CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Considérée comme but ou moyen de l’analyse, l’abstraction sociologique s’identifie étroitement à son processus d’élaboration. Un processus fréquemment caractérisé à l’aide de la notion de « construction ». Le sociologue n’accède pas à la connaissance de la réalité sociale comme à une dimension préexistante indépendante de son activité pratique et cognitive : il la construit tout comme il construit ses outils, ses objets, ses théories. Les critiques régulièrement formulées à l’encontre des sociologues qui succombent à la « tentation réaliste » soulignent la diversité des processus à travers lesquels l’acteur cognitif informe le réel, lui substitue des représentations ou des modèles, pour tenter de répondre à des questions formulées dans les termes d’un langage théorique particulier. Des classiques tels G. Simmel ou M. Weber puisent ainsi dans une même défiance quant à tout sentiment de congruence entre la « connaissance » et l’ « objet de la connaissance » le principe de la sociologie formelle pour le premier, de la méthode par « idéaltype abstrait » pour le second. Plus récemment R. Boudon (1984) ou C.-H. Cuin (2000) – pour s’en tenir à des sociologues français contemporains confiants dans la vocation scientifique de la sociologie – rappellent avec force les difficultés auxquelles s’expose quiconque confond le « rationnel » et le « réel », le « schéma d’intelligibilité » et la « propriété des choses ».

2Si la notion de « construction » – entendue comme processus de formation de l’abstraction sociologique mais également substitution de cette abstraction à une réalité concrète – paraît durablement et légitimement établie dans la tradition sociologique et plus largement constitutive de toute démarche scientifique, d’où vient la difficulté fréquemment ressentie à son égard ? Pour quelle raison tout sociologue prétendant aujourd’hui se revendiquer de l’épistémologie webérienne ne peut se contenter d’une référence sommaire à la doctrine dite « constructiviste » mais juge le plus souvent indispensable d’adjoindre au terme « constructiviste » un label de type « non relativiste » ou encore « non sceptique » ? Deux raisons parmi d’autres doivent être ici brièvement évoquées. La première tient à la diffusion importante dans les sciences sociales contemporaines de la notion de « construction ». Les inventaires récents et successifs de S. Sismondo (1993), A. Kukla (2000) ou I. Hacking (2001) ont mis en évidence la capacité de la phraséologie « constructiviste-constructionniste-constructionnaliste » à déborder très largement de sa sphère épistémologique d’origine. Progressivement constitué comme « prêt-à-penser », le lexique de la construction est à l’œuvre dans l’analyse d’objets aussi divers que l’émotion, la santé, la littérature, la nature, le genre, etc., et a indéniablement perdu en précision ce qu’il a gagné en extension. La seconde raison tient à l’origine de cette diffusion de la notion. Sa visibilité académique contemporaine apparaît comme la conséquence indirecte de sa radicalisation dans le cadre de l’étude des dimensions sociales des sciences. Ce qu’on appelle les études sociales des sciences – et qui ne se confondent pas totalement avec la sociologie des sciences – ont théorisé à travers la notion de « construction » la capacité du sujet cognitif à s’affranchir des contraintes de la réalité extérieure et l’ont constitué comme point de départ pour l’étude des faits et connaissances scientifiques. Elles ont ce faisant non seulement semblé ouvrir la voie pour l’étude d’objets a priori « moins durs » que les faits et connaissances scientifiques, mais également durablement mêlé la notion de « construction », et plus globalement la doctrine « constructiviste », aux querelles contemporaines du relativisme et du scepticisme.

3Notre objectif n’est pas ici de revenir sur le détail de ces querelles bien connues, mais de contribuer à une réflexion générale sur la nature et l’usage de la notion de « construction » et ce à la fois dans le domaine des études sociales des sciences mais également celui de la théorie sociologique générale dès lors que cette dernière choisit de se situer explicitement dans le prolongement des premières. Pour ce faire, il semble tout d’abord utile de préciser le quasi-diagnostic de « constructionnite aiguë » établi tour à tour par S. Sismondo, A. Kukla et I. Hacking. Il faut commencer par poser la question de la dilution de l’acception socio-épistémologique initiale de la notion de « construction », et étudier sa fonction désormais purement métaphorique. Identifier les modalités de fonctionnement de cette métaphore, c’est-à-dire le « transport sémantique » qui se cache derrière ce terme, permet de dépasser le simple constat de la diversité de ses réappropriations contemporaines. C’est également se focaliser sur un aspect moins immédiatement perceptible de la métaphore : ses dimensions et effets implicites et leurs conséquences théoriques et/ou épistémologiques. Ce qui nous conduira dans une seconde partie, à nous intéresser plus spécifiquement au problème de la construction d’une abstraction théorique sociologique spécifique – le « collectif » – telle qu’elle est envisagée par la théorie dite de l’acteur-réseau. Développée dans le droit-fil des études sociales des sciences constructivistes, cette théorie entend explicitement importer les « acquis » de ces dernières vers la théorie sociologique générale. Et ce faisant, si on en croit ses représentants, parmi lesquels B. Latour (2005 [2006]), contribuer rien de moins qu’à refonder la sociologie sur la base de principes « alternatifs ». Nous montrerons ici que ce que certains n’hésitent pas à présenter comme une « nouvelle Amérique sociologique » – pour reprendre l’expression ironique de P. Sorokin – risque bien plus de dissoudre le problème sociologique de l’émergence du « collectif » que de le résoudre.

Études sociales des sciences et dimensions implicites d’une métaphore « morte »

4Partisans et détracteurs du constructivisme s’accordent pour admettre non seulement la difficulté à définir précisément la notion de « construction », mais surtout l’impossibilité de réduire son usage contemporain à un seul sens littéral quel qu’il soit [1]. Prenons ici comme point de référence deux textes récents et significatifs : le premier celui précédemment cité de I. Hacking, Entre science et réalité, le second celui de B. Latour (2003) intitulé Les promesses du constructivisme [2]. Ces deux textes développent des perspectives différentes : là où le premier cherche à en finir avec le constructivisme et ses dérives, le second affirme explicitement vouloir « sauver » le constructivisme. Bien qu’opposés dans leurs intentions affichées, ces deux textes retrouvent chacun à leur manière l’idée selon laquelle la « construction » correspond dans la plupart de ses usages contemporains davantage à un « code » suggestif qu’à une réalité analytique et conceptuelle précise. Dans son inventaire des « constructionnismes sociaux », Hacking souligne à raison le fait que la plupart des livres ou articles qui incluent dans leur titre le terme de « construction » ne présentent, dans leur contenu, rien qui ressemble de près ou de loin à une construction ou à la représentation d’une construction. D’où la nécessité de dépasser la recherche d’un quelconque sens littéral autour duquel on pourrait espérer organiser ou regrouper un certain nombre d’approches, pour envisager cette notion dans sa dimension pleinement métaphorique. Hacking distingue ainsi ce qu’il appelle les « métaphores vivantes » des « métaphores mortes » : les premières sont acceptées par ceux qui les utilisent avec « une conscience claire de leur nature de substitut de leur équivalent littéral », là où à l’inverse les secondes ont une diffusion telle que cette conscience subjective de la nature de substitut d’un équivalent littéral a partiellement ou totalement disparu. Dans ce second cas de figure le locuteur et l’auditeur n’ont au mieux qu’une conscience vague du fait que les mots utilisés ne le sont pas dans leur sens littéral. Et c’est sans hésiter qu’il range l’usage contemporain de la notion de construction dans l’ensemble des métaphores dites mortes. Dans un style moins analytique, B. Latour revient de façon quasi anecdotique mais significative sur cette dimension proprement métaphorique de la notion de « construction ». Il rappelle de quelle manière la réédition de son ouvrage, cosigné avec S. Woolgar, La vie de laboratoire avait été l’occasion de modifier son sous-titre original : la construction sociale des faits scientifiques se transformant en la construction des faits scientifiques. S’il a volontiers abandonné, dit.il, le terme « social » celui de « construction », lui, est délibérément maintenu. « J’ai particulièrement fait attention, écrit Latour (2003), à conserver le mot “construction” dans la mesure où, grâce aux sciences studies, la plupart des connotations intéressantes de la métaphore du bâtiment (building metaphor) commençaient enfin à apparaître : historicité (...), multiplicité, incertitude, hétérogénéité, prise de risque (...). »

La métaphore et ses « versants »

5Cet accord autour de la nature métaphorique de l’usage contemporain de la notion de construction une fois admis, nos deux auteurs divergent dans leur approche de ses composants. Quelques mots sur le principe général de cette figure rhétorique qu’est la métaphore sont ici nécessaires. Les travaux de M. Black (1962, 1990), ceux de Ch. Perelman et L. Olbrechts-Tyceta (1970) ou plus récemment D. Terré (1998) ont permis d’éclaircir certains aspects tant de son fonctionnement que de la nature des risques associés à son usage dans le cadre d’une argumentation à vocation scientifique. « Heureux changement de signification d’un mot ou d’une locution » – selon la formule de Quintilien –, la métaphore est constitutive d’un « transport sémantique » entre deux termes. Ces deux versants de la métaphore sont généralement qualifiés de « sujet primaire » pour l’un et « sujet secondaire » ou encore « subsidiaire » pour l’autre. Le processus métaphorique consistant à « projeter », selon l’expression de M. Black, sur le sujet primaire un système d’implications et/ou de connotations caractéristique du sujet secondaire. Avant d’aborder la question cruciale de la nature de ce système d’implications, commençons par nous demander quels sont, dans le cas précis de la métaphore de la « construction », les sujets primaires et secondaires entre lesquels s’opère ce transport sémantique à l’œuvre dans toute métaphore ?

6L’un des deux versants de la métaphore – le sujet secondaire ou subsidiaire – est défini de façon assez similaire chez Hacking et Latour. L’ « acte de bâtir » ou de « former en assemblant ou en combinant des parties », tel est selon Hacking l’un des versants de la métaphore de la construction. Latour (2003) retrouve sensiblement la même caractérisation lorsqu’il s’agit de recenser les termes associés aux connotations précédemment énumérées : « le bâtiment, les constructeurs, les ouvriers, les architectes, les maçons, les grues et le béton versé dans des formes maintenues par des échafaudages ».

7Les divergences apparaissent dès lors qu’il s’agit de caractériser le sujet primaire de la métaphore de la construction : celui sur lequel s’opère la projection du système d’implications caractéristique du sujet secondaire. Latour en donne une représentation singulière. L’usage de la métaphore n’a pas pour but selon lui de transférer du sens vers un objet ou un contenu mais uniquement vers un processus. Parler de la « construction des faits scientifiques », ce n’est pas parler des ingrédients, des composants, des ressources, ni des produits constitutifs de la scientificité, mais exclusivement d’une « dynamique collective », d’une forme particulière de « mobilisation et de coordination » des compétences et savoir-faire qui la caractérisent. Sorti de ce processus, affirme-t-il, rien ne peut véritablement fonctionner dans la métaphore de la construction (nothing in it works). Et c’est pourquoi les études sociales de la science « sérieuses » se seraient selon lui toujours limitées à cette approche restreinte du sujet primaire de la métaphore.

8Quiconque a étudié l’histoire des études sociales de la science, la transformation de leur relation avec la philosophie et l’histoire des sciences au cours des vingt dernières années, ne manquera pas d’éprouver un certain scepticisme devant cette affirmation. Non seulement les travaux de Latour, comme ceux de la plupart des sociologues constructivistes, prétendent investir le contenu même des produits de l’activité scientifique – le sens des énoncés scientifiques, des données graphiques ou numériques, l’interprétation de faits et l’élaboration d’articles – mais plus encore c’est cette notion même de « contenu » qui a été mobilisée par ces mêmes sociologues pour définir une véritable ligne de démarcation entre l’ « ancienne » sociologie des sciences – orientée principalement vers les institutions et les professions scientifiques – et la « nouvelle » sociologie des sciences.

9À l’évidence s’il faut bien lire en filigrane dans cette caractérisation partielle du sujet primaire de la métaphore de la construction un processus, il s’agit d’un processus de réinterprétation a posteriori de l’histoire disciplinaire avec pour objectif (dans un contexte post « guerre des sciences ») une mise à distance raisonnable des formes les plus controversées de constructivisme. De fait le transfert de connotations propre à la métaphore de la construction porte, dans les études sociales des sciences contemporaines, tout autant sur le processus que sur le contenu, la dynamique de recherche que les produits de cette dynamique. Mobiliser la métaphore de la construction pour dire d’un phénomène X qu’il est construit, revient le plus souvent à connoter non pas le seul processus associatif à travers laquelle X parvient à s’affirmer comme objet de connaissance, mais également le contenu même de X.

10À la différence de Latour, Hacking reconnaît volontiers ce double aspect – forme et contenu – du sujet primaire de la métaphore constructiviste. Processus et produit font à ses yeux parties intégrantes de l’usage métaphorique de la notion de « construction ». Et il distingue de fait deux modalités principales – parfois utilisées plus ou moins consciemment l’une pour l’autre – dans l’affirmation du caractère « construit » d’un objet quelconque. Pour la première le contenu vers lequel s’opère le transfert de connotations constitutif de la métaphore constructiviste est un objet matériel, physique, organique, etc. Pour la seconde le contenu n’est plus un objet mais la représentation intellectuelle d’un objet – des conceptions, concepts, croyances, etc. Cette distinction proposée par Hacking paraît utile dans la mesure où bien souvent l’usage de la métaphore de la construction se déploie sur la base d’un jeu plus ou moins délibéré de substitution – à l’intérieur même de ce jeu de transfert sémantique qu’est toute métaphore – entre l’ordre des objets et celui des représentations d’objets.

Les « non-dits » de la construction

11Cette caractérisation liminaire des sujets primaire et secondaire de la métaphore de la construction étant posée, il est désormais possible d’en venir à ce qui fait – parfois aux dires mêmes de ceux qui y ont recours, mais le plus souvent de façon silencieuse – son utilité, c’est-à-dire sa capacité à suggérer, à faire entendre une dimension implicite. Cette dimension du « non-dit » inhérente à l’usage de la métaphore de la construction n’est jamais réductible à un énoncé simple et unique. Elle s’apparente ainsi qu’il a été dit précédemment à un ensemble ou système d’implications. Nous distinguerons ici trois éléments interdépendants de cet ensemble : le dévoilement, la contre-factualité, la parité.

12Une grande partie de la vivacité des querelles autour de la métaphore de la construction tient à ce que son usage semble à lui seul manifester une attitude a priori critique vis-à-vis du sujet d’étude. M. Lynch a récemment rappelé à raison la difficulté qu’il y a à s’extraire des ambiguïtés linguistiques inhérentes à la notion de construction. « Rapporté aux débats familiers dans les sciences naturelles et les sciences sociales, écrit M. Lynch (2001), la métaphore de la construction est entendue comme une manière de démasquer l’illusionnisme dissimulé par les descriptions ou les représentations naturelles (...) Cet art du dévoilement est conforme au langage communément utilisé dans la littérature d’investigation, dans les tribunaux. » La métaphore suggère ici que quelque chose a été façonné, inventé de toute pièce, que l’acteur développe un effort intentionnel pour fabriquer un résultat. Or dire d’un physicien ou d’un biologiste qu’il fabrique ses données ou ses résultats en sélectionnant, en interprétant, en transformant des ressources tirées de ses expérimentations ou de ses notes de laboratoire peut, sous certaines conditions, relever d’un jugement normatif sur une pratique caractérisée comme, sinon frauduleuse, du moins illégitime dans une communauté scientifique ordinaire. À l’évidence aucun représentant des études sociales des sciences (du moins à notre connaissance) n’a accusé quiconque d’être un faussaire ou un imposteur en raison du caractère soi-disant « construit » du processus caractéristique de l’investigation scientifique comme de ses produits. Pour autant il n’en est pas moins vrai que la résistance rencontrée par la métaphore de la construction chez les scientifiques étudiés dans le cadre des études sociales des sciences – résistance particulièrement explicite durant la récente guerre des sciences – tient à ce qu’à leurs yeux son usage récurrent manifeste une attention disproportionnée pour le « bricolage », les « tours de mains » au détriment de l’étude de la capacité des produits de l’activité scientifique à s’exporter et à survivre hors de leurs conditions premières d’élaboration. Réciproquement la dénonciation du manque de réflexivité critique des scientifiques, de l’ « idéalité du discours officiel » de la science sur elle-même, de l’ « idéologie endogène de la communauté scientifique » à partir de l’observation des pratiques « réelles », « concrètes », a constitué un véritable lieu commun – au sens de la théorie de l’argumentation – pour les premiers travaux constructivistes consacrés aux sciences. Comme si finalement le maniement de la métaphore de la « construction » permettait à lui seul d’opérer la désacralisation nécessaire à l’accès à des réalités jusqu’alors conservées hors du regard des non-spécialistes.

13S’il est vrai qu’il n’y a d’usage de la métaphore de la « construction » sans suggestion de « dévoilement » ou de « désacralisation », quelle est l’idée ou la doctrine implicitement « ciblée » par cet usage – idée ou doctrine dont l’efficience pratique, garantie par son caractère voilé, serait affaiblie par son dévoilement ? Il s’agit à l’évidence des diverses variantes de l’objectivisme naturaliste conférant non seulement à l’activité scientifique une fonction exclusive de « découverte » d’une réalité naturelle préexistante mais encore au scientifique la qualité d’interprète privilégié de cette réalité. Pourquoi là encore, et ce indépendamment de la légitimité aujourd’hui bien établie de la critique des diverses variantes de l’objectivisme naturaliste, la métaphore de la construction rencontre-t-elle une telle résistance chez les scientifiques ? Parce qu’elle semble mettre le scientifique dans une situation comparable à celle d’un architecte qui aurait à concevoir et bâtir de toute pièce un édifice. Or s’il est possible d’admettre qu’avant la mise en œuvre de l’action architecturale il n’existe dans le réel rien qui puisse être considéré comme édifice, maison ou bâtiment, le même raisonnement est plus délicat à tenir dans le cas du scientifique – et c’est pourtant celui que suggère la métaphore. Si l’acteur scientifique face à ses objets est réellement « comme » un architecte face à ses bâtiments, alors il faut admettre l’absence sinon de préexistence de l’objet de l’investigation scientifique, du moins celle de son caractère nécessaire et inéluctable. Dire d’un phénomène X qu’il est construit revient à suggérer que sa forme d’existence actuelle – sa factualité concrète telle qu’elle peut être décrite dans le cadre des études de laboratoire notamment – ne relève d’aucune nécessité naturelle, qu’il n’a pas besoin d’être tel qu’il est, qu’il n’est qu’un parmi d’autres possibles. La métaphore de la construction suggère ainsi que les choses, bien qu’elles apparaissent telles qu’elles sont, auraient pu être différentes. Cette argumentation plus fréquemment suggérée qu’explicitée a bien été résumée par A. Nelson (1994) : « Si les scientifiques avaient choisi d’établir la factualité autrement qu’ils ne l’ont fait, alors l’histoire qui en découlerait la refléterait dans une vision du monde cohérente avec leur choix. Ainsi les faits apparaissent comme déterminés par les choix des scientifiques et non par une quelconque réalité objective. »

14Lié à cette représentation de l’acteur comme « architecte » capable, consciemment ou non, de déterminer ce qu’il construit en sélectionnant dans l’ordre des possibles – non pas librement mais sans être pour autant étroitement soumis à des impératifs d’ordre naturel ou objectif – une possibilité parmi d’autres et ce dans les divers registres de l’action [3] –, l’usage radical de la métaphore de la construction conduit logiquement à poser l’existence d’une situation de « parité » entre l’acteur et celui qui l’observe. Et partant contribue à substituer au projet explicatif traditionnel des sciences sociales et humaines un projet purement et simplement descriptif. La métaphore de la construction est fréquemment liée à la représentation d’un acteur disposant de son propre « métalangage », capable de générer son propre cadre explicatif, sa propre théorie, son propre contexte, sa propre métaphysique. Que peut faire l’observateur face à un tel acteur ? Peu de choses à en croire les constructivistes. Tout au plus, suivre l’acteur et produire de la description en s’assurant que cette description ne s’écarte pas trop des catégories et représentations élaborées par l’acteur lui-même pour définir sa situation individuelle et collective. C’est cette dimension épistémologique quasi incorporée dans la métaphore de la construction (du moins dans son usage le plus radical) qui a été récemment critiquée en France par P. Ragouet et T. Shinn (2005). L’orientation implicite de cette métaphore – sa pente naturelle – est celle de la légitimation d’une approche trop exclusivement descriptive, pour laquelle rappellent ces derniers « il n’y a de descriptif que d’observable, et il n’y a d’observable que ce dont l’acteur est conscient et qu’il rend manifeste ici et maintenant ». En somme le sociologue qui prendrait trop au sérieux l’usage radical de la métaphore de la construction se condamnerait non pas seulement à une forme extrême d’empirisme mais surtout à perdre de vue toute ambition explicative autonome – en tant que cette ambition serait irréductible aux discours des acteurs observés.

« Construire le collectif » : l’interaction entre les études sociales des sciences et la théorie sociologique

15Il existe plusieurs façons de rendre compte de la manière dont une sous-discipline telle que la sociologie des sciences interagit avec la théorie sociologique générale. L’une d’elles consiste à adopter un point de vue global et dynamique : rechercher des coévolutions, mettre en évidence des transformations concomitantes de problématisation et catégorisation d’objets, afin d’établir la réalité de la dépendance mutuelle du segment et de la structure disciplinaire. Le « mouvement de balancier » décrit par C.-H. Cuin (2002) dans son retour sur l’histoire de la discipline sociologique – mouvement qui aurait conduit les sociologues à substituer à une centration excessive sur la Structure sociale une centration tout aussi excessive sur l’Individu – est par exemple loin d’être étranger à l’expérience du sociologue des sciences. Il renvoie à la transformation de ses « niveaux d’analyse », « unité d’observation », « variables explicatives » au cours des trente dernières années.

16Une façon moins globalisante de rendre compte de cette même interaction consiste à observer la manière dont les auteurs reconnus pour être à la fois théoricien du social et sociologue des sciences, font jouer ensemble, parallèlement, ou encore successivement l’une et l’autre parties de leur œuvre. Deux cas de figure sont ici relativement fréquents. Le premier est celui d’un « aller-retour » entre sociologie des sciences et théorie sociologique. Le cas de R. K. Merton est ici exemplaire. Ce qu’il a conceptualisé, dans la partie théorique de son œuvre [4], sous le terme de middle range theories s’inscrit dans la continuité de ses recherches antérieures – sa thèse Science, technologie et société dans l’Angleterre du XVIIe siècle, ses travaux sur l’ « ethos » scientifique ou encore les priorités dans les découvertes scientifiques – mais a également influencé la suite de ses propres travaux dans le domaine de la sociologie des sciences. Le second cas de figure récurrent est celui de sociologues théoriciens, à l’origine d’une tradition de recherche, cherchant à en évaluer la portée en étendant progressivement son domaine d’application. Cette figure de l’interaction comme « extension thématique » dans laquelle une tradition théorique développée indépendamment de l’étude des sciences intègre par la suite cette dernière pour démontrer sa pertinence, son caractère heuristique, sa portée méthodologique, s’observe par exemple en France avec l’actionnisme. Ses principes généraux ont d’abord été établis sur la base de l’analyse des phénomènes de démocratisation scolaire et de mobilité sociale ; celle des croyances scientifiques venant s’ajouter plus tardivement afin de mettre à l’épreuve sa conception originale de la rationalité des acteurs sociaux.

17L’analyse des conséquences théoriques de la métaphore constructiviste permet d’aborder un troisième cas de figure – moins fréquent – de notre interaction. En effet les études sociales des sciences constructivistes représentent le point de départ pour ce que certains présentent aujourd’hui comme une théorie générale du social : la théorie de l’acteur-réseau (parfois également sociologie de la traduction ou sociologie des associations) [5]. Le mouvement d’extension thématique précédemment décrit se renverse : ce sont les objets concrets de la sociologie des sciences, et les problématisations associées à ces objets, qui paraissent donner l’impulsion à l’élaboration d’une théorie sociologique générale. Nous nous intéresserons ici à cette théorie [6] – en prenant comme point de référence l’ouvrage de B. Latour (2005 [2006]) qui se présente explicitement dans son titre original comme une introduction à la théorie de l’acteur-réseau. Et ce non pas de façon générale mais en tant que cette théorie 1 / illustre les dimensions implicites du constructivisme identifiées dans la section précédente, et 2 / permet d’aborder le problème des conditions théoriques de prise en compte effective de la spécificité du collectif et de son émergence.

L’implicite métaphorique et la théorie

18Reprenons brièvement les différentes dimensions implicites de la métaphore constructiviste en les confrontant à la théorie de l’acteur-réseau.

191 / Le dévoilement. La théorie de l’acteur-réseau, affirme Latour, entend se substituer aux approches traditionnelles du social. Ces dernières ont à ses yeux pour défaut majeur de « dissimuler » la réalité « concrète » des acteurs derrière des concepts précis certes, mais abstraits et préformatés. De même que les scientifiques étudiés par les sociologues constructivistes avaient tendance à présenter comme « déjà là » ce qui était pourtant le produit transformé de leur activité, les sociologues « classiques » donnent comme « social » ce qui est en réalité passé au tamis de leur propre grille de lecture. « Les explications sociales sont de nos jours devenues trop compactes, trop automatiques... [Elles] ne sont que des ajouts superflus qui, au lieu de révéler les forces qui se tiennent derrière ce qui est dit ne font que dissimuler ce qui a été vraiment suggéré » (Latour, 2005 [2006], 321). Ces explications qui masquent plus qu’elles ne révèlent sont incapables de restituer le processus concret de formation du collectif. « En fait lorsqu’on voit ce que la plupart des sociologues appellent “construction”, ironise Latour, il n’est pas certain qu’ils aient jamais bâti quelque chose d’aussi simple qu’une cabane, sans parler de la “société” » (Latour, 2005 [2006], 59).

202 / La parité. « Si les sociologues traditionnels – qu’ils relèvent aussi bien des variantes structuraliste ou interactionniste de la sociologie – sont de piètres bâtisseurs c’est, nous dit Latour, parce qu’ils n’ont pas perçu la portée du “seul slogan viable” de la théorie de l’acteur-réseau : “suivre les acteurs eux-mêmes” » (Latour, 2005 [2006], 327). Cette formule prend ici un sens spécifique : la définition du social ne relève pas du sociologue, mais des acteurs eux-mêmes. Suivre les acteurs, ce n’est pas simplement éviter de voiler la complexité du discours des acteurs derrière l’harmonie d’un système théorique, c’est donner la possibilité aux acteurs eux-mêmes de définir les composantes du monde social, c’est-à-dire « déployer leurs différents cosmos, aussi contre intuitifs qu’ils puissent paraître », être attentif au « métalangage pleinement développé que possèdent les acteurs eux-mêmes et qui fournit toujours un compte rendu plus réflexif des propos qu’ils tiennent » (Latour, 2005 [2006], 71). Le sociologue se doit de « prendre acte et non filtrer, décrire et non discipliner » (Latour, 2005 [2006], 80) [7]. Pour prendre acte de la réalité du social, le sociologue tourne son regard vers l’endroit où cette parole, ces « traces » ou encore « comptes rendus » sont les plus perceptibles dans leur diversité première : les controverses liées à la formation ou démantèlement des groupes. Lors de ces controverses en effet « les acteurs sont constamment sollicités par d’autres pour entrer ou sortir de groupes en formation, ils n’arrêtent pas de proposer des comptes rendus contradictoires pour rendre compte de leur action et de celle des autres (...) c’est précisément parce que le social n’est pas encore constitué (...) que les sociologues doivent s’attacher à suive toutes les traces des hésitations que ressentent les acteurs eux-mêmes quant aux “pulsions” qui les font agir » (Latour, 2005 [2006], 68).

213 / La contrefactualité. Le qualificatif « social » ne désigne plus ici une « propriété assurée » mais une « étincelle fugace », un « mouvement qui peut échouer à établir de nouvelles connexions ou à produire un assemblage bien formé » (Latour, 2005 [2006], 16). Son étude suppose de partir du caractère « sous-déterminé » de l’action afin de restituer sa pleine distribution dans un grand nombre de formes d’existence « sans visage », « mystérieuse », « humaine et non humaine ». « Il nous faut commencer, écrit Latour, par le caractère sous-déterminé de l’action, par les incertitudes et les controverses portant sur les formes d’existence participant à un cours d’action alors toute chose qui vient modifier une situation donnée en y introduisant une différence devient un acteur » (Latour, 2005 [2006], 102). Cette redéfinition de la catégorie d’acteur – son élargissement à toutes les formes d’existence, humaine et non humaine, engagées dans une controverse sur la transformation d’un groupe – implique une distinction entre deux types de participants : d’une part, les « intermédiaires » qui « véhiculent » du sens ou de la force sans transformation – type privilégié de la sociologie traditionnelle selon Latour – de l’autre, les « médiateurs » qui « transforment, traduisent, distordent et modifient le sens ou les éléments qu’ils sont censés transporter » – type privilégié de la théorie de l’acteur.réseau. Reprenons ici l’exemple proposé par Latour (2005 [2006], 60) :

(...) supposons qu’une différence sociale s’exprime à travers une nouvelle mode : si cette nouveauté – disons le brillant de la soie plutôt que celui du nylon – est considérée comme un intermédiaire véhiculant fidèlement une signification sociale – « la soie est réservée aux classes dominantes ; le nylon est pour la classe dominée » –, il est alors vain d’évoquer la nature du matériau ; celui-ci n’a été mobilisé qu’à des fins d’illustration. Même en l’absence de toute différence chimique entre la soie et le nylon, la différence sociale entre les dominants et les dominés n’en aurait pas moins existé ; elle n’a été que « représentée » ou « réfléchie » par un bout de tissu demeuré totalement indifférent à son transport. Si, au contraire, les différences de composition chimique et de fabrication sont traitées comme autant de médiateurs, il se peut alors que, faute de telles nuances matérielles de la texture, du toucher, de la couleur ou de l’éclat de la soie et du nylon, cette différence sociale-là n’aurait pas du tout existé (c’est nous, M. D., qui soulignons).

22Le rôle du médiateur prend ici un sens singulier : c’est lui – ici le textile et sa matérialité – qui ouvre l’ordre des possibles. La différence sociale préexistante (ici dominants-dominés) n’est plus une nécessité reflétée passivement par des objets inertes, mais une réalité fragile, incertaine, qui aurait pu être toute autre parce que « construite » à partir de l’action silencieuse d’un nombre indéfini de médiateurs.

Le lien « micro-macro » et l’action distribuée

23L’identification du transfert des « non-dits » constructivistes dans la théorie de l’acteur-réseau permet de préciser sa parenté ou son « air de famille » avec les études sociales des sciences. Et d’une certaine façon la relecture présentée dans la section précédente suggère qu’il est finalement relativement aisé de transposer l’analyse critique et méthodologique du constructivisme aujourd’hui bien établie dans le domaine de la sociologie des sciences à la théorie sociologique générale pour illustrer ses points aveugles. Les sociologues constructivistes des sciences ont fréquemment, à tort, fait comme si la réalité de l’activité scientifique n’était faite que de controverses, les représentants de la théorie de l’acteur-réseau feraient à tort comme si le social se réduisait aux controverses liées à la formation des groupes sociaux. Les sociologues constructivistes des sciences ont fréquemment, à tort, fait comme si les faits et connaissances scientifiques étaient par principe « sous-déterminés », les représentants de la théorie de l’acteur-réseau feraient à tort comme si le cours social de l’action était toujours « sous-déterminé », etc. Cette transposition, quelque peu mécanique il est vrai, d’un argumentaire d’un domaine à un autre n’a pas vocation à remplacer une critique argumentative serrée et spécifique de la théorie de l’acteur-réseau. Mais elle peut être utile pour suggérer les points d’entrée à partir desquels évaluer les forces et faiblesses d’une théorie prétendant définir de façon « alternative » le social. Plutôt que de mener ce travail, il nous semble plus intéressant ici d’évaluer les conséquences de cette redéfinition alternative sur une thématique précise, c’est-à-dire l’élaboration d’une abstraction sociologique spécifique : le « collectif ».

24Pour tout sociologue des sciences, il est significatif d’observer de quelle manière la spécificité du collectif par rapport à l’individuel a été parfois théorisée en prenant appui sur des réalités qui lui sont familières. Sans prétendre bien entendu à une quelconque forme d’exhaustivité, prenons ici deux exemples de cette variante de l’interaction entre théorie sociologique et sociologie des sciences à laquelle nous avons fait précédemment allusion dans sa généralité. Et ce avec deux théoriciens du social qui nous guiderons dans nos réflexions, J. Coleman (1966) et T. Schelling (1978 [1980]). Le premier est, avec E. Katz et H. Menzel, à l’origine d’une étude bien connue sur la diffusion d’une innovation dans une communauté médicale, le second d’une analyse suggestive sur la vie et la mort des séminaires dans le milieu académique.

25Coleman, Katz et Menzel conçoivent le processus de diffusion sociale du médicament comme un phénomène macro. Ils ne se contentent pas d’en faire le produit de l’accumulation de décisions individuelles – celle des médecins qui décident ou non de prescrire le médicament en question –, mais distinguent deux modalités de cette accumulation qui s’apparentent au final à deux formes de collectif : la première est celle de l’ « agrégat » associé à la simple « sommation » de décisions prises isolément les unes des autres, la seconde est celle constitutive du « réseau professionnel » associé à une réaction en chaîne (snowball process) définie comme sommation de décisions individuelles interdépendantes. Le réseau professionnel est plus que la simple juxtaposition « d’individus médecins » : une communauté à travers laquelle circule « l’information, l’influence et l’innovation ». Et Coleman, Katz et Mentzel de démontrer dans le cas précis étudié l’influence causale de la plus ou moins grande centralité des médecins dans ce réseau sur le processus de diffusion de l’innovation.

26Que montre ce premier exemple, rapidement évoqué parce que bien connu, quant à la nature spécifique du collectif par rapport à l’individuel ? L’identification de cette nature du collectif suppose celle de la diversité première des situations dans lesquelles se trouvent les acteurs. Tous les acteurs ne sont pas également distribués. Certains acteurs sont plus centraux que d’autres, ont plus de visibilité que d’autres, et donc plus d’influence que d’autres sur le cours de l’action de leurs collègues. Le collectif peut certes être interprété comme le produit de l’accumulation d’actions individuelles. Mais selon la façon dont ces actions s’accumulent, en fonction de leur point d’ancrage et la caractérisation de cet ancrage en termes d’interdépendance, le type de collectif qui en découlera s’en trouvera modifié de façon plus ou moins radicale.

27Ce simple exemple illustre le double niveau de complexité inhérent à la plupart des processus agrégatifs présents dans le domaine des sciences mais également dans tout domaine de l’analyse sociologique [8]. Le premier niveau est celui de l’absence ou de la présence de l’interdépendance des acteurs dans le processus d’émergence du collectif, le second niveau est celui des conditions et des modalités de l’interdépendance dans ce processus. De fait, parler de « structure d’interdépendance » en rapport avec la notion d’agrégation, c’est décrire non seulement l’existence d’une relation directe ou indirecte liant une pluralité d’acteurs sociaux placés par exemple face à une même structure d’opportunité, mais également l’ajustement mutuel des comportements de ces acteurs – la transformation du cours de leurs actions – selon des modalités susceptibles d’être caractérisées par voie de réinterprétation sociologique.

28Le second exemple qui doit nous guider dans notre réflexion sur la production de la catégorie sociologique du collectif est tiré des pages que T. Schelling consacre à la vie et à la mort des séminaires en milieu académique – plus spécifiquement ce qu’il appelle l’ « agonie des séminaires ». Les séminaires sont des éléments importants de la structuration des groupements scientifiques. Les sociologues des sciences ont montré pour les sciences de la nature comme pour les sciences sociales l’importance de la stabilisation des processus de formation et de recrutement. Le point de départ de Schelling est une situation familière pour tout chercheur ou enseignant-chercheur (même si elle semble tirée d’expériences personnelles à Harvard). Celle dans laquelle un acteur académique qui a préalablement identifié, par voie de relations interpersonnelles ou simplement par lecture de publications, un ensemble de personnes ayant un intérêt commun pour un même problème – Schelling donne une échelle approximative d’une trentaine de personnes – et se propose de les réunir régulièrement. « Les réunions, écrit Schelling, ont lieu à un moment où les gens pensent être libres. La première fois, l’assistance est importante, les trois quarts des gens ou plus sont présents (...). À la troisième ou la quatrième séance, l’assistance ne représente guère plus de la moitié du groupe et bientôt les participants ne sont plus qu’une poignée. Finalement l’entreprise tombe à l’eau parce qu’à une réunion les quelques personnes présentes se mettent d’accord pour y mettre un terme, ou parce que l’organisateur abandonne et cesse de s’en occuper » (Schelling, 1978 [1980], 94). L’interrogation qui sous-tend cette observation est simple : d’où vient la forme particulière de cette dégénérescence du groupement académique ? Il y a plusieurs façons d’en rendre compte. La première, la plus évidente, consiste à s’interroger sur la réalité de la communauté d’intérêt perçue initialement par l’initiateur du groupement – l’acteur-déclencheur : il s’agira de mettre en évidence la prise de conscience progressive par les membres du groupement, au fur et à mesure de la tenue des réunions et des échanges, du caractère plus apparent que réel de la communauté d’intérêt. L’hétérogénéité des points de vue, les divergences d’appréciation qui s’accumulent finissent par agir comme autant de principes de dissipation progressive du groupement. Ce type d’interprétation ne pose aucun problème particulier. Chacun est ici en mesure d’identifier dans sa propre expérience personnelle sa récurrence. Schelling cependant ne s’arrête pas là : il suggère que cette interprétation n’est pas toujours compatible avec l’observation empirique. Il existe notamment des séminaires agonisants ou dégénérescents à propos desquels les membres disent, si on les interroge, non seulement maintenir un intérêt réel pour le thème du groupe (et ce indépendamment de sa transformation) mais regretter sa disparition. Il faut ici rendre compte de l’échec du groupement académique en dépit du caractère constant de l’intérêt. Pour ce faire, Schelling propose d’analyser la dégénérescence du groupement académique comme la conséquence de l’accumulation de décisions individuelles (se maintenir ou sortir du groupement) prises non pas isolément les unes des autres, mais de façon interdépendante. Schelling considère que chaque membre du groupement possède ce qu’il appelle une « masse critique » ou « nombre critique » : un individu n’accepte en somme de participer à un séminaire que si cette masse critique ou nombre critique (un nombre donné de participants) est atteint (la valeur de ce nombre ou de cette masse pouvant bien entendu varier selon les cas) : « L’implication contenue dans les modèles de masse critique est qu’une certaine activité se maintient d’elle-même une fois que cette activité a dépassé un certain niveau minimum » (Schelling, 1978 [1980], 97). Inversement cette activité – ici celle collective du groupement –, disparaît en dessous d’un certain seuil. Et Schelling d’interpréter l’agonie du groupement académique comme la conséquence de l’enchaînement de décisions interdépendantes : « Dans notre séminaire, il se pourrait que, quel que soit le nombre des participants, deux ou trois personnes le trouvent insuffisant ; quand elles s’en vont, deux ou trois autres participants ne le trouvent plus suffisant, et lorsqu’ils partent, c’est ce que pensent à leur tour deux ou trois autres personnes. Le nombre de participants qui, si on pouvait les inciter ou les forcer à rester, rendrait toute l’entreprise viable peut être faible ou important ; le fait que l’entreprise disparaisse complètement ne nous dit pas combien elle était proche de la viabilité » (Schelling, 1978 [1980], 99).

29Ce second exemple permet non seulement d’illustrer l’impact de l’accumulation d’actions individuelles interdépendantes sur la transformation d’un collectif – ici de taille relativement modeste il est vrai – mais également la capacité des acteurs à percevoir et évaluer les mécanismes agrégatifs du point de vue de leurs conséquences (généralement situées aux niveaux méso et macro). Lorsque T. Schelling analyse la dégénérescence du groupement académique, ce qui fait toute la valeur de son analyse tient précisément à ce qu’il parvient à concilier la permanence de l’intérêt des membres du séminaire avec la compréhension du phénomène constatée de sa disparition. Les membres interrogés expriment, dit-il, leur regret de voir disparaître le groupement académique – ce faisant ils génèrent une évaluation négative de l’effet constitutif du mécanisme agrégatif – mais tous paradoxalement contribuent par leurs actions à la production de cette disparition.

30Pour nous résumer, et dépasser le cadre de ces exemples suggestifs mais limités, la prise en considération de l’émergence du collectif par rapport à l’individuel (dès lors qu’on accepte d’adopter la perspective de l’étude des processus agrégatifs) suppose :

311 / l’identification de la situation différenciée des acteurs individuels ;

322 / l’étude de l’accumulation des actions individuelles issues des situations différenciées ;

333 / l’interprétation sociologique de l’ajustement mutuel des comportements ;

344 / l’étude de la perception et de l’influence du produit de cet ajustement sur le cours des actions des acteurs.

35Que deviennent ces conditions de prise en compte de la spécificité du collectif par rapport à l’individuel dans le cadre de la théorie de l’acteur-réseau ? 1 / L’identification de la situation différenciée des acteurs individuels. Pour les partisans de cette théorie, l’individu concret – empiriquement observable – ou abstrait – défini par une psychologie de convention –, n’est jamais le « support » réel et unique de l’action. Une action est toujours « distribuée ». « Par définition, écrit Latour (2005 [2006], 66), l’action n’est jamais localisable mais toujours dislocale. » Avec une telle définition de l’action l’identification de la situation différenciée des acteurs – leur localisation – s’annonce a priori impossible. Il paraît difficile de justifier le caractère a priori d’une telle définition. Les acteurs étudiés par exemple par Schelling ont des appartenances institutionnelles multiples, utilisent pour leur séminaire une infrastructure matérielle préexistante, bref mobilisent dans le cours de leurs actions des réalités multiples et hétérogènes. Pour autant quel sens y a-t-il à décrire ces différentes réalités comme autant de composants faisant jeu égal dans la transformation du groupe – ici sa dégénérescence ? Plus fondamentalement derrière cette caractérisation de l’action comme « dislocale » se trouve exprimée la thèse selon laquelle le sociologue doit restituer le caractère foncièrement concret et donc hétérogène du social : il n’y a aucun sens à parler d’action collective dans le cadre de la théorie de l’acteur réseau si on entend par là « une action effectuée par des forces sociales homogènes ». Cette homogénéité serait un concept abstrait produit par la sociologie traditionnelle. Le caractère collectif d’une action n’est pas issu du caractère cumulable d’actions individuelles – considérées comme autant d’entités conceptuelles homogènes –, mais de l’alignement de « différents types de forces qui sont associées précisément parce qu’elles sont différentes » (Latour, 2005 [2006], 107). Ce qui nous conduit au second point. 2 / L’étude de l’accumulation des actions individuelles issues des situations différenciées. Si l’action est toujours par principe distribuée et hétérogène, la relation entre les participants au cours de l’action ne peut être faite d’accumulation, de sommation, mais au mieux de « connexions ». La théorie de l’acteur-réseau propose une « topographie » sociale « aplatie » dans laquelle les notions d’enchâssement et de stratification perdent toute signification : « Macro, écrit Latour (2005 [2006], 257), ne désigne plus un site plus large ou plus vaste dans lequel le niveau micro serait enchâssé comme une poupée russe, mais un autre lieu, tout aussi local, tout aussi “micro” qui se trouve connecté à d’autres (...) Ce changement de perspective a pour effet salutaire de préserver la platitude du paysage (...). » Le macro est dans le micro, et réciproquement. Dès lors faut-il réellement préciser que les effets de hiérarchies sociales deviennent difficilement perceptibles ? 3 / L’interprétation sociologique de l’ajustement mutuel des comportements : dans le cadre de cette théorie non seulement le principe même d’un « ajustement mutuel » est rendu peu crédible – on parlera sans doute plutôt d’alignement – mais le principe même de l’interprétation est proscrit : le sociologue « prend acte », du moins en principe, des comptes rendus. Le fait d’intégrer de façon égale dans la sphère de l’action les humains et non humains laissant sous-entendre de façon étonnante que ces différents « modes d’existences » ont une capacité identique à faire entendre leurs voix par le sociologue. 4 / L’étude de la perception et de l’influence du produit de cet ajustement sur le cours des actions des acteurs. Sans possibilité même d’accumulation du fait de l’absence d’ « homogénéité » des composants de l’action collective, cette étude de la perception par les acteurs du produit issu du cumul de leurs propres actions n’a pas lieu d’être.

36Parvenu à ce stade de notre analyse, et pour conclure, il paraît utile de résumer ce qui nous semble distinguer la logique associative, caractéristique de la théorie de l’acteur-réseau, de la logique agrégative dans son traitement de la multidimensionnalité du social ; et ce sur trois points bien distincts :

37— Là où la logique agrégative considère que la différence d’échelle entre l’individuel et le collectif est indissociable d’une représentation analytique d’une succession de niveaux hiérarchiquement ordonnés (mais des niveaux non nécessairement synchrones, c’est-à-dire obéissant à des rythmes temporels différents), la logique associative identifie la différence d’échelle à une différence d’étendue – les macro-acteurs ne sont rien d’autres que la forme associative large caractéristique de l’ensemble des éléments (humains et non humains) mis en relation, à un moment ou un autre. Les structures hiérarchiques disparaissent au profit d’une forme relationnelle en quelque sorte aplatie. D’où la métaphore récurrente chez B. Latour d’une « société aplatie ».

38— Là où la logique agrégative rend dans certains cas le passage d’un niveau n – 1 à un niveau n constitutif de l’émergence de propriétés non contenues dans le niveau n – 1, la logique associative écarte la possibilité même de l’émergence et choisit de reconstruire les transformations des groupes sociaux comme autant de phases d’extensions associatives caractéristiques d’un acteur-réseau réunissant des « modes d’existences » hétérogènes.

39— Enfin là où la logique agrégative voit dans la production des mécanismes agrégatifs une étape stratégique dans l’élaboration d’une explication sociologique, la logique associative substitue à la vocation explicative de la sociologie une vocation strictement descriptive déterminée en cela par un usage radical de la métaphore constructiviste.

40Au regard de ces divergences fondamentales, il apparaît qu’il y a sans doute quelque chose d’assez vain à reprocher aux divers représentants de la théorie de l’acteur-réseau de n’apporter aucune solution réelle au problème tant de l’agrégation que du caractère parfois « émergent » des phénomènes collectifs. Passé au tamis de ce langage théorique, ce problème est purement et simplement dissous au profit d’une acception strictement métaphorique du social.

Notes

  • [1]
    Sur le problème de la possibilité même d’une définition de la notion de construction, certains commentateurs se montrent relativement sceptiques. C’est le cas par exemple de M. Lynch (2001) qui dans sa « généalogie constructiviste du constructivisme » n’hésite pas à affirmer qu’il est tout simplement « impossible de définir ce que les tenants des différentes approches constructivistes ont en commun ». Et Lynch de s’en tenir à la caractérisation d’un simple « air de famille » entre ces différents auteurs. D’autres, plus optimistes, à défaut d’apporter une définition précise, tentent d’en recenser les variantes les plus courantes. S. Sismondo (1993) par exemple identifie quatre acceptions dominantes : a) la construction comme élaboration, à travers l’interaction des acteurs, d’objets et de formes institutionnelles ; b) la construction comme production de théories scientifiques à partir de données et observations empiriques ; c) la construction comme fabrication en laboratoire d’artefacts à partir de ressources et d’intervention matérielles ; d) la construction comme formation idéelle, au sens néo-kantien, d’objets de pensée et de représentations. Sismondo souligne que ses usages se développent chez certains auteurs tout à la fois comme « programme ontologique » – l’origine des objets sociaux, des artefacts de laboratoire ou du monde naturel – et/ou « programme épistémologique » – les conditions de validation des énoncés scientifiques à propos des objets sociaux et/ou naturels. À quoi il est possible d’ajouter qu’il existe également à côté de ces programmes ontologique et épistémologique, un « programme méthodologique » du constructivisme lorsque certains auteurs s’efforcent de suspendre, pour des raisons de méthode et de façon temporaire, toute présomption quant à l’existence d’un contraste ontologique et/ou épistémologique stable entre les objets particuliers qu’ils analysent. Voir également sur ce sujet la thèse récente de R. Keucheyan (2005).
  • [2]
    Repris partiellement dans B. Latour (2005 [2006]).
  • [3]
    Pour une discussion des registres manipulatoire, productif et communicationnel de l’action scientifique, cf. M. Dubois (2005).
  • [4]
    Cf. notamment R. K. Merton (1968).
  • [5]
    Cf. notamment M. Callon, B. Latour (1981), B. Latour (2005 [2006]), J. Law, J. Hassard (éd.) (1999).
  • [6]
    Il peut être tentant d’écarter trop rapidement cette théorie du spectre de l’analyse critique en sociologie pour différentes raisons. Le lecteur pressé de l’introduction à la théorie de l’acteur-réseau proposée par Latour pourra à raison, sinon s’agacer, du moins s’étonner de la volonté de l’auteur de multiplier les contradictions internes : Latour présente sa théorie tantôt comme radicalement inédite, tantôt comme la simple reprise des intuitions tardiennes. Il l’associe étroitement à l’usage exclusif d’un « infralangage abstrait » constitué de termes délibérément « inconsistants » (groupe, actant, médiateur, fluide, non-humain) mais a recours en permanence aux catégories canoniques de la sociologie telles que « dominants », « dominés », « capital social » ; il définit le social par sa « platitude » mais invite dans le même temps le sociologue à « étudier vers le haut » et non pas uniquement « vers le bas » comme il aurait trop souvent l’habitude de le faire, etc. Par ailleurs si le statut exact de cette approche du social paraît encore assez fluctuant – théorie ou méthodologie, méthodologie ou théorie, Latour semble hésiter dans chacun des chapitres – lorsqu’elle se donne comme méthodologie elle semble rencontrer des difficultés lors des tentatives de transposition au « terrain » (sur ce point précis, cf. S. Martin, « La sociologie de la traduction et ses normes. Apports et limites de la neutralité axiologique », congrès AFS Bordeaux, septembre 2006). Ces différentes raisons ne doivent pas nous pousser à ignorer trop rapidement un langage théorique dont la diffusion semble de plus en plus importante – et pas chez les seuls sociologues des sciences – et dont la présence dans les dictionnaires de sciences humaines et sociales est aujourd’hui établie (voir par exemple le récent Dictionnaire des sciences humaines dirigé aux PUF par S. Mesure et P. Savidan, 2006).
  • [7]
    C’est précisément la difficulté de l’infralangage de la théorie de l’acteur-réseau – auquel est associé son degré élevé d’abstraction – à « respecter » le discours des acteurs qui a été analysé par S. Martin (2006).
  • [8]
    Pour illustrer une nouvelle fois l’interaction entre théorie sociologique et sociologie des sciences, il est à noter que la discussion de la complexité différenciée des mécanismes agrégatifs a été abordée par les sociologues des sciences. Lorsque Knorr-Cetina (1981) par exemple tente d’ordonner ces différents niveaux de complexité elle distingue pour l’essentiel deux degrés de complexité. À un niveau élémentaire, il y a l’hypothèse de l’agrégation comme simple « répétition » qui consiste à concevoir la production d’un phénomène relevant d’un niveau n à partir de l’accumulation d’une multitude de séquences d’actions situées à un niveau n – 1. À un niveau de complexité supérieur, il y a l’hypothèse de l’agrégation comme « émergence » ou encore « production de conséquences inattendues ». L’accumulation et la répétition de séquences d’actions à n – 1 ayant pour conséquence l’apparition au niveau n des propriétés inédites absentes des intentions caractéristiques des séquences d’actions à n – 1. Et Knorr-Cetina de discuter des mérites comparés de ces mécanismes agrégatifs simple et complexe par rapport à ce qu’elle présente comme l’hypothèse alternative dite de la « représentation » (associée à Cicourel) pour laquelle la réinscription du macro dans le micro passe par l’étude des « définitions de situations » sur lesquelles s’appuient les acteurs sociaux. Avec cette bipartition – simple vs complexe –, K. Knorr-Cetina n’apporte rien de véritablement neuf sur ce qui fait l’origine de cette complexité différenciée des mécanismes agrégatifs. Sur la même période, la position illustrée en France par R. Boudon paraît plus subtile même si considérée sur la durée indissociable d’une certaine incertitude quant à la possibilité même de l’ordonnancement des mécanismes agrégatifs en fonction de leur plus ou moins grande complexité. Dans Effets pervers et ordre social, Boudon esquisse une première catégorisation de critères de complexité différenciée des mécanismes agrégatifs : « (...) il y a, écrit-il, autant de cas de figure, qu’il y a de combinaisons entre les critères suivants : 1 / aucun [acteur] n’atteint (1 a), certains [acteurs] (1 b), tous les [acteurs] (1 c) atteignent leurs objectifs individuels ; 2 / en produisant simultanément des biens (2 a) ou des maux (2 b) ou encore des biens et des maux collectifs (2 c) ; 3 / chacun de ces biens et maux s’appliquant à certains seulement (3 a) ou à la totalité des [acteurs] (3 b) » (1977, 11). Très rapidement dès La logique du social (1979), il se contente de souligner l’extrême diversité des effets d’agrégation : « Cette diversité a pour conséquence qu’il ne paraît guère utile d’essayer d’énoncer à leur propos des propositions générales. Ici encore, le sociologue est voué à l’analyse du singulier. Tout au plus peut-il, à l’occasion et à partir de l’analyse de système d’interdépendance singuliers, faire apparaître quelques structures fondamentales typiques » (1979, 131). Dans La place du désordre (1984, 67), Boudon est plus catégorique encore : il juge le nombre des effets d’agrégation « indéfini », ce qui rend, ajoute-t-il, leur classement « à la fois difficile et inutile ».
Français

RéSUMé. — Cet article étudie les raisons de la visibilité contemporaine de la notion de « construction » dans le domaine des études sociales des sciences mais également de la théorie sociologique dès lors qu’elle se place dans la continuité de ces études. Cherchant à dépasser le constat réitéré par nombre de commentateurs de la seule diversité des formes du constructivisme, il propose d’envisager la « construction » comme une métaphore. Identifier les modalités de fonctionnement de la métaphore de la construction dans le discours sociologique permet non seulement de caractériser le « transport sémantique » inhérent au lexique constructiviste désormais constitué comme « prêt-à-penser ». Mais également de renforcer un point de vue critique sur les dimensions implicites d’une représentation qui, bien qu’initialement élaborée dans le cadre des études sur les sciences entend désormais, par l’intermédiaire de la théorie dite de l’acteur-réseau, s’étendre à l’ensemble des phénomènes sociaux.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • En ligneBlack M. (1962), Models and Metaphors, Ithaca, Cornell University Press.
  • Black M. (1990), Perplexities, Ithaca, Cornell University Press.
  • Boudon R. (1984), La place du désordre, Paris, PUF.
  • Callon M., Latour B. (1981), « Unscrewing the big leviathan : How actors macrostructure reality and how sociologists help them to do so », in K. Knorr-Cetina, A. Cicourel (eds), Advances in Social Theory and Methodology : Toward an Integration of Micro and Macro Sociologies, London, Routledge & Kegan Paul.
  • Coleman J., Katz E., Menzel H. (1966), Medical Innovation. A Diffusion Story, Bobbs-Merrill Company.
  • Coleman J., Katz E., Menzel H. (1970), « Diffusion d’un nouveau médicament parmi les médecins », in F. Chazel, R. Boudon, P. Lazarsfeld, L’analyse des processus sociaux, Paris, Mouton & Co.
  • Cuin C. H. (2000), Ce que (ne) font (pas) les sociologues, Petit essai d’épistémologie critique, Genève, Droz.
  • En ligneCuin C.-H. (2002), « Le balancier sociologique français : entre individus et structures », Revue européenne des sciences sociales, XL, no 124, p. 253-262.
  • En ligneDubois M. (2005), « L’action scientifique : modèles interprétatifs et explicatifs en sociologie des sciences », L’Année sociologique, vol. 55, no 1, p. 103-125.
  • Dubois M. (2006), « Constructivisme », in S. Mesure, P. Savidan (éd.), Dictionnaire des sciences humaines, Paris, PUF.
  • Hacking I. (2001), Entre science et réalité. La construction sociale de quoi ?, Paris, La Découverte.
  • Keucheyan R. (2005), Les limites de la construction sociale. Les théories constructivistes en question, thèse Paris IV - Sorbonne.
  • Kukla A. (2000), Social Constructivism and the Philosophy of Science, London, Routledge & Kegan Paul.
  • Latour B. (2003), « The promises of constructivism », in D. Ihde et E. Selinger (eds), Chasing Technoscience : Matrix of Materiality, Bloomington, Indiana University Press.
  • Latour B. (2005), Re-Assembling the Social. An Introduction to Actor-Network Theory, Oxford, Oxford University Press ; trad. franç. B. Latour, 2006, Changer de société. Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte.
  • Law J., Hassard J. (eds) (1999), Actor Network Theory and After, Oxford, Blackwell.
  • En ligneLynch M. (2001), « Vers une généalogie constructiviste du constructivisme », Revue du MAUSS, vol. 17, p. 224-246.
  • Martin S. (2006), « La sociologie de la traduction et ses normes. Apports et limites de la neutralité axiologique », Congrès AFS Bordeaux, septembre.
  • Merton R. K. (1968), Social Theory and Social Structure, New York, Free Press.
  • En ligneNelson A. (1994), « How could scientific facts be socially constructed ? », Studies in the History and Philosophy of Science, vol. 25, no 4, p. 535-547.
  • Perelman Ch., Olbrechts-Tyteca L. (1970), Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles.
  • Schelling T. (1978), Micromotives and Macrobehavior, W. W. Norton and Co, trad. franç. T. Schelling, 1980, La tyrannie des petites décisions, Paris, PUF.
  • En ligneSismondo S. (1993), « Some social constructions », Social Studies of Science, vol. 23.
  • Shinn T., Ragouet P. (2005), Controverses sur la science. Pour une sociologie transversaliste de l’activité scientifique, Paris, Éd. Raisons d’agir.
  • Terré D. (1998), Les dérives de l’argumentation scientifique, Paris, PUF.
Michel Dubois
GEMAS-CNRS/Université de Paris IV - Sorbonnemdubois@ msh-paris. fr
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/anso.071.0127
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...