CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1La réflexion proposée dans cet article est issue d’un travail de recherche sur les sentiments de justice concernant les rémunérations dans le domaine salarial et les distributions de ressources dans le champ de la protection sociale. L’analyse sociologique des sentiments de justice ordinaires (et plus généralement des sentiments moraux) soulève deux questions nécessairement liées. La première concerne le choix d’un principe explicatif, valorisé pour sa capacité à rendre compte des données d’observation. La deuxième question a trait à la sélection d’une ou plusieurs techniques de recueil des données empiriques. Cet article s’interroge sur les conséquences, en matière de méthodologie empirique, du choix d’un paradigme « actionniste » pour l’explication des sentiments de justice. Si le paradigme « actionniste » nous conduit à rechercher, à titre d’explication, les systèmes de raisons qui sous-tendent les points de vue moraux ordinaires en matière de justice sociale, il convient alors de se demander si de telles raisons doivent être entièrement reconstruites par le chercheur, à partir des résultats d’une enquête par questionnaire ou d’une expérience, ou si elles doivent être, en partie seulement, reconstruites à partir du discours des personnes interrogées dans le cadre d’entretiens approfondis. Ce questionnement permet en outre d’apporter des éléments de réponse au problème des critères de validité d’une explication dans le cadre d’une sociologie de l’action.

En quoi consiste le choix d’un paradigme « actionniste » pour l’explication des sentiments de justice ?

2Faire le choix d’un paradigme « actionniste », c’est tout d’abord reconnaître que les modèles causalistes ou celui de la rationalité instrumentale n’offrent pas d’explication pleinement satisfaisante des sentiments de justice ordinaires. Les modèles causalistes ont ceci de particulier qu’ils traitent le sentiment d’objectivité morale comme une illusion : les individus vivraient sur le mode de la certitude ce qui n’est en fait que contrainte sociale ou contrainte psychologique. Dans cette perspective, l’explication sociologique dissout, plus qu’elle ne rend intelligible, les phénomènes normatifs et axiologiques qu’elle prétend étudier. Ces explications ne peuvent être satisfaisantes dans la mesure où les mécanismes responsables de l’illusion en question ne sont pas explicités. Quant au modèle de la rationalité instrumentale, qui identifie la « demande de normes » (pour reprendre une expression d’Oberschall) à une stratégie de coopération sociale mutuellement bénéfique, il est réducteur en ce qu’il échoue à rendre compte d’un type de motivation et d’évaluation proprement morale.

3Le choix d’un paradigme « actionniste », comme alternative aux modèles causalisates et rationalistes au sens strict, découle de l’hypothèse suivante : expliquer les sentiments de justice ordinaires suppose de prendre au sérieux la prétention normative des individus, c’est-à-dire leur prétention à formuler des jugements moraux potentiellement acceptables par d’autres personnes ne partageant pas la même situation sociale et professionnelle. Dans cette perspective, expliquer les sentiments de justice revient à retrouver les « systèmes de raisons » (Boudon, 1995 a) qui ont convaincu les individus de la pertinence éthique de leur jugement, c’est-à-dire de sa capacité à être accepté, comme un jugement moral, par un autrui quelconque. Cela ne signifie pas que l’explication sociologique néglige les éléments culturels ou les phénomènes de socialisation. Cela signifie plutôt qu’une telle explication consiste à se concentrer sur le processus d’appropriation de ces éléments culturels, processus de nature essentiellement cognitive (Chazel, 2000, p. 229), ou encore sur le moment d’évaluation critique, au cours duquel des systèmes de raisons produisent des jugements. L’explication sociologique réside donc pour l’essentiel dans la mise en évidence de cet ensemble de raisons responsables du sentiment de justice lui-même ainsi que du sentiment d’objectivité morale qui l’accompagne.

4Une telle explication des sentiments de justice relève de la sociologie « compréhensive » : il s’agit d’analyser pourquoi de tels sentiments de justice « font sens » pour les individus dans le contexte qui est le leur, c’est-à-dire de les « comprendre par interprétation » (Weber, 1995 [1956], p. 28). Précisons que si la « compréhension » au sens wébérien suppose une certaine capacité à se mettre à la place d’autrui, c’est-à-dire une capacité à appréhender avec précision le contexte dans lequel se déroule l’activité sociale ou celui à partir duquel émergent les sentiments de justice, cette compréhension n’est pas forcément de nature « empathique ». Il ne s’agit pas nécessairement de rendre compréhensible les sentiments de justice par reviviscence, mais essentiellement de les « saisir intellectuellement ». Nous ne sommes pas obligés de convoquer en nous-mêmes les sentiments de justice ou d’injustice éprouvés par les acteurs sociaux pour les comprendre. Si, comme le souligne Weber, « la possibilité de “revivre” entièrement est importante pour l’évidence propre à la compréhension, (...) elle n’est pas une condition absolue de l’interprétation significative » (Weber, 1995 [1956], p. 29).

5De la même façon, comprendre les raisons qui expliquent les points de vue moraux des acteurs sociaux ne signifie pas que nous justifions la croyance morale ou les sentiments de justice en question, quand bien même nous désignons ces raisons comme « bonnes », « fortes » ou encore « solides ». Il se peut que des raisons soient « acceptables » tout en ayant des concurrents sérieux tout aussi « acceptables », voire plus « solides ». En d’autres termes, le sociologue peut comprendre les croyances morales des individus sans y adhérer lui-même. La coïncidence entre les sentiments de justice d’autrui et ceux du sociologue ou de l’acteur social que nous sommes n’est donc pas la seule façon de les comprendre, même si cela peut être une source de compréhension plus immédiate. Enfin, parler de « bonnes raisons » ne signifie pas que tous les jugements se valent sous prétexte que « chacun aurait ses raisons ».

Quelles sont les implications méthodologiques d’une telle posture théorique ?

6Si le sociologue entend expliquer les sentiments de justice ordinaires d’une façon qui n’en réduise ni la dimension normative ni la prétention à l’objectivité, il est également nécessaire qu’il s’interroge sur la méthodologie empirique devant être associée à une telle posture explicative. S’il est vrai que l’essentiel de l’explication des sentiments de justice réside dans la mise en évidence des systèmes de raisons qui ont plus ou moins explicitement convaincu les individus, qu’est-ce que cela implique concernant la façon de recueillir les sentiments de justice à expliquer ?

7La recherche empirique sur les sentiments de justice s’est développée, à partir des années 1960-1970, suivant trois grandes orientations [1]. L’essentiel de cette recherche est tout d’abord de nature expérimentale, selon diverses modalités d’expériences propres à la sociologie, à la psychologie sociale, ou à l’économie expérimentale [2]. La plupart de ces expériences sont d’origine américaine, notamment celles issues de la psychologie sociale [3]. Outre ces expériences, une partie importante des connaissances empiriques dans le domaine des sentiments de justice provient des enquêtes réalisées le plus souvent par des sociologues à partir d’échantillons nationaux ou internationaux [4]. Enfin, certains chercheurs, peu nombreux, ont opté pour la méthode de l’entretien approfondi à partir d’échantillons beaucoup plus restreints [5].

8Les enquêtes à vaste échelle permettent d’identifier la structuration des points de vue moraux concernant une question de justice sociale particulière et de révéler ainsi certaines « tendances » dans le sens moral commun, susceptibles de traverser les oppositions entre classes sociales et les frontières culturelles. La plupart des enquêtes sur les sentiments de justice dans le domaine salarial montrent ainsi que les individus accordent davantage de poids aux éléments de prestation directe tels que la performance, les résultats, ou la fonction, qu’aux éléments d’investissement telle que la formation ou l’expérience. Elles soulignent également la tendance à rejeter une égalisation complète des rémunérations. Quant aux démarches expérimentales, elles permettent d’observer, d’une manière plus systématique, la variation des sentiments de justice selon la nature du contexte de distribution. De nombreuses expériences permettent ainsi d’observer combien le choix d’un principe de justice varie en fonction de la nature de la ressource à distribuer, des relations interpersonnelles entre les bénéficiaires et l’agent distributeur, ou encore selon la nature de l’objectif prioritaire poursuivi par le groupe auquel le principe doit s’appliquer. Outre l’intérêt de pouvoir faire varier les angles d’observation, le fait de placer les sujets à interroger dans des situations fictives permet de contrôler, d’une manière a priori plus importante que lors d’un entretien, l’ensemble des informations à partir desquelles les individus construisent leurs décisions de justice. Il est possible, par exemple, d’observer comment la connaissance de nos aptitudes influe sur notre conception de la justice distributive. Cette possibilité de contrôler les informations dont disposent les personnes interrogées facilite la reconstruction des raisons qui soutiennent leurs décisions.

9L’ensemble de ces données empiriques, que ce soient celles recueillies au terme des enquêtes ou celles qui sont observées dans le cadre des expériences, peut faire l’objet d’un travail de « reconstruction compréhensive ». Concernant par exemple la tendance, repérable dans plusieurs enquêtes, à rejeter une égalisation complète des rémunérations (Kelley et Evans, 1993), le sociologue peut invoquer l’importance d’une représentation de la justice en termes d’équilibre entre contributions et rétributions. Un tel modèle de justice sociale conduit à préférer une « différenciation équitable » des salaires plutôt que leur égalisation, même lorsque les inégalités de salaires sont perçues comme injustes. La pertinence de l’explication tient, comme le souligne R. Boudon, à la « solidité objective des raisons évoquées » ainsi qu’à leur capacité à rendre compte de l’ensemble des données d’observation (Boudon, 1995 a, p. 232). De même est-il assez facile de reconstruire les raisons qui soutiennent les réponses obtenues dans les expériences citées précédemment à partir de la description du protocole expérimental et de la connaissances des informations fournies par l’expérimentateur aux personnes interrogées [6].

10Une telle démarche de reconstruction reste défendable face à l’objection selon laquelle le sociologue n’aurait aucune preuve que les argumentations ainsi placées dans la tête des acteurs sociaux sont celles qui les ont réellement inspirés (Boudon, 1995 a, p. 232). Supposer que les individus endossent des jugements tels que « ceci est juste, injuste, inacceptable, etc. », lorsqu’ils ont, ou pressentent qu’ils ont des raisons solides de soutenir de tels points de vue aux yeux d’autrui, revient en effet à supposer que de telles raisons sont accessibles pour un observateur extérieur même lorsqu’elles ne sont pas explicitement formulées. Nier cela reviendrait à nier le fait que l’explication des points de vue moraux ordinaires réside dans la mise en évidence des systèmes de raisons qui ont convaincu les acteurs sociaux du caractère « transsubjectif » de leur jugement. S’il fallait que les individus explicitent complètement les raisons à la source de leurs jugements pour que nous puissions les comprendre et les expliquer, seraient-ce encore des raisons plutôt que des idiosyncrasies ? Le sociologue qui prétend expliquer les points de vue moraux ordinaires sans invoquer systématiquement des logiques d’intérêts, ou des déterminations sociales, là où les personnes interrogées pressentent des raisons solides, doit lui-même partir de l’hypothèse selon laquelle de telles raisons sont accessibles pour un autrui quelconque, et donc pour lui-même, dès lors qu’est pris en compte le contexte de jugement. Dans cette perspective, le sociologue est tenu de rechercher quelles raisons il est le plus vraisemblable de prêter aux acteurs sociaux afin d’expliquer leur point de vue [7].

11Cela étant dit, ne serait-il pas pour autant nécessaire de compléter une telle démarche par le recueil des raisons et des arguments effectifs que les individus sont susceptibles de fournir, dans le cadre d’entretiens approfondis, afin de justifier ou d’expliciter leurs points de vue moraux ou leurs sentiments de justice ? Ne faut-il pas d’ailleurs considérer qu’une telle méthodologie empirique se trouve naturellement impliquée par le choix d’un paradigme de type « actionniste » ? Deux arguments nous permettent d’avancer une telle hypothèse. L’un a trait aux difficultés que peut poser l’interprétation des résultats d’expériences. Il concerne à ce titre la question des critères de validité d’une explication dans le cadre d’une sociologie de l’action. L’autre est plus fondamentalement lié aux postulats du paradigme actionniste et à l’intérêt qu’il accorde aux raisons des acteurs sociaux.

Difficultés d’interprétation des résultats d’expériences

12Dans le domaine spécifique de recherche sur les sentiments de justice, les chercheurs manifestent généralement une certaine réticence à s’engager dans une démarche d’entretiens approfondis. Quand ils ne sont pas résolument réfractaires à une telle technique de recueil des données, ils s’y opposent en arguant du fait que les raisons exprimées par les individus sont trop souvent ambiguës et confuses, ou que ces derniers ne disposent pas des concepts adéquats pour expliciter correctement leurs croyances (Soltan, 1987). De fait, même si nous supposons que les individus ont des raisons solides de choisir tel principe de justice ou d’adhérer à un certain jugement, nous pouvons également nous attendre à ce que ces raisons ne soient pas entièrement présentes à l’esprit des individus lorsque nous les interrogeons [8], de sorte que les arguments ou les justifications que nous serons en mesure de recueillir risquent d’être extrêmement frustres.

13Un autre argument, à prendre davantage au sérieux, est également avancé par les chercheurs qui privilégient la méthode expérimentale. Si nous souhaitons recueillir les sentiments de justice des individus d’une manière qui mette en évidence leur dimension normative, encore faut-il que nous soyons sûrs que ceux-ci dévoilent effectivement leurs convictions éthiques, et non pas simplement leurs préférences personnelles [9]. Il s’agit en quelque sorte de s’assurer que nous réussissons bien, lors de l’entretien, à inciter les individus à formuler leurs réponses à partir d’un point de vue moral, et non simplement en fonction des avantages ou des inconvénients qu’ils retirent personnellement de tel ou tel principe de justice. De ce point de vue, la formulation de nos questions en termes de justice est-elle suffisamment incitative ? Ne faut-il pas au contraire obliger, en quelque sorte, les individus à adopter un point de vue moral par l’intermédiaire de procédures expérimentales adaptées ? À cet égard, le choix d’un protocole expérimental pourrait être justifié de la manière suivante : il s’agit de placer les individus dans des conditions qui les incitent à dévoiler leurs convictions éthiques plutôt que leurs préférences personnelles, c’est-à-dire dans des circonstances qui favorisent la construction de jugements impartiaux.

14Nous pouvons distinguer, au sein de la littérature en sciences sociales, deux manières typiques d’inciter les individus à l’impartialité au moyen d’un protocole expérimental. La première illustre une conception classique de l’impartialité représentée par la figure du « spectateur impartial » [10]. Un certain nombre de travaux empiriques, notamment en psychologie sociale ou en économie expérimentale, ont ainsi choisi de placer les individus à interroger dans une position fictive de « spectateur impartial », c’est-à-dire en dehors du problème de distribution soumis à leur opinion. Il leur est ainsi demandé de jouer le rôle d’un arbitre extérieur ou d’une « tierce partie » ayant pour tâche d’évaluer la justice d’une distribution de ressources entre différents individus, dont les caractéristiques personnelles ou la contribution à une activité varient [11]. Un second type d’expériences s’est attaché à exploiter une autre figure de l’impartialité, à savoir celle que développe Rawls à l’aide de la métaphore du « voile d’ignorance » (Rawls, 1971) [12]. Selon cette métaphore, l’impartialité est atteinte par des individus auxquels on demande de choisir une règle de distribution pour eux-mêmes et leurs concitoyens, sachant qu’ils ne connaissent pas encore leur place dans la stratification sociale et donc qu’ils ne peuvent pas estimer la rémunération que telle ou telle règle de distribution leur fournirait. L’expérience de Frohlich et Oppenheimer (1992) est caractéristique d’une telle démarche. Les personnes interrogées doivent choisir un principe de distribution qui décidera de la répartition des salaires au sein d’une société fictive, non seulement pour eux-mêmes, mais pour leurs descendants, sachant qu’ils n’ont à présent aucune information concernant leurs capacités et leur statuts futurs au sein de cette société fictive et qu’ils peuvent se retrouver dans n’importe laquelle des positions sociales engendrées par le choix d’une règle de distribution.

15Pour que de telles expériences soient réellement instructives, c’est-à-dire pour qu’elles nous permettent d’expliquer les sentiments de justice quotidiennement formulés par les individus, il faut d’une part que la situation fictive manipulée par le protocole expérimental puisse être traduite en un contexte réel, d’autre part que ce protocole n’induise pas, à l’insu des chercheurs, un autre contexte de choix que celui délibérément manipulé au cours de l’expérimentation. Dans un cas comme dans l’autre, il en va de notre capacité à interpréter les résultats observés.

16Or, les situations de distribution manipulées dans les expériences sont généralement assez abstraites au regard des contextes réels de distribution. C’est notamment le cas lorsque les personnes interrogées sont placées dans le rôle d’une « tierce partie » ou d’un arbitre car elles sont dans ce cas invitées à distribuer une somme d’argent fixe, c’est-à-dire non directement reliée aux contributions des participants à l’expérience (Cook et Yamagishi, 1983, p. 104). S’il reste possible, face à ce genre de situation expérimentale, de reconstruire les raisons qui ont pu motiver les réponses des sujets, à partir des résultats observés, une telle reconstruction est relativement peu instructive du point de vue de la compréhension du sens ordinaire de la justice. Elle ne fait guère qu’expliquer le choix des sujets interrogés compte tenu du contexte propre à l’expérimentation, sans qu’il soit possible de généraliser davantage les résultats. Certaines expériences se proposent par exemple de montrer que les individus ont tendance à s’écarter de la norme d’équité dès lors qu’ils sont amenés à rencontrer les autres participants à l’expérience, ou à sélectionner un principe de distribution en fonction du gain financier qu’il est en mesure de leur assurer à la sortie de l’expérience. Cependant, si l’on comprend de quelle façon ces résultats sont reliés à la situation expérimentale, c’est-à-dire comment ils découlent précisément de l’absence de lien entre la somme à distribuer et les performances des individus, ou du caractère dérisoire de l’activité à partir de laquelle doivent être évaluées des récompenses, il est plus difficile de les interpréter en vue d’une compréhension générale des sentiments de justice ordinaires.

17Quant au risque d’induire un autre contexte de distribution, et donc une autre situation de jugement que celle volontairement manipulée par les chercheurs, il est inhérent au souci de contrôler les conditions de jugement des individus, afin notamment de favoriser l’impartialité de leur évaluation. Dans l’expérience de Frohlich et Oppenheimer, l’impartialité est supposée découler de la traduction expérimentale du « voile d’ignorance », ainsi que d’un enjeu financier particulier. Selon la règle de distribution choisie et selon la position sociale qui leur sera allouée au hasard une fois la règle choisie, chaque participant doit en effet recevoir une certaine somme correspondant à la manière dont cette règle répartit les avantages sociaux entre les différentes positions sociales. Le montant reçu sera par conséquent affecté par son choix, mais également dû au hasard de la stratification sociale. Or, il est possible de montrer que cet aspect du protocole a probablement conduit à transformer l’enjeu symbolique manipulé par les expérimentateurs, en réduisant la portée de la décision des personnes interrogées. Ce simple doute concernant la « situation de jugement » réellement convoquée compromet l’interprétation des résultats.

18Ces difficultés d’interprétation des résultats de certaines expériences ne sont pas les seules raisons de s’intéresser aux justifications effectives des acteurs sociaux. Nous pouvons également nous y intéresser parce que nous supposons que les acteurs sociaux sont les mieux à même de nous faire connaître les raisons qui motivent leurs choix ou leurs points de vue. Cette perspective est compatible avec celle qui guide et justifie le travail de reconstruction. Elle met en outre l’accent sur le fait qu’une telle démarche de reconstruction s’inscrit elle-même au sein d’une attitude sociologique plus générale, qui n’admet pas que le sentiment d’objectivité des individus à l’égard de leurs propres croyances morales puisse être l’effet d’une « fausse conscience », qui soustrait à leurs yeux les motifs ou les causes réelles de ces croyances [13]. Ce faisant, elle en tire certaines implications méthodologiques : si l’acteur social ne vit pas systématiquement dans la méconnaissance des forces qui l’animent, et si le sentiment d’objectivité qui accompagne l’expression de ses sentiments de justice témoigne effectivement de ce que ceux-ci découlent de systèmes de raisons perçues comme solides, le recueil de ses propres arguments, dans le cadre d’entretiens approfondis, concourt de façon essentielle à l’explication que le sociologue recherche [14]. Dans cette perspective, la démarche d’entretien est cohérente avec l’intention de reconstruire les raisons qui fondent les points de vue moraux ordinaires, dans la mesure où cette dernière repose sur l’idée que le sentiment d’objectivité des individus à l’égard de leurs propres croyances témoigne de l’existence de ces raisons et donc de leur accessibilité pour un interlocuteur potentiel.

19Il existe bien sûr une autre façon de justifier la démarche de reconstruction des raisons, ou du « sens visé » par les acteurs sociaux, qui ne contient pas à première vue les mêmes implications méthodologiques. Weber précise à ce sujet que la tâche qui incombe au sociologue est de « découvrir » le sens visé par les acteurs sociaux, « bien que [ceux-ci n’ont] pas pris conscience, ou le plus souvent insuffisamment, du sens “visé” in concreto » (Weber, 1956, p. 36). Weber souligne que l’acteur social « sent » de façon imprécise le « sens visé » de son action « plus qu’il ne le connaît vraiment ou ne le pense clairement ». Dans cette perspective, l’interprétation du « sens visé » par les individus est d’abord, et essentiellement, un travail de reconstruction de ce sens. Le « sens visé » par les individus est avant tout un « sens construit » (Dubet, 1999, p. 235) par le sociologue, et dont les acteurs eux-mêmes n’ont qu’une conscience très imparfaite. Cela n’oblige pas à supposer l’existence d’une « fausse conscience », mais nous invite simplement à admettre que « les raisons qui fondent les sentiments moraux n’apparaissent qu’à l’horizon de la conscience » (Boudon, 1995 a, p. 248) des acteurs sociaux. Cette justification du travail de reconstruction du sens ou des raisons n’est pourtant pas incompatible avec une démarche d’entretiens approfondis, et ce pour deux raisons.

20Il faut reconnaître tout d’abord que si nous pouvons supposer, à la suite de Weber, que l’acteur social n’a pas toujours une conscience tout à fait claire du « sens visé » par son action ou des raisons qui fondent ses croyances, il ne s’ensuit pas pour autant que ce sens ou ces raisons soient toujours inobservables. En outre, nous avons peut-être d’autant plus de chances de « recueillir » ces raisons à partir de leurs discours, que nous nous intéressons non pas directement aux comportements des individus, mais plutôt à leurs croyances, et notamment ici à leurs croyances morales. Si la conscience pleine et entière du sens de notre activité sociale n’est jamais qu’un cas limite selon Weber, un tel constat s’applique-t-il exactement avec la même force à nos croyances morales, notamment lorsqu’elles nous semblent particulièrement solides ? Il est un trait particulier de ces croyances qui doit être pris en compte, à savoir que nous ne présentons comme « morales » que des croyances ou des intuitions dont nous avons le sentiment qu’elles sont effectivement fondées sur des raisons. Cela étant, il y a des chances pour que les acteurs sociaux aient au moins en partie à l’esprit les raisons qui fondent leurs points de vue moraux. Cela est d’autant plus probable que ces mêmes croyances font l’objet de disputes ou de conflits dans des situations courantes de la vie sociale, et sont alors perpétuellement soumises à une demande de justification de la part des autres acteurs sociaux. Concernant plus particulièrement les raisons qui fondent les sentiments de justice ordinaires, il faut reconnaître qu’elles sont souvent convoquées en vue d’appuyer une revendication de justice ou de dénoncer l’injustice de certaines pratiques ou décisions. De ce point de vue, le sociologue aurait finalement plus de chances qu’il n’y paraît de recueillir les raisons qui fondent les points de vue moraux des individus.

21Quelle que soit la façon dont nous justifions la démarche de reconstruction du sens ou des raisons, en soulignant la conscience imparfaite que peuvent en avoir les individus, ou en l’inscrivant dans une posture sociologique plus générale visant à rompre avec une représentation de l’explication comme « dévoilement » des causes « réelles » ignorées de l’acteur, il s’avère que cette démarche de reconstruction n’est pas incompatible avec l’analyse des raisons effectives ou du sens effectivement visé par les acteurs sociaux. Elle peut au contraire l’induire, et cela d’autant plus que l’analyse des raisons effectives procède elle-même d’une certaine reconstruction du discours des acteurs.

22Notons enfin qu’une telle démarche est également une façon de s’assurer que les résultats de notre travail de reconstruction trouvent bien un écho dans les raisons effectives des individus. Que dire en effet d’une reconstruction qui apparaîtrait comme tout à fait étrangère aux arguments que les individus prétendent eux-mêmes donner pour soutenir leurs jugements ? La nature de ce travail, et les hypothèses qui le fondent, postulent au contraire que les individus doivent normalement reconnaître les raisons que leur prête le sociologue, même dans le cas où ils ne les avaient pas eux-mêmes clairement explicitées. En outre, il n’est pas interdit, et il est même probable que les points de vue moraux des individus puissent parfois n’être pas immédiatement accessibles à la compréhension du sociologue. Il n’est pas toujours évident, par exemple, d’expliquer l’ensemble des réactions très controversées que suscite le versement d’un revenu minimum dans le cadre d’un dispositif tel que le Revenu Minimum d’Insertion en France. Cela est plus facile dès lors qu’il apparaît, à partir du discours des individus, qu’un tel revenu de remplacement est en fait évalué selon la même exigence d’équilibre entre contribution et rétribution que celle qui est invoquée dans le cadre salarial. De ce point de vue, l’attention portée aux arguments des personnes rend possible l’explication parce qu’elle permet tout d’abord une explicitation de la situation de jugement à partir de laquelle les individus construisent leurs évaluations et leurs critiques. Soulignons à ce sujet que la situation d’entretien permet également de recueillir des expériences morales plus particulières ou des sentiments de justice plus complexes que ceux qui nous sont transmis par le biais des expériences ou des enquêtes. Rien n’empêche, enfin, que les individus produisent des argumentations inattendues, dont la perspicacité aurait échappé à la reconstruction du sociologue, même s’il est à présent en mesure de les comprendre et de les reproduire.

Notes

  • [1]
    Pour un aperçu synthétique de cette littérature empirique, cf. Kellerhals, 1995, p. 263-270.
  • [2]
    Nous ne désignons pas exactement la même chose lorsque nous parlons d’expériences en sociologie, en psychologie sociale ou en économie expérimentale. Il n’existe pas à proprement parler de sociologie expérimentale. Cependant, il s’agit de distinguer d’une part les enquêtes d’opinions, qui invitent les individus à se positionner sur des questions actuelles de justice sociale et d’autre part les questionnaires dans lesquels les chercheurs introduisent des situations fictives. Cette deuxième catégorie d’analyse empirique se rapproche plus de l’expérience au sens où l’entendent les psychologues sociaux que de l’enquête, elle-même plus proche du sondage d’opinion. Pour les psychologues sociaux, la méthode expérimentale est l’outil privilégié d’analyse empirique. Il s’agit de placer les individus dans des contextes fictifs de distribution, mettant le plus souvent en jeu des questions de justice locale. Quant aux économistes, ils réservent le terme d’expérience aux méthodes d’analyse empirique qui introduisent des gains financiers pour inciter les individus à s’investir réellement face aux questions ou à l’exercice qui leur sont proposés.
  • [3]
    Il existe un nombre impressionnant d’expériences sur les sentiments de justice réalisées par des psychologues sociaux. Il serait impossible et inutile de toutes les rapporter ici. Plusieurs revues de cette littérature ont été produites dans les années 1980 et 1990. Cf., par exemple, J. Kellerhals, J. Coenen-Huther et M. Modak, 1988 ; J. Kellerhals, M. Modak et D. Perrenoud, 1997 ; J. Greenberg et R. L. Cohen, 1982 ; D. M. Messick et K. S. Cook (eds.), 1983 ; K. R. Scherer, 1992 ; D. Miller, 1992.
  • [4]
    Cf., par exemple, H. McClosky et J. Zaller, 1984 ; J. Kluegel et E. Smith, 1986 ; J. Mack et S. Lansley, 1985 ; J. R. Kluegel, D. S. Mason et B. Wegener (eds.), J. R. Kluegel, D. S. Mason et B. Wegener (eds.), 1995 ; P. Taylor-Gooby, 1985.
  • [5]
    Cf., par exemple, J. L. Hoschschild, 1981 ; R. Lane, 1962 ; J. C. Masters et W. P. Smith (eds.), 1987 ; L. Rainwater, 1974.
  • [6]
    Cf., par exemple, l’interprétation que propose Boudon (1995 a, p. 224-233) des résultats de l’expérience de M. Bazerman.
  • [7]
    S’agissant des explications que le sociologue est à même de produire pour rendre compte de l’action sociale, François Dubet (1994, p. 234) souligne également que la thèse la plus forte est en même temps la plus vraisemblable.
  • [8]
    Boudon (1995 a, p. 247-248) signale effectivement, à la suite de Weber, que les raisons qui fondent les sentiments moraux des acteurs sociaux « doivent être reconstruites plutôt que tirées de l’observation, voire de l’introspection », car « elles se présentent le plus souvent comme métaconscientes plutôt que conscientes ». Ce qui, précise-t-il, n’invalide pas pour autant la démarche de reconstruction : « Le caractère implicite ou inobservable des raisons n’est pas incompatible avec le caractère scientifique d’une analyse en termes de raisons. D’abord, la force de conviction des raisons supposées peut être appréciée. Ensuite, on peut mettre lesdites raisons en relation (...) avec des éléments observables, comme le degré de diffusion d’une croyance, ou l’intensité d’une réaction. »
  • [9]
    Harsanyi (1955) fait ainsi la différence entre « préférences éthiques » et « préférences personnelles ».
  • [10]
    Le concept est lui-même emprunté à la théorie des sentiments moraux de Smith (1759). Cf. Boudon (2000).
  • [11]
    Cf., par exemple, H. Lamm et T. Schwinger, 1980 ; A. J. Farkas et N. H. Anderson, 1979.
  • [12]
    Cf. Boudon (1995 b).
  • [13]
    Ce qui ne veut pas dire, comme le souligne Boudon (1999, p. 42), que la notion de « fausse conscience » ne décrive pas des processus psychologiques bien réels. Nous pouvons en effet parfois nous tromper sur nos motivations ou nos raisons, parce que nous sommes en quelque sorte aveuglés par nos sentiments ou nos passions. Mais nous ne pouvons admettre cependant que tel est le fonctionnement systématique de la conscience, de sorte que nous percevons par exemple comme des raisons de nos actions et de nos croyances ce qui n’est que « dérivations » visant à masquer, à nos propres yeux comme à ceux de nos interlocuteurs, les forces réelles qui nous font croire et agir, à savoir selon Pareto, nos « sentiments ». Admettre que la conscience puisse parfois se laisser « aveugler » ne doit donc pas, comme le précise Boudon, nous conduire à supposer que « la conscience est fausse par construction ».
  • [14]
    Cette démarche s’oppose à la démarche classique de la sociologie dite « critique » selon laquelle, pour reprendre les termes de Luc Boltanski (1990, p. 39-40), le chercheur en sciences sociales « entend porter au jour une dimension de la réalité qui n’est pas apparente comme telle aux yeux des acteurs ». Elle s’oppose également, comme le souligne François Dubet (1994, p. 225), à l’idée selon laquelle « les acteurs ne peuvent vraiment savoir ce qu’ils font et connaître le social », de sorte que « la sociologie elle-même doit se construire au plus loin des significations subjectives et du sens commun ». Dans cette perspective, l’activité du sociologue s’apparente à une opération de « dévoilement » ou de « dénonciation » des illusions de l’acteur social, c’est-à-dire à un dévoilement des intérêts, des causes « réelles » ou des processus sociaux qui expliquent ses actions ou ses croyances, et dont il n’a pas lui-même conscience. Une telle analyse sociologique consiste ainsi à révéler la « fausse conscience » des acteurs sociaux. Le « causalisme » des sociologues classiques tels que Marx, Durkheim ou Pareto a favorisé, comme le souligne Boudon (1999, p. 31), cette idée de « fausse conscience », c’est-à-dire l’idée selon laquelle les comportements et les états de conscience de l’acteur sont dus à des « forces occultes ».
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RéSUMé. — Nous nous intéressons, dans cet article, aux conséquences méthodologiques du choix d’un paradigme « actionniste » pour l’explication des sentiments de justice. Si le paradigme actionniste nous conduit à rechercher, à titre d’explication, les systèmes de raisons qui sous-tendent les points de vue moraux ordinaires en matière de justice sociale, il convient de se demander si de telles raisons doivent plutôt être reconstruites ou au contraire appréhendées à partir du discours des individus eux-mêmes. Deux arguments sont discutés. L’un a trait aux difficultés d’interprétation des résultats d’expériences censées favoriser la construction de jugements impartiaux. L’autre concerne le sens d’une démarche « reconstructive » au sein du paradigme actionniste et sa compatibilité avec une analyse des raisons effectives.

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Emmanuelle Betton
* Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2007
https://doi.org/10.3917/anso.051.0065
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