CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1D’une manière générale, la postérité s’est accordée à faire du sport et des jeux une entrée privilégiée et originale de la pensée sociologique d’Élias, lui-même estimant dès la première page de son introduction à Sport et civilisation, que « la connaissance du sport est la clé de la connaissance de la société » (Élias et Dunning, 1998, 25) [1]. En revanche, moins nombreux sont ceux qui ont reconnu la place centrale que l’idée de réseau, sans doute occultée par celle de configuration, occupe dans sa théorie [2]. Pourtant, dès 1939, La société des individus l’appelait ouvertement à jouer un rôle majeur tant pour la compréhension de la société que pour la définition de l’objet sociologique [3]. À l’analyse, les glissements sémantiques qu’opère simultanément Élias sur les notions de jeu et de réseau, investies successivement dans le cadre d’un positionnement sociologique, d’un modèle méthodologique et d’une théorie évolutionniste, renvoient aux soubassements conceptuels ambigus de son œuvre et témoignent du système de tensions qui la parcourt. Marquée par une inversion de leur statut et apport respectifs à la construction de la sociologie, leur relation équivoque indique une délimitation approximative de leur domaine respectif de pertinence, avant d’assigner à cette discipline un rôle prescriptif à l’égard de l’orientation souhaitable à donner aux relations internationales issues du processus historique de civilisation.

I. Les conditions métaphoriques d’un positionnement sociologique intermédiaire

2C’est, dans un premier temps, un rapport de subordination qu’Élias établit entre les notions de réseau et de jeu, ce dernier ne se voulant que l’illustration et le support métaphorique d’un paradigme sociologique nouveau procédant d’une « manière de penser le monde social comme un réseau de relations » [4]. Le jeu ouvre ainsi à titre d’analogie une nouvelle voie épistémologique qui, contre la tendance substantialiste, cherche à « faire comprendre quel est le véritable objet de la sociologie, à savoir les réseaux d’interrelations, les interdépendances, les configurations, les processus que forment les hommes interdépendants » (Élias, 1991 b, 121).

A) Le réseau et « l’étude scientifique des relations » (Élias, 1991 b, 135) [5]

3Selon Élias, la véritable connaissance de l’organisation sociale procède du dévoilement des lois relevant de l’ordre des relations et oblige à « rompre avec la pensée sous forme de substances isolées et [à] passer à une réflexion sur des rapports et des fonctions » (Élias, 1991 a, 55) [6]. Or, l’apparente vertu analytique du rapport individu/société constitue une entrave à l’élucidation de leur relation réelle que l’on perçoit spontanément selon lui dès que l’on adopte une analyse en termes de réseau. L’erreur commune aux optiques holiste et individualiste (stricto sensu) est en effet liée à l’absence d’une analyse per se des relations interindividuelles [7]. Le dépassement de l’alternative est ainsi toujours repoussé en raison de notre impossibilité à échapper au carcan substantialiste que le modèle des sciences de la nature a laissé en héritage dans nos habitudes de pensée et pratiques linguistiques réifiantes, marquées par la conviction que seuls les objets ou corps matériels peuvent répondre à des lois. Dans ces conditions, « la plupart des gens comprennent très difficilement que des relations puissent avoir une structure et une loi propres » (Élias, 1991 a, 52). Immanente ou transcendante, la substance resterait donc omniprésente. D’un côté, les individus sont ces pâtes molles engluées dans le déterminisme d’une masse sociale ; de l’autre, ils sont « comme des piquets fixes entre lesquels la corde des relations ne se tendrait qu’a posteriori » (Élias, 1991 a, 54).

4Visant l’édification d’un positionnement sociologique alternatif aux solutions holiste et individualiste, l’origine de la mobilisation du réseau est en réalité à rechercher dans la théorie de la dépendance qu’Élias soutient contre les méfaits de la conception substantialiste de l’homo clausus principalement héritée de la tradition philosophique du cogito cartésien et des représentations égocentriques de la société qui l’accompagnent [8]. Selon lui, « il n’y a pas de degré zéro de la dépendance sociale de l’individu, pas de commencement ni de brèche par laquelle un être extérieur au réseau d’interpénétration entrerait dans la société, en quelque sorte de l’extérieur, pour se lier ensuite à d’autres hommes » (Élias, 1991 a, 64). Consubstantielle à la nature humaine et posée comme une condition sine qua non de l’existence sociale, la dépendance impose d’emblée de faire de l’individu un construit relationnel permanent dont le processus d’individualisation s’élabore dans « un va-et-vient continu de relations avec les autres » et selon une trajectoire unique qui se construit au rythme de ses interactions (Élias, 1991 a, 64) [9].

5Élias substitue ainsi au mythe de l’autonomie la thèse de « l’homme ouvert » et des homines aperti en développant la notion quasi sociométrique de « valences affectives orientées vers autrui » [10] pour expliquer, à partir du caractère variable et adaptable des structures relationnelles individuelles, la dynamique générale et la transformation de l’équilibre des formations sociales. « En prêtant à chaque homme, à un moment précis, de nombreuses valences dirigées vers les autres [dont] certaines ont trouvé à se lier et se sont fixées, mais d’autres, non satisfaites, sont à la recherche d’un contact ou d’un point d’ancrage » [11], il représente l’espace social comme un ensemble d’individus « vecteurs » (Élias, 1991 a, 75) [12] reliés entre eux par l’ensemble de leur valence d’échange et soumis aux variations de leur organisation mutuelle. Aussi ne peut-on considérer l’individu comme un point isolé mais comme « faisant seulement partie des chaînes que constituent les autres, et chacun des autres – directement ou indirectement – fait partie des chaînes qui le lient lui-même » (Élias, 1991, 52).

6Si, d’un côté, on ne peut donc comprendre un ensemble social « sans se référer au réseau relationnel personnel d’un individu, sans voir comment il se forme à partir de lui » (Élias, 1991 b, 157), de l’autre, le maillage de la société obéit à un « ordre caché » puisque « chacun des êtres qui se croisent dans la rue, apparemment étrangers et sans relations les uns avec les autres, est, ainsi, lié par une foule de chaînes invisibles à d’autres êtres, que ce soient par des liens de travail ou de propriété, des liens instinctifs ou affectifs » (Élias, 1991 a, 49-50) qui tissent autour de l’individu tout un « réseau de dépendances ». Le réseau produit de l’ordre social par des fonctions que les interdépendances scellent [13].

7Entée sur cette théorie de la dépendance [14], la mobilisation du réseau autorise donc, de par sa vertu conceptuelle, à faire sortir l’analyse du rapport individu/société de son abusive polarité théorique dans laquelle il s’est figé pour des raisons, selon Élias, essentiellement axiologiques, et à orienter la sociologie vers l’étude positive de « l’ordre des relations ».

B) Le statut métaphorique du jeu et des sports

8Pour illustrer ce passage de la substance à la relation et cette recherche, par le biais de la notion de réseau, d’une voie médiane, Élias, « à défaut d’instruments de pensée assez maniables pour rendre tout à fait compréhensibles les phénomènes d’entrecroisement et d’interdépendance » (Élias, 1991 b, 70), recourt donc à « une pensée par images » (Heinich, 1997, 88) et fait appel à la métaphore des jeux et des sports qui, à côté de celle de la danse et de la conversation, vise à illustrer les mécanismes concrets de l’interdépendance [15].

9À un premier niveau, Élias l’utilise pour montrer l’existence bien réelle de l’ordre des relations, souvent évacuée par la séparation arbitraire que l’on fait habituellement entre les individus et la société au nom de leur prétendu degré variable de réalité respective. Le football [16], par exemple, corrige cette opinion : si le jeu ne possède, sans les joueurs, aucune existence autonome, ceux-ci adaptent néanmoins leur comportement à l’ensemble des interdépendances qu’implique le jeu [17].

10Bien qu’invisibles, ces relations d’interdépendance ne sont ni plus ni moins réelles et concrètes que les individus et invitent Élias à parler de configuration (Figuration), de processus et d’équilibre des forces (Spannungsgleichgewicht). « En fait, le schéma mouvant que forment les joueurs et le ballon peut servir d’illustration graphique au concept de “configuration” mais aussi à celui de “processus social”. Le processus du jeu est précisément une configuration mouvante d’êtres humains dont les actions et les expériences s’entrecroisent sans cesse » (Élias et Dunning, 1998, 70) [18]. L’interdépendance ne correspond pas à la cristallisation des relations dans des formes sociales figées, mais renvoie au processus dynamique de regroupement des individus dans des configurations successives selon les modifications permanentes de leurs relations qui ont lieu au cours du jeu. Les règles de ce dernier fournissent à cette dynamique un cadre normatif général qui unifie son déroulement, mais de façon suffisamment plastique pour laisser les combinatoires relationnelles s’opérer, à chaque nouvelle partie, selon un mode tout à fait inédit.

11En outre, l’étude de ces combinatoires suppose de dépasser l’analyse séparatiste des phénomènes de tension et de coopération dans les groupes : le football dévoile que la petite société que forment les joueurs est traversée, simultanément et à des niveaux variés, par les deux qui, conjugués, produisent sa dynamique. Le réseau selon Élias s’ordonne donc sur la dialectique des tensions et des coopérations à partir desquelles l’interdépendance se réalise. L’état à un moment donné et l’évolution de l’unité du tout social ne sont ici que les produits variables des actions de conflit et de coopération des parties, de leurs luttes et alliances qui recréent sans cesse le réseau des interdépendances. Le processus du jeu, c’est-à-dire l’évolution globale des formes successives qu’affecte l’interdépendance, et toute sa « tonicité » dépendent « d’une tension entre deux ensembles de joueurs, simultanément antagonistes et interdépendants, qui se maintiennent l’un l’autre dans un équilibre mouvant » (Élias et Dunning, 1998, 284) [19].

12Ainsi, le football se présente comme un « processus social en miniature » à étudier au moyen des notions d’interdépendances, d’équilibre des tensions et de configuration qui serviront par la suite à l’analyse en termes de réseau des formations sociales plus vastes.

II. Le jeu comme modèle méthodologique du réseau

13Dans un second temps, Élias inscrit la relation jeu/réseau dans un programme méthodologique de formalisation du social qui inverse le poids de leurs vertus heuristiques premières et de leur statut respectif. « Les jeux sportifs offrent un modèle tout à fait pertinent de la dynamique des groupes dans bien d’autres domaines » (Élias et Dunning, 1998, 264). Malgré la tentative d’Élias de lui donner un fondement conceptuel autonome, le réseau ne devient véritablement un outil opératoire qu’au seul moyen des possibilités de modélisation simple des situations macroscopiques qu’offrent les jeux. Ces derniers sont alors bien plus que de simples métaphores.

A) L’introduction de la contrainte dans le réseau

14Élias affine la définition qu’il entend donner au réseau à l’aide des notions de contrainte, de fonction et de pouvoir ainsi que des effets non voulus des actions interindividuelles.

15« Les universités et les usines, les villages et les villes, les castes et les classes sociales, les familles et groupements professionnels, les sociétés féodales et industrielles, tous ces ensembles sont constitués par des réseaux d’individus » (Élias, 1991 b, 10). La valeur théorique du réseau tient donc à l’étendue de son champ d’application et à sa capacité de mobilisation pour toute formation sociale. Or, contre le risque de dissolution de l’analyse du social dans ces réseaux d’interdépendances, le postulat anthropologique de la dépendance prévoit de recentrer l’objet de la sociologie sur « la nécessité de bien comprendre les contraintes, celles que les hommes exercent sur eux-mêmes et autrui » (Élias, 1991 b, 12). L’état naturel de dépendance de l’individu explique la nature sociale des contraintes que s’infligent réciproquement les individus dans l’exercice de leurs fonctions respectives. Les formations sociales sont en effet des produits de réseaux d’individus s’entre-contraignant différemment selon la fonction que chacun occupe. Le caractère relationnel de l’action individuelle tient à l’organisation fonctionnelle de la société, c’est-à-dire à la structure prise par la corrélation des différentes fonctions disponibles qui mettent les individus en relation d’une certaine manière et qui donnent à l’ensemble son caractère distinctif.

16Or, « la notion de “contrainte” se transforme en un instrument analytique de portée plus universelle, si on lui donne le sens d’une pression exercée par les hommes sur d’autres hommes, étant entendu que cette pression n’est pas aussi forte dans toutes les directions » (Élias, 1985, 304). Les fonctions se matérialisent par des épreuves de force, par des relations de dépendance bilatérales et réciproques mais surtout dissymétriques, donc par des rapports déséquilibrés de pouvoir. Élias défend ainsi une conception relationnelle du pouvoir qui, loin d’être absolu et inné, n’est que la spécificité structurelle d’une relation, un attribut que l’individu se procure par sa relation aux autres, par la possibilité de les contraindre. Le pouvoir sera soumis à des variations et tensions qui expliqueront la forme générale prise par la répartition sociale des fonctions entre individus. Ainsi que le montrera La société de cour, l’approche en termes de réseau condamne donc à postuler pour toute formation un équilibre fluctuant du pouvoir.

17C’est cette organisation des interdépendances sous forme d’antagonismes, d’équilibre des forces changeantes et instables dans le réseau, « très rigide et en même temps très élastique » (Élias, 1991 a, 91), qui restitue à l’action individuelle sa place dans l’explication autant de la reproduction que, en cas de modification de la répartition du pouvoir, de la transformation de la société. En effet, si, d’un côté, « il n’est pas d’individu (...) qui puisse briser la loi du réseau humain dont son action est issue et où elle s’inscrit » (Élias, 1991 a, 91), d’un autre, chaque action individuelle entraîne toujours en vertu de cette situation d’interdépendance, des effets non voulus bien que d’importance variable selon la fonction occupée. En effet, l’action de l’individu « déclenche d’autres enchaînements d’actions dont l’orientation et le résultat ne dépendent pas de lui, mais de la répartition des pouvoirs et de la structure des tensions de tout le réseau humain mobile dans lequel il s’inscrit » (Élias, 1991 a, 91). Toute action intentionnelle est fondée sur des interdépendances humaines imprévues et en provoque d’autres. C’est pourquoi « les actes et les œuvres des individus pris dans la trame du tissu social revêtent constamment une allure imprévue » (Élias, 1991 a, 106) qui n’est jamais que le produit complexe de leur perpétuelle interdépendance.

B) La formalisation des « parallélogrammes de force » : les modèles de jeux

18Or, Élias retrouve dans le jeu toutes les notions qui avaient initialement servi à la définition du réseau. À un premier niveau, le jeu repose sur la contrainte que s’imposent mutuellement au moins deux individus dans la réalisation de leurs actions respectives pour gagner. Autrement dit, ils sont interdépendants dans le jeu par lequel ils mesurent leur force. À l’instar du pouvoir, cette force doit être conçue de façon non pas ontologique mais relationnelle, comme une particularité structurelle des relations sociales. « Force au jeu relative » donc parce qu’elle renvoie toujours à un équilibre des forces plus ou moins fluctuant que l’on peut regarder également comme un élément inhérent à toutes les relations humaines. Au cours de ce jeu, à mesure que se succèdent et s’interpénètrent les stratégies des joueurs et les résultats de celles-ci, se construit un ordre en soi qui, possédant des formes relationnelles et des constantes propres, est comparable à ce qui doit être entendu par « société ». Soit « un type d’ordre spécifique, c’est-à-dire un ordre d’interpénétration ou de configuration, à l’intérieur duquel aucun acte ne s’explique comme le produit exclusif de l’un des camps, mais bien comme continuation à la fois de l’interpénétration précédente et de l’interpénétration future des actes des camps » (Élias, 1991 b, 97). Par ailleurs, cette interpénétration va rendre la stratégie de chaque joueur de plus en plus dépendante du processus global du jeu qui se déroule selon un schéma imprévu, sans que l’un d’entre eux puisse réellement en diriger le cours. Conséquence : « Un processus de jeu, reposant exclusivement sur l’interpénétration des stratégies individuelles, peut prendre un cours qu’aucun des joueurs n’a projeté, déterminé ou prévu » (Élias, 1991 b, 97).

19Élias propose alors de construire des modèles simplifiés de réseaux qui devront être considérés comme des modèles didactiques permettant de formaliser les situations sociales. Le statut méthodologique du réseau chez Élias découle de cette entreprise d’élaborer des modèles de réseaux qui seront en réalité des modèles de jeux parce que le jeu permet de rendre compte, de façon très exhaustive et par l’appareil conceptuel précédemment exposé, de la spécificité des phénomènes d’interpénétration sociale. Élias articule en effet les notions d’interdépendance et de contrainte, d’équilibre changeant des forces et d’ordre des relations autonome et au cours imprévu dans quatre grands types de modèles de jeu avec leur variante propre [20] :

20— Le jeu préliminaire dans lequel l’interpénétration est non normalisée. Il s’agit d’un modèle de relations pour lequel on n’a pas prévu de régulation extérieure et qui n’obéit donc pas à des règles préfixées.

21— Le jeu à deux personnes (modèle 1 a) qui, de type maître/ esclave, se caractérise par une large supériorité de la force au jeu de l’une des parties qui oriente donc à son avantage le déroulement du jeu. Cette maîtrise diminuera en cas de donne plus égalitaire des forces (modèle 1 b).

22— Le jeu à plusieurs personnes sur un seul niveau décrit d’abord la relation hiérarchique du chef A qui exerce son autorité sur ses subalternes B, C, D, E (modèle 2 a). Ce jeu se décline en trois autres modèles à l’aide des variables suivantes : l’association des joueurs B, C, D, E (modèle 2 b), la diminution du pouvoir de A (modèle 2 c), l’égalité des forces des deux camps (modèle 2 d).

23— Le jeu à plusieurs personnes et à plusieurs niveaux dont la première variante témoigne des structures sociales de type oligarchique (modèle 3 a) et la seconde, de l’organisation relationnelle des forces typiques de la démocratie (modèle 3 c).

24Ainsi, si « l’élément de pouvoir restitue à la notion de réseau sa capacité à se superposer à celle de société » (Coenen-Huther, 1993, 34), ce sont seulement les modèles de jeu qui, à partir des modalités de l’interdépendance et des différents types de contraintes qui leur sont associés, permettent de donner au réseau une pertinence véritablement opératoire. Les jeux laissent apparaître des structurations spécifiques de contraintes, c’est-à-dire des organisations particulières de réseaux que la modélisation par les jeux autorise à appliquer à la description et à l’analyse des structures sociales.

III. L’enjeu sociologique de la maîtrise des réseaux

25Le caractère tautologique de la démarche d’Élias tient ici au fait que le rapprochement qu’il opère entre la société et le réseau n’est sociologiquement possible qu’au moyen des modèles de jeux qui, parce qu’ils dégagent une typologie des réseaux, font finalement de ces derniers un paradigme pour étudier la société.

26Après son acception métaphorique et sa définition comme modèle, le jeu prend enfin un troisième et dernier sens. Lui est en effet assigné le rôle d’instrument de maîtrise du réseau qui est entre-temps lui-même devenu un élément explicatif central de la thèse de la civilisation pour les caractéristiques spécifiques de l’organisation sociale qu’elle entraîne.

A) Une théorie évolutionniste du réseau de la civilisation

27« L’ensemble du réseau relationnel occidental [est] le substratum du mouvement civilisateur le plus puissant à ce jour » (Élias, 1990, 252). À côté de la thèse de l’autocontrainte, Élias fait du réseau et de ses modifications historiques une véritable matrice conceptuelle pour retracer l’orientation prise par la civilisation. Selon É. Dunning, le réseau se présente comme la pierre angulaire de la théorie éliasienne de la transformation sociale, car « du point de vue sociologique, l’un des aspects les plus significatifs de cette transformation sociale totale est l’apparition de chaînes d’interdépendances plus longues et plus différenciées, et, partant, l’apparition d’une spécialisation fonctionnelle plus grande, et l’intégration de groupes fonctionnellement différenciés dans des réseaux plus larges » (Élias et Dunning, 1998, 301). Élias analyse le réseau du point de vue « des particularités structurelles de son stade de développement » pour dégager les effets de celles-ci sur la structure sociale et sur celui de son contenu même, c’est-à-dire finalement son rôle majeur dans la production d’un type particulier de civilisation.

28Le développement et l’évolution du réseau entraînent en effet trois grandes modifications de la structure sociale : d’abord, « la plus grande dépendance, réciproque » a entraîné une réduction des différences de pouvoir entre les gouvernements et les administrés, un déplacement du pouvoir au profit de couches sociales plus larges. À une structure reposant sur la détention totale des charges et de l’exercice monopoliste du pouvoir par les élites dynastiques et aristocratiques succède une organisation fondée sur des partis de masse. Cette situation nouvelle se traduit par le changement ou du moins le déplacement relatif de l’équilibre des rapports des forces entre gouvernants et administrés au profit de ces derniers dont les chances de contrôler les gouvernements deviennent plus élevées que les possibilités laissées aux gouvernants de contrôler les administrés. Mieux, les lignes ou relations d’interdépendances orientent le réseau vers l’équipotence de ses points, chacun étant plus actif, plus influent sur les autres. En effet, « le réseau des relations humaines [...] se modifia à tel point, au cours des XIXe et XXe siècles, que tous les cadres sociaux cessèrent d’être des objets relativement passifs, soumis à la domination d’autrui, et que tous eurent quelque chance d’influer directement ou indirectement sur la répartition des charges gouvernementales » (Élias, 1991 b, 77). Cette nouvelle donne des rapports de force se découvre au niveau des conditions du travail et du métier des politiques, suspendus à la contrainte de prouver, sur des principes impersonnels, leur compétence par la présentation au plus grand nombre, de l’intérêt général de leur programme électoral à réorganiser les relations sociales de tous pour une amélioration de la vie de chacun.

29La réduction des différences de pouvoir entre les différentes couches sociales indique ensuite que le réseau affecte les relations sociales inter-groupales dans la mesure où, estime Élias, la hiérarchie, toujours existante, repose sur la plus forte dépendance des groupes. La fin de la société de cour montrait déjà, par cette montée en force des groupes bourgeois, que le processus de différenciation sociale et l’intégration avec la noblesse conduisaient à la diminution puis à la disparition du pouvoir de cette dernière. Mais cette période n’a représenté qu’une première étape du « mouvement général [qui] va dans le sens d’une diminution de toutes les différences de pouvoir entre les multiples groupes, y compris entre hommes et femmes, parents et enfants » pour une distribution plus équitable de l’équilibre général des forces qu’Élias qualifiera de « démocratisation fonctionnelle » (Élias, 1991 b, 79).

30Dernière conséquence du réseau, la transformation de l’ensemble des relations sociales dans le sens d’un renforcement des dépendances et des contrôles réciproques et multipolaires. L’allongement des chaînes d’interdépendances n’implique pas seulement une augmentation des individus et des fonctions que le réseau englobe, mais également ce qu’Élias appelle, pour souligner « l’évolution substantielle de la société », la « société pluraliste », c’est-à-dire « un certain agencement des institutions qui peuvent soit se contrôler réciproquement, soit contrôler le gouvernement » (Élias, 1991 b, 79). Cette multipolarité et réciprocité institutionnelle du contrôle qu’engendre le réseau renforcent la diminution des différences de pouvoir de chaque groupe ou individu dont aucun ne peut à lui seul monopoliser un grand nombre de fonctions ou prendre des décisions sans épreuves de force avec autrui, mais seulement dépendre des autres pour en assurer une spécifique [21].

31Ainsi, « un aspect essentiel du procès de civilisation – l’allongement des chaînes d’interdépendance – repose sur un changement du schéma du lien social... Le lien “segmentaire” y a été peu à peu remplacé, et de plus en plus, par le lien “fonctionnel” » [22].

B) La sociologie et le jeu

32Les modèles de jeux sont avant tout destinés à « montrer comment se transforme le tissu humain, lorsque l’équilibre des forces se modifie (...), et explicitent les transformations qui ont lieu à l’intérieur du réseau des relations humaines, entraînées par la réduction des inégalités dans la répartition des forces » (Élias, 1991 b, 93). C’est pourquoi Élias consacre plusieurs pages aux modèles 2 c et 3 b qui attestent qu’un plus grand partage de l’exercice du pouvoir entre les différents joueurs et les différents groupes rend très improbable et très instable la position hégémonique. Le niveau de complexité du réseau interindividuel que les différents types d’interdépendances ont créé sous l’effet d’une distribution plus égalitaire des forces, oblige la dépendance de l’action stratégique de chacun à la structure d’ensemble de la partie qui prend plus que jamais un cours tout à fait imprévisible.

33Or, ces modèles de jeu valent pour la compréhension des réseaux actuels que la civilisation a bâtis. Et c’est précisément selon Élias à la sociologie de souligner dans un premier temps que cette impossibilité de maîtriser l’ensemble du jeu est paroxystique dans les sociétés civilisées « depuis que la différenciation croissante de la société a provoqué l’allongement des chaînes d’interdépendance, où des hommes toujours plus nombreux sont fonctionnellement reliés dans des espaces toujours plus vastes » (Élias, 1991 b, 113). L’autonomie des processus d’enchevêtrement des actions dans le réseau oblige donc à se défaire de toute conception téléologique de l’histoire, au profit d’un déroulement plus aléatoire qui place les hommes en situation de relative impuissance face aux ensembles fonctionnels qu’ils créent.

34Si « les réseaux d’interrelations humaines sont opaques, et, partant, incontrôlables », la tâche de la sociologie est, dans un deuxième temps, « de les rendre transparents et de soustraire ainsi les hommes, devenus plus clairvoyants, à leur influence » (Élias, 1991 b, 121) [23]. La compréhension du réseau revêt chez Élias un caractère salutaire autant pour les hommes qui y sont engagés que pour la sociologie qui, une fois capable d’expliquer l’autonomie des complexes fonctionnels humains, se dotera, d’abord, d’une légitimité scientifique comparable aux disciplines étudiant les complexes fonctionnels physiques, et, ensuite, de réelles conditions d’exercice d’une action consciente et responsable sur le social.

C) L’exemple des relations internationales

35Dans l’optique de montrer les « sciences sociales et idéaux sociaux comme instruments servant à l’orientation dans des formations sociales relativement peu transparentes » (Élias, 1991 b, 80) [24], Élias voit dans les relations entre les États un exemple flagrant des possibilités qu’offrent les jeux pour analyser et limiter les risques d’un mode de gestion ignorant la structure de leur réseau d’interdépendance, et pour les conduire vers un type de régulation pacifique.

36En effet, « dans le monde contemporain, les États sont liés sur le mode d’un ordre hiérarchique complexe, bipolaire au sommet, multipolaire sur les plans inférieurs », c’est-à-dire organisés sur la combinaison des modèles du jeu préliminaire et du jeu 3 c. L’interdépendance de tous les États pèse lourdement sur la dynamique de la configuration d’ensemble qu’ils forment et change profondément les conditions d’existence de chacun d’entre eux et les dangers encourus pour leurs membres. L’allongement et le renforcement du réseau d’interdépendances, économiques notamment, ainsi que le progrès technique et scientifique sont tels que « les évolutions à l’intérieur de toute société étatique retentissent plus que jamais sur l’évolution des relations internationales, ayant même souvent un retentissement mondial » (Élias, 1991 a, 209).

37Or, l’arrangement interne de cette configuration est fondé sur le niveau relatif de puissance (estimé en matières premières, en productivité, en technologie militaire...) dont dispose chaque État, placé à une certaine position dans une hiérarchie interétatique très mobile en raison de la pression concurrentielle qui s’y exerce de part et d’autre. Ce mode de hiérarchisation s’ordonne sur la capacité pour un État d’employer la force physique dans ses relations aux autres. Mais, alors que l’État s’est historiquement constitué en un type civilisé d’organisation des relations visant la protection de chacun contre la violence des autres, « en ce qui concerne les relations entre les États, nous vivons encore sous la tradition des États monarchiques souverains » (Élias, 1991 b, 298). Ce décalage entre démocratisation fonctionnelle intra-étatique et absolutisme interétatique s’explique par l’absence de monopole central de la violence qui entraîne une non-régulation des comportements, l’inexistence de formes d’autocontrainte dans la conduite des affaires internationales à l’égard desquelles les États disposent d’une marge de manœuvre très largement supérieure à celle qui leur est laissée au niveau de leur politique intérieure.

38L’espace des relations internationales présente donc les particularités structurelles du jeu préliminaire. La configuration que forment ces États les condamne à la compétition, à lutter chacun pour le maintien de leur puissance relative et à entrer dans une escalade d’épreuves de force où l’État qui ne tire pas la confirmation de sa puissance s’affaiblit, exactement comme le jeu préliminaire le montrait. De cette spirale compétitive constitutive du mode de structuration des relations interétatiques résultent, pour le plus grand et funeste péril, une configuration extrêmement instable et un équilibre très fragile [25].

39Cette situation signale que l’on « comprend mal la structure des configurations dans laquelle le réseau d’interdépendances insère sa propre nation » (Élias, 1991 b, 209). La priorité accordée aux processus se déroulant à l’intérieur d’une société ôte donc les pleins moyens de leur compréhension qu’on obtiendrait en retenant le rôle (croissant) des facteurs exogènes dans l’évolution interne de tout système social, c’est-à-dire le fait que l’espace interétatique obéisse en réalité à un modèle de jeu multipolaire.

40Ainsi menée à la lumière de plusieurs modèles de jeux, cette analyse, qui invite la réflexion sociologique à faire passer l’observation à un niveau d’intégration supérieur et qui convie finalement à une éthique universelle, contient la promesse théorique d’une meilleure régulation des rapports interétatiques et d’un espoir de paix par une connaissance fine des réseaux d’interdépendances qui les structurent.

Notes

  • [1]
    Pour la place du sport et du jeu chez Élias, voir A. Garrigou (1997).
  • [2]
    À l’exception de J. Coenen-Huther (1993) et de M. Bassand et B. Galland (1993).
  • [3]
    Rappelons que le réseau est considéré comme « le schéma conceptuel de l’imbrication des relations humaines... que l’on songe [...] à la structure dont est issue la notion d’entrecroisement, un système réticulaire. Un filet est fait de multiples fils reliés entre eux. Toutefois ni l’ensemble de ce réseau ni la forme qu’y prend chacun des différents fils ne s’expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. Cette relation crée un champ de forces dont l’ordre se communique à chacun des fils, et se communique de façon plus ou moins différente selon la position et la fonction du fil dans l’ensemble du filet. La forme de chaque fil se modifie lorsque se modifient la tension et la structure de l’ensemble du réseau. Et pourtant ce filet n’est rien d’autre que la réunion de différents fils ; et en même temps chaque fil forme à l’intérieur de ce tout une unité en soi ; il y occupe une place particulière et prend une forme spécifique [...] le réseau est en mouvement perpétuel, tissant et défaisant inlassablement des relations » (Élias, 1991 a, 70-71).
  • [4]
    R. Chartier, « Conscience de soi et lien social », Avant-propos de N. Élias, 1991, 16.
  • [5]
    À la page précédente, Élias écrivait que « [...] la compréhension des réseaux d’interpénétration humaine, c’est là l’objet de la sociologie ». Le fait que « les sciences sociales s’occupent des relations entre les hommes » témoigne de leur adaptation au projet général du travail scientifique qui consiste à « découvrir comment et pourquoi des phénomènes observés se rattachent les uns aux autres » (Élias, 1996, 23-24).
  • [6]
    Souligné dans le texte.
  • [7]
    Précisons que les critiques qu’Élias adresse à l’individualisme visent un individualisme plutôt de type utilitariste que de type méthodologique. D’ailleurs, l’analyse qu’il mène en sociologie sur les paradigmes individualiste et holiste recoupe et même prolonge celle qu’il engage tout au long d’Engagement et distanciation sur les courants vitaliste et atomiste dans les sciences physiques et naturelles.
  • [8]
    Voir la parabole des statues pensantes développée dans le chapitre II ( « Conscience de soi et image de l’homme » ) de La société des individus, 109-203 ; voir également le schéma de la représentation égocentrique de la société dans Qu’est-ce que la sociologie ?, p. 8.
  • [9]
    Élias avait précisé préalablement (p. 58) que « tout homme se dirige vers la mort à partir d’un lieu unique dans le réseau de ses relations en suivant le cours d’une histoire unique ».
  • [10]
    Pour ces différentes expressions, Élias, 1991 b, 142-145 et 164-165.
  • [11]
    Ibid., 164. Voir pages suivantes l’exemple du décès d’un proche pour illustrer le phénomène de reconfiguration des valences de l’individu.
  • [12]
    Dans Qu’est-ce que la sociologie ?, Élias parle de « nœud » (p. 72).
  • [13]
    Voir infra, pour la notion de fonction.
  • [14]
    Pour plus de détails, voir É. Letonturier (2005, 41-50).
  • [15]
    Pour la danse, voir La société des individus, 56 ; pour la conversation, ibid., 57.
  • [16]
    Élias sollicite également les jeux d’échecs et de cartes (voir respectivement N. Élias, 1985, 152-153, et 1991 b, 157).
  • [17]
    Pour cet aspect, voir Élias et Dunning, 1998, 272.
  • [18]
    Pour une analyse critique de la notion de configuration, voir J.-H. Dechaux, 1995.
  • [19]
    Voir la liste « non exhaustive » des polarités interdépendantes que les auteurs donnent.
  • [20]
    Pour des développements, voir Élias, 1991 b, chap. III : « Modèles de jeux ».
  • [21]
    Élias énonce une quatrième caractéristique relative à l’objectif de la sociologie et que nous abordons dans le point b.
  • [22]
    É. Dunning, « Lien social et violence », in N. Élias et É. Dunning, 1998, 320. Voir 322-324 le tableau des caractéristiques du lien fonctionnel.
  • [23]
    Voir p. 119 le tableau de complexité sociale qui montre « l’augmentation des possibilités d’interrelations par rapport au nombre d’individus dans un réseau d’interrelations ».
  • [24]
    C’est la quatrième et dernière proposition du diagnostic que fait Élias avant d’entamer le chapitre III consacré aux modèles de jeux.
  • [25]
    Pour compléments, voir le chapitre « Les pêcheurs du Maelström » dans Engagement et distanciation.
Français

RéSUMé. — L’article propose une analyse comparée et critique des différentes acceptions des notions de jeu et de réseau dans la pensée de N. Élias, pour montrer qu’un triple programme de recherche structure leur relation. Défini comme l’objet même de la sociologie, le réseau participe d’abord, au moyen heuristiquement fécond qu’offre l’image des jeux, de l’édification d’un paradigme alternatif aux options holiste et individualiste. Ensuite, à un niveau méthodologique, le jeu s’érige comme modèle de formalisation des situations sociales à partir des différents types de contraintes s’exerçant dans les réseaux d’interdépendances. Enfin, le jeu s’inscrit à titre d’instrument de diagnostic et de contrôle dans la finalité qu’Élias assigne à l’entreprise sociologique : maîtriser la complexité des réseaux propres à la civilisation pour s’affranchir, ainsi que l’indique l’exemple des relations internationales, des dangers qu’engendre une méconnaissance de leur organisation.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  • En ligneBassand M., Galland B., 1993, « Avant-propos : dynamique des réseaux et société », Flux, no 13-14, 7-10.
  • En ligneCoenen-Huther J., 1993, « Analyse de réseaux et sociologie générale », Flux, no 13-14, 33-40.
  • Dechaux J.-H., 1995, « Sur le concept de configuration : quelques failles dans la sociologie de N. Élias », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 99, 293-313.
  • Élias N., 1985, La société de cour, Paris, Flammarion (1re éd. fr., 1969), préf. de R. Chartier.
  • Élias N., 1990, La dynamique de l’Occident, Paris, Presses-Pocket, coll. « Agora » (1re éd. fr., 1975).
  • Élias N., 1991 a, La société des individus, Paris, Fayard, Avant-propos de R. Chartier.
  • Élias N., 1991 b, Qu’est-ce que la sociologie ?, La Tour d’Aigues, Éd. de l’Aube (1re éd., 1981).
  • Élias N., 1996, Engagement et distanciation, Paris, Presses-Pocket, coll. « Agora » (1re éd. fr., 1993).
  • Élias N., Dunning É., 1998, Sport et civilisation. La violence maîtrisée, Paris, Presses-Pocket, coll. « Agora » (1re éd. fr., 1994).
  • Garrigou A., 1997, « Le “grand jeu” de la société », in A. Garrigou, J. Lacroix (dir.), Norbert Élias, la politique et l’histoire, Paris, La Découverte-Syros, 100-127.
  • Heinich N., 1997, La sociologie de Norbert Élias, Paris, La Découverte, coll. « Repères ».
  • En ligneLetonturier É., 2005, « Sociologie des réseaux sociaux et psychologie sociale : Tarde, Simmel et Élias », Hermès, 41, 41-50.
Éric Letonturier
Paris V - GEPECS (Sorbonne)
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2007
https://doi.org/10.3917/anso.061.0067
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