CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Depuis quelques décennies les valeurs suscitent de plus en plus l’intérêt des sociologues et des philosophes [1]. Pour une partie d’entre eux cet intérêt tient à l’analyse du changement social : les valeurs (mais aussi les styles de vie, les attitudes, les comportements) contribuent à brosser le portrait de sociétés en changement global [2]. Mais l’intérêt porté aux valeurs dérive aussi d’une insatisfaction épistémologique envers la théorie du choix rationnel et notamment l’anthropologie utilitariste qui lui est sous-jacente [3]. À partir de ces critiques du caractère limité, voire réducteur d’une logique du sujet se tenant sur la seule notion d’utilité, l’analyse des valeurs développe une tout autre perspective (Boudon, 1999).

2L’importance d’une approche visant à la prise en compte d’une rationalité axiologique est particulièrement évidente lorsque ce sont les raisons des valeurs religieuses qui demandent à être comprises. En effet, face à la rationalité des croyances, l’univers du religieux semble garder le statut d’une exception remarquable. Cet univers paraît ne concéder aucun espace non seulement à la rationalité axiologique, mais aussi à toute sociologie de l’action se fondant sur une perspective individualiste.

3Renvoyées à des doctrines ayant fait l’objet d’une annonce prophétique et d’une élaboration théologique, l’une et l’autre divulguées par des institutions revendiquant le droit de l’interprétation authentique et des pratiques obligatoires, les croyances religieuses semblent ne pas laisser de marges d’interprétation au sujet. Ce dernier semble être le produit du triple conditionnement de la conscience psychique, de la tradition acquise et des stratégies institutionnelles [4]. Si encore chez Simmel les croyances religieuses constituent des formes pour maîtriser le monde réel et une des « mises en forme de la vie » (Simmel, 1998) [5], pour Durkheim celles-ci recèlent, sous un langage transcendant, les forces morales charpentant la société même (Durkheim, 1979) ; dans la tradition phénoménologique, les croyances religieuses se révèlent être une véritable mise en ordre des différents éléments d’une culture, une « nomisation du monde » (Berger, 1971). Or, si l’on admet que, dans la plupart des cas, les croyances religieuses contribuent à assurer la mise en ordre des différents éléments d’une culture, on ne saurait attribuer aux individus la possibilité de façonner à leur gré cet aspect décisif de la construction sociale de la réalité [6]. Les sujets seraient dans l’impossibilité de choisir consciemment les croyances provenant d’une religion, ils ne pourraient que les endosser, celles-ci étant déjà données par la société qui est censée les socialiser [7]. À la suite de ces considérations, la persistance d’une interprétation déterministe des croyances religieuses apparaît peu contestable.

4Dans sa relecture de l’œuvre de Durkheim et de celle de Weber, Raymond Boudon aborde l’analyse des phénomènes religieux (Boudon, 1998-2000). En dépit d’une littérature traditionnelle ayant constamment mis en relief les différences et les oppositions entre ces deux auteurs, Raymond Boudon souligne au contraire les affinités épistémologiques, notamment à l’égard de l’analyse des phénomènes religieux. Aussi bien pour Durkheim que pour Weber, le croire fait l’objet d’une analyse rationnelle qui ne diffère pas de toute autre analyse. Dès que l’action est rationnelle on ne peut s’éviter une approche du croire religieux en termes individualistes en retenant moins les causes que les raisons. Cette prise de position de Raymond Boudon semble être d’autant plus convaincante qu’elle est mise en œuvre dans son commentaire partiel à l’enquête sur les valeurs de Roland Inglehart (Boudon, 2002). L’inégalité d’appréciation des différentes croyances religieuses traduite par les données [8] est expliqué par le fait qu’une croyance religieuse « a d’autant plus de chances de se maintenir qu’elle peut plus facilement recevoir une interprétation symbolique et immanentiste et qu’elle est porteuse d’un message d’espoir et de bonheur » (Boudon, 2002, p. 44). S’il en est ainsi, le croyant opère un tri dans l’ensemble des croyances. Ce faisant, non seulement il fait preuve d’autonomie, mais il met aussi en question ce tout cohérent qu’est une religion sous forme de doctrine du salut, qu’il faut appréhender dans son ensemble et non par fragments. On arrive ainsi à l’hypothèse du « bricolage religieux » décrite par Danièle Hervieu-Léger (Hervieu-Léger, 2001), mais aussi à celle d’une disparition complète de la dimension constitutive des religions du salut : celle de l’attente du salut même (Hervieu-Léger, 2003) [9].

5De ce fait, postuler l’autonomie du sujet qui choisit, parmi l’offre des croyances, celles qui satisfont au mieux ses exigences de compréhension de l’univers environnant, peut mettre en crise la charpente entière du croire religieux, lorsque ce dernier, plutôt qu’appréhendé à l’état dispersé, est réuni dans des doctrines de salut. Analyser les raisons qui sont à la base de l’endossement des croyances religieuses se révèle ainsi tout à fait au centre non seulement des parcours épistémologiques de la sociologie actionniste, mais aussi des analyses sur le devenir de l’univers religieux dans le contexte contemporain. En effet il est tout à fait clair que la perspective actionniste expliquant bien le bricolage des choix des sujets remet au centre le problème des raisons du croire.

6Max Weber a peut-être été l’auteur qui s’est le plus efforcé de reconstruire la logique du sujet croyant au fil de ce que l’on pourrait appeler les différentes étapes du développement des religions [10]. La logique webérienne présente des variations par rapport aux différents types de religions. On pourrait ainsi parler de logiques du croire, produisant à leur tour des conséquences fort différentes sur le développement de la civilisation. La référence à Weber nous semble tout à fait nécessaire pour conjuguer l’analyse sur les raisons de la croyance religieuse avec la spécificité de l’objet religieux en tant que tel. Dans les pages qui suivent nous poursuivrons l’objectif de mettre en relief ces différentes « formes » du croire religieux telles que nous les avons rencontrées tout d’abord dans les pages de Weber, ainsi que dans nos recherches sur les mouvements religieux et sur la vie consacrée (Abbruzzese, 1993, 1995, 2001) [11].

Pourquoi croit-on au prophète ? De la stratégie utilitariste à l’adhésion éthique

7Pour Max Weber l’origine des religions réside en une préoccupation nettement intra-mondaine : « Les formes les plus élémentaires du comportement motivé par des facteurs religieux ou magiques sont orientées vers le monde d’ici-bas » (ES, 429) [12]. Le rapport do ut des est la clé de l’appel du sujet au transcendant et l’objectif est celui d’avoir « bonheur et longue vie sur la terre ». Le magicien, en tant que premier titulaire professionnel d’un charisme qualifié, est directement lié à cette forme d’échange : le croire du sujet, à ce stade, n’a rien d’incompréhensible ni de mystérieux car il se soumet aux résultats obtenus par l’acte magique et paie le magicien de la même monnaie que toutes les autres prestations professionnelles [13]. L’adhésion aux croyances de ce genre est de ce fait expliquée par le succès des manipulations du magicien [14]. Nous ne sommes ici qu’à un stade relativement primitif de la croyance mais qui, par contre, revient constamment et n’a rien d’irrationnel : la confiance dans le charisme du magicien ne demeure que là où aucune connaissance n’a encore permis de révéler des relations différentes. La croyance magique étant orientée par des principes intra-mondains de bien-être et de salut, s’inscrit dans une rationalité de type utilitariste. Elle en appelle aux effets d’une action rationnelle (selon le rapport fins-moyens) et est orientée vers des objectifs. Les raisons utilitaires au sens large persistent ainsi bien au-delà du travail du magicien et de la magie même. La croyance dans les esprits, par exemple, se produit comme un surcroît des actes magiques (ES, 430). Les actions qui se produisent à ce stade s’inscrivent encore dans une attitude utilitaire, mais il s’agit maintenant moins d’obtenir des faveurs que de dominer l’angoisse (ES, 433) [15]. Les fonctions sécurisantes et de protection sont nécessaires aussi bien pour les sujets que pour les groupes. Le Dieu continue à être invoqué afin d’en obtenir la protection ou, au moins, d’en éviter la colère [16]. À ce titre, magie et religion continuent à se superposer et, bien plus, les raisons de l’une et de l’autre visent encore à atteindre des objectifs plus ou moins vérifiables. Elles suivent une rationalité utilitaire et conséquentialiste.

8Les raisons du croire – telles que nous pouvons les percevoir toujours à l’aide de la pensée webérienne – changent radicalement avec l’avènement des monothéismes et de l’action du prophète. La croyance en un Dieu unique, au-delà de ses conséquences sur la perception même du concept d’humanité [17], change complètement les coordonnées du monde d’ici bas. La question centrale devient : « Comment l’énorme puissance d’un tel Dieu peut-elle se concilier avec le fait de l’imperfection d’un monde qu’il a créé et qu’il gouverne ? » (ES, 535). Toutes les différentes théodicées expliquent que le mal ne peut être évité et que le problème n’est plus celui d’avoir une « longue vie sur la terre » mais d’accumuler « un trésor dans les cieux ».

9Les premières conséquences affectent le plan des conduites : il ne s’agit plus de ne pas offenser les dieux, mais d’agir constamment selon les commandements éthiques du Dieu unique. Ceux-ci concernent non seulement l’observance des pratiques mais aussi la décision pour le sujet de s’activer le plus possible pour intérioriser les principes éthiques afin de modifier profondément sa personnalité [18]. Un deuxième changement se produit aussi sur le plan des objectifs. L’intérêt pour le salut éternel de sa propre personne se substitue à tous les autres intérêts possibles. Le salut passe par l’adhésion à l’une des différentes voies du salut-délivrance et celles-ci fonctionnent comme biens de substitution. Ces changements contribuent à réviser l’explication strictement utilitaire des actes religieux. À la place de l’utilité dans la vie du monde d’ici-bas s’affirme la volonté d’avoir accès aux voies de salut-délivrance qui ne concernent que l’au-delà.

10Ce dernier objectif n’est pas moins utilitaire que le premier. S’efforcer de conquérir la vie éternelle n’est pas moins conséquentialiste qu’invoquer les dieux pour obtenir la victoire lors d’une bataille. Toutefois les coûts varient considérablement : au lieu d’offrandes rituelles, c’est une transformation des consciences qui est demandée. Une telle demande ne peut plus se résoudre au niveau du seul plan conséquentialiste des stratégies utilitaires. En effet, pour un bien immatériel, dont l’acquisition est renvoyée à une deuxième existence, les porte-parole de la divinité et les disciples demandent un renoncement radical aux biens de ce monde et donc à tous les objectifs possibles d’une rationalité utilitariste intra-mondaine. Ces derniers ne peuvent être visés que sous une forme subordonnée [19].

11Chez Weber, la doctrine de salut emporte l’adhésion moins par les promesses annoncées que par sa cohérence interne. S’il suffisait de croire au charisme du magicien pour le client poursuivant des objectifs strictement utilitaires, il n’en est pas de même pour le croyant qui doit adhérer à une doctrine du salut. À l’instar des maîtres d’écoles philosophiques, c’est bien tout d’abord une cohérence doctrinale et une rectitude morale qui sont demandées au prophète [20]. De ce fait celui-ci, ainsi que ses disciples, non seulement se dérobe à toute récompense terrestre, mais il doit aussi jouer le rôle d’un maître de vie : la prophétie éthique n’est pas disjointe d’un comportement exemplaire [21]. Ainsi, en conséquence de sa « proclamation d’une vérité de salut faite en vertu d’une révélation personnelle » (ES, 470) le prophète énonce une philosophie de l’être et du cosmos : « Pour le prophète, la vie et le monde, les événements sociaux et les événements cosmiques ont un sens unitaire systématique déterminé. La conduite des hommes doit être orientée selon ce sens et être modelée de façon significative et unitaire pour qu’on puisse leur apporter le salut » (ES, 473).

12Adhérer aux principes éthiques dont le prophète se fait le héraut prend la forme de l’adhésion à une doctrine. Il ne s’agit pas seulement de croire à une nouvelle interprétation de l’existence et du monde, mais il est surtout question d’adhérer à une remise en ordre de la vie quotidienne agissant aussi bien dans le for intérieur de la conscience privée du sujet que dans les relations que celui-ci entretient avec l’extérieur. À l’organisation de la conduite doit suivre celle de l’esprit de chacun. Le décalage avec la croyance magique ne pourrait être plus radical : face à une doctrine de salut, il n’est plus question d’utiliser les forces suprasensibles pour diriger une vie déjà établie quant à ses fins. Au contraire, il s’agit d’un renouvellement de fond en comble des principes gérants la maîtrise de la vie quotidienne pour parvenir à une véritable adéquation de cette dernière aux principes affirmés par la doctrine. Le quotidien doit sortir du répétitif pour devenir le lieu d’exercices, voire d’ascèse.

13Weber consacre des pages importantes à signaler les obstacles qui surgissent dans les différents groupes sociaux pour adhérer à la doctrine du salut. Ceux-ci ne sont pas tous dans les mêmes conditions pour les accepter au fur et à mesure qu’ils sont soumis à des effets de position et de disposition (Boudon, 1986) qui peuvent tantôt faciliter tantôt empêcher la diffusion de la nouvelle doctrine à l’intérieur du corps social.

14D’où, par exemple, les difficultés pour les classes paysannes qui par l’expérience des aléas des saisons se voient ôter tout accès à une rationalisation de l’existence. Il en est de même pour la noblesse guerrière et les puissances féodales, également indifférentes aux croyances en la « rédemption » et en l’ « humilité » et dont l’objectif est celui de défier le sort et l’irrationnel. « Affronter avec courage la mort et l’irrationalité du destin humain est l’affaire quotidienne du guerrier » (ES, 495) ; il reste par ce biais étranger à toute conception ordonnée du monde sauf à celle mettant en jeu le combat pour la foi. Il advient le contraire pour les militaires encadrés dans les légions romaines (le culte de Mithra). Le cas de la bureaucratie administrative est particulièrement éloquent. Elle est porteuse d’un rationalisme sobre et son idéal de discipline et de sécurité l’éloigne de toute irrationalité émotionnelle dans la religion [22]. Il en va encore différemment pour les autres groupes sociaux [23]. À l’instar de la distinction entre la noblesse guerrière et les armées professionnelles, Weber introduit une distinction entre le capitalisme conditionné par les choix politiques et le capitalisme d’entreprise : « En général la tendance à adhérer à une religiosité de communauté émotionnelle, éthiquement rationnelle, était d’autant plus forte que l’on s’éloignait des couches porteuses du capitalisme conditionné par la politique... et aussi plus on se rapprochait de ces couches porteuses d’une économie d’entreprise, moderne et rationnelle. » [24] C’est dans la petite bourgeoisie artisanale que Weber trouve les meilleures dispositions pour le développement d’une rationalisation éthique de la vie quotidienne en vue d’un salut. L’activité de l’artisan est moins exposée aux aléas du temps qui poursuivent le paysan, elle est soumise à un calcul constant de son travail. L’artisan est naturellement persuadé que l’honnêteté entre parmi ses intérêts, que le travail fait avec rectitude et que l’accomplissement de ses devoirs méritent une récompense. Weber ajoute ensuite : « ... les artisans avaient le temps et la possibilité de ruminer leurs pensées tout en travaillant – du moins dans certaines professions qui, sous nos climats, sont surtout exercées à domicile, tels les métiers du textile qui ont été en tous lieux fortement imprégnés de religiosité sectaire. » [25]

15Pour Weber, le mobile de la croyance religieuse reste constitué par « le besoin intellectuel de comprendre les problèmes éthiques et religieux sans y être contraint par une nécessité matérielle, mais poussé par sa propre nécessité intérieure à saisir le monde comme un cosmos doté de sens, et à prendre position par rapport à lui. La destinée des religions a été conditionnée dans une mesure extraordinaire par les voies où l’intellectualisme s’est engagé à leur propos, et par les relations variées qu’il a entretenues avec le clergé et les pouvoirs politiques » [26]. L’explication des croyances religieuses passe ainsi du constat des dons charismatiques chez le prophète éthique à celui de la compatibilité d’une doctrine de salut-délivrance avec la perception du monde que le sujet construit à partir de sa position sociale. La croyance en la nouvelle doctrine rentre ainsi dans l’ordre du cognitif : à l’instar de l’homme de science et du philosophe aspirant à la vérité, l’homme du croire veut connaître la vérité sur « le monde comme un cosmos doté de sens ». C’est justement parce que l’expérience concrète restitue telle ou telle autre image du réel que la doctrine religieuse est mieux acceptée dans certaines couches sociales que d’autres.

16Mais si en fonction des différentes positions sociales, les différentes dispositions par rapport à une doctrine du salut permettent, en partie au moins, de révéler les potentialités latentes qui émergent dans chaque couche sociale vis-à-vis de l’adhésion ou du refus de la nouvelle religion, celle-ci ne s’épuise pas encore dans de telles dispositions. En d’autres termes, on n’adhère pas à une doctrine de salut et on n’endosse pas la charge d’une attitude de conduite éthique sur la base d’une simple affinité élective entre le contenu du message et une interprétation du monde, interprétation que le sujet élabore en connexion avec les expériences concrètes provenant de sa position sociale. On n’adhère pas non plus par simple besoin de justice ou de redressement des torts. La doctrine du ressentiment proposée par Nietzsche est contestée par Weber, bien qu’il en reconnaisse l’importance.

17Même l’explication webérienne qui finalement revient au « besoin de sens » est encore partielle au fur et à mesure que la doctrine révélée se fait plus exigeante. L’artisan qui se déplace d’un village à l’autre se reconnaît dans les vertus proclamées de la doctrine chrétienne (ES, 502), mais la visée exigeante de cette dernière envers la conduite de vie, son obligation à entretenir des nouveaux rapports sociaux avec ses compagnons de foi, l’adhésion à des dogmes, l’obéissance à de nouvelles autorités, rendent insuffisante l’idée d’une adhésion se fondant uniquement sur une affinité élective entre la doctrine proposée et la conception du monde. En effet comme toute rationalité cognitive visant à la compréhension du vrai, la rationalité qui s’active dans la croyance religieuse met en œuvre des procédures de vérification et de contrôle. Cette vérification est d’autant plus importante que le croire en une doctrine religieuse est censé entraîner des conséquences importantes sur la vie du sujet [27].

Témoignage exemplaire et choix rationnel

18Weber était tout à fait conscient de la nécessité des procédures de vérification et c’est bien à partir de l’idéal type du prophète exemplaire que nous pouvons repérer le fil de sa réflexion sur cet aspect. En tant que témoin exemplaire, le prophète appuie entièrement son message sur la perfection de son existence : il se rend modèle de vie et il en va de même pour ses disciples. Mais c’est surtout la communauté des laïcs croyants qui joue ce rôle de modèle.

19Un nouveau sujet prend place devant l’individu pour motiver ces choix : après le magicien et le prophète, c’est maintenant la communauté des croyants, la « Gemeinde » [28], qui se présente. En effet, la décision de croire finit par se relier à la présence d’un modèle de vie dont le sujet peut faire l’expérience : « C’est seulement là où une religion de communauté émotionnelle a vu le jour – spécialement si celle-ci est rationnellement éthique – qu’elle a pu, naturellement, gagner facilement des adeptes, surtout dans les milieux petits bourgeois des villes et, dans certaines circonstances, influencer de façon durable le genre de vie de ces milieux » (ES, 505). En général, la croyance religieuse trouve ses raisons dans des exemples qui opèrent réellement sous la forme de modes de vie. En tout cas, c’est sur la communauté des convertis que vont désormais s’accumuler les dynamiques du croire. La rationalité cognitive ne saurait se tenir sans un modèle visible qui tient lieu de preuve-témoignage d’une nouvelle forme d’existence.

20Dans l’annonce prophétique, nous avons pu le remarquer, la validation de celle-ci par des actes magiques est renforcée par l’annonce d’une doctrine de salut-délivrance renversant complètement l’utilitarisme propre au croire à visée intra-mondaine. Toute astuce renvoyant à une mécanique de type magique est vivement contestée et condamnée au profit d’une conversion intérieure totale et désintéressée (Regnault, 1990). L’opposition totale envers toute autre forme sociale soucieuse d’attirer l’individu (la famille, l’art, l’éros) – dont Weber trace les conséquences dans la Zwischenbetrachtung – signifie par-dessus tout le renoncement à toute logique utilitaire intra-mondaine. Les désirs terrestres ainsi que les relations humaines doivent se subordonner à l’amour pour Dieu et pour les frères en Dieu ; la communauté chrétienne des origines veut à tout prix établir une nouvelle anthropologie : les anciens besoins sont périmés et l’homme nouveau qui s’annonce est, à plusieurs égards, allégé des préoccupations concernant les biens de ce monde. De même, il est désormais lié à une communauté nouvelle : celle des croyants dans la foi. Une logique anti-utilitaire se situe ainsi à la base des croyances religieuses : le sujet n’a nulle autre raison de croire que celle de reconnaître la « Vérité », telle qu’on la perçoit par la visibilité de la communauté, en s’efforçant de vivre selon ce nouveau modèle d’existence.

21Or c’est bien cette logique qui, après avoir fait régresser l’utilitarisme propre aux commencements de l’action religieuse, laisse transiter d’autres principes. Ils sont à la fois d’ordre cognitif (la doctrine du salut-délivrance se constitue comme une « sagesse de vie » à côté des autres), affectif (la doctrine permet d’intégrer l’amour pour l’autre comme expression de l’amour pour Dieu) et axiologique (la doctrine permet d’intégrer des valeurs déjà préexistantes dans une nouvelle synthèse). Ces trois pôles ne manquent pas de s’affirmer chacun de façon autonome par rapport aux autres. Mais c’est justement à l’intérieur de la communauté des croyants que cette tension entre les trois formes de légitimation de l’action du croire parviennent à se superposer, non sans tensions.

a) cognitif/affectif : le cas des « virtuoses »

22Le fait que la communauté exemplaire soit effectivement à la hauteur de sa tâche dans le processus de témoignage exemplaire du salut est à la base de la première séparation (au moins sur le mode idéal-typique) entre les élites de « virtuoses » fonctionnant comme témoins exemplaires d’un salut déjà à l’œuvre, et la communauté chrétienne s’intégrant progressivement à la société globale environnante. Parfois l’élite des « virtuoses » finit par alimenter une vie communautaire à part et entièrement conforme aux principes divins, prenant ainsi les formes de construction utopique parvenant à la réalisation d’une « utopie pratiquée » (Séguy, 1971). Dans ce cadre, toutes les formes de communalisation finissent par constituer une sorte de protestation implicite contre les « adaptations relâchées » des autres groupes pleinement insérés dans la vie du monde d’ici-bas et par là progressivement dépouillés de l’état de « conscience éveillé » requis par la personnalité éthique (Séguy, 1984).

23L’ascèse extra-mondaine des virtuoses du IVe siècle va changer profondément la structure de la croyance religieuse préexistante. Chez les anachorètes, les « pères du désert », c’est bien l’aspect rationnel-cognitif qui prévaut sur celui de l’émotionnel-affectif. Cet aspect est tout à fait présent dans les études sur le monachisme développées à partir des années 1960 (Guillaumont, 1979 ; Regnault 1990 ; De Vogüé, 1991).

24Les « saints hommes » jouent un rôle important dans la société des Ve et VIe siècles. Encore une fois, à l’instar du prophète et du magicien, la croyance en ce qu’ils sont dépend des preuves qu’ils fournissent. Leur charisme est prouvé par leur capacité à s’échapper, matériellement et psychiquement, des liens qui les unissent non seulement au monde mais aussi aux conditionnements du corps [29]. Pour Peter Brown, l’ermite est reconnu grâce à son effort ascétique régulier et continu. La société de l’Antiquité tardive, imprégnée de l’héritage stoïcien et montrant un véritable dégoût pour la rupture d’identité exprimée par la transe de l’oracle, apprécie le « saint homme » vivant une vie de renoncements et constamment « en train de forger une totale dissociation de son être, en le martelant à froid comme un chaudronnier, à travers une vie entière d’ascétisme » [30]. Cette forme régulière et contrôlée de l’ascèse réalisée par l’introspection intérieure permet au « saint homme » de gagner un rôle de médiateur dans la vie du village. Mais surtout elle permet d’imposer l’objectif d’un contrôle total sur les passions humaines et notamment sur les relations affectives qui s’instaurent dans la communauté chrétienne.

25Un autre aspect à considérer est le rôle joué par la communauté des croyants à l’égard de ces virtuoses. L’expérience de ces premières personnalités qui optent pour cette adhésion radicale à une doctrine de salut nous permet d’observer une véritable évolution de la rationalité des croyances religieuses : l’adhésion à une doctrine ne se limite pas à la seule rationalité cognitive dès qu’elle requiert l’endossement d’un modèle de vie soumis à la vérification – du sujet mais aussi de son environnement – sur le plan de la sagesse et de l’équilibre personnels. La doctrine du salut présente ainsi, à côté de ses porte-parole, des exemples vivants. Le choix du croire peut, à ce point, se développer non seulement par une analyse des contenus de la doctrine, mais aussi par une observation de la vie transformée des ermites. Le passage de la vie anachorétique à la vie communautaire des moines ne fait que renforcer cette régulation des pratiques ascétiques de travail et de prière, tout en renforçant aussi cette fonction de témoignage exemplaire envers les doctrines du salut. La vie d’un monastère et celle d’un couvent produisent autant de modèles de rationalisation de la vie quotidienne pour que l’objectif du salut de l’âme et celui de la perfection intérieure puissent être garantis au plus haut degré. Il en est de même lorsque les communautés de virtuoses se placent dans le milieu urbain et entreprennent des relations avec l’économie de la ville [31].

b) de la rationalité cognitive à la rationalité axiologique

26L’effort ascétique intéresse de plus en plus les sociologues, notamment lorsque celui-ci se détache de la vie claustrale pour envahir le monde. L’ascèse intra-mondaine qui intéresse Weber ne fait que traduire, au milieu de la vie urbaine et laïque d’un monde naissant, le même effort que celui des moines du Ve et du VIIe siècles dans la vie rurale et polythéiste d’un monde finissant. Mais ici c’est la dimension du faire (la vita activa) qui devient importante : des ordres religieux visant à la réalisation d’un objectif spécifique (tels les hospitaliers, les prêcheurs, les missionnaires) aux entrepreneurs calvinistes décrits par Weber c’est bien l’engagement qui prend la relève du contemplatif. À l’instar de l’ascète qui veut fuir le monde, le croyant qui se sent appelé à vivre sa mission à l’intérieur de celui-ci vise moins le travail acharné et incontrôlé que l’organisation rationnelle et méthodique de la tâche. Pour Weber, le cœur de cette ascèse réside moins dans l’effort que dans sa rationalisation, elle se résume moins dans l’exploit temporaire que dans l’emploi méthodique de ses propres forces. C’est justement la raison pour laquelle Weber considère la rationalisation comme une véritable catégorie universelle gérant les choix du sujet, surtout dans le domaine des croyances religieuses.

27Mais ce qui est décisif dans le passage de l’ascèse extra-mondaine à l’ascèse intra-mondaine c’est aussi le renforcement de la rationalité axiologique. Les objectifs intra-mondains à poursuivre ne pouvaient pas se présenter comme autant de valeurs fondées sur des raisons fortes. L’ascèse intra-mondaine de chaque croyant ne pouvait se manifester comme telle sinon par le biais d’une tâche fondée sur une valeur reconnue et manifestement approuvée. Qu’il soit question du travail dans l’entreprise ou de l’assistance aux plus démunis, de l’éducation, de l’évangélisation, désormais la valeur sous-jacente à la tâche tient la place du charisme. La raison qui fait sens est cette valeur qui pose les objectifs intra-mondains et que ces nouveaux groupes d’ascètes ont choisi de suivre et de développer rationnellement de la façon la plus complète [32]. Elle sert d’intermédiaire entre rationalité axiologique, rationalité cognitive et rationalité conséquentialiste des objectifs à atteindre. C’est parce que le sujet est convaincu que la valeur « x » est bonne qu’elle ne peut pas ne pas être bénie par le Dieu. Mais c’est aussi parce que le sujet est convaincu que la tâche « y » exprime au mieux cette valeur qu’il en fait l’objectif principal de ces efforts. La rationalité axiologique, la certitude absolue que la valeur « x » est bonne, devient la forme à travers laquelle les croyances religieuses s’entrelacent avec le plan cognitif de la doctrine du salut. Ce faisant, elles se dégagent des liens affectifs dans leur effort conséquentialiste de réalisation de la tâche.

28Toutefois, aussi bien la rationalité cognitive des virtuoses de la fuga mundi que celle, axiologique, des ascètes intra-mondains n’est jamais celle du plus grand nombre, même si c’est ce dernier qui alimente l’espace de légitimation où les groupes de virtuoses peuvent se reproduire. « ... tout le monde – observe Weber – ne possédait pas le charisme permettant de conserver en permanence dans la vie quotidienne l’habitus spécifiquement religieux qui garantissait la certitude permanente de la grâce. » [33] Dans d’autres passages Weber est encore plus clair. En effet, il est fort improbable que le contenu de la doctrine du salut puisse véritablement être compris en tant que mise en ordre du monde [34]. Les raisons du croire, une fois que nous sortons des couches des virtuoses, restent encore à expliquer. « Mais si l’on ne va pas dans le sens d’une aristocratie intellectuelle, la foi doit être autre chose que la compréhension et l’acceptation effectives d’un système de dogmes théologiques. » [35] La « conscience éveillée » dont parle Weber devait se rendre nécessaire par d’autres mobiles que celui de l’acceptation d’une doctrine où la transformation d’une tâche en valeur constitutive.

c) les raisons des émotions

29Ces mobiles se résument en deux positions différentes des croyants chrétiens devant la Bible. La première se fait un point décisif d’en assurer la connaissance ; c’est pour cette raison que des écoles publiques pour la connaissance de la Bible se trouvent chez les protestants. La deuxième s’affirme dès que les écritures s’enrichissent d’une dogmatique massive. Dans ce cas c’est une « déclaration de confiance et d’abandon à un prophète ou à une autorité institutionnelle » qui prend la place du libre examen présupposant une connaissance. « Du coup – relève Weber – la foi religieuse perd son caractère intellectualiste » [36] pour devenir une qualité intérieure pouvant se résoudre aussi bien dans « une virtuosité de la foi orgueilleuse ou, à l’inverse... une attitude d’abandon religieux absolu et d’humilité pénétrée de Dieu » [37]. C’est à ce sujet que la pure religiosité de la foi devient marquée par « une confiance permanente et inébranlable en la Providence ». Celle-ci intervient pour donner les justifications d’une méthode du salut à la portée de tous, faite de vertus civiques et de respect pour les lois de l’État. Le statut de cette « rationalité de confiance » est à la fois cognitif et affectif. La confiance en Dieu réintroduit une dimension émotionnelle pour soutenir l’adhésion à une doctrine, officiellement transmise par les institutions religieuses et qui, à son tour, ne cesse d’avoir un sens pour le sujet. En effet, l’acceptation simple est beaucoup plus attirante que l’ascèse rigoureuse des « virtuoses » de tout bord.

30Ce qui est important à relever chez Weber c’est la force qu’il attribue à ce sentiment : « ... un comportement éthique ne peut jamais avoir pour sens d’améliorer les chances personnelles de l’individu dans ce monde ou dans l’autre, mais il revêt plutôt le sens [...] d’être le symptôme de l’état de grâce fixé par décret divin [...]. D’où, parallèlement à cette tendance à considérer Dieu comme le souverain qui dispose d’un pouvoir illimité sur ces créatures, cette autre tendance à voir partout la divine Providence, à tout interpréter comme dû à celle-ci et à déceler son intervention personnelle dans le cours du monde. » [38] Ce qui est décisif dans le concept de Providence c’est justement l’accès au salut du plus grand nombre en vertu des seules volontés de se reconnaître pleinement et humblement dans cette mise en ordre du monde, en essayant de vivre avec le meilleur effort possible, le rôle que la Providence leur a assigné. C’est chez des élèves du dominicain Meister Eckart tels que Jean Tauler ou Gérard Groote que nous pouvons apprécier plus clairement les conséquences de cette réévaluation de la dignité de la vie ordinaire et des tâches quotidiennes qu’il faut y accomplir (Kolakowski, 1987 ; Abbruzzese, 1995).

31Une nouvelle voie est tracée : après le prophète, ses disciples et les groupes de virtuoses, nous sommes face à une rupture où la croyance semble être acceptée au-delà de toute possibilité de compréhension. La croyance dans la Providence, d’après Weber, relève d’une confiance dans une intervention de Dieu légitimant la certitude d’un sens des événements, même lorsque ces derniers ne semblent point en avoir. Mais c’est aussi et surtout la conviction de s’inscrire dans un ordre de choses dans lequel tout ce qui peut arriver dans la vie, ayant un sens, finit par avoir son explication. Par là, cet heureux accomplissement constitue le fondement de ce choix. En d’autres termes, c’est parce qu’une compréhension de la réalité peut être réalisée que l’abandon aux sentiments trouve ses raisons fortes. Au lieu d’un modèle de vie privilégié, accessible uniquement aux virtuoses et qui requiert une introspection intenable une fois inséré dans la vie quotidienne, il existe une reconnaissance du caractère sanctifiant de sa propre vie, telle qu’elle est, ainsi que de sa propre « mission » dans cette vie même, une fois reconnue et valorisée. « Le mystique de type taulérien recherche, le soir venu, après le travail de la journée, l’union contemplative de Dieu et retourne le matin suivant à son travail habituel comme Tauler le dit avec émotion, dans la bonne disposition intérieure. » [39] L’exigence de saisir le monde comme un contexte doté d’un sens trouve, à la fois, une réponse et une justification de ce qu’on est et des fonctions qu’on accomplit dans le monde [40]. Dans cette perspective, les raisons du croire religieux coïncident avec celles de l’insertion sociale et de l’acceptation de l’ordre du monde. Salut et valorisation de la fonction sociale occupée finissent par se rejoindre l’un l’autre et c’est par cette voie que le croire religieux dans un monde à venir rejoint les raisons de vivre dans un monde déjà présent. Il le reconnaît ainsi en tant qu’œuvre de la providence.

32La décision d’un croyant de ce genre – voisinant de près la forme mystique – qui conçoit sa vie comme étant habitée par Dieu, le délivre de tout effort ascétique et réhabilite les tâches quotidiennes. Le sujet n’est plus déchiré entre la tâche à laquelle il se sent appelé et celle qu’il accomplit dans la vie ordinaire : de fait celles-ci se superposent. L’acte du croire peut répondre au besoin de sens une fois doublé par une confiance en un Dieu qui dirige entièrement tous les événements du monde. C’est cette confiance radicale qui nourrit désormais toutes les formes de sanctification rituelle du quotidien comme la prière, la sanctification des fêtes, la territorialisation des lieux sacrés, ainsi que leur enrichissement esthétique [41].

Conclusions

33Cette analyse weberienne des différentes rationalités mises en œuvre par le croire religieux permet ainsi de mettre au jour la séparation progressive par rapport à la rationalité utilitaire. De l’aptitude à manipuler où, à défaut, à implorer les puissances surnaturelles afin d’améliorer sa propre vie sur la terre, les groupes de croyants sont parvenus à un monothéisme annoncé par les prophètes et sauvegardé par les églises, les sectes et les dénominations. C’est bien à partir de cette critique radicale de la structure même de l’action magico-religieuse que le nouveau croire – qui fait son apparition à la suite des monothéismes – révèle la centralité de la rationalité cognitive comme de la rationalité axiologique : l’une et l’autre viennent structurer un champ du croire dont toute stratégie utilitariste est mise au ban.

34Centrale est la place, fort différente, que rationalité cognitive et rationalité axiologique accordent à la dimension émotionnelle de l’action affective. Si de même que le comportement utilitaire, l’émotion est bannie des cellules monastiques des anachorètes du IVe siècle comme de celles des moines du VIe siècle, elle est progressivement réapprise à partir du XIIIe siècle et se révèle coextensive aussi bien à l’affirmation de l’ascèse intra-mondaine qu’à la rationalité axiologique qui en est tout à fait au centre. La dimension émotionnelle, une fois coupés les liens avec une attitude instrumentale, n’est rien d’autre que l’expression d’une dévotion totale à la majesté divine. Omniprésente dans les cultes, elle est entièrement au service de la logique du croire, et c’est bien la maîtrise de l’émotion plutôt que son dépassement qui constitue le propre du travail sur soi-même pour le croyant en la Providence. C’est là l’ouverture sur l’élan mystique d’une part et sur l’édification de la vie intérieure de l’autre : l’une et l’autre permettent de s’approprier du capital esthétique et par là émotionnel au profit de ce recadrage sur la vie intérieure que le concept de providence autorise.

35Le primat de la rationalité axiologique dans le croire à une doctrine du salut-délivrance signifie la possibilité pour la valeur choisie (tels que le travail, l’assistance aux plus démunis ou le développement d’un réseau coopératif) de pouvoir jouer un rôle de récapitulation et de synthèse. La valeur orientant l’ascèse intra-mondaine résume à elle seule toute l’épaisseur du parcours d’adhésion. La visibilité sociale de la bonté des principes ainsi que de leurs résultats, tout en situant les virtuoses au centre des intérêts mondains, décloisonne les croyances religieuses de leur contexte doctrinal pour les situer sur le plan des appréciations collectives. L’investissement dans le monde touche ainsi non seulement à l’économie (comme l’avait clairement perçu Weber), mais aussi à la politique (comme signalé par Tocqueville) à la solidarité sociale (comme remarqué par Durkheim), aux arts (comme analysé par Simmel). La dimension axiologique fonctionne comme lien non seulement entre les virtuoses et les fidèles, mais aussi entre les couches intellectuelles, le grand nombre des pratiquants et les non-croyants. Si la doctrine peut rester partiellement incompréhensible, les valeurs, au contraire, peuvent aisément être comprises. Or ces valeurs, apprises en tant que telles (et non nécessairement dans leur lien avec la doctrine du salut qui les a exprimées), font souvent sens, même au-delà des groupes de croyants. C’est justement en vertu de ce caractère que plusieurs croyances religieuses sont tout à fait réhabilitées à l’intérieur de la société contemporaine.

36Le fait que les valeurs religieuses puissent exister et également se répandre à l’extérieur des communautés des croyants explique le décalage entre les différentes croyances qu’il est possible de relever à travers les enquêtes sur les valeurs (Halman, Riis, 1999 ; Boudon 2002). Le passage de l’endossement des croyances à l’adhésion à une doctrine, non seulement fondé sur une rationalité cognitive mais s’appuyant sur la foule des témoins exemplaires – qui deviennent, de ce fait, partie prenante des raisons du sujet –, est loin d’être un processus collectif. Le croire religieux connaît, de ce fait, une différenciation entre les croyances religieuses qui sont endossées sur la base des raisons des sujets et l’adhésion à des doctrines du salut qui, à travers l’expérience des témoins exemplaires, font partie d’un processus plus articulé où aux rationalités cognitives et axiologiques s’unissent des liens affectifs ou émotionnels.

Notes

  • [1]
    Cf. « Y a-t-il des valeurs naturelles ? », Revue du MAUSS, 19, 2002.
  • [2]
    On peut reconnaître au moins deux pistes de réflexion. D’une part celle des analyses tendant à emphatiser le processus social de changement sur le plan économique et, à partir de celui-ci, à en mesurer les conséquences sur les personnes (c’est le cas d’auteurs tels que Zygmunt Bauman, Richard Sennett, Ulrich Beck). D’autre part celle des analyses visant à repérer les transformations des trajectoires personnelles (par exemple les travaux de Christopher Lasch et de Gilles Lypovetski).
  • [3]
    C’est à cause du primat de ces raisons que la théorie du choix rationnel a trouvé de plus en plus de consensus et que les travaux d’économistes tels que Herbert Simon, Mancur Olson, Albert Hirschman, James Coleman à partir des années 1960 ont été de plus en plus importants pour la sociologie.
  • [4]
    Sans aller trop loin, il n’est pas impossible d’évoquer les noms de Freud, Durkheim et Weber pour créditer chacune de ces interprétations. Naturellement, leur pensée va bien au-delà de ces réductions abusives. Cela n’empêche pas que dans les pensées courantes, à l’intérieur et à l’extérieur des sciences sociales, les croyances religieuses apparaissent comme le royaume du sentiment – sinon même des pulsions – plutôt que de la raison.
  • [5]
    Cf. Georg Simmel, Die Religion, de 1906 (traduit en 1964 par Jean Séguy) publié sous une édition élargie en 1912 (traduit par Philippe Ivernel en 1998).
  • [6]
    En effet, le concept de bricolage religieux, forgé par Danièle Hervieu-Léger (Hervieu-Léger, 2001), s’insère dans les travaux qu’elle conduit sur les formes d’adaptation et de relation de l’univers des religions à la modernité. C’est bien parce que cette modernité même a pris la relève des constructions religieuses du monde que ces dernières, ayant perdu leur centralité, peuvent tolérer un degré de bricolage impensable dans les autres contextes.
  • [7]
    Un texte classique de cette dépendance est celui de Pierre Bourdieu (1971), « Genèse et structure du champ religieux », in Revue française de Sociologie, 12, 3, 1971, p. 295-334, et notamment, à l’intérieur de celui-ci, sa présentation de la pensée de Marcel Mauss.
  • [8]
    Notamment certaines croyances sont manifestement mieux acceptées que d’autres. Les sujets interviewés déclarent croire beaucoup plus en l’existence d’une âme qu’en celle du péché, acceptent mieux l’existence d’un paradis plutôt que celle de l’enfer (à ce sujet, cf. aussi Abbruzzese, 2000).
  • [9]
    En effet la logique de Danièle Hervieu-Léger est tout à fait cohérente : une fois que les croyances ne sont choisies que sous une forme singulière, en ignorant quasi totalement le tout doctrinaire auxquelles celles-ci font référence, dans quelle mesure est-il possible de parler de religion comme un ensemble cohérent de croyances et de pratiques dictant une vision de l’existence ?
  • [10]
    Cf. à ce propos Jean Séguy, 1986.
  • [11]
    Cette tentative n’a nullement l’intention de résumer dans les pages qui suivent la pensée wébérienne sur ces sujets, pensée pour laquelle il existe désormais de véritables traditions d’études. Le fait de reprendre certains concepts de cet auteur ne vise qu’à montrer la possibilité d’une compréhension des raisons à la base des adhésions aux croyances religieuses.
  • [12]
    Avec l’acronyme ES nous faisons référence au texte de Max Weber, Économie et société, t. I, Paris, Plon, 1971.
  • [13]
    Le magicien en effet – Weber le souligne explicitement –, au contraire du prêtre et du prophète, se fait payer pour ses prestations charismatiques.
  • [14]
    Comme Raymond Boudon l’a bien souligné en reprenant les considérations de Durkheim, les croyances magiques, à l’instar des croyances non magiques, ne se laissent pas éliminer à la première faillite. La tentative de chercher d’autres explications à l’échec éventuel des manipulations du magicien précède constamment le rejet pur et simple de l’art magique. Avant de disqualifier le magicien, les sujets cherchent à vérifier la présence d’erreurs dans les manipulations, de même avant de rejeter une théorie scientifique, les hommes de science s’engagent à vérifier la procédure de l’expérience qui l’a falsifiée (Boudon, 1998).
  • [15]
    Par exemple le culte des morts naît de la peur de leur vengeance. De plus, en général, la croyance dans les esprits a son origine dans la crainte de l’offense. Observons, entre parenthèses, que le besoin de domination de l’angoisse est resté l’un des grands mobiles des manifestations religieuses au cœur même de la société contemporaine : les églises de New York bondées immédiatement après les attentats du 11 septembre 2001 en constituent un témoignage éloquent.
  • [16]
    Ainsi l’exemple cité par Weber du consul Camille qui « promet aux dieux de l’ennemi de les accueillir et de les vénérer s’ils abandonnent celui-ci » (ES, 441) est un cas très clair de cette économie de la protection et de la crainte.
  • [17]
    Sur le monothéisme et le concept d’humanité, voir Emmanuel Levinas (1976), ainsi qu’Alain Finkielkraut (1996).
  • [18]
    C’est justement sur ce processus d’intériorisation des attitudes éthiques que Weber va bâtir des conséquences à propos du comportement économique. Cf. Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 2003.
  • [19]
    En ce sens, tout « donne nous... » est suivi par un « que ta volonté soit faite ».
  • [20]
    Le prophète et le philosophe ne sont pas les seuls à proclamer des nouvelles doctrines. L’idéal type du prophète voisine celui du législateur, du réformateur politique et social. La croyance aux messages religieux est souvent associée à la reconnaissance de la bonté des réformes proposées ou des lois promulguées. De ce fait, le charisme prophétique ne semble pas se produire sans entraîner aussi un charisme juridique et législatif. Bien que ni le politique ni le social n’occupent le devant de la scène et que le message du prophète reste le centre, l’acte de croire dans le message prophétique ne se produit pas sans retombées sur le type de société à bâtir.
  • [21]
    C’est dans l’intimation de saint Paul, « celui qui ne veut travailler, qu’il ne mange pas non plus » que Weber voit « ... l’un des grands mystères du succès de la propagande prophétique elle-même » ; Max Weber (1971, p. 465).
  • [22]
    La bureaucratie se caractérise ainsi par l’ « absence totale de tout besoin de rédemption et, en général, de toute ancrage de l’éthique dans l’au-delà. Cette critique est remplacée par la technique, purement opportuniste et utilitaire quant au contenu mais esthétiquement aristocratique, d’une convention d’ordre bureaucratique. Élimination de toute religiosité individuelle, émotionnelle et irrationnelle qui prétend dépasser la croyance traditionnelle aux esprits. Conservation du culte des ancêtres et de la piété filiale comme fondement universel de la subordination » (ES, p. 498-499).
  • [23]
    Par exemple si « en tant qu’arminiens, les grands et aristocratiques négociants de la Hollande protestante pratiquaient une politique réaliste en matière de religion ; ils furent les principaux adversaires du rigorisme éthique des calvinistes. En tout lieu, le scepticisme et l’indifférence religieuse ont été une attitude des plus répandues parmi les grands commerçants et les grands financiers » (ES, p. 500).
  • [24]
    ES, p. 505.
  • [25]
    La « rumination » des textes sacrés finissait par faire le lit d’une religiosité sectaire au fur et à mesure qu’elle procédait à l’aide du principe de la libre interprétation de la Bible (ES, p. 504).
  • [26]
    Économie et société, p. 519. On peut remarquer, par ailleurs, la proximité entre cette explication et celle de Georg Simmel d’après lequel la religion en tant que « mise en forme » du monde de la vie dérive de la religiosité qui est « une disposition irréductible et fondamentale de l’âme » (Simmel, 1998). Art et religion, avait résumé Jean Séguy en 1964 « ne sont que des formes d’organisation de ce chaos qu’est la réalité » (Séguy, 1964).
  • [27]
    Nous sommes ici dans le cas ou l’adhésion à une croyance, bien qu’elle se produise indépendamment des conséquences et s’achève sous le simple désir de la vérité, entraîne une série de normes et d’obligations.
  • [28]
    Ce terme a été traduit comme « communauté émotionnelle des laïcs » dans la première édition de Économie et société (Plon, 1972) et comme « groupement communautaire » dans une édition d’une partie du chapitre V de Sociologie des religions (Gallimard, 1996). En Italie le terme a été traduit avec le mot « comunità » (communauté), en établissant ainsi un parallèle entre Gemeinde et Gemeinschaft.
  • [29]
    Ces contraintes n’étaient pas seulement représentées par les affections humaines ou les obligations de la chair mais aussi, et surtout, par les difficultés guettant le moine une fois dans les solitudes du désert. La recherche du silence et du recueillement se payait aussi et surtout par l’ennui, la paresse et le découragement (cf. Guillaumont, 1979 ; Regnault, 1990).
  • [30]
    Brown (1985, p. 78). De ce fait, si la reconnaissance sociale de ses efforts se fondait sur des signes concrets de dépassement des lois de la nature, le choix d’une vie érémitique, au fur et à mesure qu’elle conciliait, sous la même ascèse, l’idéal des conseils évangéliques avec celui d’une maîtrise radicale des passions et de tout attachement aux biens et aux intérêts mondains, lui valait non seulement l’approbation divine, mais aussi celle de la société locale. Certaines prouesses ascétiques (le jeûne, la prière quasi permanente) finissaient par passer pour des auto certifications charismatiques. Par ailleurs le contrôle de son corps par l’anachorète était d’autant plus apprécié qu’il ne s’affichait pas, mais se réalisait en pleine solitude. Pour l’importance de la prise de distance et de la solitude chez les moines de l’Antiquité tardive, voir Jean-Claude Guy (1987) et aussi Michel De Certeau (1987).
  • [31]
    Ce changement se produira surtout avec les ordres mendiants au XIIIe siècle (cf. Raymond Hostie (1972) ; Léo Moulin (1978) ; Salvatore Abbruzzese (1995)).
  • [32]
    C’est en ce sens que le terme de « charisme » change aussi de signification dans le vocabulaire ecclésiastique en parvenant à indiquer simplement la tâche que le groupe poursuit.
  • [33]
    Max Weber (1996, p. 190-191).
  • [34]
    « Nous avons même du mal aujourd’hui à imaginer que le contenu compliqué de l’épître aux Romains, par exemple, ait été pleinement assimilé intellectuellement par un groupement communautaire de petits-bourgeois (principalement), comme cela a dû, semble-t-il, être pourtant le cas » (ibid., p. 223).
  • [35]
    Ibid., p. 225.
  • [36]
    Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 226.
  • [37]
    « Toute piété authentiquement religieuse, centrée sur la foi, quel qu’en soit le genre, implique, directement ou indirectement, en quelque point, le sacrifice de l’intellect, au profit de cette qualité intérieure spécifique qui dépasse l’intellect et qui s’exprime dans l’abandon absolu... » (ibid., p. 228).
  • [38]
    Max Weber, Économie et société, op. cit., p. 539.
  • [39]
    Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 204.
  • [40]
    Naturellement, comme pour les cas qui précèdent, le croire par la foi devient à son tour le ressort pour toute une série de développements. L’introspection, la recherche de Dieu à l’intérieur de soi-même, sont, à la fois, un refus de l’intellectualisation et la reprise du chemin mystique. Ceci posera les bases pour une attitude de l’autonomie de la vie intérieure du sujet où nous pouvons repérer aussi bien la centralité de la personne, que celle de la vie quotidienne ordinaire. La réhabilitation de l’homme dans sa singularité, ainsi que de la vie quotidienne des plus humbles ont dans les sermons d’un Gérard Groote ou d’un Jean Tauler leur source originaire. Cette centralité de la personne dans sa vie ordinaire servira de base, d’après Ernst Troeltsch, au piétisme (surtout morave) et au romantisme (cf. Séguy, 1980, p. 140-141).
  • [41]
    Au monde délaissé par les moines, ou travaillé par les ascètes intramondains, se substitue le monde réconcilié et par là apprécié aussi bien dans ses merveilles naturelles que dans les œuvres d’art des hommes.
Français

RéSUMé. — L’attention croissante envers une rationalité des valeurs pose le problème d’une analyse spécifique des valeurs religieuses. Pouvons-nous appliquer à ces dernières (et partant aux religions comme phénomène social résultant des actions des individus) les principes d’une théorie générale de la rationalité (Boudon, 2003) ? Le fait que ces valeurs se rallient à des doctrines du salut véhiculées par des institutions ne pose-t-il pas des problèmes décisifs relatifs à l’autonomie du sujet dans ces choix ? La réponse à ces questions est ici cherchée à travers une reconstruction de l’explication des croyances religieuses dans l’œuvre de Max Weber. À partir de son épistémologie individualiste et compréhensive l’on parvient à déceler les différentes formes de rationalité à l’œuvre derrière les choix des sujets qui adhèrent aux croyances religieuses et aux doctrines du salut.

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Salvatore Abbruzzese
* Université de Trento.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2007
https://doi.org/10.3917/anso.051.0081
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