
  • [23]
    Pour visualiser ce point d’une importance capitale, le lecteur peut se reporter d’ores et déjà à la figure 3 (cf. conclusion). Les encadrés numérotés « 4 » et « 5 » précisent en effet que l’ « animation » véritable d’un « modèle générateur » ne s’enclenche qu’au moment où le programme informatique qui en traduit la structure analytique est exécuté, c’est-à-dire dès que la première instruction est lue par l’ordinateur, une fois que l’algorithmique formulée initialement dans un langage informatique spécialisé a été transformée, au moyen de l’opération de « compilation », en « langage machine » (le seul langage qui soit vraiment compréhensible par l’ordinateur). Seulement à partir de ce moment la simulation en tant que telle est activée et l’action dynamique des mécanismes peut se déployer. Ainsi, la distinction technique entre « écriture », « compilation » et « exécution » du programme permet-elle de clarifier une distinction conceptuelle essentielle pour le sociologue. « Mécanisme » et « processus » ne peuvent pas être considérés comme des synonymes : le « processus » est l’aspect dynamique du « mécanisme », ce que celui-ci peut déclencher. Une formulation limpide de ce point essentiel se trouve dans Simon (1996, 170).
  • [24]
    Preuve en est, nous semble-t-il, la récurrence de termes tels que mechanism ”, process ”, underliyng process », causal processes ”, underlying generative mechanisms ”, undelying causal mechanisms dans de nombreuses contributions qui traitent de simulation (cf., par exemple, Grémy, 1977, 60, 77, 82 ; Hanneman, 1995, 458 ; Hanneman, Collins, Mordt, 1995, 3, 4, 28, 29, 40 ; Hartmann, 1996, 77, 83, 91, 98 ; Novak, Lewenstein, 1996, 255, 277, 278, 279).
  • [25]
    À cet égard, le passage suivant nous paraît d’un certain intérêt : « Artificial society simulations are dynamic models, because they are simplified representations of postulated real-word processes. They are mechanistic because they represent the causal structure of social mechanisms » (Sawyer, 2004 a, 225).
  • [26]
    Ce « dualisme » se retrouve d’ailleurs dans une certaine spécialisation des revues scientifiques ainsi que des réseaux de recherche. Pour s’en convaincre, il suffira au lecteur de feuilleter, par exemple, d’une part, The Journal of Mathematical Sociology, Sociological Theory ou Sociological Forum, et, d’autre part, Sociological Methodology, Sociological Methods and Research ou Quantity & Quality.
  • [*]
    Nous tenons à remercier Marie Duru-Bellat, Jean-Jacques Paul et Alexandre Steyer pour leurs commentaires précieux sur une première version de cet article que nous avions présentée lors d’une journée d’étude sur « La notion de modèle » organisée en avril 2006 par l’école doctorale « Gestion-Économie-Formation » de l’Université de Bourgogne. Que Jacques Lautman et Pierre Demeulenaere soient aussi assurés de notre gratitude pour l’aide qu’ils nous ont bien voulu donner dans la phase finale de mise au point de l’article.
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RéSUMé. — L’article propose une analyse critique du concept de « modèle » et de la place que celui-ci devrait occuper en sociologie. La première partie discute la possibilité et l’intérêt de concevoir l’activité de modélisation théorique comme construction systématique de « modèles générateurs ». La deuxième partie discute trois différents types de « modèles » (les « modèles statistiques », les « modèles informatiques », et les « modèles mathématiques »), et elle s’interroge sur leurs capacités respectives de « mettre en œuvre » un « modèle générateur ». Dans cette partie, l’article consacre une attention particulière à une forme récente de « modélisation informatique » (les systèmes multi-agents) : l’idée mise en avant est que ces « modèles » constituent l’outil le plus approprié pour formaliser et pour étudier des « modèles générateurs ». En guise de conclusion, l’article esquisse une manière possible d’intégrer les quatre acceptions mobilisées du concept de « modèle » afin de proposer un cadre de recherche cohérent apte à supporter un type de sociologie fondée sur une activité constante et systématique de « modélisation ».

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Gianluca Manzo
Institut des sciences humaines appliquéesUniversité de Paris IV - SorbonneDépartement de Sociologie et Recherche socialeUniversité de Trentogglmanzo@ yahoo. fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/anso.071.0013
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