CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Au temps de la « Belle Époque » (les années 1880-1914), le crime était potentiellement un des objets privilégiés de la construction des savoirs dans le cadre universitaire naissant des sciences humaines. Les années 1880 consacrent ainsi le mot de « Criminologie » sur un plan européen. Cependant, en France, ce mot ne sera jamais le nom d’une discipline universitaire à part entière. Dans son contenu, la criminologie de la fin du XIXe siècle est en effet une science que se disputent essentiellement des médecins (se réclamant principalement d’une « anthropologie criminelle », sous la conduite du médecin lyonnais Alexandre Lacassagne) et des juristes (pénalistes). Les deux grandes figures intellectuelles qui se disputent le leadership pour incarner les nouvelles sciences sociales vers 1900, Émile Durkheim et Gabriel Tarde, sont suffisamment occupés à tenter de faire reconnaître institutionnellement ce que le premier appelle simplement « Sociologie », et le second « Interpsychologie » (cf. Mucchielli, 1998 ; ainsi que Mucchielli, 1994). Malgré ses responsabilités à la direction de la statistique judiciaire, son prestige acquis dans la confrontation avec l’école italienne de Lombroso et sa présence à la direction de la revue de Lacassagne (les Archives d’anthropologie criminelle), Tarde ne cherchera pas à développer une recherche collective en ce domaine. Au sein de l’équipe durkheimienne, la création d’une section « Sociologie criminelle » dès le premier volume de L’Année sociologique (1898) ne suffira pas non plus à impulser une véritable dynamique collective. La défection du responsable de cette rubrique (Gaston Richard), en 1907, signa son déclin progressif. Durant l’entre-deux-guerres, ce domaine de la sociologie ne subsiste plus que dans le plan de cette revue, que les héritiers de Durkheim s’efforcent de faire survivre. Homme clef du nouveau dispositif durkheimien avec Marcel Mauss, Maurice Halbwachs s’intéresse au suicide mais non à la criminalité. Il porte de surcroît un regard très distancé sur le principal lieu de développement des recherches sociologiques en ce domaine et à cette époque : l’École de Chicago (Marcel, 1999).

2Pourtant les études de « sociologie juridique et morale » ne cesseront de tenir une place importante chez les durkheimiens. Outre les travaux historiques d’auteurs tels que Louis Gernet, citons ceux de Paul Fauconnet, qui soutient en 1920 sa thèse de doctorat sur La responsabilité. Mentionnons aussi le travail de Georges Davy sur La foi jurée, qui retrace la formation du droit contractuel (Davy, 1922). Toutefois, malgré ces travaux, l’intérêt pour le crime dans les sociétés modernes disparaît à peu près complètement dans la sociologie universitaire française de l’entre-deux-guerres. C’est seulement à partir des années 1950 que se construira véritablement une sociologie du crime, à l’initiative d’Henri Lévy-Bruhl puis surtout de son « élève et continuateur » André Davidovitch [1]. Même si son nom est aujourd’hui presque totalement méconnu au-delà du cercle étroit des chercheurs qui s’intéressent à la sociologie de la déviance et des institutions pénales, Davidovitch mérite d’être connu, car c’est sous son impulsion, tant intellectuelle qu’institutionnelle, que la sociologie criminelle a connu en France un second départ, après la Seconde Guerre mondiale. C’est donc à une première présentation des grands axes de son œuvre que sont consacrées les pages qui suivent.

1. Lévy-Bruhl, Davidovitch et le renouveau de la tradition durkheimienne après la guerre

3Davidovitch est né le 30 mars 1912 à Oradea, en Roumanie. Bachelier en 1929, il fait sa propédeutique de droit à l’Université d’Oradea, en 1930. Il s’établit en France en octobre 1931, et obtient sa licence ès Lettres à la Sorbonne en 1938. Engagé volontaire et incorporé dans la Légion étrangère en octobre 1939, il reste dans l’armée dont il démissionne finalement en 1949. Il restera à jamais marqué par cet épisode de sa vie dont il livrait parfois quelques souvenirs à ses collaborateurs et proches collègues [2]. Nous manquons de sources pour éclairer ce qui semble constituer alors un tournant dans sa vie. Entre-temps, Davidovitch a acquis la nationalité française (1947). Il reprend des études à la 6e section de l’École pratique des hautes études (EPHE), dont il obtient le diplôme en 1957. À cette époque, il gagne sa vie comme surveillant d’externat au lycée Michelet de Vanves et bibliothécaire du Centre d’études sociologiques (CES) fondé à la Sorbonne par Paul Fauconnet.

4C’est grâce à son professeur à l’EPHE, Henri Lévy-Bruhl [3], et avec le coparrainage de Jean Carbonnier et de Daniel Lagache, que Davidovitch entre au CNRS où il est nommé successivement stagiaire de recherche (1er octobre 1952), attaché de recherche (1er octobre 1954), chargé de recherche (1er octobre 1961), maître de recherche (1er janvier 1968) et qu’il ne quittera pas jusqu’à la fin de sa carrière [4]. Il sera par ailleurs membre du Comité de coordination des recherches criminologiques institué au ministère de la Justice à partir de 1969, membre du bureau de la Société française de sociologie (1962-1966), impliqué de diverses manières dans la délégation française de la Société internationale de criminologie (à partir de 1962) et surtout membre du Comité restreint de chercheurs chargés par le Conseil de l’Europe de proposer une harmonisation des statistiques criminelles des pays européens (1964-1968).

Le « groupe d’étude de sociologie criminelle » du Centre d’études sociologiques

5Davidovitch peut d’abord être considéré comme l’héritier de Lévy-Bruhl, personnage central dans la micro-communauté des sociologues de l’immédiat après-guerre. Professeur de droit romain à la faculté de Paris, enseignant aussi à l’EPHE, membre fondateur du CES siégeant à son Comité de direction, il participe aussi au Comité de rédaction de L’Année sociologique, à la résurrection de laquelle il a travaillé à la fin des années 1950, et où il tient la rubrique de « sociologie du droit et de la morale » avec Georges Davy [5]. Dans son programme scientifique, Lévy-Bruhl accorde une importance particulière à l’étude du crime, car « c’est à son attitude envers le crime qu’un ensemble social révèle le mieux sa personnalité » (Lévy-Bruhl, 1968, 208). Dès 1950-1951, il mène sous les auspices du CES une « enquête de criminologie », sans doute son « Enquête statistique sur l’abus de confiance » (Lévy-Bruhl, 1953). C’est au même moment que voit le jour un « groupe d’étude de sociologie criminelle », dont Lévy-Bruhl est la figure tutélaire. Davidovitch en devient rapidement l’un des principaux animateurs puis, à partir de 1956, le responsable. « Constitué progressivement autour d’un noyau de chercheurs et d’étudiants » attirés à l’EPHE par l’enseignement de Lévy-Bruhl, le groupe déborde rapidement ce cadre, et s’agrandit progressivement jusqu’à constituer une petite équipe de recherche [6]. Celle-ci manifeste un dynamisme scientifique certain : en 1955, par exemple, Davidovitch annonce une « enquête sur les corrélations sociales du délit d’escroquerie » avec comme « perspective plus lointaine » une « étude sociologique de la criminalité astucieuse » (Tréanton, 1991, 401) [7]. En 1956-1957, le programme fait état, outre l’enquête princeps de Davidovitch [8], d’une recherche de Constantin Oeconomo (entré au CES en 1954) intitulée « Aspects psychosociologiques et sociologiques de la guerre : la délinquance militaire spéciale » [9]. Dimitri Kalogeropoulos, diplômé de l’Institut de criminologie de Paris et de l’Institut de droit comparé, travaille sur « Les crimes de sang ». René Benjamin, alors étudiant et vacataire au CES, en instance d’admission au CNRS, annonce une recherche sur « le rôle du sentiment religieux dans la resocialisation de délinquants » (cf. Benjamin, 1963). Selon la présentation de Davidovitch, tous s’inspirent de leurs recherches pour dispenser au CES « un enseignement axé autour des problèmes à la fois pratiques et théoriques de la recherche en sociologie criminelle », afin d’exposer à leurs auditeurs « comment il faut s’y prendre pour conduire des recherches de sociologie criminelle » [10]. Les années suivantes enregistrent l’arrivée de nouveaux chercheurs et la mise en place d’enquêtes diverses sur l’inceste (cf. Szabo, 1957-1958) ou encore la criminalité à Paris (cf. Stanciu, 1968). Une dynamique est véritablement enclenchée. Peut-être est-ce du reste la raison pour laquelle Lévy-Bruhl fait évoluer son cours, à partir de 1961, du droit vers le crime. Quoi qu’il en soit, sont posés désormais, paradoxalement par le biais d’un rattachement institutionnel à la sociologie sous l’impulsion d’un juriste, les premiers jalons d’une discipline hybride (que Lévy-Bruhl avait qualifiée un temps de « juristique » (Lévy-Bruhl, 1950)). Toutefois, cette synergie est vraisemblablement coupée dans son élan à la mort de ce dernier en 1964.

6Une scission va en effet s’opérer. À « l’héritage sociologique » de Lévy-Bruhl, on peut associer les travaux de l’équipe qui se constituera autour de Davidovitch. Du côté du droit, c’est Jean Carbonnier qui jouera un rôle déterminant, remplacera Lévy-Bruhl au comité de L’Année sociologique, réunira beaucoup de ses anciens étudiants et fondera avec Georges Levasseur un groupe de « Recherche et mesure des transformations institutionnelles et normatives de la société contemporaine », qui deviendra en janvier 1968 le Laboratoire de sociologie criminelle et juridique de l’Université Paris II. Pourquoi cette scission ? Nous en savons trop peu sur les hommes et sur les enjeux institutionnels. Mais des différences sur le plan théorique sont aisément perceptibles. Carbonnier se fait une idée bien précise de la sociologie juridique, qu’il considère certes comme associée à une posture intellectuelle qui appréhende le fait juridique comme une chose « de l’extérieur », mais de manière à aider le législateur. En ce sens, s’il se réclame du durkheimisme, c’est une filiation intellectuelle à « moindre coût » qu’il revendique dans le monde des juristes, puisqu’il annexe en quelque sorte la sociologie juridique au droit (cf. Soubiran-Paillet, 2000) [11]. Davidovitch a de toutes autres perspectives, qui semblent au demeurant plus fidèles au paradigme durkheimien réintroduit par Lévy-Bruhl. Ce sont ces perspectives qu’il développera au sein de la petite structure qu’il dirigera au CES jusqu’à sa retraite (1985) : l’ « Unité de recherche de sociologie criminelle » (URSC) [12]. Cette unité sera toujours de taille modeste [13]. Elle se développe certes, comme beaucoup d’autres, dans la seconde moitié des années 1970, période faste de recrutement au CNRS. Y ont notamment travaillé entre 1975 et 1985 : Francis Bailleau, Christiane Bonnemain, Denise Ensellem, Georges Garioud et Marie-Lys Pottier [14]. Toutefois, de l’avis même de ses membres, il ne s’agissait pas à proprement parler d’une équipe, au sens d’un groupe intégré. Elle ne disposait que d’un local exigu, se réunissait très rarement au complet, et Davidovitch n’était ni réellement un « patron », ni un véritable entrepreneur de recherches collectives. Il travaillait à cette époque essentiellement à sa recherche sur les parquets, laissant une large autonomie à une sous-équipe animée par D. Ensellem.

7Durant les dix ou douze dernières années de sa carrière, Davidovitch a enseigné la sociologie criminelle. De ses cours à l’École nationale supérieure de police à Saint-Cyr au Mont d’Or (à l’invitation de Henri Souchon), nous savons peu de choses, hormis le contenu de certains de ses cours. Nous sommes par contre davantage renseignés sur les cours qu’il donna à la Faculté de droit de Poitiers, à l’Institut de sciences criminelles puis dans le troisième cycle de droit pénal et sciences criminelles. Il y remplace Jacques Sélosse (alors directeur des recherches au Centre de Vaucresson), à l’invitation de Pierre Couvrat (professeur de droit pénal). Ce dernier se souvient bien de cet enseignement de deux heures que Davidovitch a donné tous les quinze jours « pendant au moins cinq ans » : « Il adorait enseigner et c’était la première fois qu’il avait un public universitaire. » [15] Jean-Paul Jean, qui y fut son élève en 1974-1975, se souvient également d’un enseignant particulièrement dévoué et apprécié, qui a permis à certains juristes de « construire un regard de sciences sociales sur le droit », à partir d’un enseignement axé principalement sur la tradition durkheimienne [16].

8Enfin, on ne peut pas évoquer la carrière de Davidovitch sans mentionner son rôle à L’Année sociologique, dont il devient « secrétaire adjoint » à partir du volume 2 (daté de 1949-1950, publié en 1952), puis « secrétaire de la rédaction » à partir de 1961, sans doute grâce à Lévy-Bruhl. Si ce dernier est, jusqu’à sa mort, coresponsable de la section de « sociologie du droit et de la morale », c’est régulièrement le nom de Davidovitch qui apparaît à partir du volume daté de 1951 (publié en 1953) en tête de la rubrique intitulée d’abord « Droit pénal et criminologie », puis « criminologie » en 1958 et enfin « sociologie criminelle » en 1961 (ce qu’elle restera de façon constante dans les années 1970). Les témoignages sont unanimes à souligner le très grand attachement de Davidovitch à cette revue qu’il considérait comme une véritable institution de la sociologie française [17]. Il y livrera régulièrement des comptes rendus et impulsera progressivement le recrutement d’une nouvelle génération de contributeurs parmi lesquels Philippe Robert et Claude Faugeron. Le premier sera du reste associé par Davidovitch à la direction de la rubrique à partir du volume 1968, avant d’en hériter à son tour. En 1977, la rubrique se scinde en « sociologie juridique et morale » dirigée par J. Carbonnier et F. Terré (professeurs de droit), et « sociologie criminelle » dirigée par Ph. Robert et A. Davidovitch [18].

L’héritage intellectuel de Lévy-Bruhl : le paradigme durkheimien

9Dans la conception que Lévy-Bruhl se fait de la sociologie criminelle (et plus généralement de la science du droit), la référence à Durkheim est constante. Si l’on admet que le groupe est une entité différente de ses membres, et que cette entité collective n’est pas moins douée de volonté que les individus, le droit n’est pas autre chose que l’expression de cette volonté collective. Comme la vie collective impose impérativement certains comportements vis-à-vis des autres membres du groupe, le système juridique est un « système d’obligations » qui sont « imposées par le milieu social pour réaliser à chaque moment et dans chaque situation l’idée que le groupe social se fait de l’équilibre qui doit régner, qui doit s’établir pour que la machine sociale fonctionne » (Lévy-Bruhl, 1955, 14), ou encore « l’ensemble des règles obligatoires qui déterminent les rapports sociaux tels que la volonté collective du groupe se les représente à tout moment » (Lévy-Bruhl, 1951, 4). Bref, les règles juridiques émanent de la volonté du groupe, elles sont un phénomène social.

10On déduit logiquement de cette définition ce que doit être la science du crime. Son objet consiste à étudier un phénomène social à deux faces qui porte le nom de crime et de peine. On peut donc accepter la définition qu’en donne Durkheim – que Davidovitch reprendra aussi à son compte : crime et répression sont les deux aspects complémentaires mais antithétiques d’un même phénomène (Davidovitch, 1961 a, articles, 31) – selon laquelle il s’agit d’un « acte blessant les états forts de la conscience commune », et dont « la cause médiate ou immédiate est [...], dans l’immense majorité des cas, d’origine sociale » (Lévy-Bruhl, 1968, 225). Ce ne sont donc pas les caractères objectifs d’un acte qui en font un crime, mais le jugement que porte sur lui la société (H. Lévy-Bruhl, 1968, 212) [19]. C’est un jugement d’opinion. Comme la sociologie criminelle étudie « le phénomène social qu’est le crime [...] les moyens d’investigation qu’elle utilisera auront un caractère plus abstraits que concrets [...] plus quantitatifs que qualitatifs » (Lévy-Bruhl, 1968, 220). Son principal instrument de recherche est donc la statistique, et en particulier la statistique criminelle. Davidovitch, en tant que digne élève et continuateur de Lévy-Bruhl, manifestera les mêmes intérêts, aussi bien dans le choix de ses thèmes de recherche que d’un point de vue méthodologique [20]. Le cœur de son travail portera sur le système pénal, à travers différents contentieux. Toutefois, on verra qu’il s’efforcera aussi d’ouvrir progressivement quelques nouvelles pistes de recherches relevant davantage d’une sociologie des conduites délinquantes en milieu urbain.

2. Recherches sur le système pénal

11L’analyse du fonctionnement de la « machine judiciaire », en tant que « recherche constante d’un difficile équilibre entre les missions et les moyens [de la justice pénale] » (Davidovitch, 1979 b – chapitres d’ouvrages collectifs, 66) fut le grand œuvre de Davidovitch. Ses premiers travaux, notamment le mémoire de L’Année sur « Les mécanismes sociaux des abandons de poursuite » (Davidovitch, 1965 – articles, avec R. Boudon), avec Raymond Boudon, sont bien connus et font figure d’œuvres pionnières à une époque où la sociologie pénale était encore inexistante [21]. Cependant, Davidovitch n’a jamais cessé, en réalité, de travailler cet objet et d’y apporter des lumières importantes. Dans la dernière partie de sa vie, la typologie des parquets occupait tous ses esprits. Il en a présenté de façon détaillée diverses versions, les deux principales étant publiées, à dix ans de distance, dans le Rapport sur l’administration de la justice criminelle pour l’année 1967 (Davidovitch, 1969 – chapitres d’ouvrages collectifs) puis lors du grand colloque de Lyon et Villeurbanne en janvier 1977, intitulé « Connaissance et fonctionnement de la justice pénale », dont il fut le maître d’œuvre (Davidovitch, 1979 b) et qui fut (avec L’Année) « la grande affaire de sa vie » selon tous les témoignages que nous avons recueillis. Sa recherche atteint ici son extension maximale puisqu’il s’agit non seulement d’étudier « l’impact des variations quantitatives et qualitatives de la criminalité sur le système des réactions judiciaires », mais encore de s’interroger :

121 / sur « les variations corrélatives dans l’organisation et le fonctionnement du système de justice lui-même », à savoir d’une part, les réformes de procédure et les créations de nouvelles juridictions (notamment la disparition de la grande circonscription judiciaire de la Seine au profit d’un découplage entre Paris et sa banlieue), d’autre part, la création de nouvelles incriminations ou, inversement, le mouvement de décriminalisation (Davidovitch, 1979 b, 66) ;

132 / sur « les transformations économiques, sociales et culturelles qui pourraient être appréhendées et considérées comme facteurs explicatifs de certains aspects des variations, aussi bien de la structure que du mouvement de la criminalité et du contenu du droit pénal » (Davidovitch, 1979 b, 66).

14Sans détailler ici l’ensemble de ce programme de recherches, nous voudrions en rappeler certains aspects centraux.

Criminalité et mouvements sociaux : les tendances générales

15Il est donc possible d’envisager l’interaction crime-répression dans une perspective dynamique, et d’étudier l’évolution de la criminalité et de la répression sous leurs aspects généraux et immédiatement accessibles. Dans ce but, Davidovitch va utiliser massivement les statistiques du Compte général de l’administration et de la justice criminelle pour mesurer les variations du volume de la criminalité (les comportements qui entraînent une peine), les transformations du système des sanctions pénales et l’évolution de la criminalité pour autant qu’elle dépend du système des sanctions en vigueur et de ses conditions réelles d’application [22].

16De ce questionnement, il ressort que le total des affaires dénoncées à la justice n’a pas cessé d’augmenter depuis le XIXe siècle (Davidovitch, 1961 a – article). En revanche, le nombre des affaires jugées en Cours d’assises est en régression constante, aussi bien en valeur absolue qu’en proportion dans l’ensemble des affaires réglées. La cause première en est qu’un certain nombre d’infractions sont descendues de la classe des crimes à celle des délits. Il faut voir dans cette évolution le reflet du fonctionnement d’un système de sanctions dont la philosophie fait prévaloir l’idée que ce sont surtout les atteintes à l’intégrité de la personne qui sont considérées comme gravissimes. La preuve en est que l’étude des formes de la criminalité révèle l’apparition et le développement d’une criminalité dite « astucieuse » – des escroqueries – qui consiste surtout en des atteintes contre les biens d’autrui et dont la proportion grandit par rapport aux crimes de sang. C’est aux délits qui ne peuvent être laissés impunis sans inconvénient que sont réservés les moyens et la sévérité d’une justice confrontée à un nombre croissant d’affaires à régler : « On doit donc retenir l’hypothèse d’un certain équilibre, à la fois nécessaire et réel, entre l’organisation judiciaire et la répression des activités criminelles dans un pays comme le nôtre et sans doute dans n’importe quel pays moderne » (Davidovitch, 1961 a – article, 40).

17Ainsi, la remarquable stabilité du rapport entre les affaires élucidées et les affaires jugées est-elle une autre preuve de cet équilibre, que l’on peut comprendre comme un rapport de force entre la capacité d’action de la police et le monde du crime. De même, la sanction émise par le tribunal traduit-elle « avec une certaine fidélité, dans ses fluctuations mêmes, l’intensité de la désapprobation diffuse ou de la tolérance répandue dans l’opinion à l’encontre de certains actes. Et c’est cela qui est mesurable ». En conséquence, « la proportion des acquittements, le pourcentage des non-lieux et des décisions de classement, la diligence dont on fait preuve pour découvrir les auteurs des infractions, en constituent les indices irréfutables » (Davidovitch, 1957 – articles, 21-22).

Abandons de poursuite, criminalité légale et criminalité apparente

18Les statistiques ne fournissent que la criminalité apparente, au sein de laquelle on distingue la criminalité légale, c’est-à-dire celle qui comprend les infractions dont les auteurs ont été sanctionnés. Toute la question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure il existe des lois qui régissent les rapports entre la criminalité apparente et la criminalité légale (c’est-à-dire la criminalité apparente et les affaires classées, restées impunies ou non poursuivies). Si de telles lois existent, alors la proportion et la nature des délits restés impunis constituent un indicateur de « l’interaction entre le milieu social extérieur et l’organisation judiciaire, autrement dit les processus de transfert de la pression sociale sur la justice pénale, et réciproquement les réactions de l’organisation (judiciaire) face à ces pressions qui s’exercent sur elle » (Davidovitch, 1965 – articles, avec R. Boudon, 203). L’abandon des poursuites, qui constitue en quelque sorte la face négative de la réaction du système judiciaire, peut être pris comme la résultante de mécanismes sociaux qu’il importe de mettre au jour. Tout ceci, ajoute Davidovitch, intéresse la société dans son ensemble, car le fonctionnement du système judiciaire peut alors s’expliquer par quelques principes simples qui transcendent les catégories juridiques et les combinent avec les déterminants sociaux de la répression que sont la fréquence et la gravité des infractions.

Classements sans suite et mécanismes sociaux de la répression

19Davidovitch constate que, si de 1831 à 1950 le nombre des affaires jugées en cours d’assises est en régression constante et si la part des affaires criminelles diminue dans l’ensemble des affaires jugées, la proportion des classements sans suite dans cet ensemble augmente. Apparemment, ils sont venus prendre la place tenue au début de la période par les affaires jugées devant les tribunaux correctionnels. Or, à la différence de la décision de non-lieu, le classement sans suite est un acte d’administration judiciaire qui est une mesure provisoire, toujours révocable (le juge peut décider de classer pour « insuffisance de preuves » ou « faits sans gravité » par exemple). En somme, la grande majorité des abandons de poursuite sont réglés par la Justice sur le mode le moins solennel et le plus précaire et la société semble s’en accommoder. Pourquoi ?

20C’est que la distribution des motifs apparents s’interprète dans le cadre d’un système de représentations qui traduit les exigences de la collectivité en matière répressive. Cette distribution constitue une expression des vrais motifs de tolérance de la société à l’égard de la non-répression. Ainsi, parmi les motifs invoqués, une place considérable est accordée au motif de « non-découverte » des auteurs, et les délits qui forment le poste le plus important des classements sont les vols, qui constituent par ailleurs l’infraction numériquement la plus forte au sein de la criminalité jugée. Dans la mesure où l’activité du juriste dépend certes de sa subjectivité mais aussi de pressions de toutes sortes, du contexte social et du rythme de la criminalité (le seuil de gravité perçue pouvant se déplacer sous la pression de la masse criminelle), on peut considérer qu’une partie des classements constituent des infractions que la société veut oublier. En ce sens, l’abandon de poursuite n’est pas synonyme d’impunité, mais révèle un des moyens dont dispose l’organisation judiciaire pour s’adapter à la modification de la sensibilité sociale à l’égard de certains faits et situations à l’occasion desquels on fait de moins en moins appel à l’intervention judiciaire répressive.

L’émergence d’une délinquance des Temps modernes :« la criminalité astucieuse »

21Si l’analyse de la répression s’avère utile pour examiner la façon dont la société réagit face à certains délits dont elle appréhende la gravité et la sanction selon ses exigences du moment, l’examen de la structure morphologique de la criminalité dit aussi quelque chose sur l’intensité de la désapprobation diffuse ou de la tolérance répandue dans l’opinion à l’égard de certains actes, et partant sur les évolutions structurelles qui modifient le corps social.

22Ainsi s’explique le choix de l’escroquerie (chèques sans provision, fraude au chômage, escroquerie dans les achats ou « carambouillage » consistant dans la création de commerces de façade pour se procurer des marchandises à crédit que l’on va ensuite vendre à vil prix au comptant...) comme objet d’étude. Le matériau est recueilli à partir d’un questionnaire que Lévy-Bruhl avait mis au point dans son travail sur l’abus de confiance, et qui porte sur deux périodes : 1938 et 1951 [23]. Fort de l’idée selon laquelle on ne peut définir la criminalité que par référence aux cadres juridiques de la société, Davidovitch essaie de montrer qu’il existe des techniques du mensonge qui, par-delà un certain nombre de constantes qui perdurent au fil des âges, sont susceptibles de changer au fur et à mesure que leur utilisateur essaie de s’adapter au contenu changeant de la vie économique.

23Après avoir corrélé le volume des escroqueries avec un certain nombre de variables (sexe, âge, situation familiale, profession...), Davidovitch caractérise cette forme de criminalité comme une délinquance essentiellement masculine, donnant lieu à une récidive différenciée (assez forte dans le cas des escroqueries communes, faible pour les délits de chèques sans provision), répandue essentiellement dans le milieu des affaires, et où auteurs et victimes des délits ont une répartition professionnelle assez analogue. Dès lors, « l’escroquerie se caractérise comme une maladie de la confiance indispensable au fonctionnement de nos institutions économiques, maladie dont les symptômes peuvent être très différents, suivant que nous nous trouvons dans une phase de dépression ou d’essor économique » (Davidovitch, 1957 – articles, 81). C’est ici que la fameuse « anomie » de Durkheim se manifeste dans toute sa rigueur, car des fractions entières des classes moyennes sont anomiques par définition et sont composées d’individus qui souffrent pour ainsi dire d’inadaptation chronique, de sorte que leur comportement individuel ne fait que refléter l’inadaptation fonctionnelle des fractions de classe sociale dont ils font partie. Cette inadaptation est une conséquence nécessaire de notre système économique. Or, fonctionnellement, ces fractions de classes sont inadaptées parce que leurs membres ne possèdent qu’à un degré très insuffisant, et souvent à titre purement précaire, les moyens indispensables à la réalisation des fins qu’ils poursuivent en vertu de leurs idéaux de classe. Pendant que la crise désorganise ces fractions de la classe moyenne, elle provoque aussi des tentatives de réadaptation à leur niveau. En conséquence de quoi :

« Le délit, acte socialement inadapté par référence à la morale de la société globale, apparaît comme l’ensemble des moyens mis en œuvre pour s’adapter aux valeurs spécifiques de groupe, à celles de la classe au sein de laquelle celui que nous qualifions de délinquant cherche à se maintenir, entraîné par la force d’attraction des idéaux que le groupe projette en lui, et qui seront devenus partie intégrante de sa personnalité » (Davidovitch, 1957 – articles, 99).

24Ainsi, le commerçant en faillite qui continue à acheter des fourrures à sa femme essaie de conserver un train de vie dans l’espoir de freiner une chute qu’il ne peut pourtant éviter : la cascade de crimes et délits qui s’ensuivent ou qui précèdent la faillite sont à comprendre ainsi : le fait de simuler ce qui n’est plus peut résulter d’une nécessité commerciale, de ne pas « avouer » qu’on a des difficultés de trésorerie, de continuer à se faire confiance, autant que de « l’impossibilité psychologique d’agir autrement » (Davidovitch, 1957 – articles, 60). En somme, l’escroquerie est une criminalité astucieuse typique de nos sociétés :

« Peut-être devrait-on admettre alors que les escroqueries, de même que certaines variétés de fraude, ne constituent en somme que tribut payé, bien involontairement sans doute, par une société soucieuse de la liberté des transactions et qui, dans la mesure même où elle y demeure attachée, se voit obligée d’abandonner aux bénéficiaires de cette liberté une part importante de la charge de se protéger contre son emploi abusif » (Davidovitch, 1957 – articles, 100).

La délinquance routière : un type particulier de délits spécialisés ?

25L’identification de cette forme de criminalité conduit Davidovitch à se poser la question d’une possible classification des délits, et de leurs liens avec d’autres types de délinquance. De ce point de vue, la criminalité routière dite d’imprudence, à laquelle il consacre plusieurs études, lui paraît un cas d’école. La diffusion de l’automobile fait des délits routiers un des phénomènes les plus préoccupants de la vie moderne. Il est fort probable que l’introduction généralisée de l’automobile dans la vie sociale modifie la structure de la délinquance mais aussi les réactions de la société, car, en même temps qu’elle est source de criminalité spéciale (vols et destructions d’automobiles par exemple), elle peut être source spéciale de délinquance en général (chèques sans provisions pour faire face à des échéances difficiles suite à l’achat d’un véhicule par exemple).

26Pour caractériser cette éventuelle réaction sociale, Davidovitch emprunte à Tarde un reproche que ce dernier avait adressé naguère à Durkheim concernant le caractère de normalité du crime : incrimination et répression risquent de ne pas varier de la même façon, car il est probable que le sentiment collectif que le crime froisse, le soit aussi par la peine, qui empêche le sentiment de croître avec l’intensité du blâme. Comme la sympathie que nous avons pour l’homme devient plus vive avec la civilisation, de légères offenses naguère traitées avec indulgence paraissent aujourd’hui scandaleuses et sont punies, comme par exemple le fait d’avoir au volant un comportement dangereux considéré comme une menace potentielle pour la sécurité d’autrui. À côté, la répression fait violence à la même tendance qui s’oppose à ce que la répression devienne plus rigoureuse. On a davantage pitié de la victime, mais aussi du coupable. Il se peut aussi que, pendant un certain temps, le coupable bénéficie de cette tendance plus que la victime (Tarde, 1895 a). En conséquence, il importe dans un premier temps de mieux connaître cette délinquance, et de poser la question de savoir dans quelle mesure le délinquant routier peut être assimilé à d’autres types de délinquants, lesquels, et par quels traits ou en vertu de quels mécanismes criminogènes révélés par son comportement. L’assimilation de la délinquance routière à la délinquance ordinaire ne va pas de soi, si l’on se demande par exemple comment est-ce qu’il faut punir les blessures involontaires commises au volant. Davidovitch entreprend donc de cerner plus complètement les caractéristiques de cette délinquance.

27De 1953 à 1963 la part des délits liés à la circulation rapportée au total des délits augmente et il faut imputer cette progression essentiellement aux homicides, aux blessures involontaires et aux délits de fuite. C’est une criminalité essentiellement masculine, d’individus majeurs, et qui accorde plus de place aux délits pour état d’ivresse à partir de 1960. La répartition par âge montre qu’à partir de 40 ans la proportion des blessures, homicides involontaires et délits de fuite baisse. Sachant que tendanciellement les délits de ruse et d’astuce sont plutôt le fait de délinquants d’âge mûr (55-60 ans, 60 ans et plus), tandis que les délits de prédations et d’agressions ont plus de chances d’être le fait de personnes jeunes, on peut en déduire selon Davidovitch que les délits routiers d’imprudence proprement dits (homicides et blessures involontaires) s’apparentent par leur structure d’âge à des délits considérés comme des atteintes intentionnelles à l’intégrité de la personne humaine, recelant un « fond d’agressivité » commun propre à la jeunesse. De même, ce sont plus souvent les moins de 35 ans qui se livrent sur les voitures à des délits tels que le vol, le recel et la conduite sans permis. À l’inverse, les délinquants de 35 ans et plus sont surreprésentés dans les délits dits de ruse tels que les infractions aux règles relatives aux conditions administratives de circulation des véhicules ou aux fraudes. De la prise en compte des structures socioprofessionnelles et de la répartition par état matrimonial, on peut déduire que cette délinquance est imputable à des catégories de population que seule la situation de conduire porte à l’agressivité. Enfin, considérant que moins de 40 % des auteurs d’homicides involontaires et moins de 20 % des auteurs de blessures involontaires sont emprisonnés, mais que par contre les fortes peines d’amendes ne sont pas rares pour ces délits,

« Il est permis de déduire de ces chiffres que les auteurs de délits d’imprudence proprement dits, homicides involontaires et blessures involontaires se recrutent, pour une importante fraction d’entre eux, dans les couches sociales disposant d’un certain revenu, sans quoi les tribunaux ne les frapperaient pas d’aussi fortes amendes » (Davidovitch, 1968 – chapitres d’ouvrages collectifs, 248).

28Davidovitch fait donc l’hypothèse que les délits routiers d’imprudence ont un caractère largement occasionnel et circonstanciel, et que, à ce titre, ils concernent un large éventail de catégories socioprofessionnelles.

29Si l’on prend en compte la récidive, en considérant que c’est un indicateur d’un engagement intense dans la délinquance, on s’aperçoit qu’elle concerne surtout les délits contre les biens, ce qui confirme qu’ils constituent la délinquance type des sociétés actuelles. Or, la criminalité routière des récidivistes se situe entre les plus forts taux connus de délinquance « classique » (escroqueries) et les moins élevés (blessures involontaires), ce qui laisse supposer que ces délits routiers s’articulent bien sur chacune de ces catégories prises comme des pôles idéaux typiques et opposés des formes de délinquance. Les liens entre délinquance ordinaire et délinquance routière existent même s’ils apparaissent complexes. On ne peut donc pas conclure à l’existence d’un nouveau type de criminalité, même s’il s’agit sans doute d’une délinquance spécialisée.

Les recherches sur la déviance et la délinquance en milieu urbain

30À côté de l’étude du système pénal en général et de celle de certains contentieux en particulier, il faut aussi détailler quelque peu une recherche que Davidovitch n’a fait qu’initier, à laquelle il prévoyait une suite qui n’a pas eu lieu. Au début de l’année 1964, Davidovitch s’intègre dans une recherche collective initiée au sein du Centre d’études sociologiques par l’Institut de sociologie urbaine, dirigé alors par Henri Lefebvre [24]. Cette recherche porte sur « les conséquences de l’industrialisation sur les fonctions et la structure des villes ». Parmi les indicateurs sociaux, au chapitre « Tensions et névroses » figurent la santé, la déviance et la criminalité. Et parmi les problématiques, il y a celle-ci : « Les aspects criminogènes de l’industrialisation et de la vie économique (détermination de nouvelles formes de la criminalité concernant la famille, la vie morale, la vie économique et tout ce qui touche à l’ordre public » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 1) [25]. Au départ, la recherche doit comparer deux villes de taille moyenne : Orléans et Mulhouse. En réalité, pour des raisons budgétaires, elle s’arrêtera après l’étude de la première (d’octobre 1965 au printemps 1967). Cette recherche est pour Davidovitch l’occasion de déborder totalement du cadre pénal dans lequel il inscrivait jusqu’ici ses recherches, pour s’intéresser à la police, à ses modes d’enregistrement et à sa relation à la population et, à partir de là, poser la question de certaines déviances et délinquances au sein des milieux populaires urbains, de leurs représentations et de leurs modes de vie. Ce faisant, il ouvre incontestablement de nouveaux champs de recherche [26].

Un nouvel angle d’approche : le point de vue policier local

31Davidovitch constate que les seules statistiques directement disponibles à l’époque sont celles de la justice. Il constate que la criminalité légale est la moins représentative : « L’unité de compte étant actuellement, dans la grande généralité des statistiques publiées, l’individu condamné, il est évident que près de 60 % des faits susceptibles de nous intéresser échapperaient à l’investigation, en l’état actuel de la documentation publique » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 3). D’où le travail au niveau d’un commissariat : « un niveau opérationnel aussi proche que possible de la criminalité locale ». Mais Davidovitch devine que, derrière le « crime », il va rencontrer une vie sociale plus complexe et plus dense :

« L’image qui nous serait offerte, à ce niveau de la criminalité de la cité, serait plus authentiquement l’expression de toutes les tensions banales de la vie quotidienne (menaces, injures, disputes, coups légers, troubles du voisinage). Là nous entrerions dans la zone des tensions sociales, qui désigne les espaces sociaux où il y a danger de délinquance. C’est là que nous pouvons saisir les premiers symptômes des phénomènes évolutifs de la délinquance, de la prédélinquance, et de ce que les criminologues désignent sous le vocable d’état dangereux » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 4) [27].

32Plus profondément encore, le niveau policier permet de saisir « une multitude de manifestations de la vie urbaine », des « faits de déviance », de « tension entre individus et groupes », « entre individus et collectivité sociale considérée comme totalité ». Le sociologue suggère ici que ces données ouvrent sur une analyse de la déviance et des normes qui déborde le droit pénal pour s’étendre à « ce qu’il est convenu d’appeler l’ordre public et peut-être même les bonnes mœurs » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, p. 1).

33Enfin, Davidovitch comprend aussi l’intérêt et la nouveauté du fait de se placer au niveau policier d’observation de la déviance et de la délinquance. Il comprend qu’il esquisse à certains égards des éléments pour une sociologie de la police. En effet, le travail réalisé au sein du commissariat est nécessairement imprégné de la vie policière qu’il permet aussi d’étudier : « À ce titre, notre recherche contient donc des éléments pour une sociologie implicite de la fonction policière » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 8). Il dira plus loin que « la constitution de cette sociologie de la police reste à faire et ne se fera pas en dehors d’une étroite collaboration entre toutes les branches de la sociologie » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 2) [28].

Réflexion sur les données policières

34En pénétrant l’univers policier, Davidovitch et son équipe rencontrent quatre sources d’informations différentes, qu’ils vont tenter d’exploiter : 1 / « les statistiques de police judiciaire et quelques statistiques spéciales élaborées par le service », 2 / le rapport journalier, 3 / les registres de main courante, 4 / « divers autres documents et études effectuées par le service ». Chacune est de nature et de portée différentes.

35La statistique de police judiciaire enregistre les faits connus de la police, ce qui ne veut pas dire « définitivement établis ». Certains ne donneront pas lieu à des poursuites : « Il y a là une des causes, mais non l’unique, ni même la plus décisive peut-être, de l’écart entre les chiffres de la statistique policière et judiciaire » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 7) [29]. En effet, « une seconde cause réside dans la différence des unités de compte employées ». La statistique judiciaire française n’est pas une statistique des infractions, mais une statistique des condamnés (qui, de surcroît, ne retient que la condamnation à l’infraction la plus grave dans une affaire qui peut en comporter une pluralité) [30]. Se pose enfin le problème des doubles comptages : « Un fait est toujours porté en statistique par le service qui a été le premier à le constater, et par celui-là seulement [...]. En clair, cela signifie que les enquêtes continuées ne viendront plus fausser la statistique des faits et des auteurs. Il subsiste cependant une certaine possibilité théorique pour que, de bonne foi, deux services indépendants ou divisionnaires (deux commissariats de quartier par exemple, ou un commissariat et le service régional de la police judiciaire) prennent connaissance du même fait, ou identifient simultanément le même individu, chacun croyant qu’il est le seul et le premier à le faire » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 10). Malgré ce dernier problème (et d’autres encore [31]), la statistique policière est cependant « plus proche de la réalité » que la statistique judiciaire.

36Le rapport journalier est un document interne, de caractère plutôt administratif : « Il est destiné à informer les autorités hiérarchiques du niveau d’activité du service dans certains domaines. [...] Il s’agit toujours d’un compte rendu analytique et signalétique des principales activités du service et des principaux événements constatés pendant le laps de temps concerné » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 66). Le rapport enregistre aussi bien les plaintes des habitants que les initiatives de policiers. Dans sa rédaction, il ressemble beaucoup au registre de main courante, indique aussi la suite donnée à l’intervention policière. L’intérêt principal de cette source est l’ouverture qu’il offre sur la vie sociale quotidienne. On y trouve aussi bien les agressions que les suicides, les accidents, les morsures de chiens, les bagarres, les ivresses sur la voie publique, les conflits de voisinage, mais pas les vols et les accidents de la route. Aux yeux du sociologue, « on ne trouvera nul document statistique ou judiciaire qui offre une telle variété d’événements localisables dans la ville, rapportables à des personnes déterminées, sur la base de quelques notations sommaires, succinctes, mais déjà utiles pour prendre un premier contact avec ce qui trouble, dérange la vie de la cité et oppose entre eux certains habitants » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 66). Dès lors, « c’est leur dénombrement, leur report sur des cartes, qui nous fourniront les premiers éléments et instruments d’analyse des tensions et des déviances. Convenablement systématisées, ces informations doivent permettre d’élaborer non seulement des indicateurs de pathologie sociale, mais aussi des indicateurs de qualité de vie, au sens positif du terme » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 67).

37L’équipe a ainsi analysé les plaintes enregistrées dans ce rapport journalier durant les six premiers mois de l’année 1964. Puis ils ont analysé les événements autres que les plaintes, sur les trois premiers mois de l’année, « conjointement avec l’étude du contenu d’un certain nombre de registres de mains courantes ». Ils ont pu établir de la sorte « une carte de localisation des vols et une série de tableaux relatifs à la fréquence, au lieu de production et aux caractéristiques des lieux de production des faits signalés dans les plaintes » [32]. De cette carte, ressortent immédiatement les lieux privilégiés des vols : le centre-ville, les abords des grands magasins, les parkings de la gare, du cinéma, de l’hôpital. L’analyse des fréquences permet de repérer un phénomène de séries concentrant les mêmes faits, parfois dans la même nuit, dans le même quartier, le long du même boulevard.

38Le registre de main courante est un document encore différent du précédent. Voilà en effet « un document très important [en interne], dont la tenue est strictement réglementée et le contenu rigoureusement contrôlé par les chefs de service » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 89) [33]. Il relate succinctement toutes les opérations effectuées par les policiers de jour comme de nuit, ainsi que tous les incidents survenus aux postes de police (interrogatoires, écrous, gardes à vues). Davidovitch pousse ici l’analyse plus en avant sur la signification sociale de ce registre de constatations [34]. Il s’agit pour lui d’essayer de comprendre « le style de relation » entre la police et ses publics : « Le problème qui se pose quant à l’exploitation de ce document – du moins si l’on veut éviter de tomber dans les facilités de l’anecdote et du pittoresque – est essentiellement un problème de dénombrement, donc de classification et de calcul des fréquences, afin d’assigner à chaque variété d’incident, de notation, d’intervention, sa place véritable dans le système des rapports “police-public”. Il y a certainement un style de relation propre aux rapports de la police avec les différents milieux qui constituent la population d’une cité, et ce style découle des attitudes de ces milieux les uns vis-à-vis des autres et de l’attitude respective des éléments qui composent chacun à l’égard de la police et réciproquement » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 90-91). Il ajoute cette précision importante : « On retrouve ici notamment la question de la visibilité des événements par la police. Il y a des groupes sociaux dont les membres sont plus facilement dénoncés à la police que d’autres (étrangers, hommes de couleur, vagabonds, voyageurs, etc.). En tout cas, la question du seuil de tolérance du public à l’égard de leurs agissements souvent publics, en raison de leurs conditions d’existence ou modes de vie, pose un problème » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 91) [35]. Cette problématique invite d’abord les chercheurs à se demander de quelle façon la police a eu connaissance des faits, comment est-elle entrée en contact avec eux : est-ce au cours d’une mission de routine ? à la suite d’un appel téléphonique ? d’une lettre de dénonciation ? d’une présentation au commissariat ? Ensuite, il leur faut se demander quelle suite a été donnée ? Clairvoyant, Davidovitch note à ce propos que « c’est d’ailleurs dans le consensus qui s’établit, à cet égard, entre l’auteur de la demande et le fonctionnaire de police qui règle – et bien entendu relate l’incident sur la main courante – que réside le fondement de plus d’une intervention policière de caractère purement social, réductrice des tensions ou d’état dangereux – comme dirait le criminologue » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 92).

39Il n’en reste pas moins que cette source est à ses yeux absolument essentielle, car « tout ce que la police sait intéresse le sociologue, en tant qu’indices, ou mieux en tant que moyens ou éléments pour la construction d’indicateurs des comportements ou attitudes caractéristiques de certains groupes de personnes ou de groupe sociaux » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 120). Émergent par exemple des incidents rarement enregistrés ailleurs comme les déclarations d’abandons de domicile conjugal. Approfondissant ce point, Davidovitch montrera, d’une part, que ces données fournissent un élément supplémentaire à l’étude des « processus de dissociation familiale », d’autre part, qu’en fin de compte elles renseignent surtout sur le rapport de la police avec les milieux populaires (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 133 et s., 152).

40Enfin, l’équipe de Davidovitch a eu accès à divers rapports de police concentrant des données et des analyses sur deux phénomènes qui préoccupent tout particulièrement la police urbaine locale et font l’objet de spécialisation formelle ou informelle au sein des effectifs de police locaux : d’une part, celui de la « prédélinquance des mineurs » (sont désignées ainsi à l’époque les fugues, la prostitution et l’homosexualité chez les mineurs), de la délinquance des mineurs proprement dite, des bandes de mineurs délinquants et enfin des mineurs victimes d’infractions (essentiellement de violences), d’autre part, celui des « nomades stabilisés et autres inadaptés sociaux dans la banlieue orléanaise » (il s’agit essentiellement des gitans et des sans domicile fixe). De cet ensemble de données, et bien qu’ils ne les aient pas complété par un travail de terrain [36], Davidovitch et son équipe vont tirer des réflexions tout particulièrement intéressantes en matière de sociologie de la déviance, utilisant pleinement les nouvelles théories interactionnistes sur « les processus de ségrégation et de “stigmatisation” » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 189).

Une application de la théorie de la stigmatisation

41Dans la seconde édition de son ouvrage sur la criminalité à Orléans, Davidovitch va reformuler ses propos finaux en utilisant massivement la « théorie de la stigmatisation » alors en pleine découverte en France (cf. Mucchielli, 1997, 10 et s.). Du reste, il ne cite précisément aucun auteur américain, la formulation semble « aller de soi » [37]. À propos des « nomades stabilisés », plus couramment appelés gitans ou « romanichels » dans le langage commun, Davidovitch constate un climat de dénonciation entretenu massivement par la société de chasse, les élus locaux et la presse locale. Il relève « leur stigmatisation comme délinquants ou déviants, l’appel au renforcement des mesures coercitives ou répressives à l’égard de ces gens, l’insistance à souligner le sentiment d’insécurité qu’éprouveraient les honnêtes citoyens en raison des agissements et du voisinage des populations ainsi désignées, sentiment d’insécurité qui pourrait conduire ces citoyens à “assurer leur police eux-mêmes” » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 187). Or, souligne Davidovitch, l’enquête menée par son équipe « aboutit à des conclusions nettement plus nuancées que celles qu’on aurait dû prévoir si l’on n’avait considéré que les griefs formulés par les autorités communales », une petite minorité provoquant la stigmatisation de toute une population.

42En réalité, Davidovitch propose l’analyse générale suivante [38]. Le point de départ du problème est l’installation de nomades à la périphérie immédiate d’une ville « où dominent les traditions bourgeoises – cité traditionaliste en même temps qu’en pleine expansion économique », ce qui a pour effet de constituer « une zone d’hétérogénéité sociale, voire de sous-développement ». Dans cette zone, se constitue « un noyau de sous-culture délinquante ou pour le moins de modes de vie qui en facilitent la genèse ». Fatalement, ce noyau délinquant « contribue à détériorer l’image sociale de l’ensemble du groupe qui est perçu comme délinquant ou pour le moins déviant dans sa totalité, alors qu’il ne l’est pas effectivement ». En cela, « la presse contribue à entretenir et à alimenter – faits divers – cette représentation dépréciatrice de l’ensemble du groupe ». Enfin, Davidovitch estime qu’ « on doit même se demander, à la lumière de certaines théories criminologiques modernes (stigmatisation) si la délinquance du “noyau” n’est pas pour une large part une criminalité de type réactionnel. Perçus comme déviants ou délinquants, les membres de ce groupe se vivent sans doute comme tels ; d’autre part, ils sont plus “visibles” pour la police et peut-être plus souvent dénoncés aussi au cours de rixes par exemple dans les bistrots (où ils doivent soutenir une réputation de durs) que les citoyens moins repérés par leurs concitoyens. La marginalité sépare, mais en même temps rend plus visible ». Le sociologue note enfin que « ce groupe de famille dans sa presque totalité constitue en outre une charge pour les collectivités locales. On essaie de s’en débarrasser ».

43On voit donc à travers cette recherche combien Davidovitch était soucieux de ne pas se limiter à l’étude du système pénal et d’ouvrir aussi quelques chantiers en matière d’analyse sociologique des pratiques délinquantes et de leur interaction avec leurs environnements immédiats.

Conclusion

44Dans l’histoire française de la sociologie du crime, il nous semble qu’André Davidovitch a joué un triple rôle essentiel de passeur institutionnel, d’animateur intellectuel et de défricheur pour la recherche, rôle qui n’est pas reconnu à la mesure de son importance [39].

45Passeur institutionnel, Davidovitch l’est en tant qu’il constitue, dans ce domaine, le point d’articulation entre deux grandes générations : celle des durkheimiens historiques (dont le dernier est ici Henri Lévy-Bruhl) et celle qui a construit la sociologie moderne à partir de la fin des années 1960 (le plus important étant sans doute Philippe Robert). Davidovitch fut la véritable cheville ouvrière de cette nouvelle sociologie criminelle issue de la conjonction des intérêts sociologiques et juridiques de Le Bras et surtout de Lévy-Bruhl. À une époque éminemment conflictuelle où quelques patrons, préoccupés de redéfinir la sociologie tout en surinvestissant certains objets de recherche, s’affrontent en insistant sur leur rupture avec la tradition durkheimienne de l’ère précédente (cf. Marcel, 1997), la sociologie criminelle de Lévy-Bruhl et Davidovitch est passée relativement inaperçue dans les débats de l’époque, lors même que son affirmation identitaire durkheimienne est centrale. Pourtant, Davidovitch a amplement aidé à « faire pénétrer la sociologie du crime dans l’establishment sociologique, peu intéressé à ces questions », usant de son (relativement mince) pouvoir pour « réinstituer » la sociologie du crime dans la sociologie [40].

46Davidovitch a joué ensuite un rôle déterminant d’animateur intellectuel de ce domaine de recherche, d’une part, comme organisateur du groupe de recherche en sociologie criminelle du début des années 1950 jusqu’à la mort de Lévy-Bruhl (1964) et à la scission avec les juristes, d’autre part, comme l’une des chevilles ouvrières (peut-être la principale dans les années 1960) de L’Année sociologique où il a maintenu et entretenu avec constance ce domaine de recherche, passant finalement le flambeau à Ph. Robert et à son équipe.

47Enfin, n’oublions pas que, par ses travaux empiriques dans le champ pénal, Davidovitch a inauguré en France une posture sociologique et critique qui se situe dans la droite ligne de l’école française de sociologie. Il a notamment, le premier, adopté un regard réflexif sur les statistiques pénales. Et ce regard distancé ne s’est pas construit dans l’éloignement d’avec les données empiriques. Bien au contraire, Davidovitch est le premier à avoir réellement « mis les mains dans le cambouis » pour décortiquer ces données, comprendre leur signification, débusquer leurs failles et tenter par ailleurs de construire des séries chronologiques de longue durée afin de constituer une véritable base de données [41]. Avec ses recherches à Orléans, il commençait de surcroît à faire le même travail d’analyse sur les statistiques policières. Enfin, il est permis de juger que, dans ses travaux empiriques sur certains contentieux (les escroqueries, la délinquance routière) et sur les phénomènes de délinquance urbaine (ses recherches à Orléans), Davidovitch a aussi posé un certain nombre d’analyses sociologiques qui méritent d’être connues de ceux qui continuent d’investir ces questions.

48Homme modeste et discret, peu attiré par le pouvoir, les luttes et les honneurs académiques, davantage attaché aux relations personnelles, n’ayant jamais (en partie pour ces raisons) reçu les moyens de développer beaucoup son domaine de recherches au CNRS, et ayant peu publié à partir de 1970 [42], Davidovitch est passé au second plan de la vie de la sociologie du crime passé cette date (et bien qu’il ait continué à travailler jusqu’à sa retraite en 1985). Il eut certes une grande satisfaction dans l’organisation et la publication du grand colloque de Lyon-Villeurbanne en 1977. Toutefois, les dernières années de sa vie furent assez solitaires. Au Centre d’études sociologiques, il a laissé le souvenir d’un « homme à lunettes » charmant et affable, travaillant seul dans son bureau et venant de temps à autre faire la conversation avec le personnel de la bibliothèque pour se distraire [43]. Son isolement final fut bien peu mérité au regard du rôle charnière qu’il a joué à un moment donné de l’histoire de la sociologie du crime en France.

Notes

  • [1]
    Nous reprenons cette juste formule de Ph. Robert (Robert, 1994, 431).
  • [2]
    La liste des entretiens que nous avons réalisés avec des personnes ayant bien connu André Davidovitch apparaîtra dans le fil du texte. Signalons que Davidovitch avait été décoré de la Croix de guerre (citation à l’ordre de la division) et que, suite à une blessure par balles, il avait une pension d’invalidité de 20 %. Il manifestait « un patriotisme français sympathique et simple », selon les mots de Jean Carbonnier (entretien du 15 octobre 2003).
  • [3]
    Les cours de sociologie juridique dispensés par Lévy-Bruhl à l’EPHE sont encore assez mal connus. Or, ils semblent avoir eu un rôle important dans l’essor de la sociologie criminelle en France, celui d’une pépinière de recrutement ; puisqu’ils ont été suivis, outre Davidovitch, par des étudiants étrangers comme Denis Szabo et Vasile Stanciu, que l’on retrouvera notamment associés aux activités du Centre d’études sociologiques à partir de la fin des années 1950, ainsi que par des juristes comme Georges Levasseur. Une recherche récente de Frédéric Audren dans le fonds privé qu’a bien voulu mettre à sa disposition M. Léon, fille de Lévy-Bruhl, a permis de dresser le plan de cours suivant : 1949-1950 : droit des morts ; 1950-1951 : l’esclavage ; le système des preuves ; 1951-1952 : la guerre ; le suicide ; 1954-1955 : symbolisme et ritualisation juridique ; 1957-1958 : les contacts des systèmes juridiques ; 1960-1961 : le pouvoir judiciaire ; 1961-1962 : la France criminelle ; 1960 à 1963 : les crimes et les délits.
  • [4]
    Archives Davidovitch, Exposé des titres et travaux de M. André Davidovitch, 1984. Nous n’avons pas pu vérifier s’il avait obtenu le grade de Directeur de recherches auquel il candidatait les dernières années. Par ailleurs, plusieurs témoignages concordants font état d’une intense activité syndicale de Davidovitch dans les années 1970. Une recherche dans les archives syndicales serait à mener pour en savoir davantage.
  • [5]
    L’intitulé de la section alterne selon les volumes avec celui de « sociologie juridique et morale ».
  • [6]
    Archives Davidovitch, Projet de programme du groupe de sociologie criminelle, rapport fait à M. Stoetzel, avril 1956.
  • [7]
    Il est intéressant de noter les commentaires faits par Davidovitch au sujet de cette étude, dans son texte de candidature pour le grade de directeur de recherche en 1984 ; il indique bien l’origine de ce travail : « Le sujet de Mémoire sur l’escroquerie a été suggéré par Henri Lévy-Bruhl. Personnellement j’aurais préféré me lancer dans une étude plus théorique, sur le système criminologique de Durkheim. Mais la “criminalité astucieuse” au lendemain de la guerre constituait un objet de préoccupation générale. Lévy-Bruhl avait déjà réalisé une enquête sur l’abus de confiance. [...] Il m’a donc tout naturellement demandé, lorsqu’il m’engagea comme stagiaire, de prendre le relais, avec une étude sur l’escroquerie » (Exposé des titres et travaux de M. André Davidovitch, 1984, p. 15, texte ronéotypé).
  • [8]
    Qui donnera lieu à une publication dans L’Année sociologique que la postérité consacrera comme une référence de base de la sociologie criminelle en France : « L’escroquerie et l’émission de chèques sans provision » (Davidovitch, 1957 – articles).
  • [9]
    De l’auteur, voir notamment (Oeconomo, 1961).
  • [10]
    Archives Davidovitch, Projet de programme du groupe de sociologie criminelle, rapport fait à M. Stoetzel, avril 1956.
  • [11]
    Jean Carbonnier nous a confirmé cette interprétation en insistant, pour expliquer cette scission, sur des différences de postures intellectuelles et théoriques et en les résumant par ces boutades : « La sociologie criminelle a besoin des criminels », tandis que la sociologie du droit pénal aurait plutôt une attitude consistant à dire : « Emportez vos criminels, ils nous embêtent. » Il a ajouté qu’au demeurant les deux laboratoires ont longtemps partagé les mêmes salles et le « même secrétariat » (entretien cité).
  • [12]
    Notons ici que, si tous les acteurs interrogés parlent de l’ « URSC », les documents administratifs mentionnent généralement une unité de recherche « URES Droit, justice et criminalité ».
  • [13]
    À la différence des deux grands centres de recherches « criminologiques » créés par le ministère de la Justice et associés au CNRS à cette époque : le Centre de Vaucresson, dirigé par H. Michard et J. Sélosse, et le SEPC (qui deviendra le CESDIP en 1983) dirigé par Philippe Robert (cf. Mucchielli, Marcel, 2002). Avec ce dernier centre, l’unité de Davidovitch entretiendra des relations plus étroites, au point qu’un séminaire conjoint « Le système de justice pénale : fonctionnement et représentation » sera organisé au cours de l’année 1981-1982, sous la direction de Davidovitch et Robert, et édité l’année suivante (Bailleau, 1983).
  • [14]
    F. Bailleau (entretien 10 juin 2003) entre au CNRS en 1981 et rejoint immédiatement l’unité. C. Bonnemain (entretien 2 avril 2003) rejoint l’URSC en 1976 comme ingénieur d’études (mais elle connaissait Davidovitch depuis longtemps, ayant été quelques années auparavant correctrice d’épreuves pour L’Année sociologique). Denise Ensellem n’a pas souhaité s’entretenir avec nous. G. Garioud (entretien 10 avril 2003) commence à travailler à l’URSC en 1974, par le biais du Centre de sociologie des organisations, il entre au CNRS en 1980 et rejoint alors l’équipe. M.-L. Pottier (entretien 22 avril 2003) arrive en 1975 à l’URSC comme ingénieur d’études. Signalons aussi parmi les dernières collaboratrices de Davidovitch : Nicole Giraudeau et Annie Hublin. Indiquons enfin deux autres chercheurs qui ont travaillé occasionnellement dans l’URSC, tout en étant rattaché à un autre laboratoire (le Centre de sociologie des organisations dirigé par Michel Crozier) : Catherine Ballé et Benoît Bastard. Catherine Ballé a travaillé en réalité dans l’équipe de Davidovitch pour préparer sa thèse consacrée à « La menace et son traitement judiciaire : étude sociologique d’un langage de la violence » ; Davidovitch signera du reste la préface de la version publiée (Ballé, 1976).
  • [15]
    Entretien Pierre Couvrat (2 juillet 2003).
  • [16]
    Entretien Jean-Paul Jean (9 mai 2003).
  • [17]
    Sa sociologie est, on le sait, essentiellement durkheimienne. Toutefois, Davidovitch – qui était le contraire d’un esprit de chapelle – ne cessera de rendre également hommage à Gabriel Tarde pour ses intuitions en matière d’analyse de la criminalité et de la justice pénale, notamment dans l’article sur « les délits impoursuivis » (Tarde, 1895 b, 211-222) qui a manifestement contribué à inspirer à Davidovitch la notion d’ « économisme du système pénal », défini comme « une orientation de tout le système vers la solution la plus économique pour atteindre un certain résultat global » (Davidovitch, 1979 b – chapitres d’ouvrages collectifs, 67). Raymond Boudon nous a également indiqué que c’est Davidovitch qui lui avait conseillé de lire Tarde (entretien, octobre 2002).
  • [18]
    La scission de la rubrique s’expliquerait aussi par la présence chronique de relations conflictuelles entre personnes, se souvient le doyen Carbonnier. En revanche, il garde de Davidovitch le souvenir d’un « membre actif » de L’Année sociologique, un intermédiaire indispensable à la bonne marche de la revue qui jouait un « rôle précieux » auprès de la direction de la recherche, car il « cherchait un compromis » (entretien cité).
  • [19]
    C’est encore ce que Davidovitch écrit dans ce qui est sans doute son dernier texte, la présentation générale du numéro thématique de L’Année sociologique, en 1985 : « Le crime en soi n’existe pas. Seul existe un objet qualifié comme tel par une autorité investie du pouvoir de le faire. Tel est en tout cas la réalité des choses dans nos sociétés modernes. Aucun fait matériel (action ou abstention) n’est en soi crime ou délit. Il le devient quand et lorsqu’il est qualifié par un organe social compétent pour le faire » (Davidovitch, 1985 – chapitres d’ouvrages collectifs, 9).
  • [20]
    Cf. Lévy-Bruhl, 1957-1958. Lévy-Bruhl y écrit notamment que « la statistique est l’instrument par excellence qui permet (disons : qui permettrait) de mieux connaître les différents aspects que présente ce phénomène si universellement répandu qu’est le crime. Elle seule permet de s’en faire une idée précise, parce qu’elle seule, se plaçant sur le plan quantitatif, nous invite à rechercher les causes de ses variations » (Lévy-Bruhl, 1957-1958, 357).
  • [21]
    Jean Pinatel en fera par exemple l’éloge appuyé (Pinatel, 1970, 173). Avec plusieurs personnes interrogées dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes demandés pourquoi cet article pionnier et cette collaboration n’eurent pas de suite. La réponse nous a été donnée par Raymond Boudon lui-même (entretien, octobre 2002). Davidovitch, qui a toujours cherché à s’attacher les services d’un spécialiste en méthodes quantitatives, proposa à l’époque à Boudon d’intégrer son réseau de sociologie criminelle. Ce dernier ne donna pas suite à ce qu’il considérait comme une collaboration ponctuelle dans le cadre de ses travaux sur les modèles de simulation.
  • [22]
    Soulignons que Davidovitch est, à notre connaissance, le premier sociologue à proposer une analyse détaillée de cette source et de son histoire depuis sa création (en 1825), dans une note de L’Année sociologique du milieu des années 1950, au moment où cette source connaît un certain renouveau (Davidovitch, 1958 – notes critiques et comptes rendus). Il est aussi le premier à tenter de constituer une base de données rétrospective à partir de là (cf. infra, n. 41).
  • [23]
    Le questionnaire est passé à des magistrats qui instruisent des affaires, et à des officiers de police. Les années de référence sont celles de l’ouverture des poursuites (1951) ou du prononcé des jugements (1938).
  • [24]
    L’équipe travaillant sur ce projet comprend Nicole Haumont, Marie-Geneviève Dezes, Davidovitch (qui se définit dans ce groupe comme « sociocriminologue »), Antoine Haumont et Henri Raymond.
  • [25]
    Il s’agit d’un programme de grande ampleur, financé par la Délégation générale à la recherche scientifique et technique (contrat 65 FR 019), qui lui permet de recruter à titre principal trois assistants de recherche : Laure Duparc, Denise Ensellem et Françoise Lejay.
  • [26]
    Signalons les remarques de G. Levasseur à propos du caractère pionnier et important de la recherche de Davidovitch sur les mains-courantes des commissariats (Levasseur, 1972, 18). Et insistons sur la reprise de cette direction de recherche dans la thèse de Cécile Barberger-Damamme (1981), Davidovitch faisant partie du jury et étant clairement désigné par l’auteur comme le pionnier en ce domaine.
  • [27]
    On verra par la suite de quoi il retourne précisément.
  • [28]
    Davidovitch signale que l’étude a pu se réaliser au commissariat central d’Orléans grâce à la médiation de Jean Susini, commissaire divisionnaire, alors secrétaire général de la Société française de criminologie et chroniqueur des questions de police dans la Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé.
  • [29]
    Davidovitch reprend ici des analyses publiées par ailleurs dans son texte sur : « Les statistiques criminelles descriptives » (Davidovitch, 1965 – chapitres d’ouvrages collectifs), ainsi que dans son travail avec R. Boudon sur les abandons de poursuites.
  • [30]
    « Ainsi, un automobiliste conduisant en état d’ivresse renverse et tue un piéton, prend la fuite, puis est finalement arrêté. En pareil cas, la statistique de police compte trois faits qui, ici, sont aussi des infractions : conduite en état d’ivresse, homicide involontaire, délit de fuite. Dans la statistique judiciaire, nous ne retrouverons au contraire qu’un seul condamné pour homicide involontaire, l’ivresse au volant et le délit de fuite devenant de simples circonstances aggravantes de l’infraction principale » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 8).
  • [31]
    Davidovitch signale notamment que, dans les données de police judiciaire qu’il dépouille, la présentation globale des atteintes aux personnes comprend les suicides et les morts accidentelles.
  • [32]
    Davidovitch précise que « cette carte est très approximative », elle ne désigne pas les immeubles visés car, « pour des raisons très compréhensibles, nous ne tenions pas d’ailleurs à permettre une localisation aussi précise du domicile des personnes impliquées » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 69).
  • [33]
    Davidovitch notera plus loin, en passant, que « tous ces registres paraissent encore jouer le rôle d’instrument de contrôle de la police par elle-même et de l’activité de ses agents » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 119).
  • [34]
    Signalons aussi les remarques de Davidovitch sur le langage de la police qui n’est pas celui des plaignants (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 132, 148). Il s’agit à nouveau d’une piste qui donnera lieu ultérieurement à des travaux, en particulier sur le versant judiciaire ( « le langage de la justice » ).
  • [35]
    Dans l’édition de 1974 de son rapport, Davidovitch signale ici qu’il rejoint M. McClintock (McClintock, 1970).
  • [36]
    Ce que Davidovitch est le premier à déplorer : « Les problèmes posés par cette population auraient dû constituer un motif puissant pour entreprendre en son sein une recherche de type actif avec observation – si possible participante. Mais, à notre grand regret, une telle investigation qui aurait pu s’avérer socialement utile et théoriquement importante n’a pas pu être organisée par nos soins » (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés, 189).
  • [37]
    On remarquera aussi que cette reformulation du propos final est publiée presque la même année (1974) que la nouvelle édition refondue du livre de Ph. Robert (Les bandes d’adolescents) qui est désormais cosigné avec Pierre Lascoumes et qui porte un nouveau sous-titre : Une théorie de la ségrégation (Robert, Lascoumes, 1974).
  • [38]
    Nous condensons ici les développements des p. 189-191 (Davidovitch [1966], 1975 – communications et textes non publiés).
  • [39]
    Nous l’avions suggéré dans un panorama de l’histoire de la sociologie du crime dans la seconde moitié du XXe siècle (Mucchielli, Marcel, 2002), sans pouvoir toutefois l’analyser de façon détaillée.
  • [40]
    Ph. Robert, entretien cité.
  • [41]
    Base de données que reprendra et développera le SEPC, devenu CESDIP en 1983, et qui sera appelée « Base Davido » en hommage à son concepteur initial. Davidovitch sollicitera Bruno Aubusson de Cavarlay (chercheur au SEPC) au tout début des années 1980 et fera de cette base de données un projet commun entre les deux unités (entretien avec Bruno Aubusson de Cavarlay, 4 septembre 2003). Le projet ne démarrera cependant qu’en 1983 avec l’arrivée au CESDIP de Marie-Lys Pottier et Marie-Sylvie Huré (cf. Aubusson de Cavarlay, Huré, Pottier, 1989).
  • [42]
    Certes, Davidovitch travaillait très lentement et méticuleusement, nous ont confié tous ses collaborateurs. Mais d’autres raisons interviennent. L’une tient sans doute fondamentalement au fait qu’il s’était attelé à une tâche sans fin ou à un projet méthodologiquement inachevable : la modélisation de l’ensemble du système pénal (même sa recherche finale sur la typologie des parquets est demeurée en partie inachevée). Dans son texte de candidature au grade de Directeur de recherches, en 1984, Davidovitch disait lui-même en être encore au stade d’hypothèses générales requérant davantage de travaux historiques et statistiques). Enfin, dans son entretien, Bruno Aubusson de Cavarlay a attiré également notre attention sur la prudence que Davidovitch manifestait à l’égard des autorités policières et judiciaires ( « on avait parfois l’impression qu’il ne voulait pas les fâcher et qu’il n’allait pas au bout de ses raisonnements, alors qu’il en avait tous les moyens comme le montre en particulier son texte sur les catégories statistiques et les catégories sociologiques » ). Cette impression pourrait peut-être être rapprochée de ce que Davidovitch écrivait lui-même, toujours en 1984, évoquant son travail de façon générale : « En ce qui nous concerne, notre entrée au CNRS, sous l’égide d’Henri Lévy-Bruhl, signifiait que nous acceptions de nous insérer dans ce mouvement [ « le développement de la sociologie criminelle en France » ] et, tout en sauvegardant au maximum notre liberté dans la démarche scientifique, de répondre à certaines attentes institutionnelles » (Exposé des titres et travaux de M. André Davidovitch, 1984, p. 15).
  • [43]
    Entretien avec Françoise Aulagne-Derivry (mars 2003), qui fut bibliothécaire au CES.
Français

RESUME. — Au nom d’André Davidovitch, on peut associer le renouveau des recherches sociologiques sur la criminalité après la Seconde Guerre, dans un domaine traditionnellement occupé par les juristes. Étudiant d’Henri Lévy-Bruhl, il perpétue, après la disparition de ce dernier, une tradition de recherche inspirée de la sociologie durkheimienne. L’activité de Davidovitch s’effectue principalement au Centre d’études sociologiques et dans L’Année sociologique. Étudiant ce double phénomène social que constituent le crime d’une part, et la peine d’autre part, Davidovitch, entre autres travaux marquants, livre une réflexion sur le fonctionnement de la « machine judiciaire », tente de cerner les causes d’une nouvelle criminalité dite « astucieuse », étudie la délinquance routière et la déviance en milieu urbain, secteur traditionnel dans lequel il innove en réfléchissant sur l’utilisation des données policières locales considérées comme indices de comportements. Jouant de la sorte le triple rôle de passeur institutionnel et intellectuel et d’innovateur, il occupe une place charnière dans l’histoire de la sociologie du crime en France.

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  • — 1963, « Remarques sur la criminologie de G. Tarde », texte de deux exposés effectués les 19 et 26 avril au séminaire d’Histoire de la sociologie empirique en France, dirigé par le Pr P. Lazarsfeld, texte ronéotypé, 37 p.
  • — 1965 a, « Enquête sur les conséquences de l’industrialisation », exécutée pour le compte de la DGRST par l’Institut de sociologie urbaine, sous l’autorité du Pr Henri Lefèbvre.
  • — 1965 b, Communication conjointe avec celle de R. Boudon sur « L’analyse des mécanismes sociaux de la répression dans le système judiciaire français », 5e Congrès international de criminologie, Montréal, août-septembre.
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  • — 1966 b, « Recherche sur la criminalité en milieu urbain à l’aide de documents policiers (Orléans) », recherche interdisciplinaire exécutée pour le compte de la DGRST par l’Institut de sociologie urbaine, sous l’autorité du Pr Henri Lefèbvre, rapport ronéotypé, 17 novembre.
  • — [1966], 1975, « Recherche sur la criminalité à Orléans, 1964-1965. Éléments de perception de la déviance et de la délinquance au niveau d’un service de police urbaine : le Commissariat central d’Orléans », Paris, document de recherche, Centre d’études sociologiques, deuxième tirage revu et augmenté, septembre.
  • — 1971 a, Notes sur « La crise de l’administration de la justice », présentées au groupe I du troisième symposium international de criminologie comparée, Versailles, 28 avril - 1er mai.
  • — 1971 b, « L’intervention du sociologue dans le traitement social de la déviance et de la délinquance », notes préparatoires à l’introduction des débats du colloque organisé le 13 mars par la Société française de sociologie.
  • — 1975 a, « Administration de la justice et criminalité », communication effectuée le 18 juillet, à l’École nationale de la santé publique de Rennes, pour le compte du Comité de coordination des recherches criminologiques.
  • — 1975 b, « La notion sociologique de type et le phénomène du banditisme », rapport présenté au 15e Congrès français de criminologie sur « Les aspects modernes du banditisme » (9-11 octobre).
  • — S.d., « La délinquance routière dans l’arrondissement judiciaire d’Orléans », rapport pour le 7e Congrès de criminologie.
  • — S.d., « Les statistiques judiciaires françaises comme instrument de contrôle et source de connaissance du fonctionnement de la justice », texte ronéotypé, 54 p., diffusion École nationale de la magistrature.
  • — S.d., « Étude des transformations de la structure de la criminalité et théorie de la sanction pénale ».
  • — S.d., « Mécanismes sociaux de la répression dans le système judiciaire français et sur le développement de la criminalité depuis 1831 ».
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Jean-Christophe Marcel
Maître de conférences à l’Université Paris 4
Laurent Mucchielli
Chargé de recherches au CNRS (CESDIP)
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/anso.061.0083
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