CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le point de départ de cet article tient dans deux questions concernant la situation présente de la sociologie économique en France : comment expliquer l’intérêt pour ce domaine ? Comment expliquer la forte présence d’économistes ?

2Ces questions rappellent que les idées ne se nourrissent pas seulement de l’air du temps et qu’il ne suffit pas que les vents venus des Amériques soient favorables pour que s’explique le renouveau de la sociologie économique en France à partir des années 1990. Certes, il n’est pas question de minimiser l’importance qu’a eue et qu’a toujours la New Economic Sociology américaine pour les sociologues économistes français [1], mais il faut aussi s’intéresser au fait que cet apport n’est pas de ceux qui arrivent comme « un coup de pistolet dans une salle de concert » et que, bien avant que M. Granovetter, R. Burt, N. Fligstein et V. Zelizer – pour ne citer que quelques noms parmi les plus importants – ne se fissent entendre en France, un intérêt pour la sociologie économique existait dont il convient de rendre compte pour comprendre l’essor qui a suivi.

3Nous proposons de rendre compte de cet intérêt pour la sociologie économique selon deux axes. Le premier met en avant la situation intellectuelle, à la croisée de l’économie politique, de la sociologie, mais aussi de l’histoire qui caractérise les années 1950-1960 au sein du monde académique. Les sociologues et les économistes français pouvaient également s’appuyer sur la tradition durkheimienne qui avait été vigoureuse jusque dans l’entre-deux-guerres, mais ce seront plutôt les économistes qui s’en saisiront. Le deuxième met l’accent sur les aspects institutionnels qui sous-tendent et prolongent les débats intellectuels : en effet, les structures scolaires en plein changement donnent une assise sans laquelle les idées nouvelles risqueraient d’être coupées du sol nourricier indispensable à leur développement.

1.La sociologie économique en déshérencechez les sociologues (1945-1980)

4Du point de vue de la sociologie économique, l’après-Deuxième Guerre mondiale ouvre une période qui diffère assez sensiblement de l’entre-deux-guerres en France. En effet, alors que cette dernière période voit l’éclosion des travaux de l’école durkheimienne avec M. Halbwachs, M. Mauss et F. Simiand (Steiner 2005), la sociologie française de l’après-guerre s’oriente vers d’autres horizons de recherches et selon d’autres méthodes que, à l’instar de J. Stoezel, on importe des États-Unis (Chapoulie, 1991). À ce constat fait contraste l’effort des économistes visant à associer leur domaine aux autres sciences sociales.

5On peut objectiver la situation de la sociologie économique dans la période qui s’ouvre avec la fin de la guerre en considérant les revues de sociologie, soit qu’elles paraissent à nouveau après l’interruption imposée par l’occupation (cas de L’Année sociologique dont le premier numéro de la troisième série date de 1949), soit qu’elles se créent pour accompagner l’institutionnalisation de la sociologie (cas des Cahiers internationaux de sociologie, de Sociologie du travail, de la Revue française de sociologie et d’Actes de la recherche en sciences sociales, respectivement fondés en 1946, 1959, 1960 et 1975). En effet, cette période voit se mettre en place dans les sciences sociales un nouveau régime de production académique avec une importance grandissante accordée à la publication d’articles. La multiplication des revues en est d’ailleurs un signe tout à fait clair. En outre, cette manière de procéder permet de faciliter les comparaisons selon la nature des revues et de leur stratégie éditoriale.

6Commençons par la revue durkheimienne dont le contenu en termes de sociologie économique est présenté dans le tableau I. De manière à procéder comparativement nous présentons aussi les données relatives à la sociologie du travail, domaine connexe en pleine expansion alors.

7Notons tout d’abord une activité soutenue en termes de « Mémoires originaux » [2], puisqu’on n’en compte pas moins de 11, si on inclut le texte in memoriam que P. Dieterlen consacre à l’œuvre d’A. Aftalion, économiste appartenant à la mouvance de l’économie positive française, mais selon une perspective opposée à celle de F. Simiand [3]. Ces mémoires recoupent par ailleurs les trois grands axes de la sociologie économique durkheimienne avec l’étude des sociétés archaïques et des processus non marchands (Don et échange dans le vocabulaire indo-européen [1951], Monnaie archaïque : collier de coquillage [1952] et Le marché des biens symboliques [1971]), l’étude de l’économie moderne (Escroquerie et chèques sans provision [1957], Le commerce de détail [1968], La définition des biens économiques [1970] et L’industrialisation et le développement au Mexique [1975]) et la sociologie de la connaissance économique (Critique sociologique des grandes doctrines économiques [1958], Aftalion et la pensée économique [1960], Les cadres sociaux de la pensée économique [1971], et Durkheim, la sociologie et les socialistes de la chaire [1973]). Ces publications à la croisée de l’économie et de la sociologie culminent avec le volume spécial de 1980 consacré à la crise mondiale sous la direction de C. Jessua. À l’exception d’un texte de G. Friedman paru en 1949 (De quelques incidences psychologiques, sociales et morales dans l’évolution contemporaine des métiers industriels), il n’existe rien de tel pour la sociologie du travail et il faut attendre 1961 pour qu’un des animateurs de cette section dans L’Année, P. Naville, donne un mémoire original (Classes sociales et classes logiques), lequel concerne la sociologie générale et non la sociologie du travail à proprement parler.

8Toutefois, cette activité en matière de sociologie économique est moins probante qu’il n’y paraît. En effet, deux éléments font contraste.

9Premièrement, le tableau 1 met en pleine lumière le caractère irrégulier de la parution de la section « Sociologie économique » : sur les 28 volumes de L’Année sociologique couvrant les trente années examinées, treize volumes, soit presque un sur deux, paraissent sans la section « Sociologie économique », contre seulement six pour la section « Sociologie du travail » [4]. À l’exception du premier volume (paru en 1949), qui reproduit intégralement la structure mise en place par F. Simiand dès la première série de L’Année et qui occupe une place comparable à celle qui avait été la sienne, la section « Sociologie du travail » est plus régulière et plus fournie. Dans la période antérieure à la création de Sociologie du travail (1959), la rubrique qui porte ce nom paraît chaque année dans L’Année sociologique et le volume des comptes rendus publiés dans cette rubrique reste élevé (autour de 56 pages par an). L’effort devient moindre après que Sociologie du travail s’est mise en place autour des personnes actives sous ce registre dans la revue durkheimienne. En effet, un calcul simple fait apparaître que ce domaine de recherche, tout en étant marqué par une plus grande régularité que celui de la sociologie économique, a un volume moindre qui le ramène au niveau de celui de la sociologie économique (autour de 30 pages en moyenne).

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Tableau 1. — Contenu de L’Année sociologique, 3e série (1949-1980) : sections « Sociologie économique » et « Sociologie du travail »

10Deuxièmement, si l’on examine les personnes en charge de ces deux sections, des différences marquées apparaissent. La section « Sociologie économique » est tenue plutôt par des économistes (G. Lutfalla, J. Lhomme, M. Lutfalla, A. Marchal, J. Austruy, P. Moran, A. Nicolaï, L. et J. Cartelier, P. Aydalot, B. Cazes, J. Faure-Soulet, M. Anson-Meyer) que par des sociologues (G. Bourgin, P. Métais, V. Isambert-Jamati). De surcroît, les personnes en charge de la section, les anciens de L’Année, c’est-à-dire ceux qui ont collaboré aux séries précédentes (G. Lutfalla, G. Bourgin), semblent avoir du mal à recruter une équipe stable : A. Costa Œconomo, J. Faublée, J. Maillet et P. Métais ne sont plus là après l’interruption des volumes parus entre 1955 et 1958. L’équipe se réduit à la portion congrue en 1960-1961 ; après le décès de G. Lutfalla (en 1964), elle se reconstruit momentanément autour d’A. Marchal (qui décède en 1967) et de quelques jeunes économistes qui sont dans son sillage, c’est-à-dire qui œuvrent plus ou moins au programme d’économie sociologique de la Revue économique. Mais, là encore, la greffe ne prend pas, car ce programme est à bout de souffle chez les économistes, y compris au sein même de la revue qui l’a affiché dans son texte inaugural de mai 1950 (Steiner, 2000). Finalement, le volume spécial de 1980 est issu d’une équipe presque entièrement renouvelée ; seuls J. Austruy et M. Lutfalla avaient déjà travaillé à L’Année. Cette volatilité des contributeurs fait que peu d’entre eux interviennent dans cette section irrégulière et de faible volume et, à l’exception d’un article de A. Costa Œconomo dans la Revue française de sociologie, aucun d’entre eux ne contribue à la production sociologique dans les années 1960-1980. Comparativement, la section « Sociologie du travail » est portée par une équipe appelée à marquer la sociologie française. On y retrouve des anciens comme G. Friedman ou P. Naville, mais aussi des sociologues plus jeunes comme A. Touraine, V. Isambert (puis Isambert-Jamati), M. Guilbert, J..D. Reynaud, J.-R. Tréanton, P. Rolle et M. Crozier. Ces personnes forment un noyau stable de contributeurs puisqu’ils ont chacun contribué au moins trois fois à cette section de L’Année. Sans doute, comme on l’a vu plus haut, cette section connaît une baisse de régime lorsque Sociologie du travail est créée par M. Crozier, J.-D. Reynaud, A. Touraine et J.-R. Tréanton, avec le patronage de G. Friedman et J. Stoezel et qu’elle capte désormais les travaux issus de ce domaine florissant, proche par de nombreux côtés de la sociologie économique. Mais à la différence des économistes collaborant à la section « Sociologie économique » de L’Année, sur les 32 personnes qui collaborent à la section « Sociologie du travail », 16 publient dans Sociologie du travail et 17 dans la Revue française de sociologie dans les années qui suivent, et 13 dans les deux.

11La différence est donc marquée en termes de régularité, de volume, de stabilité des personnes concernées, de leur affiliation académique et, finalement, de leur implication dans le champ.

12Qu’en est-il de la Revue française de sociologie et des Cahiers internationaux de sociologie ? Dans la Revue française de sociologie, les articles qui peuvent être considérés comme relevant de la sociologie économique, sont relativement peu nombreux [5] : 25 sur un total de 601 articles parus dans la revue dans la période (1960-1980), soit 4,6 % des articles. Cette proportion se situe dans le voisinage de ce que l’on peut relever pour la sociologie de la religion (24 articles) ou la sociologie du travail (29 articles) ; mais cela laisse la sociologie économique loin des sujets plus centraux de cette période, comme c’est le cas avec, par exemple, la sociologie de l’éducation (55 articles). Et cela alors qu’il n’existe pas de revue spécialisée qui se chargerait de publier les travaux de sociologues intéressés par l’économie, comme c’est le cas de la sociologie du travail ou de la sociologie de la religion [6]. En outre, les articles de sociologie économique sont concentrés sur trois périodes : les trois premières années de la revue (1960-2) durant lesquelles paraissent deux articles de sociologie économique chaque année ; les années 1968-1972 marquées par la parution de 14 articles sur le sujet dont 9 en 1969 dans le volume spécial consacré aux faits économiques ; la fin de la période avec 4 articles entre 1977-1980. Il n’y a donc pas de continuité dans ce domaine et, à l’exception de J. Marcus-Steiff, avec trois contributions entre 1962 à 1977, les autres auteurs en restent à une seule publication.

13Dans les Cahiers internationaux de sociologie, l’activité en matière de sociologie économique est d’abord plus soutenue, avec 16 articles entre 1946 et 1960, soit 10 % des articles publiés dans cette période. Ce niveau d’activité s’effrite dans les deux décennies suivantes au cours desquelles les Cahiers internationaux de sociologie ne publient plus que 8 articles dans ce domaine, soit 3 % des articles publiés. Les articles sont le plus souvent de l’ordre de l’histoire et de la sociologie des théories socio-économiques (8 articles sur 16 dans la période 1946-1960) et ils sont souvent écrits par des économistes (C. Bettelheim (1), J. Weiller (4), F. Perroux (1) et J. Lhomme (1)). Cela tranche avec la Revue française de sociologie qui publie peu d’économistes (P. Kende et A. Wolfesberger) et peu d’articles sur les théories socio-économiques, pour s’intéresser plutôt au fonctionnement marchand (la diffusion des innovations, la sociologie de la connaissance économique appliquée aux prix, à la consommation ou aux techniques de production). Mais cela confirme la tendance à l’effacement de la sociologie économique chez les sociologues.

14Créés à la fin de la période examinée, Actes de la recherche en sciences sociales publie régulièrement des articles de sociologie économique ou de sociologie de l’économie [7]. Ce thème n’est nullement un sujet majeur de la revue, mais il en est un sujet régulier et donne lieu à des publications variées [8]. De plus, paraissent deux numéros spéciaux directement liés à la sociologie de l’économie, avec un numéro consacré au patronat (1978) et un autre au capital social (1980).

15Au total, sans être absente des grandes revues de sociologie de l’époque, la sociologie économique n’est pas un domaine d’investissement considéré comme particulièrement pertinent ou professionnellement rentable pour les sociologues de cette période. Il ne s’agit pas d’un abandon puisque L’Année sociologique consacre un numéro spécial aux dimensions économiques et sociales de la crise tandis qu’Actes de la recherche en sciences sociales vise l’élaboration d’une théorie sociologique dans laquelle la sociologie de l’économie occupe une place significative. Mais si l’atonie de la recherche sociologique sur les faits économiques jusque dans les années 1970 ressort de ce travail d’exploration des publications parues dans les revues académiques, il n’en va pas de même avec les économistes et la stratégie d’aggiornamento de l’économie positive défendue par le groupe réuni autour de la Revue économique.

2.L’économie positive, le marxismeet l’approche sociologique des économistes

16Les économistes sont plus présents que les sociologues lorsqu’il s’agit de la sociologie économique. Cela s’explique par la forte présence de l’économie positive dans la période de l’entre-deux-guerres dont l’héritage est assumé par la Revue économique, créée en 1950.

17Dans cette période, le petit monde des professeurs parisiens d’économie est dominé par A. Aftalion et G. Pirou qui détiennent des positions centrales dans le système d’enseignement supérieur, avec la faculté de droit, la préparation au concours de l’agrégation – condition d’accès au professorat – et la formation à la recherche, comme c’est le cas des conférences de l’École pratique des hautes études [9]. Tous deux sont des représentants de l’économie positive, c’est-à-dire d’une approche cherchant un équilibre entre l’observation et la théorie pure. A. Aftalion s’est orienté vers le couplage entre la théorie pure orthodoxe et les techniques statistiques alors que F. Simiand prône une autonomisation de l’économie positive ou sociologie économique vis-à-vis des errements de la théorie pure. C’est à ce dernier courant que G. Pirou se rattache, même s’il ne suit pas F. Simiand sur tous les points de sa théorie.

18La Revue économique est la revue centrale pour comprendre la place que les économistes accordent à la sociologie. En effet, le groupe de jeunes professeurs (E. James, J. Lhomme, J. Marchal, J. Weiller) qui mettent en place la nouvelle revue, s’appuyant sur un grand ancien (A. Aftalion) et sur deux historiens-économistes (F. Braudel et E. Labrousse), se fixe un programme selon lequel l’avenir de l’économie politique réside dans le rapprochement avec les sciences sociales voisines : sociologie, psychologie et histoire [10]. Le lien entre les générations ne fait pas l’ombre d’un doute chez les économistes de la Revue économique puisque E. James, J. Lhomme, J. Marchal et J. Weiller ont été les élèves d’A. Aftalion et de G. Pirou ; il en est de même pour les deux historiens. Ayant reçu une formation d’économiste, E. Labrousse a été élève de F. Simiand et il a été assistant d’A. Aftalion à la faculté de droit, tandis que F. Braudel est en contact avec les idées de F. Simiand par l’intermédiaire de L. Febvre qui le place à l’École pratique et l’intronise aux Annales, revue liée aux idées durkheimiennes [11].

19Il ne fait pas non plus de doute que l’héritage de l’économie positive joue un rôle central dans les travaux des membres de l’équipe de la Revue économique. Sans revenir en détail sur cette revue (Steiner 2000), on peut prendre la mesure de cet héritage au moyen de quelques exemples. L’effort scientifique le plus vaste et le plus soutenu dans la direction sociologique est celui de J. Marchal qui, aidé de J. Lecaillon, se lance dans une vaste recherche visant à renouveler la théorie de la répartition des revenus. Cela est sensible dans la manière dont les deux auteurs présentent leur démarche :

« Nous comptons partir d’une étude de la réalité, telle qu’on peut l’appréhender à l’aide des statistiques, d’enquêtes, de monographies, de sondages. À partir des renseignements ainsi rassemblés, nous nous efforcerons de répartir les individus et les institutions en catégories homogènes en nous rattachant à leur comportement en matière de répartition [...] et ce sont ces types de participants que l’on mettra en présence dans les modèles destinés à rendre compte des processus de répartition » (Marchal et Lecaillon, 1959, I, 34-35).

20Les deux auteurs ont le souci de partir de l’observation des comportements empiriques des agents – au lieu que de faire la théorie a priori de la rationalité que ces agents sont supposés mettre en œuvre – et la construction de catégories nouvelles de manière à donner à la théorie économique son caractère positif ainsi que F. Simiand avait suggéré de le faire. L’important travail sur la répartition entrepris par A. Marchal et J. Lecaillon montre qu’il ne s’agissait pas d’une simple formule verbale ; l’appréciation d’A. Marchal recouvrait une réalité tangible : « La tendance à réinsérer la science économique dans un cadre sociologique est sans doute le trait le plus caractéristique de la pensée française actuelle – au moins celle qui est représentée par les universitaires de la génération active » (Marchal, 1953, 75).

21Un deuxième effort d’envergure est celui d’A. Marchal avec son approche en termes de « Systèmes et structures ». Il y voit plus qu’une approche descriptive du cadre institutionnel ou social dans lequel prennent place les activités économiques ; comme dans le cas de son frère, il s’agit de reconstruire la science économique à partir d’une base historique et statistique. A. Marchal y insiste dans l’introduction à son ouvrage :

« J’ai pensé que ce cours, destiné à des étudiants parvenus à la fin de leurs études, ne devait pas se limiter à décrire l’organisation et à analyser le fonctionnement des divers systèmes et régimes économiques que le monde a connus et connaît à notre époque, mais de fournir l’occasion d’une reconstruction de la science économique à l’aide de ces notions, que l’on redécouvre aujourd’hui, de structures, de systèmes et de régimes économiques, et de tout ce qu’elles impliquent : rigidité ou plasticité des structures, distinction entre courte et longue période, analyse des tensions et des adaptations structurelles, idée de cohérence et de compatibilité, etc. [...] J’ai eu en tout cas l’ambition de maintenir constamment l’équilibre entre les descriptions concrètes et les analyses théoriques, essayant de construire ces dernières sur une base historique et statistique, puis de les utiliser pour rendre intelligible ce qui, en l’absence de schéma théorique ne serait que “pur collectionnage de faits” » (Marchal, 1959, VII-VIII).

22Ce thème a un impact qui va bien au-delà de l’œuvre du seul A. Marchal puisqu’on le retrouve dans les contributions d’A. Marchal, J. Lhomme et J. Weiller au Traité de sociologie dirigé par G. Gurvitch et dans L’économique et les sciences humaines dirigé par G. Palmade où l’on retrouve A. Marchal, J. Meynaud et surtout A. Nicolaï [12].

23Cette stratégie n’est pas l’apanage des membres de la Revue économique. G. Lutfalla, personne clé de la Revue d’économie politique dont il dirige le comité de rédaction de 1950 à son décès en 1964, garde le contact avec L’Année sociologique où il s’occupe de la section « Sociologie économique » ; son fils prend ensuite le relais dans les deux revues [13]. De même, un membre éminent du comité scientifique de cette revue, F. Perroux, est ouvert aux rapprochements entre science économique et sciences sociales (Perroux 1960, 1973) [14].

24Néanmoins, cette stratégie visant à rapprocher l’économie politique, la sociologie et l’histoire a échoué. Au sein même de la Revue économique, elle fait l’objet d’un contournement de telle manière qu’à partir du milieu des années 1960 s’implante le modèle anglo-saxon de la recherche académique organisé autour du doublet modélisation mathématique et travail économétrique. La critique de l’économie orthodoxe passe désormais par l’intermédiaire de la théorie marxiste ou de la théorie ricardienne revisitée par P. Sraffa. Il n’en reste pas moins que l’héritage de l’économie positive, fortement retravaillé, se prolonge avec l’École de la Régulation : celle-ci adoptant une stratégie de création de concepts originaux plutôt fondés sur la quantification et liés à l’histoire et à la sociologie.

25Mais plutôt que d’épiloguer sur cette dimension de l’histoire des idées, il convient de se tourner vers la dimension institutionnelle que revêtent ces questions intellectuelles.

3.Planification, structures scolaireset sociologie économique

26L’histoire des idées est importante à prendre en compte car elle explique comment a pu se maintenir un intérêt pour les rapprochements entre les démarches sociologiques et économiques en France alors que ceux qui en avaient été les porteurs avaient disparu et que leurs travaux tombaient, momentanément, dans l’oubli. Néanmoins, elle ne saurait suffire à expliquer la situation présente et à rendre compte de la dynamique particulière dans laquelle la sociologie économique se trouve en France. Il faut encore que les idées trouvent un terrain favorable : ce terrain est fourni par les structures sociales en général, et par les structures éducatives en particulier. Aussi est-ce sur le terrain institutionnel qu’il faut maintenant se placer : d’abord pour rappeler la place que la connaissance économique et sociale prend dans la période de la reconstruction, dans les recommandations issues de la planification, ensuite dans les réformes du système d’enseignement supérieur et, finalement, dans les modifications de l’enseignement secondaire.

3 . 1. Structures institutionnelles et sociologie économique en France

27Notre réflexion suggère de considérer les enchaînements suivants (voir schéma page 404).

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Schéma 1. — Structures institutionnelles et sociologie économique

28Les liens pertinents pour associer la dimension intellectuelle et la dimension institutionnelle viennent de l’importance que les commissions du Plan accordent au développement d’un enseignement des sciences économiques et sociales en termes de diffusion de connaissances auprès d’un large public. Elles viennent aussi du rôle d’impulsion que le Plan a joué auprès de la recherche académique. Enfin, intervient la manière dont l’institution scolaire interagit avec le milieu académique lorsqu’il s’agit d’assurer, au sein de l’enseignement supérieur, la formation des enseignants du secondaire œuvrant dans la filière de Sciences économiques et sociales (SES).

29Les conséquences non voulues (ici en traits pointillés) concernent les rencontres qui se sont produites entre le public d’étudiants se destinant à l’enseignement dans la filière SES et les formes de la connaissance économique dont nous avons parlé plus haut. Examinons les principaux éléments à l’œuvre dans cet arrangement institutionnel.

3 . 2. La planification et l’importance des connaissances économiques

30Avec les années 1950, la compétence économique prend une dimension qu’elle n’avait pas jusqu’alors. Par rapport à une situation antérieure dans laquelle les questions économiques sont essentiellement des questions financières ou monétaires, traitées selon les principes libéraux (Kuisel, 1981), la nouveauté de la situation apparaît avec le fait que la compétence économique sert de discours politique à même de définir l’intérêt général contre les intérêts particuliers, le long terme contre les myopies intéressées ou ignorantes. La figure incarnant par excellence cette situation est celle de P. Mendès France, lequel s’est tout particulièrement employé à défendre cette idée (Margairaz, 1989). La conclusion de son ouvrage, publié sous l’égide de l’Unesco, en donne un témoignage sans ambiguïté : le progrès de l’économie politique permet de dépasser les affirmations trop sommaires des classiques ou des économistes libéraux ; ce progrès passe par « une observation plus attentive de la réalité », « une analyse plus serrée des comportements des hommes » et « une étude des institutions et des mœurs et des répercussions des structures sociales sur le fonctionnement de l’économie » (Mendès France et Ardant, 1954, 229). En suggérant que l’économie « montre la possibilité du progrès dans l’ordre », tout en donnant les moyens de bâtir « sur cette technique à fondements scientifiques » un « idéal, une bonne volonté et le désir de construire un monde meilleur » (ibid., 230), l’économie politique prend désormais en charge ce que A. Comte avait attribué à la sociologie un siècle plus tôt.

31Ce nouvel état de fait, considéré ici comme une donnée, est une suite de l’immédiat avant-guerre, de la période de Vichy et des exigences de la reconstruction. Comme l’a montré F. Fourquet (1980), des mathématiciens et des ingénieurs se sont tournés vers l’économie en raison de la situation (crise économique, puis effondrement militaire français) sociopolitique : l’idée était de mettre leurs compétences au service d’une gestion rationnelle des ressources économiques. La planification et la création d’un appareil comptable fiable au sein de l’administration donnèrent à ces intérêts l’occasion de s’actualiser et elles devinrent une base de la valorisation des compétences économiques lorsque la reconstruction passera par les financements internationaux, financements conditionnés par la présentation quantifiée des besoins et de l’utilisation des ressources (Fourquet, 1980, 188). Cela explique le caractère central de la recherche en économie et l’importance qui est accordée à cette matière, en comparaison de ce qu’il en est pour la sociologie (Pollak, 1976, 106-108, 111 ; Drouard, 1982, 58) [15].

32Avec la montée en puissance de la dimension politique de la compétence économique (Dulong 1996), il apparaît à certains responsables qu’une des difficultés à laquelle se heurte le pays tient à la faiblesse des connaissances et de l’information économiques à la disposition des Français [16]. Cette représentation de la situation va influer sur les transformations du système universitaire et de l’enseignement secondaire.

33Les sciences sociales sont alors en cours d’autonomisation en s’émancipant des structures dans lesquelles elles avaient été insérées : la sociologie vis-à-vis de la philosophie, l’économie politique vis-à-vis du droit [17]. Les licences autonomes de sociologie et d’économie sont mises en place en 1958 et 1959, ce qui permet l’introduction des cours de « Systèmes et structures économiques » auxquels tenaient les économistes de la faculté de droit, proches de la Revue économique, dans leur opposition à la montée de l’économie néo-classique, trop abstraite à leurs yeux et ne faisant pas le lien avec l’histoire et la science sociale.

34Mais la diffusion envisagée des connaissances économiques demandait l’activation de structures susceptibles de toucher une population bien plus large que celle des étudiants de sociologie ou d’économie politique. Parmi les éléments dont s’occupe la planification française des années 1950 figure l’éducation secondaire, ainsi que J. Fourastié le rapporte :

« Jean Monnet comptait sur moi pour réfléchir sur la politique générale de la France. On pourrait diviser ces activités en trois parties : – une politique économique pour le pays ; – une politique de l’emploi et de la population ; – des efforts pour promouvoir une éducation nationale à la mesure d’une grande nation moderne » (Fourastié, 1994, 95).

35En tant que président de la Commission de la modernisation de la main-d’œuvre pendant quatre plans successifs, J. Fourastié est bien placé pour connaître les questions qui se posent et pour orienter les perspectives d’évolution en matière de formation [18]. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver parmi ceux qui comptent – notamment par le Rapport sur l’enseignement des sciences humaines et économiques dans le second degré qu’il remet en 1976 sur la question – lors de l’introduction de l’enseignement des SES dans le secondaire. L’approche de Fourastié entre en résonance avec ce que nous avons déjà trouvé à l’œuvre chez les fondateurs de la Revue économique : ses travaux le rapprochent de l’économie positive par l’attention accordée à la quantification, à l’histoire et à l’imbrication entre l’économie et le social [19] :

« Nous [la Commission de l’équipement scolaire] avons préconisé, dans les programmes, des considérations économiques et sociales ; il ne s’agissait pas d’économie politique classique, mais des problèmes dont je parle ici [l’enchaînement “Progrès scientifique, progrès technique, progrès économique, progrès social”]. Nous avons obtenu la création, lors de la réforme qui a mis fin à la division “A, B, C, M”, d’une section B. Bien que je n’aie pas fait partie des commissions qui ont élaboré les programmes, ceux-ci s’inspiraient du Grand Espoir du XXe siècle et de l’Économie française dans le monde. On y parlait de population active, des objectifs de la vie économique (niveau de vie et genre de vie). Ils étaient concrets, vivants, intéressants. Les sections B ont été créées et des élèves y sont allés. Ce nouvel enseignement a eu un grand succès tant auprès des élèves que des professeurs » (Fourastié, 1994, 121).

36La création des sections de SES date de la réforme du second cycle lancée par le ministère Fouchet en 1966. Cette création peut être examinée sous deux angles [20] : le premier a trait aux personnes, thèmes et enjeux de cette création, nous en évoquerons les dimensions principales pour autant qu’elles se rapportent à notre sujet ; le second, plus spécifique, concerne les conséquences indirectes que cette création a pu avoir sur la constitution d’un public scolairement préparé à accueillir une approche de type sociologie économique.

37Quant au premier point, il est utile de mentionner le fait que l’on retrouve au chevet de la création de la filière SES nombre de personnes précédemment rencontrées à propos des modifications institutionnelles universitaires. Le ministre de l’Éducation nationale confie à C. Morazé, historien proche de F. Braudel, le soin de réfléchir à l’organisation de la filière nouvelle (Chatel, 1993, 25-30) : Morazé met en place une équipe de réflexion où figurent des économistes (A. Barrère, A. Babeau, J.-C. Casanova [21]), des sociologues (R. Boudon, A. Touraine, P. Bourdieu, J. Lautman) et des historiens (M. Roncayolo et G. Palmade). Dans cette configuration, on retrouve la position stratégique des historiens parmi les sciences sociales, telle qu’on a pu la voir à l’œuvre autour de la création de la Maison des Sciences de l’Homme (Mazon, 1988, 100-110 ; Malinvaud, 1996 ; Pécaut, 1996). Les débats existant à l’intérieur du monde académique trouvent ici leur traduction en termes de réseaux de relations inscrits à l’intérieur des dynamiques institutionnelles dans le but de promouvoir une action collective.

38La création de cette filière pose le problème de former les personnels compétents pour ces enseignements nouveaux. Au départ, en 1966, le personnel enseignant est prélevé chez les historiens et les gestionnaires qui enseignent dans les lycées techniques (Chatel, 1993, 19 ; Chessel et Pavis, 2001). La logique de l’institution ne peut se satisfaire d’une manière durable d’une telle situation : la nouvelle filière va progressivement se peupler d’enseignants formés aux savoirs qu’ils sont chargés de diffuser. Alors que l’histoire est activement soutenue par F. Braudel comme le fédérateur possible des sciences sociales en France, alors que J. Fourastié penche en faveur d’un enseignement de SES réalisé par les historiens [22], un CAPES en Sciences économiques et sociales est créé en mai 1969, puis une agrégation de Sciences sociales en janvier 1977. On observe une montée parallèle du nombre d’élèves dans les sections B et des enseignants spécifiquement formés pour un tel enseignement.

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Tableau 2. — Effectifs (élèves en SES)
Source : Chatel, 1993, 52.
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Tableau 3. — Effectifs enseignants de SES (enseignement public)
Source : Chatel, 1993, 55, 160.

39La création d’une filière de formation des enseignants signifie qu’il existe des formations universitaires spécifiques pour les étudiants qui souhaitent préparer les concours de recrutement, dont une partie donne accès aux écoles normales supérieures. Ces dernières formations sont importantes à prendre en compte et cela malgré le faible nombre d’étudiants concernés (entre moins d’une dizaine par an dans les années 1975-1980 jusqu’à une quarantaine actuellement). Au-delà du petit nombre d’étudiants normaliens en sciences sociales, la filière de formation des enseignants touche une population plus large avec ceux qui, à un moment ou à un autre (concours des ENS, CAPES ou agrégation), ont préparé les programmes de ces concours. À titre d’exemple, on peut prendre la mesure du phénomène en considérant le décalage entre le nombre de postes et le nombre de candidats au concours de l’agrégation de sciences sociales dans la période considérée ici.

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Tableau 4. — Postes au concours et nombre de candidats à l’agrégation de sciences sociales (1977-1980)
Source : Chatel, 1993, 97.

40Le contenu de l’enseignement devient alors essentiel à considérer. Nous avons vu plus haut que ce contenu avait été fortement influencé par les personnes qui œuvraient alors dans le sens d’un rapprochement entre l’économie et les autres sciences sociales, y compris chez certains des économistes concernés, car proches de la mouvance décrite plus haut autour de la Revue économique, comme A. Babeau (qui entre dans le comité scientifique de cette revue en 1966, au secrétariat général en 1972).

41Les étudiants peuvent se présenter à ces concours (CAPES, agrégation) à la condition d’avoir, respectivement, une licence ou une maîtrise en sciences économiques, droit, histoire ou géographie, sociologie ou psychologie, ou un diplôme de l’Institut d’études politiques. Au CAPES, les épreuves écrites sont au nombre de deux (Sciences économiques, Sciences sociales) plus une matière au choix du candidat (Droit public et Sciences politiques, Psychologie sociale, Histoire économique et sociale, Géographie économique et humaine) ; l’oral comporte une épreuve de mathématiques et statistiques et un exposé dont le sujet est puisé dans le programme de terminale des lycées. À l’agrégation, l’écrit comporte une épreuve de Sciences économiques, une de Sociologie et démographie et une d’Histoire contemporaine ; l’oral comporte alors une leçon sur le programme de la section B des lycées, une épreuve de commentaire de dossier portant sur des textes de nature économique et sociale et une épreuve de mathématiques.

42Il en ressort clairement que dans ce contexte institutionnel l’économie est mise en contact avec les sciences sociales voisines [23]. E. Chatel (1993, 95-6) fait remarquer que la pluridisciplinarité est plus faible à l’agrégation qu’au CAPES : c’est exact en termes du nombre de matières, c’est aussi exact en termes du nombre des spécialisations que l’on accueille, par l’intermédiaire de l’épreuve optionnelle. Toutefois, du point de vue qui est le nôtre ici, l’étroitesse relative de l’agrégation met au centre de l’épreuve l’économie, la sociologie et l’histoire contemporaine, soit les matières autour desquelles s’articulent, depuis la tradition durkheimienne, les fondateurs de la Revue économique ou encore l’École de la Régulation.

3 . 3. Conséquences non voulues en termes de sociologie économique

43Une formation dans laquelle l’économie politique est associée à d’autres sciences sociales aboutit à l’existence d’un public de « consommateurs-prescripteurs » des savoirs, issus du monde académique ou non, dans lesquels ces sciences sont associées comme c’est l’essence même du projet de la sociologie économique. Au sommet de cette filière de formation se trouvent un petit nombre d’étudiants des ENS et d’agrégés dont la trajectoire professionnelle les porte de plus en plus vers l’enseignement supérieur où ils peuvent chercher à valoriser les compétences socio-économiques selon lesquelles leurs performances ont été évaluées.

44En outre, cette filière de formation permet d’expliquer d’une autre manière la forte présence des économistes dans la sociologie économique française. La place accordée à l’économie politique dans les concours de recrutement de la filière SES et la formalisation mathématique qu’elle revêt font qu’il y a une surreprésentation des étudiants d’économie chez les normaliens, les capésiens ou les agrégés. C’est un fait qui est constaté uniformément, même si cela n’apparaît qu’à demi-mot dans ce rapport du concours de CAPES (1978) lorsqu’il est fait allusion au « manque de connaissances des candidats en matière d’histoire économique et sociale » et à la tendance à n’avoir qu’un « simple vernis sociologique » (in Chatel, 1993, 96). Cela est encore plus présent pour le concours de l’agrégation dont les sociologues s’affligent de constater que les étudiants issus des filières de sociologie sont très minoritaires comparativement aux économistes [24].

45Cette constatation montre que, tout en étant placée dans une position intellectuelle identique aux autres sciences sociales (sociologie et histoire), l’économie garde une prépondérance de fait dans le recrutement de ceux qui seront les porteurs les plus favorisés d’une approche socio-économique. Couplée aux traditions hétérodoxes françaises – celles de l’économie positive, du marxisme universitaire ou de son croisement actuel dans le cadre de l’École de la Régulation – cette constatation permet de comprendre qu’une fraction importante des personnes intéressées par la sociologie économique en France ait une origine disciplinaire issue de l’économie politique plutôt que de la sociologie.

Conclusion

46Dans les années 1950, la sociologie économique n’a pas été considérée comme une pièce majeure de l’héritage sociologique, alors même que ce domaine avait été un des points forts de l’école durkheimienne. Le discrédit de la sociologie durkheimienne chez un sociologue comme J. Stoezel ne suffit pas à rendre compte de cette situation, car les autres grandes références de la sociologie classique – M. Weber, V. Pareto ou G. Simmel – auraient pu donner l’impulsion à une sociologie économique tant leurs œuvres offraient de possibilités en la matière. Ce sont les économistes qui recueillent à leur manière l’héritage durkheimien et s’emparent, sans les revendiquer, de certaines des idées fortes de F. Simiand pour proposer une orientation sociologique de l’économie politique.

47La structure institutionnelle mise en place dans ces années joue ensuite un rôle décisif. L’impératif de compétence et d’information économiques à l’échelle de l’ensemble de la nation énoncé au sein des commissions du Plan trouve sa traduction dans l’enseignement secondaire (filière SES) et supérieur (formation des enseignants de la filière SES). Ces enseignements aboutissent à l’existence d’une population, certes limitée mais parmi la mieux dotée scolairement, amenée à placer l’économie de plain-pied avec les autres sciences sociales et donc à envisager la sociologie économique comme un investissement digne d’efforts et cela quand bien même les structures universitaires n’ont pas (encore ?) ouvert la porte à ces formations ou recherches hybrides.

48Sur la base de cette analyse, sans faire intervenir une quelconque spécificité culturelle française, on peut comprendre les raisons de la réception active de la New Economic Sociology en France à partir du début des années 1990 ainsi que la place des économistes dans ce domaine de la recherche.

Notes

  • [1]
    Les traductions de l’ouvrage de M. Granovetter (2000) et de celui de R. Swedberg (1994) en sont de bons exemples.
  • [2]
    Rappelons que la revue durkheimienne est essentiellement faite de comptes rendus d’ouvrages et qu’elle ne publie qu’un ou deux articles par volume sous l’intitulé de « Mémoire original ». Cette structure évolue cependant au fil des années considérées ici : à partir du volume publié en 1971, des articles rangés sous la catégorie « Études » viennent compléter les « Mémoires originaux » puis, à partir de 1976, la revue durkheimienne s’organise autour de numéros thématiques, la partie compte rendu étant alors fortement réduite.
  • [3]
    Pour aller à l’essentiel, la différence porte sur le rôle et la place de la théorie orthodoxe dans l’économie positive : A. Aftalion la voit comme un ensemble de propositions à tester grâce aux techniques statistiques ou économétriques, alors que F. Simiand considère qu’une économie positive digne de ce nom doit créer ses propres catégories analytiques (Steiner, 2001 ; 2005, chap. 4).
  • [4]
    Dans le volume publié en 1949 (pour les années 1940-1948), il n’y a pas de section « Sociologie du travail », mais une section « Technologie » sous la direction de G. Friedman et avec une « Note sur les rapports de la technologie et de la sociologie » d’A. Leroi-Gourhan. Au vu de son contenu et des personnes impliquées, nous avons considéré cette section comme la première expression de la section « Sociologie du travail ».
  • [5]
    Nous avons retenu une acception large selon laquelle le croisement entre recherche sociologique et objet économique suffit pour faire entrer l’article dans notre comptage. J. Heilbron (2001, 49) aboutit à une évaluation nettement plus faible – 1 à 2 % des articles publiés – que la nôtre, ce qui s’explique par le fait qu’il n’a retenu que les articles rangés sous l’intitulé « Économie » dans la table duodécennale de la Revue française de sociologie compilée en 1980 par S. Engrand. Il faut aussi tenir compte de la parution, en 1969, d’un numéro spécial de la revue (Les faits économiques), sous la direction de J. Cuisenier. Ce volume comporte 9 articles balayant un vaste ensemble de sujets : l’économie planifiée (P. Kende), la spéculation (J. Lautman), l’organisation patronale (A. Jacob-Ory) ou encore l’art dans l’économie industrielle capitaliste (R. Moulin). En ouverture, J. Cuisenier (1969) a placé la réflexion sous l’égide de la théorie de T. Parsons tout en s’en démarquant pour mettre l’accent sur la nécessité d’un travail sociographique et les faiblesses de l’approche trop abstraite du sociologue américain.
  • [6]
    Pour ce dernier domaine, nous pensons aux Archives de sciences sociales des religions, créées en 1973. Nous n’avons pas pu accéder aux Cahiers de sociologie économique, fondés par la Société des amis du centre universitaire havrais en 1959 (Pollak, 1976, 112).
  • [7]
    La position de P. Bourdieu est typique de la difficulté que rencontre l’analyse ici. Actes est de toute évidence une revue qui sert la mise en place de la théorie générale de son directeur. Or cette dernière est noyée de références et d’analogies à l’économie (Caillé, 1986, chap. 1 ; Favereau, 2001). P. Bourdieu lui-même laisse d’ailleurs entendre que, depuis 1960, son travail rencontre régulièrement les questions économiques (Bourdieu, 2000, 11), tout en s’efforçant de construire un nouvel ensemble de concepts (habitus, champ, etc.) pour en rendre compte (ibid), ce qui le place de facto dans la suite de la stratégie durkheimienne de F. Simiand.
  • [8]
    Par exemple : l’accès aux positions dominantes dans l’entreprise (Villette, 1975), l’économie des biens symboliques (Bourdieu, 1977), les déterminants sociaux de la fertilité des sols (Reboul, 1977), artisanat et trajectoires sociales (Zarca, 1979).
  • [9]
    Sur ces deux économistes et, plus généralement, sur l’économie politique française de l’entre-deux-guerres, il faut se reporter au travail de L. Levan-Lemesle (2004).
  • [10]
    Le passage suivant du programme du collectif éditorial présenté dans le premier numéro de la Revue économique (mai 1950) est tout à fait explicite sur ce point décisif : « Il est dans l’intention du Comité de direction de consacrer le principal de ses efforts à organiser des échanges de vues entre les diverses disciplines sociales et l’économie politique, à promouvoir des rapprochements et des enquêtes communes » (je souligne). La raison en est donnée plus bas : « Les faits économiques ne peuvent se détacher de la masse des faits sociaux que par abstraction, par violence, nous dirions volontiers par mutilation », et l’espoir est dirigé vers un « retour à l’humain sans quoi toute spéculation économique se condamne à demeurer, sinon inutile, du moins inachevée » (ibid., 4).
  • [11]
    Ce lien entre les durkheimiens et F. Braudel ressort de la biographie intellectuelle que lui a consacrée G. Gemelli (1990), notamment lorsque celle-ci note l’admiration de F. Braudel pour M. Mauss et F. Simiand et ses contacts avec un membre du groupe durkheimien (L. Gernet) lorsqu’il est en poste à Alger (ibid., 42), puis l’influence de F. Simiand sur la première version de La Méditerranée (ibid., 197, 199). Les liens entre F. Simiand et l’école des Annales sont bien connus par l’intermédiaire de ses relations avec L. Febvre qui a un intérêt profond pour son travail. Rappelons que la critique de l’histoire historicisante publiée par F. Simiand en 1903 est republiée dans les Annales en 1960, moment où F. Braudel en est le directeur.
  • [12]
    Le cas de A. Nicolaï vaudrait que l’on s’y attarde tant il a pu représenter l’espoir de cette école. Sa thèse (Nicolaï, 1960), rapidement publiée dans la collection dirigée par les fondateurs de la Revue économique, fait de lui le porte-parole du projet de la revue parmi les jeunes professeurs. Les bouleversements de mai 68, l’isolement dans lequel il s’est trouvé puisque ses collègues choisissent entre l’économie néoclassique et sa critique marxisante alors que les sociologues prêtent peu d’attention à la sociologie économique expliquent son peu d’influence dans les décennies qui suivent.
  • [13]
    Il entre dans le comité de rédaction de la Revue d’économie politique en 1979 ; avant cela il a participé à la section « Sociologie économique » de L’Année dès 1967, et intervient comme un des organisateurs de cette section dès 1970. Au passage, on relèvera des différences entre les approches défendues par les économistes de cette dernière revue par rapport à ceux de la Revue économique : dans l’intéressant rapport au Congrès des économistes de langue française que rédige B. Lassudrie-Duchêne (1967) sous le titre de « Économie politique et sociologie », il s’inquiète de l’empirisme abstrait de l’approche développée par J. Lhomme, J. Weiller ou A. Nicolaï pour lui préférer une approche basée sur des concepts transdisciplinaires.
  • [14]
    Il faudrait aussi tenir compte de la nébuleuse de revues qui se trouve derrière l’appellation générique Économie et société, revue publiée par l’Institut de science économique appliquée (ISEA, puis ISMEA), dirigé par F. Perroux. On notera l’existence d’une éphémère série ES (Économie et sociologie) qui publie deux numéros sous la direction de J. Cazeneuve en 1972 et 1975 et, surtout, d’une série V (Humanités, économie, ethnologie, sociologie) qui publie 11 volumes entre 1959 et 1968 centrés sur les problèmes du développement.
  • [15]
    Cet état de fait tient aussi à la posture différente que les sociologues ont adoptée vis-à-vis des demandes émanant de la planification. Lorsque C. Gruson, directeur de l’INSEE, vient plaider pour une sociologie d’action capable de se mettre au service de la prévision et de la gestion du social (Gruson, 1964), la discussion qui suit montre les réticences de son auditoire. R. Aron fait valoir la différence entre la connaissance et la prise de décision (in Gruson, 1964, 443), M. Crozier pense que la planification n’est plus à l’ordre du jour, mais que les sociologues doivent réfléchir aux problèmes posés par C. Gruson. Il n’y a que P.-H. Chombart de Lauwe qui soit plus favorable à la condition qu’entre le sociologue et les commissions du Plan soit « instauré un dialogue et non seulement une passation de commande » (ibid., 446). Un an plus tard, analysant la production du Tavistock Institute en parallèle avec les travaux de la Conférence ministérielle sur la science, J.-D. Reynaud insiste sur la différence profonde existant entre la recherche fondamentale du savant (sociologue compris) et l’intervention sur le modèle du professional (Reynaud, 1964, 232).
  • [16]
    C’est un thème fréquent sous la plume d’A. Sauvy (1946, chap. 13 ; 1949, 37-95). Dans le dernier ouvrage mentionné, l’auteur balaye systématiquement les différentes formes de la connaissance économique : celles de l’entrepreneur, celle de l’homme de la rue, celle de l’économiste et celle du politique.
  • [17]
    Cette séparation ne s’est pas faite sans conflits entre les économistes : nombreux sont ceux qui s’opposent à l’autonomisation de l’économie vis-à-vis du droit dans la mesure où ils s’opposent à une primauté accordée aux mathématiques en faisant valoir le caractère formateur pour le raisonnement de la logique juridique (Morisson, 1975, 1011). Cette opposition n’est d’ailleurs pas seulement le fait d’économistes historiens, puisque F. Divisia (1953), en opposition à M. Allais (1953), propose le maintien du lien droit-économie, au nom des impératifs de la formation de praticiens de l’économie (Divisia, 1953, 204), ce qui lui permet du même coup de s’opposer à la création d’une faculté de sciences sociales, car ce dernier terme lui paraît trop mal défini (ibid., 206).
  • [18]
    Formation qu’il faut entendre dans un sens large et qui recoupe l’idée de formation du citoyen, ainsi qu’on le trouve indiqué par P. Mendès France et G. Ardant (1973, 379) : « On peut même penser que la connaissance des lois fondamentales de l’économie est plus utile à chaque citoyen que de nombreux éléments qui sont enseignés dans les lycées, les collèges et les écoles primaires. »
  • [19]
    Fourastié est un économiste d’action, soucieux d’intervenir sur la réalité : ses écrits économiques visent un large public et non le petit monde des virtuoses de la théorie économique (Fourastié, 1994, 91). Il fait donc partie de ce que nous avons appelé (Steiner, 1998, chap. 1) des fournisseurs de connaissances économiques matériellement rationnelles au sens où ces dernières sont liées à des enjeux politiques et pédagogiques particuliers au contexte dans lequel elles s’inscrivent.
  • [20]
    Nous nous basons ici sur les informations apportées par le travail d’E. Chatel et son équipe (Chatel, 1993).
  • [21]
    Ce dernier est l’auteur d’une thèse intitulée Essai sur quelques tentatives d’intégration de l’économie et de la sociologie, soutenue en 1964.
  • [22]
    La raison qu’il avance est intéressante et recoupe notre argumentaire en termes de sociologie de la connaissance : « La commission de 1976 [commission qu’il préside] préconisait de rattacher cet enseignement concret des sciences économiques à l’histoire économique et de le confier à des professeurs d’histoire. Mais, depuis, a été créée une section de sciences économiques et sociales au CAPES : ce qui signifie qu’il y a maintenant des professeurs qui, par vocation, enseignent l’économie en section B. Ils ont été formés à l’Université, donc à des sciences économiques plus abstraites : ils ont des difficultés à s’adapter à ce programme concret, ce qui a tendance à gauchir l’enseignement » (Fourastié, 1994, 122).
  • [23]
    Cet état de fait n’empêche pas que le rapport de l’économie à ces sciences sociales voisines demeure toujours compliqué en raison de la position particulière qu’occupe la « science » économique et sa formalisation mathématique qui rebute ou effraie certains étudiants. E. Chatel (1993, 79-85 ; 1995, 10-12) fait remarquer que les programmes se ressentent toujours des conflits entre économistes académiques et de la difficulté qu’il y a pour certains à accepter l’idée d’une économie politique qui ne soit pas séparée des autres sciences sociales ce qui occasionnerait une confusion entre la composante scientifique et la composante culturelle des SES. Les sociologues sont d’ailleurs vigilants sur l’équilibre à respecter dans cette filière (Chamboredon et Chazel, 1980).
  • [24]
    Dans son étude sur l’enseignement de la sociologie, A. Chenu (2002, 56) constate : « La part des étudiants formés principalement en sociologie parmi les reçus au CAPES de sciences économiques et sociales et à l’agrégation de sciences sociales n’a jamais été bien importante, et elle tend à devenir insignifiante. Une étude de l’agrégation de sciences sociales indique que le recrutement de l’agrégation a d’abord concerné principalement les titulaires de diplômes de sciences économiques. »
Français

RéSUMé. — Comment expliquer l’intérêt pour la sociologie économique en France à partir des années 1990 ? Comment expliquer la forte présence d’économistes dans ce champ de la recherche ? Cet article répond à ces deux questions en montrant tout d’abord qu’il existait un intérêt pour la sociologie économique après la deuxième guerre mondiale, mais que ce seront plutôt les économistes à en être les porteurs. Par ailleurs, les structures scolaires en pleine transformation donnent une assise inattendue à la sociologie en créant un enseignement de sciences économiques et sociales et en amenant l’Université à former les personnes chargées de les enseigner.

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Philippe Steiner
IRIS, Paris IX
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/08/2007
https://doi.org/10.3917/anso.052.0391
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