CAIRN.INFO : Matières à réflexion

I. Introduction

1L’impact des changements sociétaux sur les comportements individuels est un thème récurrent de l’analyse sociologique. Dans cet article, sur la base de la comparaison de deux cohortes séparées par quinze années, sont scrutés les changements survenus dans les pratiques de loisirs depuis les années 1950, et en particulier au cours de la période parfois appelée les « Trente Glorieuses » (Fourastié, 1979).

2En 1962 déjà, Dumazedier avait annoncé l’avènement d’une « civilisation du loisir », et vingt-six ans plus tard, il a présenté le bilan de cette « révolution culturelle du temps libre » (Dumazedier, 1962, 1988). Sans contester l’expansion du temps libre et des activités de loisirs qui prend place dans cette période, la plupart des analystes y voient une dimension d’une transformation sociétale bien plus vaste, à la fois structurelle et culturelle. Ils s’accordent pour caractériser cette période par la transition menant de la société industrielle vers une forme sociétale qualifiée de « industrielle avancée » ou de « postindustrielle ». Ainsi par exemple, et pour en rester au cas français, dans un ouvrage datant également de 1988, Mendras présente une synthèse des changements en profondeur qui affectent tous les secteurs de la société, de sa structure sociale aux mœurs, en passant par les institutions ou encore l’organisation des âges de la vie (Mendras, 1988).

3Bien que placée sous des étiquettes diverses, la thèse suivante reçoit une large acceptation : en Europe occidentale ainsi qu’en Amérique du Nord, la croissance économique associée à des transformations structurelles engendre une amélioration générale des conditions de vie et une mutation culturelle au cours de laquelle s’affirme un « individualisme expressif » (Bellah, Madsen, Sullivan, Swidler et Tipton, 1985) que caractérise la quête de l’épanouissement (Zoll, 1992) et qui trouve un terrain de prédilection dans les pratiques de loisirs. Or, la période de ce développement est aussi celle qui voit se généraliser la retraite : selon un certain nombre d’auteurs, se dessinerait ainsi une nouvelle étape du parcours de vie – le troisième âge – se présentant comme une structure d’opportunités tout particulièrement propice au déploiement des nouveaux modèles de comportement, en particulier de ceux en appétence avec l’ethos de l’épanouissement. Au fil du développement des loisirs, on aurait également assisté à une diffusion de la participation aux activités de loisirs au sein du corps social, et certaines d’entre elles (en particulier les pratiques corporelles, les loisirs culturels et les voyages), classiquement circonscrites aux membres des classes supérieures et urbaines, se voient adoptées par des secteurs de plus en plus larges de la société.

4La présente étude se propose de tester cette triple thèse (développement des loisirs, nouveau modèle de comportement des retraités, tendance à l’égalisation de la participation) en comparant les pratiques de loisirs de deux cohortes à deux moments de la vie de ses membres, d’une part dans la « force de l’âge » (c’est-à-dire à l’approche de la cinquantaine), de l’autre au cours du troisième âge, alors que ces personnes ont entre 65 et 74 ans. Les membres de la première cohorte (C1) sont nés entre 1905 et 1914, ceux de la seconde (C2) entre 1920 et 1929. Du point de vue de la problématique propre à cet article, ces deux cohortes se différencient en particulier par le fait que les membres de C1 approchent le milieu de la vie au cours des années 1950, alors que la croissance économique s’installait mais que ses conséquences dans le domaine de la consommation et des styles de vie ne s’étaient pas encore pleinement manifestées ; en revanche, les membres de C2 atteignent ce « mitan » entre 1965 et 1974, donc en pleine période de révolution des mœurs. Dès lors, observe-t-on dans ces deux cohortes des entrées différées dans l’univers des loisirs ? Plus tardive, et alors que l’âge de la retraite aurait déjà sonné pour C1 ? Plus précoce et aussi plus intense pour C2 ? Et dans quelle mesure ces entrées différées, si elles sont confirmées, traduisent-elles un mouvement d’égalisation des pratiques de loisirs ?

II. État des connaissances

5Dans cette étude, le temps historique, marqueur de changements sociétaux, est mis en relation avec les comportements de loisirs de deux cohortes à deux « âges » de la vie. Dès lors nous rappellerons brièvement les grandes lignes de la thèse de la transition vers la société industrielle avancée avant de faire le point des recherches empiriques sur les comportements de loisirs.

La transformation de la société au cours des « décennies dorées » (1950-1980)

6Si le débat autour du contenu précis de la notion de société postindustrielle lancée par Bell (1973) et Touraine (1969) n’est pas près de s’estomper, l’accord règne aujourd’hui sur le fait que la période des « décennies dorées » (cf. Lutz, 1984 ; Cherns, 1980) qui a suivi le milieu du XXe siècle marque une ère de changements en profondeur qui affectent tous les niveaux des sociétés industrielles occidentales (Bernard, 1989 ; Giddens, 1990 ; Mendras, 1988). La croissance et tertiairisation de l’économie, l’élévation considérable du niveau de vie sont associées au développement d’une « société de l’abondance » (Galbraith, 1958) dans laquelle les classes moyennes deviennent majoritaires, et qui fait la part belle à la consommation (Baudrillard, 1970).

7La transformation sociétale déclenche une mutation culturelle, le monde étant, selon Yankelovich (1981), « mis sens dessus dessous ». Les contributions rassemblées par Zoll (1992) décrivent dans le détail ce nouveau modèle culturel, qui supplante l’ethos du travail et du devoir décrit par Weber, et met au centre de son univers l’individu et son épanouissement. Alors que dans la société industrielle, l’individu était conçu en fonction de la société, et que sa réalisation personnelle passait par le fait de trouver sa juste place dans la société, voilà maintenant l’individu et sa quête d’épanouissement érigés en normes de référence, et la société investie de la mission de créer les conditions nécessaires à la réalisation de cet épanouissement (Lalive d’Épinay, 1994). Dans une perspective semblable, Bellah et al. (1985) parlent du développement d’un « individualisme expressif », alors qu’Inglehart (1990) décrit l’avènement d’une culture dite « postmatérialiste » : si la terminologie varie, la thèse centrale reste la même dans sa substance (pour la Suisse, Lalive d’Épinay, 1990). Malgré la transformation radicale du contexte économique au cours des deux dernières décennies du siècle, et le retour des incertitudes concernant l’emploi, ce nouvel ethos semble maintenant solidement installé (Bawin-Legros, Voyé, Dobbelaere et Elchardus, 2001 ; Bickel, Brunner, Lalive d’Épinay et Maystre, 1998 ; Bréchon et Tchernia, 2000 ; Buchman et Eisner, 1997 ; 1998).

Les pratiques de loisirs et leur évolution récente

8La transition vers la société industrielle avancée est caractérisée entre autres par un réaménagement des temps sociaux au profit du temps libre et des loisirs (Dirn, 1990 ; Dumazedier, 1988 ; Pronovost, 1983 ; Samuel, 1984 ; Sue, 1994). Un ensemble de recherches empiriques atteste l’augmentation générale des pratiquants de loisirs et l’élargissement de l’éventail des pratiques au cours des dernières décennies (par exemple, pour les États-Unis, Verbrugge, Grubber-Baldini et Fozard, 1996 ; pour le Canada, Pronovost 1993 ; pour la France, Donnat, 1998 ; Donnat et Cogneau, 1990). Dans son récent bilan de la sociologie des loisirs, Pronovost (1998) relève que cet accroissement général de la participation, qui se traduit aussi par une diversification des intérêts, a été particulièrement marqué dans les années 1970. L’ordre de grandeur de ce changement et le fait de savoir s’il justifie de parler d’une « révolution des loisirs » restent pourtant en discussion.

9De manière générale, la participation aux activités extérieures au domicile s’est fortement accrue, faisant de celles-ci, aux dires de Pronovost, « un prototype des loisirs modernes (1998, 38) ». L’ampleur du changement est particulièrement nette dans le domaine des sports et activités physiques (Dirn, 1990 ; Garrigues, 1989 ; F. Morin, 1992). Pronovost (1998) ajoute à ces domaines les voyages d’agrément et les activités culturelles et éducationnelles. En ce qui concerne ces dernières, certains avis sont plus réservés. Pour la France, par exemple, Donnat conclut que de 1973 à 1997 « la fréquentation des équipements culturels a (...) peu évolué à l’échelle de la population (...), mise à part celle des bibliothèques » (souvent élargies en médiathèques) (1998, 114) ; Donnat signale cependant que son étude ne porte que sur les activités de type traditionnel, les manifestations culturelles « hors les murs » n’y étant pas prises en compte alors qu’elles ont fortement essaimé dans cette période.

10Quelle que soit la part prise par les activités extérieures au domicile, certains loisirs domestiques connaissent aussi un forte diffusion, en particulier la télévision puis la vidéo ; selon Dirn (1990) et Pronovost (1998), si la fréquentation des salles de cinéma stagne ou baisse (selon les pays), on voit davantage de films aujourd’hui que hier.

Le cas des retraités

11Les enquêtes de nature transversale continuent à attester la présence d’une corrélation négative entre l’âge et les taux de pratiques (Cutler et Hendricks, 1990 ; Lalive d’Épinay et al., 1982 ; Lamprecht et Stamm, 1994 ; Stamm et Lamprecht, 1996). Mais les écarts tendent à se réduire plus ou moins fortement selon la nature des activités. Ils demeurent marqués parmi les loisirs extérieurs au domicile et parmi ceux qui requièrent un important effort physique ou investissement personnel ; ils s’estompent, voire même s’inversent, dans le cadre des activités plus sédentaires (Delbès et Gaymu, 1995 ; McPherson et Kozlik, 1986 ; Pronovost, 1993).

12Les rares études qui suivent l’évolution des pratiques dans le temps (en exploitant des séries d’enquêtes transversales) montrent que l’augmentation de la participation est propre à toutes les classes d’âge adulte et qu’elle est particulièrement importante dans les groupes allant de 55 à 75 ans. On observerait parmi eux le déploiement d’un style de vie privilégiant de plus en plus les activités s’exerçant à l’extérieur, en particulier les pratiques de plein air, les activités physiques, l’évasion et autres voyages d’agrément, mais aussi les activités culturelles. En revanche, des pratiques plus traditionnelles, telles que bricolage, travaux d’aiguille et autre jardinage, stagneraient ou même régresseraient d’une cohorte à l’autre (Delisle, 1993 ; Delbès et Gaymu, 1995 ; Garrigues, 1989 ; Paillat, Attias-Donfut, Clément, Delbès, Renaut et Rozenkier, 1989 ; Paillat, Delbès, Gaymu et Sammartino, 1993 ; Lalive d’Épinay, Bickel, Maystre et Vollenwyder, 2000, chap. 8 ; Pohjolainen, 1997).

13De leur côté, les études de nature longitudinale (rares elles aussi, comme les études transversales itératives) n’observent pas, ou plus, de déclin général des pratiques au cours de l’avance en âge, contredisant en cela ce que suggèrent les données des études transversales. Selon la lecture longitudinale, dans le contexte des dernières décennies et jusqu’à un âge avancé, la tendance est au maintien des pratiques, voire à leur intensification et à leur élargissement (Cutler et Hendricks, 1990). C’est ainsi que les études de Paillat et al. (1989) en France, de Verbrugge et al. (1996) aux États-Unis, apportent leur contribution à l’hypothèse d’un nouveau modèle de comportement parmi les « jeunes retraités », ceux-ci l’adoptant de manière croissante au fil des cohortes (cf. aussi Pohjolainen et Heikkinen, 1989 ; Osgood et Lee, 1993 ; Pronovost, 1998). Si le « poids de l’âge » continue à imposer à un moment donné une réduction des activités de loisirs et un « repli » sur l’espace privé et les activités domiciliaires, ce moment est repoussé plus loin dans la vie (au-delà des 75 ans) (Bickel et Lalive d’Épinay, 2001).

Le profil sociodémographique des pratiquants et son évolution

14L’amplification des pratiques de loisirs est-elle le fait de certaines catégories sociales qui, à travers la monopolisation de certaines activités, renforceraient leur prétention à la « distinction » (Bourdieu, 1979) ? Ou au contraire résulte-t-elle de leur diffusion dans de nouveaux secteurs du corps social, exprimant ainsi une certaine égalisation de l’accès aux grandes catégories de loisirs ? Considérons ici trois grands discriminants de la stratification sociale : le genre, le statut socio-économique et éducationnel, ainsi que l’ancrage résidentiel selon l’axe urbain/rural.

15Genre. Dans certains domaines, en particulier celui des activités corporelles et sportives, s’observe une entrée massive des femmes (Dirn, 1990), au point que selon Garrigues (1989), si la France est aujourd’hui un peu plus sportive, c’est « grâce aux femmes ». Mais la tendance n’est pas généralisable à l’ensemble des activités (Donnat, 1998 ; Donnat et Cogneau, 1990 ; Pronovost, 1998). En ce qui concerne les retraités, Cutler et Hendricks (1990) soulignent une certaine spécialisation des activités selon le genre, selon qu’il s’agisse d’une activité de place publique (plutôt masculine) ou domestique (plutôt féminine).

16Statut socio-économique. Les études, la plupart basées sur des données transversales, attestent la persistance d’inégalités marquées que ce soit en fonction du statut socioprofessionnel, du niveau d’éducation, ou du revenu (Lalive d’Épinay, Bassand, Christe et Gros, 1982 ; McPherson, Curtis et Loy, 1990 ; Heikkinen, Karhu et Jokela, 1989 ; Pronovost, 1993, 1998). Lalive d’Épinay et al. (1982) et Pronovost (1998) mettent en lumière une logique d’accumulation et de diversification des activités en fonction du statut socio-économique.

17Cela étant, certaines activités sont plus sensibles que d’autres à l’impact du statut socio-économique et à sa persistance. Ainsi en va-t-il en particulier dans le domaine des activités socioculturelles : pour la France, Donnat (1998) a établi qu’au cours du dernier quart du XXe siècle la fréquentation des établissements culturels a progressé parmi les milieux d’employés ou de professions intermédiaires, mais aussi parmi les cadres supérieurs et professions intellectuelles, si bien que les écarts entre ces groupes sont restés stables. Chauvel (1998), qui reprend l’interrogation de Halbwachs (1913) sur la relation entre consommation et structure sociale, démontre non seulement la présence persistante d’une stratification de la consommation, mais aussi que les écarts entre couches sociales ne se réduisent guère dans la période récente (1985-1995).

18L’axe rural/urbain n’est que rarement pris en considération ; par exemple, ni Pronovost (1998) ni Cutler et Hendricks (1990) ne s’y arrêtent dans leurs états de la question. Donnat (1998) mentionne une atténuation des disparités régionales ; d’autres travaux, qui traitent des activités corporelles et sportives, soulignent la persistance d’une participation moindre dans les régions rurales et de petites villes, comme aussi des classes manuelles et des personnes de bas niveau éducationnel (Heikkinen et al., 1989 ; McPherson et al., 1990).

19L’étude longitudinale sur le passage à la retraite et les réorganisations subséquentes de la vie quotidienne, menée auprès de deux cohortes par Paillat et ses associés (1989), apporte une contribution originale à notre problématique en mettant en évidence un effet propre à la retraite. Une fois celle-ci prise, les inégalités socio-économiques persistent sans doute, mais de manière atténuée : ouvriers et petits employés retraités accèdent alors à un champ plus large de possibilités de loisirs ; il en va de même en ce qui concerne les écarts de genre, et le gommage des inégalités s’accentue de la cohorte la plus ancienne à la plus récente. Ainsi, l’institution « retraite » créerait une structure d’opportunités fonctionnant comme une médiation spécifique dans la diffusion des nouveaux modèles de comportements au sein du corps social.

Synthèse et interrogations

20Dans l’état actuel, la recherche empirique aboutit à des résultats assez disparates et souvent contradictoires, cela pour une bonne part du fait de la diversité des plans de recherche. Les monographies les plus nombreuses, basées sur une enquête transversale unique, mettent l’accent sur l’accès différentiel aux loisirs et les inégalités des pratiques. Celles, beaucoup moins nombreuses, qui s’appuient sur deux ou plusieurs enquêtes transversales, conduisent à soutenir tant la thèse d’une augmentation générale de la participation aux activités de loisirs que celle de l’élargissement social de cette participation. Les quelques études longitudinales disponibles vont dans le même sens ; elles tendent à réfuter la thèse classique du déclin des pratiques avec l’avance en âge et dessinent l’hypothèse d’un nouveau comportement des retraités.

21Mais ces conclusions demandent encore confirmation, et bien des points restent dans l’ombre. L’augmentation de la participation aux loisirs est-elle indifférenciée, ou due avant tout à l’attraction de certaines catégories de pratiques ? L’évolution des comportements parmi les retraités est-elle relativement spécifique à cette étape du parcours de vie ou renvoie-t-elle, pour l’essentiel, au développement général ? La tendance à l’égalisation des chances d’accès est-elle confirmée ? Se manifeste-t-elle avec la même force et au même rythme dans les divers types d’activités ? Observe-t-on un déplacement et une recomposition des inégalités ?

III. Données et méthode

Les enquêtes de 1979 et de 1994 et la sélection des deux cohortes

22Les données proviennent de deux enquêtes transversales portant sur la population âgée, conçues selon le même modèle et réalisées auprès d’échantillons aléatoires de personnes âgées, la première en 1979 (Lalive d’Épinay et al., 1983), la seconde en 1994 (Lalive d’Épinay et al., 2000). Les échantillons sont stratifiés selon le genre, la classe d’âge quinquennale, et également la région, ce dernier paramètre renvoyant au choix de deux régions d’enquête contrastées. En premier lieu, le Valais central qui, situé dans le massif alpin, était encore semi-rural en 1979 et répond aujourd’hui à la définition de « rurbain », néologisme scellé par les sociologues et les géographes pour désigner les régions d’origine rurale mais réaménagées selon une économie tertiaire orientée vers le tourisme (Bassand, 1997) ; en revanche, la culture de cette région reste profondément marquée par ses racines agricoles et catholiques. En second lieu, le canton de Genève, qui constitue une des principales régions métropolitaines du pays et que caractérisent une économie à forte dominante tertiaire dont un important secteur public, ainsi qu’une culture urbaine et laïque. L’objectif de l’enquête de 1979 était d’offrir pour la première fois en Suisse une large description des conditions de vie et de santé de la population âgée ; elle abordait un vaste ensemble de domaines : santé, revenu, logement, ménages, réseaux et relations familiales et sociales, activités, valeurs et croyances. L’étude de 1994 a été conçue, entre autres, afin de permettre une analyse systématique des changements intervenus dans la population âgée dans l’intervalle de quinze ans [2]. Une particularité du questionnaire a été d’introduire une batterie de questions se rapportant aux activités professionnelles, religieuses, associatives et de loisirs menées par la personne alors qu’elle approchait l’âge de 50 ans. Du fait que la fiabilité des réponses dépend principalement de la mémoire des répondants, cet ensemble de questions n’a été adressé qu’aux personnes de moins de 75 ans.

23Le matériel à disposition autorise donc la sélection de deux cohortes bien définies pour lesquelles on dispose de l’information sur leurs activités de loisirs pratiquées tant au milieu de la vie qu’au troisième âge : il s’agit des personnes âgées de 65 à 74 ans au moment de chacune des enquêtes, donc des membres de deux cohortes, l’une (C1 ; n = 954), étudiée en 1979 et composée de personnes nées entre 1905 et 1914 ; l’autre (C2 ; n = 639), étudiée en 1994, dont les membres sont nés entre 1920 et 1929 [3]. Les analyses secondaires menées ici peuvent ainsi combiner la comparaison de cohortes et l’analyse longitudinale des changements survenus au sein de chaque cohorte.

Ancrage historique

24Ces deux cohortes occupent des positions distinctes vis-à-vis de la transformation sociétale dont nous nous sommes fait l’écho, ce qui confère à leurs trajectoires historiques respectives des particularités sur lesquelles il convient maintenant de s’arrêter (graphique 1).

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Fig. 1. — Le parcours historique des cohortes
AVS : Assurance vieillesse et survivants. Paquet d’assurances sociales mis en place en 1947, dont une rente d’âge (dès 65 ans pour les hommes, aujourd’hui 63 pour les femmes) dont le montant est censé correspondre au minimum vital.

25Les membres de la première cohorte (C1 ; 1905-1914) peuvent être vus comme appartenant à la dernière génération de la société industrielle au sein de laquelle ils ont été socialisés et ont vécu la plus grande partie de leur vie active. Ils naissent au début du siècle, avant la Grande Guerre. Alors qu’ils atteignent l’âge de s’insérer dans le monde du travail, ses membres subissent de plein fouet la crise de 1929. Une bonne partie de leur vie adulte est déjà écoulée quand démarrent les décennies dorées. À ce moment (vers 1950), ils approchent de la cinquantaine, cap qu’ils franchissent donc avant que l’amélioration des conditions de vie ne se répercute sur les mœurs et les comportements. Ce n’est qu’une fois qu’ils ont dépassé le mitan de la vie que « les lendemains qui chantent » si longtemps annoncés deviennent réalité ! Enfin, ils atteignent l’âge de la retraite dans le cours des années 1970.

26Par contraste, la seconde cohorte (C2 ; 1920-1929) appartient à la génération des « Trente Glorieuses ». Ses membres sont des enfants de l’après-Grande Guerre ; en 1930, ils étaient trop jeunes pour avoir été directement affectés par la crise de l’emploi. L’essentiel de leur vie adulte coïncide avec les décennies dorées : ils entrent dans l’âge adulte dans une période de plein emploi et de croissance économique et, à la différence de leurs aînés de C1, ils approchent du cap de la cinquantaine alors que la révolution culturelle est bien avancée, puis ils atteignent la retraite à un moment où les personnes âgées bénéficient, elles aussi, de l’amélioration des conditions de vie.

27Proposons un bref survol des « Trente Glorieuses » en Suisse [4]. Comme ailleurs en Europe occidentale, elles sont caractérisées par une croissance économique élevée et soutenue, et par le plein emploi. Le PNB par habitant croît quasi linéairement et double entre 1950 et 1974. Les index des salaires des ouvriers et des employés doublent eux aussi durant cette période et les conséquences sur les dépenses des ménages se déploient. En 1950, celles.ci s’organisaient autour des « besoins de base » (nourriture, logement, habillement et frais afférents) qui consommaient les deux tiers des ressources. Au fil des années et jusqu’en 1975, se développe une structure à trois piliers : les « besoins de base » sans doute, mais dont la part décline pour n’être plus que de l’ordre du tiers ; les « besoins de sécurité » (impôts et assurances) qui peu à peu représentent un quart des dépenses (12 % en 1950), les « besoins d’éducation, de mobilité et de loisirs », qui occupent maintenant un autre quart du budget (pour 8 % au départ). Depuis 1975 et donc l’époque des crises pétrolières, cette structure d’ensemble est restée stable.

28Les répercussions de la croissance économique sur le mode de vie deviennent sensibles depuis la décennie 1960, celle où se déploient les quatre cavaliers des temps nouveaux, l’automobile, le téléviseur, la contraception chimique et les vacances – sans parler de l’électroménager et des matières plastiques –, dont Edgar Morin (1962, 1976) a bien montré à quel point ils définissent un champ culturel nouveau. Malgré l’appel au travail associé au déficit de main-d’œuvre, la durée hebdomadaire du travail se réduit et la quatrième semaine de vacances annuelles se généralise.

29Depuis la crise pétrolière, l’évolution économique est devenue plus erratique, ce qui n’a pas empêché le PNB par habitant de continuer à croître jusqu’en 1990, la Suisse entrant alors dans une période de stagnation caractérisée par le retour (limité) du chômage.

30En ce qui concerne les personnes âgées, en 1947 est instaurée l’Assurance vieillesse obligatoire, qui est une rente liée à l’âge (aujourd’hui, 65 ans pour les hommes, 64 pour les femmes) censée assurer les besoins de base. Dans la doctrine helvétique, elle constitue le premier de trois piliers dont le second repose sur les caisses professionnelles de retraite, qui se développent inégalement selon les branches d’activités jusqu’à ce qu’assez tardivement (1982) elles fassent l’objet d’une loi fédérale, le troisième pilier renvoyant à l’épargne libre (Lalive d’Épinay, Bolzman et Sultan, 1987 ; Fragnière et Girod, 2002). L’amélioration de la situation économique des personnes âgées est intervenue avec un temps de retard par rapport à celle de population active, mais elle a été régulière depuis lors.

31Ces différences dans le parcours historique s’expriment aussi au travers de la comparaison du profil sociodémographique des cohortes à la retraite, présentée en annexe (cf. tableau A).

Indicateurs et mesures

32Les activités de loisirs sont recensées sur la base d’une batterie de questions présentes dans les deux enquêtes et portant sur dix activités de loisirs (cf. tableau 1). Chaque activité est passée en revue selon la séquence suivante :

331 / « Actuellement, pratiquez-vous cette activité, et si oui, à quelle fréquence ? » ; les catégories de réponse étant : non ; oui, au moins une fois l’an ; oui, au moins une fois par mois ; oui, au moins une fois par semaine ; oui, tous les jours ou presque.

342 / Quand vous vous approchiez de la cinquantaine (disons, que vous aviez entre 45 et 50 ans), est-ce que vous pratiquiez cette activité ?

35Deux catégorisations de réponses ont été utilisées :

a) par comparaison avec la situation actuelle : plus fréquemment / moins fréquemment / au même rythme qu’aujourd’hui ;
b) selon l’échelle de fréquence utilisée précédemment, les sujets étant invités tout d’abord à indiquer leur pratique actuelle, puis celle à l’approche des 50 ans.

36Pour mesurer les pratiques à mi-vie, on a donc eu recours à la réminiscence. C’est là une stratégie courante qui permet la reconstruction de trajectoires biographiques tout en contournant les difficultés et les coûts de la constitution et du suivi d’un panel (Blossfeld et Götz, 1995 ; Menard, 1991) ; mais l’usage d’une telle stratégie requiert des précautions. Il est entendu qu’elle ne peut être appliquée qu’à des populations ayant un bon fonctionnement mnésique, d’où le fait que, dans le cas présent, les questions n’ont été posées qu’aux personnes de moins de 75 ans. Le degré de fiabilité varie également selon la nature de l’interrogation : les questions rétrospectives portant sur des attitudes ou des opinions peuvent provoquer des « reconstructions biographiques » (Plumer, 1983), alors que la réminiscence d’événements peut être altérée par des télescopages spatio-temporels (Menard, 1991). Ici, les questions posées sont factuelles (les pratiques de l’interviewé) ; ces faits ne sont référés que selon une coordonnée temporelle, le renvoi à un moment de la vie hautement symbolique, donc mémorable, la cinquantaine. Enfin, l’incitation à la comparaison avec la pratique actuelle rend la réponse plus aisée.

37Ces dix activités ont été regroupées en sept catégories sur la base de trois critères : la nature de l’activité, le lieu prédominant de sa pratique (le domicile de la personne ou des espaces extérieurs), la relation à autrui (pratique solitaire ou en compagnie). Les catégories I (travaux manuels) et II (loisirs solitaires) renvoient essentiellement à des pratiques domiciliaires et solitaires. Les autres loisirs se pratiquent en dehors de chez soi (avec de possibles exceptions dans le cas de la gymnastique et autres exercices physiques et celui de certains jeux de société, ceux-ci pouvant se pratiquer occasionnellement à domicile) ; parmi ceux-ci, les activités des catégories IV à VII sont plus spécifiquement sociales, au sens où elles s’effectuent principalement en compagnie d’autrui, ou en tout cas dans un environnement social. Quant aux activités physiques et sportives (V), aux spectacles (VI) et aux voyages (VII), ils renvoient plus directement au nouvel ethos centré sur le développement du corps et de l’esprit.

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Tableau 1. — Liste des activités de loisirs

38Pour être considérées comme pratiquées régulièrement, en d’autres termes pour intégrer le style de vie de la personne, les activités du tableau 1, à trois exceptions près, doivent s’inscrire dans le cycle hebdomadaire. En ce qui concerne les jeux de sociétés (5) et la fréquentation des spectacles (9), nous avons retenu le seuil mensuel ; pour les voyages (10), le seuil annuel. Dans l’analyse par catégories de loisirs, on considère comme régulière la pratique (répondant au critère d’intensité retenu) d’au moins une activité de la catégorie considérée.

39Nous avons également construit un indicateur synthétique portant sur l’éventail des pratiques ; la mesure prend la forme d’un indice additif des catégories au sein desquelles l’individu exerce régulièrement au moins une activité (l’indice pouvant donc varier de 0 à 7).

40Pour l’analyse portant sur l’inégalité des pratiques, trois variables discriminantes sont considérées. Deux sont de nature binaire : le genre (codé 1 = femmes, 0 = hommes) et la région de résidence (codé 1 = Genève, 0 = Valais central). Le statut social est une variable à trois positions (strates supérieures et moyennes-supérieures ; strates moyennes ; strates populaires) construite en combinant le statut socioprofessionnel de la personne ou de son conjoint, son niveau de scolarité et le revenu du ménage ; dans l’analyse, les deux premières positions sont traitées comme des variables dichotomiques (1 = appartient à la position, 0 = autres), les strates populaires servant de catégorie de référence.

Hypothèses

41Précisons maintenant les hypothèses dont notre travail voudrait évaluer la pertinence. Ces hypothèses sont construites sous la forme de déductions cohérentes du corpus théorique concernant la transition et le développement d’un nouveau modèle culturel, en tenant compte de la position spécifique des deux cohortes étudiées sous l’angle de ces transformations [5] ; leur formulation prend également en compte les indicateurs à disposition.

42Une première thèse générale pose qu’à partir des années 1960-1970, se développe un nouveau modèle culturel centré sur la notion d’épanouissement personnel et faisant la part belle aux loisirs. On peut en déduire les hypothèses suivantes, que la comparaison des deux cohortes devrait permettre de tester :

  • Hypothèse 1. Dans la mesure où les membres de C1 ont atteint le milieu de la vie avant les années 1960, et ceux de C2 autour des années 1970, on devrait observer parmi C2, à la force de l’âge, une forte augmentation de la participation aux loisirs.
  • Hypothèse 2. Compte tenu à la fois des meilleures conditions qui ont accompagné le déroulement de la vie des membres de C2, et de leur exposition plus longue à l’ethos de l’épanouissement personnel, les différences intercohortes observées au milieu de la vie devraient se retrouver, peut-être même accentuées, à l’âge de la retraite.
  • Hypothèse 3. Conformément à la thèse du nouveau modèle culturel, les pôles d’attraction concernent avant tout les loisirs axés sur les activités sociales et d’épanouissement du corps et de l’esprit.

43L’âge, en particulier l’approche de la vieillesse, est classiquement compris comme engendrant un déclin des pratiques ; la thèse du nouveau modèle de comportements des retraités suggère une action en sens contraire de l’histoire (du changement socioculturel). En cohérence avec cette idée, s’il ne nous est pas possible de tester en toute rigueur l’existence d’un « effet propre » de la retraite, ce qui supposerait de disposer d’informations portant sur la situation précédant l’entrée dans celle-ci, il est néanmoins possible de proposer trois hypothèses de travail à propos de l’évolution longitudinale, d’un point à l’autre du parcours de vie, de chacune des cohortes.

  • Hypothèse 4. Proposons d’abord que C1 marque un tournant : l’effet d’âge est annulé sous la pression des temps nouveaux ; dès lors les taux de participation relevés pour le milieu de la vie ne devraient pas reculer au troisième âge.
  • Hypothèse 5. Dans la mesure où l’hypothèse 1 est vérifiée, les membres de C2 seraient entrés dans « l’univers des loisirs » avant même le milieu de leur vie ; dans les décennies suivantes, la consolidation de la retraite et des rentes, devraient renforcer ce phénomène ; on devrait par conséquent observer au sein de C2 un renforcement global de la participation accompagnant le passage d’un âge à l’autre.
  • Hypothèse 6. En sus de ce renforcement global des pratiques, la retraite devrait être marquée par la réorientation de celles-ci, dès lors davantage tournées vers les loisirs privilégiant la vie sociale et l’épanouissement ; ce phénomène étant plus sensible parmi C2.

44Une dernière thèse concerne l’élargissement de la participation aux loisirs au sein du corps social ; elle se réfère donc au profil sociodémographique des participants et à son évolution.

  • Hypothèse 7. Jusque dans les années 1960 subsistait une stratification rigide réglant la participation aux activités de loisirs, selon le genre, la distribution régionale et selon la stratification socioprofessionnelle. Cette inégalité d’accès aux loisirs devrait donc être attestée par le profil des participants de C1 observé au milieu de la vie, dans les années 1950.
  • Hypothèse 8. Au fil des décennies suivantes, de C1 à C2, mais aussi au sein de chaque cohorte avec l’avance en âge, une réduction des inégalités de participation devrait être observée.
  • Hypothèse 9. L’analyse différentielle devrait cependant montrer que le processus de réduction des inégalités varie en intensité comme en modalités selon les types de loisirs.

45En ce qui concerne plus spécifiquement les activités propices à l’épanouissement, on fait l’hypothèse que leur accès était fortement sélectif et élitaire jusque dans les années 1950, et a passé par un processus de « démocratisation » au fil des décennies ultérieures.

Stratégie d’analyse

46Les deux premières thèses et les hypothèses qui en sont dérivées sont examinées sur la base d’analyses bi-variées. Dans un premier temps sont ainsi comparés les taux de pratiquants des deux cohortes, et ce aux deux âges de la vie (tableau 2) ; puis, les données ( % d’adeptes) sont récapitulées de façon à mettre en évidence les différences longitudinales observées au sein de chaque cohorte (tableau 3).

47La dernière thèse, qui porte sur l’évolution du profil sociodémographique des pratiquants (hypothèses 7 à 9), est scrutée au moyen d’une série d’analyses de régression. Un modèle linéaire simple (moindre carrés) est tout d’abord appliqué avec l’éventail des loisirs comme variable dépendante, ce qui permet de tester globalement les hypothèses 6 (stratification de l’accès aux loisirs jusque dans les années 1950) et 7 (ouverture et généralisation de l’accès aux loisirs) (tableau 4). Nous avons ensuite recours à un modèle logistique [6] pour scruter chacune des catégories de loisirs, la variable dépendante étant dans ce cas à chaque fois binaire (pratique régulière versus pratique rare ou nulle), l’évolution différenciée du profil des participants selon le type d’activités étant cette fois sous examen (hypothèse 9 ; cf. tableau 5). Pour mesurer, dans le cadre de ces analyses de régression, l’évolution entre cohortes de l’impact des trois variables indépendantes considérées, nous avons suivi une procédure proposée par Firebaugh (1997). Par cette dernière, on vise à estimer directement la variation de l’incidence du facteur explicatif potentiel entre l’une et l’autre cohorte (comparaison de cohortes) par l’introduction dans le modèle d’un terme d’interaction entre ce facteur et une variable binaire distinguant les deux cohortes (indiqué dans les tableaux 4 et 5 par : ρ C1/C2, avec C1 = 1, C2 = 0). L’éventuelle évolution de l’impact de la variable, au sein de chaque cohorte, entre le milieu de la vie et la retraite (comparaison longitudinale) est elle estimée à l’aide d’un test de Wald [7].

V. Résultats

Comparaison entre cohortes

48Au « mitan » de la vie, les membres de C2 s’adonnent à un éventail de loisirs plus ample que ce n’était le cas de C1. Les taux de pratiquants de quatre catégories ont significativement augmenté, et l’on peut parler d’une véritable explosion de la pratique sportive (V) et des voyages (VII). Les loisirs traditionnels, en revanche, stagnent (promenade, III) ou régressent (travaux manuels, I). Enfin, plus surprenant, les amateurs de spectacles (VI) n’ont pas augmenté. Globalement, les différences observées au milieu de la vie entre les deux cohortes se retrouvent au troisième âge, C2 présentant cette fois un taux d’adeptes des loisirs culturels supérieur à C1. Quant à la perte d’attraction des hobbies manuels, elle se confirme ; notons qu’une analyse interne de la catégorie montre que cette évolution concerne le bricolage et les travaux d’aiguille, la proportion de jardiniers amateurs restant, elle, stable (tableau 2).

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Tableau 2. — Pourcentage de pratiquants réguliers, selon le type de loisirs et éventail des pratiques, à 45 ans environ et à 65-74 ans, selon la cohorte

49Les hypothèses 1 et 2 trouvent ainsi confirmation dans nos données. L’hypothèse 3, qui concerne l’orientation qualitative du changement, est aussi bien étayée, mais se heurte toutefois à certains résultats. Si d’une cohorte à l’autre, ce sont bien des loisirs privilégiant vie sociale et épanouissement qui gagnent le plus d’adeptes (pratiques sportives : V ; sociabilités : IV ; voyages : VII), ce n’est pas le cas de la fréquentation des spectacles (VI) qui stagne ; s’observe aussi, tout particulièrement au troisième âge, la diffusion des délassements solitaires (II), pratiqués principalement à domicile.

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Tableau 3. — Évolution longitudinale des taux de pratiquants réguliers, par cohorte

Évolution longitudinale

50Si l’on admet que jusque vers 1950 et avant la généralisation de la retraite, l’approche de la vieillesse entraînait un fort déclin des pratiques (ce que nos données ne nous permettent pas de tester), alors l’hypothèse d’un changement du style de vie des personnes âgées est bien attestée par nos données. En effet, déjà parmi C1, l’éventail des loisirs ne rétrécit pas avec l’avance en âge (hypothèse 4), et dans C2 il se déploie plus encore (hypothèse 5).

51Les données confirment-elles la thèse qui voit dans la situation de retraite un contexte particulièrement favorable au déploiement de la nouvelle culture ? La comparaison transversale des deux cohortes du troisième âge souligne l’importance de la transformation des styles de vie : la participation des retraités s’est intensifiée dans toutes les domaines significatifs, y compris dans celui des spectacles (tableau 3). L’observation des changements associés à l’avance en âge (tableau 4) nuance ce résultat. La stabilité des taux de participation aux activités physiques et sportives (V), le développement de la promenade (III), des voyages (VII) et, dans la cohorte la plus récente, des loisirs de sociabilité (IV) soutiennent l’hypothèse 6. En revanche s’inscrit en faux le net déclin de la fréquentation des spectacles (VI) qui d’un âge à l’autre perd la moitié de ses amateurs ; par ailleurs, le succès croissant de la promenade (III) et des jeux de divertissement solitaire (II) montre que certaines pratiques préférentielles font la part belle au domicile, à l’activité solitaire ou encore à la compagnie intime du conjoint.

52En d’autres termes si, d’une cohorte à l’autre, à chacun des deux âges de la vie, s’observe bien le déploiement des loisirs renvoyant au nouveau modèle culturel – avec cependant l’exception des spectacles –, il n’en demeure pas moins que le vieillissement et la retraite semblent s’accompagner d’une certaine réorganisation du style de vie, basée sur la préservation d’une participation à des activités sociales et d’épanouissement, mais aussi sur le développement d’autres activités exercées à domicile, qui privilégient l’intimité ou meublent la solitude. Nous reviendrons sur ce point dans la discussion finale.

Composition sociodémographique des adeptes

53Les membres de C1, alors âgés d’environ 50 ans, connaissent bien dans le contexte des années 1950 une inégalité d’accès aux loisirs selon la région, le genre et le statut social ; ces inégalités jouent en faveur des résidents de la région métropolitaine, des personnes de statut social intermédiaire et surtout supérieur et, dans une ampleur plus faible, des hommes. Autour de 1970, alors que les membres de C2 atteignent à leur tour le cap des 50 ans, les inégalités régionale et statutaire subsistent, mais elles se sont atténuées ; de son côté, l’inégalité de genre a été gommée. La même transformation est à l’œuvre parmi C1 au cours de l’avance en âge, des années 1950 à 1979 : les écarts régional et statutaire se réduisent, celui de genre disparaît. Au sein de C2 par contre, les écarts régionaux et de statut social se maintiennent. Ainsi, la ségrégation de l’accès aux activités de loisirs jusque dans les années 1950-1960 est bien attestée (hypothèse 7), et aussi, avec le déroulement des « Trente Glorieuses », un déclin sensible des inégalités de participation au monde des loisirs (hypothèse 8), sans pourtant que l’on ait assisté à l’avènement d’une société dans laquelle l’ampleur de la participation aux loisirs serait homogène dans l’ensemble de l’espace social.

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Tableau 4. — Évolution de la composition des adeptes des loisirs (score d’activités) selon la région, le sexe et le statut social dans deux cohortes et à deux âges de la vie

54Si la progression de la consommation de loisirs s’accompagne donc d’une réduction des écarts dans l’étendue des pratiques, reste à savoir s’il s’agit du même éventail de loisirs. En d’autres termes, les chances d’accès à chacune des catégories de loisirs et tout particulièrement à celles qui sont les plus illustratrices de l’ethos de l’épanouissement personnel se sont-elles égalisées du point de vue des catégories sociodémographiques considérées ? Le tableau 5 apporte un certain nombre d’éléments de réponse à cette interrogation (hypothèse 9).

55I) À la force de l’âge des membres de C1, les loisirs manuels étaient plus particulièrement caractéristiques de la région alpine, des femmes et aussi des milieux populaires. Ces clivages se sont atténués au fil du temps comme au fil de l’âge, mais ces activités restent à dominante rurale et populaire. Une analyse plus fouillée, qui distingue jardinage d’une part, bricolage et travaux d’aiguille de l’autre, montre que le déclin est le fait des seconds, non du premier. Ajoutons ici que l’abandon de ces pratiques est dû aux femmes (ce qui provoque l’effacement de la différence de genre dans le tableau 5) ; ce n’est donc pas tant l’établi et la boîte à outils qui sont en question, que la machine à coudre et la boîte à couture.

56II) Les jeux solitaires, pratiqués dans la première cohorte avant tout en milieu urbain et par les personnes de statut supérieur, se répandent dans l’espace tant géographique que social et, en même temps qu’ils se démocratisent, ils se féminisent plus encore !

57III) Dans les années 1950, parmi les personnes dans la force de l’âge, la promenade était surtout une pratique urbaine et des classes supérieures – ce qui laisse entendre que les nombreuses déambulations pédestres (puisqu’alors marcher était le moyen usuel de franchir des distances limitées) des paysans et des ouvriers n’étaient pas comprises comme des promenades ! Chez les retraités d’aujourd’hui, en revanche, la promenade est une pratique généralisée ; aucun des trois paramètres ne laisse apparaître de différence.

58IV) Les loisirs de sociabilité échappent à la classification opposant tradition et modernité ; ils sont également présents dans tous les milieux sociaux, quelle que soit la cohorte ou l’étape du parcours de vie considérées ; on assiste par contre à la conquête féminine des lieux publics !

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Tableau 5. — Évolution de la composition des adeptes des loisirs (par catégories) selon la région, le sexe et le statut social dans deux cohortes et à deux âges de la vie
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59V) Du point de vue de la composition sociale des adeptes et de son évolution, les activités physiques et sportives se posent en exemple idéal typique de la thèse de la démocratisation des loisirs. En effet, dans les années 1950 encore, C1 atteste de la forte ségrégation sociale qui caractérise la pratique du sport parmi les adultes dans la force de l’âge. Un résident de la métropole a trois fois et demie plus de chances d’avoir une activité sportive qu’un habitant de la région alpine, un homme environ trois fois plus qu’une femme, une personne de statut supérieur plus de quatre fois et demie plus qu’un membre des classes manuelles. D’une cohorte à l’autre, des années 1950 (C1) aux environs de 1970 (C2), les clivages régionaux et de genre disparaissent et ne subsiste, quoique affaibli, que celui du statut social. Dans la même période, avec l’avance en âge de C1, la composition des sportifs se démocratise elle aussi. Enfin, aujourd’hui, parmi les retraités de C2, l’accès aux activités sportives et physiques est également partagé, quelle que soit la variable sociodémographique considérée.

60VI) Si les amateurs des spectacles se sont toujours recrutés assez également dans les deux genres, ces loisirs distinguent clairement les habitants de la ville et les personnes des statuts moyens et supérieurs. Tel était le cas dans les années 1950 et tel est toujours le cas aujourd’hui !

61VII) Le profil sociodémographique des adeptes des voyages et son évolution sont similaires à ceux des personnes fréquentant les spectacles : pas de différence de genre, mais des inégalités régionales et statutaires qui perdurent sans changement significatif, d’une cohorte à l’autre et d’un âge à l’autre.

62Dans l’ensemble, ces résultats font donc avant tout ressortir la diversité des situations et des évolutions. Si on observe bien des phénomènes d’égalisation des pratiques, ceux-ci sont loin de concerner l’ensemble des catégories de loisirs. En ce qui concerne celles qui, parmi ces dernières, sont plus particulièrement susceptibles d’exprimer l’ethos de l’épanouissement personnel, le bilan est là aussi contrasté. D’une part, l’analyse confirme que ces catégories relevaient bien, jusque dans les années 1950, avant tout du style de vie des strates moyennes-supérieures et supérieures urbaines ; mais d’autre part, elle met en évidence que l’égalisation de la participation s’est depuis lors limitée à certains domaines – les activités physiques et sportives –, alors que d’autres catégories de loisirs (spectacles, voyages) sont restées fortement inégalitaires. L’hypothèse 9 n’est donc que très partiellement confirmée. Ce qui, du coup, conduit à s’interroger sur ce qui peut expliquer l’évolution singulière de la participation aux activités physiques et sportives, qui fait si nettement contraste avec ce qu’il est advenu des autres types de pratiques ressortant de l’ethos de l’épanouissement. Une interrogation sur laquelle nous reviendrons dans notre discussion finale.

VII. Conclusions et discussion

Un développement des loisirs en général, des pratiques d’épanouissement en particulier

63La thèse générale de l’affirmation d’un nouveau modèle culturel, faisant la part belle aux loisirs et à l’épanouissement personnel, est bien attestée par les résultats présentés. La comparaison dans le temps met en évidence l’intensification des pratiques de loisirs d’une cohorte à l’autre, et cela aux deux périodes de vie considérées ; cette évolution est observable tant pour l’éventail des loisirs que pour quatre des sept catégories considérées. Parmi les trois types de loisirs qui répondent plus spécifiquement à la quête contemporaine d’épanouissement, deux voient leurs adeptes augmenter substantiellement dans le laps de quinze années qui séparent les deux cohortes : les activités physiques et sportives et les voyages.

64Des trois catégories faisant exception à la tendance générale d’amplification des pratiques, deux constituent des formes plus traditionnelles de loisirs : si la promenade stagne, les travaux manuels déclinent ; ce dernier résultat confirme les observations de Delisle (1993) et Pronovost (1993), en précisant que cette désaffection concerne avant tout les travaux féminins. Renvoyant davantage à l’ethos de l’épanouissement, la fréquentation des spectacles ne progresse guère que parmi les personnes du troisième âge ; ce résultat rejoint le constat de Donnat (1998), les spectacles « off » étant cette fois inclus dans l’indicateur. Mais il faut se souvenir que les décennies observées sont aussi celles de la diffusion de la télévision. Dans le contexte de cette révolution technologique et de la diffusion tout ménage de la « société du spectacle » et du divertissement, la stabilité de la fréquentation des salles de spectacles d’une cohorte à l’autre ne connote-t-elle pas moins « stagnation » que « résistance » devant l’assaut massif et séducteur du nouveau média ?

Un nouveau modèle de comportements des retraités

65L’analyse des changements intervenus au cours du vieillissement des personnes de chaque cohorte, pour C1 des années 1950 à 1979, pour C2 du tournant des années 1970 à 1994, aboutit à des résultats nuancés : si ces derniers appuient la thèse d’un nouveau modèle de comportements des retraités, ils amènent aussi à en réviser et préciser la formulation.

66Considérée globalement, dans l’une et l’autre cohortes, la participation à l’univers des loisirs n’a pas diminué d’intensité, ni ne s’est réduit l’éventail des engagements. Contrairement à l’idée d’un déclin associé à l’âge, on observe une stabilité chez C1, et même un élargissement significatif de la gamme d’activités pratiquées au troisième âge parmi C2. Cela étant, cette stabilité d’ensemble s’accompagne avec l’avance en âge d’une recomposition des orientations privilégiées de loisirs. Aujourd’hui, au troisième âge, près d’une personne sur deux cultive sa forme physique, sept sur dix ont un emploi du temps dans lequel les pratiques de sociabilité trouvent une place, une même proportion ponctue son année d’au moins un voyage (de 3-4 jours au moins). Ces intensités de participation se sont renforcées du milieu de la vie au troisième âge, ou en tout cas maintenues (activités physiques et sportives). Ces faits attestent bien l’ancrage des nouvelles cohortes de retraités dans une culture des loisirs qui fait la part belle à l’expressivité corporelle et à diverses formes de participation sociale. Mais en même temps s’observe un nouvel investissement de l’espace privé, lieu principal des délassements solitaires dont on a vu la vogue nouvelle, ou encore d’une activité comme la promenade, pratiquée le plus souvent de manière solitaire ou en compagnie de son conjoint.

67Ajoutons que cette recomposition des pratiques qui accompagne l’avance en âge s’observe non seulement au travers du renforcement de la participation à certaines activités, mais aussi dans des réaménagements à l’intérieur d’une catégorie donnée. En témoigne une analyse différentielle des pratiques physiques et sportives (Lalive d’Épinay, Maystre et Bickel, 2001) qui met en évidence une tendance adaptative qui accompagne l’avance en âge et répond à ses implications, ce alors même – on l’a vu – que le taux global d’adeptes ne s’érode pas. Au milieu de la vie, on recense une proportion sensiblement égale de personnes qui pratiquent un sport au sens strict, et de celles qui entretiennent leur forme par l’une ou l’autre des variétés actuelles de gymnastique corporelle. Parmi les retraités de C2, quand bien même on y trouve deux fois plus d’adeptes de sports qu’en C1 (21 % en C2, 11 % en C1, ce qui souligne le changement d’une cohorte à l’autre), on constate chez beaucoup d’entre eux, et particulièrement chez les femmes, une tendance à substituer au sport une pratique d’exercices physiques plus doux. Cet aménagement implique aussi que l’on est passé d’une activité effectuée nécessairement dans un espace public et en coopération avec d’autres, à des exercices corporels auxquels on peut, le cas échéant, s’adonner seul et chez soi.

68La fréquentation des spectacles retient l’attention, avec la très substantielle érosion qu’elle subit au cours du vieillissement, et cela dans chaque cohorte, qui la fait chuter de moitié. Il est vraisemblable que cette forte désaffection soit due, là encore, pour une bonne part à l’adoption du téléviseur, qui renforce la force d’inertie et qui décourage l’effort de sortir et d’affronter l’inconfort relatif de beaucoup de salles de spectacles et certains désagréments des côtoiements publics et intergénérationnels.

69Dans l’ensemble donc, la recomposition des activités de loisirs au troisième âge s’opère sur le mode d’une bipolarisation : d’un côté, la préservation ou le renforcement d’une culture du corps, de quête de sociabilité et d’évasion, de l’autre un réinvestissement du domicile, de l’intimité, voire aussi d’une solitude forcée ou choisie. Cette formulation, on le voit, modifie et précise substantiellement l’énoncé de l’hypothèse 6 qui reprenait la thèse d’un « nouveau modèle de comportements des retraités ». Jusqu’ici, celle-ci a été soutenue sur la base de la comparaison d’études transversales successives, donc de comparaison de cohortes. Une telle approche – et nos données le confirment à chacun des deux âges de la vie observées – conforte bien cette thèse en décrivant le déploiement au fil du temps de comportements de loisirs extérieurs au domicile et orientés par la quête d’épanouissement (Delbès et Gaymu, 1995 ; Réguer, 2001). Il est alors tentant de conclure que la retraite, avec la mise à disposition de temps qu’elle offre et certains autres avantages, par exemple les rabais concédés aux retraités, serait par elle-même l’incitateur de cette nouvelle culture. Cependant nos données, prises cette fois dans une perspective longitudinale, montrent qu’il n’en va pas ainsi ; le nouveau modèle culturel et comportemental qui se dissémine à partir des années 1960 affecte toutes les cohortes, quelle que soit la période de vie que parcourent leurs membres. Les transformations propres aux décennies dorées ont infléchi les orientations et les pratiques des membres de C1, alors que la vie de ces derniers étaient déjà bien avancée ; en revanche elles saisissent les membres de C2 dès (et probablement avant) le milieu de leur vie, ceux-ci étant donc initiés à la civilisation des loisirs et au nouveau modèle culturel dès la force de l’âge, et non avec le passage à la retraite. Ce dernier se présente plutôt comme l’occasion d’une recomposition adaptative qui tient compte des nouvelles possibilités associées à l’arrêt de l’activité professionnelle, des « offres » de consommation proposées par la société – certaines encourageant à l’évasion ou à la participation, d’autres tendant à fixer l’individu dans son chez soi –, et aussi des contraintes et limitations, objectives ou subjectives, découlant de l’avance en âge.

70Les observations empiriques fondent donc correctement la thèse de « la révolution silencieuse » (Legrand, 2001) en cours parmi les retraités ; mais les retraités ne sont ici qu’un acteur parmi l’ensemble de la population prise dans le grand chambardement des mœurs, un acteur qui, de la même manière que les autres, s’inscrit dans cette révolution et la négocie à partir de sa situation propre dont une dimension importante est, à n’en pas douter, le fait de la retraite et le statut d’âge.

Mais une démocratisation des pratiques limitée

71La dernière thèse, portant sur la démocratisation des activités de loisirs, ne ressort, elle, pas indemne des analyses présentées. Notre étude montre tout d’abord bien que dans les années 1950, la condition sociale et de genre des adultes, ainsi que leur environnement régional, cadraient fortement leur degré d’accès aux loisirs ainsi que les orientations de leurs loisirs. Voilà qui correspond bien à ce que l’on sait de la société industrielle. Dans le même temps, l’analyse met en lumière que malgré des transformations importantes et une tendance au déclin des inégalités d’accès aux loisirs, les déterminations sociales n’en continuent pas moins aujourd’hui de canaliser l’orientation des comportements, en particulier dans certains domaines spécialement valorisés. Ainsi, les travaux manuels (I) sont des loisirs traditionnels, populaires et plutôt ruraux ; ces traits se sont certes atténués, mais demeurent. Les loisirs de sociabilité (IV) sont, de manière stable, également présents dans tous les milieux sociaux ; un changement important est toutefois intervenu au cours du dernier demi-siècle : l’accès des femmes dans les lieux publics qui fait disparaître ici la discrimination de genre. Deux autres types d’activité, les jeux solitaires (II) et la promenade (III), relevaient avant tout des usages des classes supérieures des villes. Ces deux formes de loisirs se sont largement généralisées, mais un nouveau clivage émerge parmi les adeptes de la première, aujourd’hui en majorité des femmes. Venons-en maintenant aux trois catégories en principe les plus représentatives du nouveau modèle de l’épanouissement. Les activités physiques et sportives (V) constituent, on l’a vu, l’exemple type de pratiques réservées hier avant tout à l’élite et auxquelles aujourd’hui tous ont le même accès et cela jusqu’à un âge relativement avancé. Mais il s’avère que la transformation du profil sociodémographique des sportifs constitue non pas la règle, mais bien plutôt l’exception. En effet, les spectacles (VI) et les voyages (VII) (malgré cette différence que la fréquentation des premiers stagne alors que la participation aux seconds augmente), ont en commun d’être, à la fin du XXe siècle comme en son milieu, des domaines privilégiés des classes moyennes et supérieures en milieu urbain.

72En définitive, la démocratisation concerne trois types d’activités : la promenade, les jeux solitaires et les pratiques corporelles et physiques. Les deux premières sont en soi assez anodines ; elles renvoient à la vie quotidienne dont elles occupent le temps ; à la différence du spectacle et du voyage, elles ne consomment pas d’argent et en ce sens elles échappent (partiellement du moins) au marché de la consommation. Le cas de la participation aux activités physiques et sportives nous semble devoir retenir davantage l’attention : son évolution fait contraste avec celle observée pour les spectacles et les voyages, alors même que ces trois types d’activités ont en commun d’être à la fois fortement valorisés et investis par le marché, et d’exprimer de manière privilégiée l’ethos de l’épanouissement personnel qui est au cœur du nouveau modèle culturel.

73Les activités physiques et sportives concernent le corps, tout particulièrement investi par le modèle de réalisation personnelle en tant que lieu spécifique de bien être et de l’expressivité du « self ». Ce phénomène a retenu l’attention des sociologues (Featherstone, Hepworth et Turner, 1991 ; Le Breton, 1985, 1990) et les études se sont multipliées sur les nouveaux « cultes du corps » (Perrin, 1984). L’enjeu du corps, et la valorisation sans limite de la santé, ont été relayés dans le discours médical et tout particulièrement dans le discours gérontologique du healthy aging autour duquel l’Organisation mondiale de la santé, entre autres, organise des conférences régulières, largement sponsorisées par le lobby pharmaceutique. Selon Kirk (1997), le discours médical est passé du paradigme du « repos nécessaire avec l’âge », lié à une conception théorique selon laquelle le vieillissement serait associé à l’épuisement graduel des réserves énergétiques, à un discours qui condamne l’inactivité (la sédentarité, dit le langage médical) et encourage l’activité et tout particulièrement la dépense physique, une conception associée à un schéma théorique dynamique de l’énergie humaine renouvelable. La conjugaison de la culture de l’épanouissement, avec son insistance sur le corps, et du discours médical transforme en obligation morale le fait d’être en santé (healthy) et surtout en forme (fit), ou en tout cas de le paraître ! Elle se traduit dans l’éclosion et le développement massif des centres de mise en forme et autres « clubs santé », et les pratiques corporelles s’introduisent également dans l’entreprise ; les associations, clubs et autres universités du troisième âge relaient le message, proposent des activités physiques et des cours sur les soins du corps, et, par exemple, préparent des groupes de retraités à participer à ces grandes messes populaires et sportives que sont les courses pédestres au travers des villes. Sans doute ces pratiques corporelles ne constituent pas la seule réponse aux enjeux contemporains du corps – domaine dans lequel le paraître l’emporte souvent sur l’être –, et la consommation de médicaments miracles comme l’intervention chirurgicale « réparatrice » peuvent tout autant accompagner la discipline de l’exercice physique que la supplanter ! (Le Breton, 1999 ; Lalive d’Épinay, 2000). Cette confluence de l’esprit du temps et du discours médical et gérontologique distingue le domaine spécifique des activités physiques et sportives de ceux des voyages ou des spectacles, et nous paraît rendre compte de la spécificité de la diffusion des premières dans l’espace social comme dans les classes âgées. De son côté, à l’ère du téléviseur, la fréquentation des salles de spectacles continue à distinguer non seulement les groupes socioprofessionnels et éducationnels supérieurs, mais aussi certains âges de la vie, et sur ce point, jusqu’à ce jour, l’après-retraite se caractérise plutôt par l’emprise des divertissements que le téléviseur livre à domicile.

74En synthèse, si la diffusion des pratiques de loisirs au cours de la seconde moitié du siècle paraît bien documentée, et si les loisirs sont sans conteste aujourd’hui, dans les sociétés industrielles avancées, une dimension de première importance de la vie humaine, cette forme de consommation n’en demeure pas moins structurée par un ensemble de clivages et selon des opérations de distinction. Il ne suffit pas, à nos yeux, d’affirmer que les inégalités se sont déplacées de l’accès aux grandes catégories de loisirs (qui serait aujourd’hui largement ouvert) au choix du produit spécifique au sein d’une gamme donnée [8], il faut d’abord constater que l’accès à certaines catégories reste fortement sélectif, que cette sélection s’opère par le truchement de la disponibilité relative de ressources objectives nécessaires (on peut penser par exemple aux voyages et à leur coût) ou par celui de la perception qu’ont les individus des opportunités et contraintes se présentant à eux (induisant par exemple la désaffection des spectacles au troisième âge).

Remarques finales

75L’exercice auquel nous nous sommes livrés n’est pas sans limites. L’analyse comparative dans le temps dépend des données disponibles qui répondent à une élaboration théorique remontant à la source la plus ancienne, dans notre cas la fin des années 1970. Sans doute des interrogations et des catégories nouvelles de loisirs peuvent être introduites dans les enquêtes plus récentes, comme ce fut le cas dans celle de 1994, mais celles-ci ne peuvent faire l’objet d’une comparaison temporelle rétrospective ! Dans notre cas, le fait de vouloir combiner la comparaison de cohortes et l’analyse longitudinale resserrait encore les possibilités en nous amenant à exclure de cette analyse un ensemble d’informations portant sur les pratiques au moment de l’interview (donc dans le troisième âge), mais sans comparaison possible avec le milieu de la vie. Par ailleurs, dans les deux enquêtes de base, les loisirs ne constituaient qu’un parmi tout un ensemble de domaines explorés, d’où le caractère schématique des catégorisations utilisées ici.

76Malgré ses limitations, notre contribution nous paraît présenter deux intérêts principaux, le second constituant, semble-t-il, une originalité. Tout d’abord, elle s’ajoute à ces trop rares comparaisons de cohortes, basées sur des études transversales répétées à intervalles temporels donnés, et qui seules permettent d’articuler dans la durée les changements sociétaux et l’évolution des comportements et des attitudes individuels. Le changement social est une, sinon la thématique centrale de la sociologie, et il est étonnant de voir à quel point, à la différence ici des historiens, nos laboratoires sont mal équipés pour traiter avec rigueur la variable « temps ». Ensuite, grâce aux données rétrospectives, notre étude combine l’analyse de cohortes et l’analyse longitudinale, permettant ainsi de s’interroger sur ce qui relève, dans les comportements individuels, de l’impact du temps sociohistorique qui se déroule ou des contingences de l’avance en âge. Disons enfin que dans le cadre des analyses faites selon le modèle présenté ici (cf. fig. 1), nous avons souvent rêvé de disposer de données concernant une troisième cohorte voire même une quatrième... S’il paraît bien difficile de trouver des données rétrospectives compatibles avec notre modèle d’analyse, on peut cependant espérer qu’une nouvelle enquête sur la population âgée permettra d’actualiser l’analyse et du même coup de l’enrichir.

ANNEXE

Iimage 8

Notes

  • [1]
    Cet article a été réalisé dans le cadre d’une recherche financée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (projet n0 1214-052377 . 97).
  • [2]
    Lors des deux études, le travail de terrain a été réalisé sous la même direction par une équipe d’enquêteurs de l’Université de Genève spécialement formés. La passation du questionnaire avait lieu dans le cadre d’un entretien personnel, au lieu choisi par la personne enquêtée, le plus souvent son domicile. Sa durée variait entre 1 h 30 et 2 h 30. Une étude descriptive et critique de l’enquête de 1994 a été publiée sous le titre « Journal d’une enquête » (Bétemps, Bickel, Brunner et Hummel, 1997).
  • [3]
    Leur trajectoire et profil respectifs seront présentés dans la section IV.
  • [4]
    Les données des paragraphes qui suivent proviennent de l’Office fédéral de la statistique.
  • [5]
    Les hypothèses ne sont donc pas induites de l’état de la recherche empirique, dont certains résultats, mentionnés dans notre état des lieux, peuvent aller à l’encontre de l’une ou l’autre d’entre elles.
  • [6]
    Voir à ce propos, par exemple, Long (1997, chap. 3). Afin de faciliter la lecture des résultats et leur interprétation, les coefficients de régression sont exprimés, au tableau 5, sous leur forme exponentielle, qui indique les « rapports de chances » (odds ratio), la valeur de ceux-ci pouvant osciller entre 0 et + ?, 1 exprimant la parfaite indifférence (un « rapport des chances » de 1 n’étant autre qu’un coefficient de régression [b] égal à 0 : e0 = 1).
  • [7]
    Par ce test, on estime, pour chacune des variables du modèle considéré, la probabilité que le coefficient à 65-74 ans prenne la valeur de celui mesuré à 45 ans (que leur différence soit égale à 0), compte tenu des autres paramètres du modèle tels qu’ils sont estimés à 65-74 ans.
  • [8]
    Un aspect que les données à notre disposition ne permettent pas de traiter.
Français

RéSUMé. — Cet article porte sur l’évolution des pratiques de loisirs sous l’impact des « Trente Glorieuses », période de croissance économique et de mutation socioculturelle. Trois thèses – dont on déduit une série d’hypothèses de travail – sont examinées : l’intensification de la participation aux loisirs, tout particulièrement à ceux associés à l’idée d’épanouissement personnel ; l’affirmation d’un nouveau modèle de comportements des retraités ; la démocratisation de la participation.
L’étude empirique est basée sur l’analyse des données de deux cohortes, l’une née entre 1905 et 1914, l’autre entre 1920 et 1929, dont les comportements de loisirs sont saisis d’une part à la mi-vie (45 ans environ), de l’autre à l’âge de 65 à 74 ans. Sept catégories de loisirs sont considérées ; on procède à une double comparaison : intercohorte et longitudinale.
Les résultats confirment la première thèse comme la seconde, tout en conduisant, dans ce dernier cas, à en préciser et modifier la formulation. Par contre, s’ils signalent la démocratisation des pratiques sportives et corporelles, ils montrent également la persistance des inégalités sociales en ce qui concerne les voyages et les spectacles, ainsi que l’émergence de nouveaux clivages dans d’autres domaines des loisirs.

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Christian Lalive D’Épinay
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/09/2007
https://doi.org/10.3917/anso.051.0129
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