1Du fait qu’il est impossible, à première vue, de dériver logiquement ce qui doit être de ce qui est, la philosophie morale (qui est supposée nous dire ce qui doit être) peut-elle ignorer les sciences humaines et sociales (qui sont censées nous dire ce qui est, en ce qui concerne l’architecture et le fonctionnement de l’esprit ou des sociétés) ?
2Du fait que ce n’est pas du tout la même chose de comprendre ou d’expliquer un phénomène (la persistance du racisme, l’émergence de la démocratie politique, etc.) et de le justifier, les sciences humaines et sociales, dont la vocation est de comprendre ou d’expliquer, doivent-elles rester muettes dès lors qu’il est question de normes ou de principes moraux, dont la vocation est de justifier ?
3À ces questions, qui ont toujours empoisonné les relations entre la philosophie morale (dans sa partie « normative » au moins) et les sciences humaines et sociales, on ne peut, je crois, proposer qu’une réponse conditionnelle : cela dépend des principes de raisonnement moral et des conceptions morales d’ensemble que nous sommes disposés à accepter.
41. Principes de raisonnement moral. Pour ceux qui endossent une version forte de la dichotomie entre les jugements de fait et les jugements de valeur, les recherches empiriques (sociologiques ou autres) n’imposent aucune contrainte majeure sur nos conceptions morales. D’après eux, de ce qui est, on ne peut tirer aucune conclusion relative à ce qui doit être. C’est un principe inattaquable. Du fait, par exemple, que le racisme et la discrimination sexuelle existent dans la plupart des sociétés, il ne suit évidemment pas que ce soit une bonne chose ou une chose à recommander.
5Mais certains estiment que le principe « de ce qui est, on ne peut tirer aucune conclusion relative à ce qui doit être » n’est pas sacré. Ils croient, par exemple, qu’on peut lui opposer un autre principe de raisonnement moral, tout aussi central, « devoir » implique « pouvoir », lequel exige qu’on tienne compte, dans les raisonnements moraux, de ce qui est, et même qu’on tire des conclusions normatives à partir de prémisses factuelles. Dans une version plus familière, le principe dit en effet : « À l’impossible nul n’est tenu », ce qui revient bel et bien à justifier la dérivation d’une conclusion normative (on ne doit pas faire X) d’une prémisse factuelle (on ne peut pas faire X). Par ailleurs, il existe un principe de raisonnement moral dit de « survenance » qui établit une relation nécessaire entre jugement de fait et de valeur dans le domaine moral. D’après ce principe, si deux personnes ont fait exactement les mêmes choses, avec les mêmes motifs, dans les mêmes circonstances, il ne se pourrait pas que l’une ait agi moralement et l’autre pas. Dans une version plus familière, le principe dit : « Il faut traiter les cas similaires de façon similaire », ce qui impose évidemment des contraintes factuelles concernant les jugements de valeur morale.
62. Conceptions morales d’ensemble. Pour un déontologiste « absolutiste » de type kantien, les recherches empiriques n’ont pas vraiment d’importance. L’absolutiste pense, par exemple, qu’il faut respecter certains droits, quelles que soient les conséquences. Sa thèse peut être illustrée par la magnifique nouvelle de Kleist, Michael Kohlhaas. Révolté par l’injustice des princes qui ont laissé dépérir les chevaux qu’il leur avait confiés, Michael Kohlhaas, un simple paysan, se rebelle, lève une armée, provoque des batailles sanglantes et perd tout : ses biens, sa famille et sa vie au nom de la devise : « Que justice soit faite, même si le monde doit disparaître ». Le conséquentialiste, quant à lui, est disposé à tenir compte des effets empiriques des actions, tels qu’ils peuvent être évalués d’un point de vue impersonnel, même lorsque le privilège accordé aux conséquences peut entrer en conflit avec certains droits. Dans le cas de la prostitution, par exemple, il mettra probablement en balance le droit d’exercer librement cette activité et l’ensemble des préjudices psychologiques et sociaux qu’elle peut causer en tant que système organisé d’exploitation massive. Dans le cas de guerres causées par des conflits de droits (revendications sur une terre « sacrée », etc.), il sera certainement enclin à sacrifier ces droits afin de minimiser la quantité générale de souffrance et de désespérance. Par ailleurs, le néo-aristotélicien, adepte de l’éthique des vertus, considère que la connaissance de ce qui est bon pour l’homme (ses besoins fondamentaux, ce qui peut contribuer à son épanouissement, etc.) fait partie intégrante de la philosophie morale. Bref, le conséquentialiste ou le néo-aristotélicien ne voient pas les choses comme l’absolutiste kantien ou néo-kantien. Ils ne croient pas que l’éthique soit indépendante des sciences empiriques.
7Bref, l’ignorance de certains principes du raisonnement moral en méta-éthique (« devoir » implique « pouvoir » ou « à l’impossible nul n’est tenu » ; « survenance » ou « traiter les cas similaires de façon similaire » ou « pas de différence normative sans différence factuelle », etc.) et de certaines théories morales en éthique normative (conséquentialisme, éthique des vertus, etc.) éloigne les sciences empiriques de l’éthique. Mais une meilleure connaissance de ces aspects de la philosophie morale devrait conduire à envisager leurs relations de manière moins conflictuelle. C’est du moins ce que je vais essayer de montrer en décrivant de façon un tout petit peu plus précise ce qui, dans les principes du raisonnement moral et les théories d’éthique normative, interdit d’opposer radicalement philosophie morale et recherches en sciences humaines et sociales.
8En fait, je vais concentrer mon attention sur la formule : « de ce qui est, on ne peut tirer aucune conclusion à propos de ce qui doit être », qui est à l’origine du fossé entre les sciences sociales empiriques et l’éthique normative. Elle peut être contestée du point de vue logique, conceptuel, épistémique, ontologique aussi bien que du point de vue des théories morales [1].
9J’appellerai « conceptuel » le point de vue qui concerne les aspects logique, conceptuel, épistémique, ontologique et « normatif », celui qui concerne les théories morales.
Arguments conceptuels contre le principe « de ce qui est, on ne peut tirer aucune conclusion relative à ce qui doit être »
10Habituellement, ce qui dérange les adversaires de la dichotomie entre jugements de fait et jugements de valeur, c’est qu’elle semble impliquer le relativisme moral (il n’y a pas de vérités morales universelles) et le scientisme (les seules vérités concevables sont celles que fournit la science).
11Mais il est tout à fait possible d’être pour la dichotomie du fait et de la valeur et contre le relativisme moral. Kant opposait le monde naturel et le monde moral : il était donc pour une certaine distinction entre l’ordre des faits et celui des valeurs. Mais il n’était certainement pas un relativiste moral. De même, celui qui l’aurait « réveillé de son sommeil dogmatique », le philosophe écossais empiriste David Hume, était un ardent défenseur de la dichotomie du fait et de la valeur. Mais il n’était absolument pas relativiste. D’après lui, les croyances morales raisonnables des hommes sont partout exactement les mêmes [2].
12Inversement, on peut être contre toute dichotomie du fait et de la valeur et pour le relativisme moral. Pensez à tous ceux qui considèrent que les faits scientifiques sont « construits », que ce sont seulement des croyances qui incarnent les valeurs d’une société à un moment donné ou les relations de pouvoir dans une communauté scientifique donnée. Ils croient que les faits sont en réalité des valeurs. Ils sont donc contre la dichotomie du fait et de la valeur. Mais ils sont aussi les plus relativistes des relativistes.
13Quant à la relation entre le « scientisme » et la dichotomie du fait et de la valeur, elle est beaucoup moins étroite qu’on le dit parfois. Les positivistes logiques, qu’on peut sans abus appeler « scientistes », ont tous défendu une certaine version de la dichotomie du fait et de la valeur [3]. C’est même la « marque de fabrique » du positivisme : ceux qui continuent de s’en réclamer le font souvent parce qu’ils croient que la dichotomie du fait et de la valeur doit être traitée comme un « dogme », une sorte de vérité indépassable. Mais il existe aujourd’hui un courant naturaliste très puissant, d’inspiration darwinienne ou évolutionniste, qui propose une explication dite « scientifique » de l’émergence des valeurs morales dans l’histoire de l’espèce humaine. Les représentants de ce courant sont aussi « scientistes » que les positivistes, mais à la grande différence de ces derniers, ils rejettent toute dichotomie entre les jugements de fait et les jugements de valeur. Ces deux types de jugements ont, d’après eux, exactement la même origine modeste, la même fonction, la même nature. Ni les uns ni les autres n’ont de justification rationnelle. Ce sont de simples produits de la sélection naturelle. Leur justification, aux uns et aux autres (si on peut parler de « justification »), est proportionnelle à leur utilité concernant le succès reproductif de l’espèce [4].
14Bref, on peut être scientiste et pour la dichotomie du fait et de la valeur (comme les positivistes classiques), et scientiste et contre la dichotomie du fait et de la valeur (comme les évolutionnistes contemporains). En réalité, la dichotomie ne peut pas être rejetée en raison de ses implications théoriques relativistes ou scientistes car il n’est pas vrai qu’elle les contienne. En revanche, il existe au moins deux arguments conceptuels qui pourraient soutenir ce rejet : l’argument dit de la « survenance » et l’argument dérivé du principe « devoir implique pouvoir ».
Survenance
15Pour bien comprendre l’argument de la survenance, il faut distinguer quatre interprétations de la dichotomie du fait et de la valeur qui, sans être incompatibles, appellent des justifications et des objections différentes : logique, conceptuelle, épistémique et ontologique.
16Dans sa version logique, la « dichotomie du fait et de la valeur » signifie que tout raisonnement qui fait apparaître le terme « devoir » dans la conclusion alors qu’il ne figure nulle part dans les prémisses est non valide. Ainsi, l’inférence de « Les sociétés humaines sont inégalitaires » à « Les sociétés humaines doivent être inégalitaires » n’est pas valide. Il y a eu plusieurs tentatives de prouver qu’il n’était pas impossible de dériver logiquement « devoir » à partir de « être » ou, comme on dit, le « normatif » à partir du « descriptif » ou du « factuel ». À la suite de John Searle, certains philosophes ont affirmé que d’un énoncé factuel tel que « Jim a dit à Jules : “Je promets de te donner 20 E” », il est possible de dériver logiquement l’énoncé normatif « Jim doit donner 20 E à Jules » [5]. Mais il est difficile de voir en quoi Jim serait « illogique » s’il ne donnait pas 20 E à Jules après avoir promis de le faire. On aura plutôt tendance à penser qu’il est malhonnête, négligent, peu digne de confiance, etc., ce qui n’est pas la même chose. En fait, ces tentatives malheureuses de trouver une signification logique à la dérivation du devoir être à partir de l’être ont été plus ou moins abandonnées lorsqu’il est apparu que la thèse logique était, en réalité, inoffensive. Tout ce que la thèse logique dit, c’est qu’un terme (« devoir » en l’occurrence) ne peut pas apparaître dans les conclusions d’un raisonnement lorsqu’il ne figure pas dans ses prémisses. Mais cette limite s’applique aussi aux tentatives de dériver des propositions portant sur les girafes à partir de propositions portant sur les philosophes grecs, ce qui n’exclut pas qu’il puisse y avoir toutes sortes d’autres relations non logiques entre ces entités.
17La seconde version de la dichotomie du fait et de la valeur est conceptuelle. Elle a été proposée par le philosophe anglais G. E. Moore [6]. Il y a tout juste un siècle, Moore avait provoqué une certaine sensation en affirmant, dans ses Principia Ethica, que « bien » était indéfinissable. Quelles étaient ses raisons ? D’après Moore, une définition correcte doit établir, entre le terme à définir et les termes qui servent à le définir, une relation d’équivalence telle qu’il serait contradictoire de la nier. En termes techniques, cela revient à dire que la relation entre le terme à définir et les termes qui servent à le définir doit être analytique (« analytique » signifiant : ce qu’on ne peut nier sans se contredire), ou encore, qu’il doit exister une relation d’identité conceptuelle entre le terme à définir et les termes qui servent à le définir. La définition classique de « célibataire », c’est-à-dire « adulte non marié », semble répondre à ces critères. Il serait contradictoire de dire : « C’est un célibataire, mais il est marié ».
18Pour définir « bien », il faudrait trouver une équivalence du même genre. À première vue, ce n’est pas inconcevable puisqu’une définition de « bien » d’allure analytique est proposée dans tous les dictionnaires. Ainsi, dans Le Petit Robert, on trouve à l’entrée « bien » : « Ce qui est avantageux, agréable, favorable, profitable, ce qui est utile pour une fin donnée. » Les philosophes disent à peu près la même chose dans des termes évidemment plus compliqués. Selon le recensement de Moore, ils ont proposé les définitions de « bien » suivantes. La définition utilitariste : le bien, c’est ce qui contribue au plus grand bonheur du plus grand nombre ; naturaliste : le bien, c’est ce qui a été sélectionné par l’histoire naturelle de notre espèce (ou ce qui a contribué à sa survie) ; hédoniste : le bien, c’est ce qui est agréable, ce qui produit du plaisir ; métaphysique : le bien, c’est ce qui est voulu par une volonté libre (ou par Dieu), etc. Le problème, c’est qu’aucune de ces équivalences n’est analytique. La preuve : il n’est pas contradictoire de les nier. Il n’est pas contradictoire de nier celles du Petit Robert, c’est-à-dire d’affirmer : « C’est bien, mais ce n’est ni avantageux, ni agréable, ni favorable, ni profitable, ni utile pour une fin donnée. » De même, il n’est pas contradictoire de nier les équivalences des philosophes, c’est-à-dire d’affirmer : « C’est bien, mais cela ne contribue pas au plus grand bonheur du plus grand nombre ou à la survie de l’espèce », ou « C’est bien, mais ce n’est ni agréable, ni voulu par une volonté libre, ni par Dieu. » Par conséquent, ni la définition du Petit Robert ni celles des philosophes ne seraient des définitions authentiques au sens de Moore. De ce raisonnement, certains philosophes ont conclu que, pour Moore, « bien » est un terme évaluatif, ou normatif. En le définissant au moyen de termes descriptifs ou factuels, on commet l’erreur traditionnelle qui consiste à tirer des conclusions normatives de prémisses descriptives ou de confondre les faits et les valeurs. Il ne serait pas abusif de dire que l’argument de Moore a bien résisté à la multitude d’objections qui lui ont été faites. La plupart de ceux qui s’intéressent à la question reconnaissent aujourd’hui qu’il est vain de chercher à établir une relation conceptuelle entre les termes moraux centraux comme « bien » ou « juste » et un ensemble d’autres termes descriptifs ou factuels qui pourraient servir à les « définir » au sens analytique [7].
19Ce sont les positivistes logiques qui ont proposé la troisième version de la dichotomie, qu’on peut appeler épistémique parce qu’elle est relative à nos croyances. Elle dit qu’il est tout à fait concevable que deux individus aient des croyances factuelles identiques ou même la totalité de leurs croyances factuelles identiques et qu’ils forment, néanmoins, des jugements de valeur opposés [8]. Il est peut-être difficile de le concevoir quand on envisage la totalité de leurs croyances factuelles, si cette supposition a un sens, mais on n’a aucun mal à imaginer que, sur des questions particulières, il puisse y avoir accord complet sur les faits et désaccord sur les valeurs. Les divergences à propos de la valeur morale de l’avortement ou de la peine de mort sont des exemples assez usés de cette possibilité.
20En réalité, il faudrait peut-être, pour faire justice à l’argument épistémique, montrer comment il peut résister à une objection courante ou « standard ».
21De l’argument, on peut dériver l’idée selon laquelle les désaccords authentiques dans un débat moral ou autre ne peuvent porter que sur des questions de fait. Dans le cas de l’élimination physique des handicapés, les faits pourraient concerner les souffrances des parents, les conséquences légales, les problèmes d’identification factuelle du handicap, lesquels pourraient être si graves qu’une proposition d’éliminer physiquement les handicapés pourrait s’étendre à tout le monde, y compris, et même surtout, à ceux qui proposent d’éliminer physiquement les handicapés. Mais, une fois ces questions de fait réglées, il n’y a plus de désaccord authentique, il n’y a plus que des préférences, du genre de celles qui nous font choisir la vanille plutôt que le chocolat, préférences sur lesquelles il serait absurde de continuer à débattre, car elles n’ont pas de justification rationnelle.
22L’adversaire de la dichotomie du fait et de la valeur au sens épistémique admet les prémisses de l’argument, c’est-à-dire que les désaccords authentiques portent sur des questions de fait. Cependant il estime qu’une fois réglées toutes les questions de fait, il ne reste plus de place pour un désaccord sur les valeurs. Bref, il pense qu’il est inconcevable que deux individus aient exactement les mêmes croyances factuelles et des jugements de valeur opposés. Il n’est pas très facile de comprendre la nature de son argument. À première vue, il soutient que, pour toute divergence sur des questions de valeur, il existe une divergence sur une question de fait. Mais il ne serait probablement pas embarrassé par une objection disant qu’il y a des cas dans lesquels il est impossible de détecter des désaccords sur des questions factuelles alors qu’il existe manifestement des divergences sur des questions de valeur. Il répondrait : « Cherchez bien. Il doit y en avoir une ! » En fait, son argument est a priori. Il semble dire : pour toute divergence sur les valeurs, il doit exister une divergence sur une question de fait, qu’on l’ait identifiée ou non. Le fait que la critique de l’argument épistémique soit a priori ne parle pas en sa faveur. Autrement dit, l’argument de l’absence de dépendance épistémique entre les jugements de fait et de valeur semble assez bien équipé pour résister à l’objection standard.
23Mais de tout cela on ne peut pas encore conclure qu’il n’existe pas de relation entre les valeurs et les faits. De l’absence de relation de dépendance logique, conceptuelle, épistémique entre les jugements de fait et de valeur, il ne suit pas qu’il n’y ait pas relation du tout. Il est même tout à fait caractéristique des jugements de valeur moraux qu’ils dépendent des jugements de fait en raison de la dépendance des propriétés morales auxquels ils font référence à l’égard des propriétés dites « factuelles » ou « naturelles ». Il est assez facile d’illustrer cette relation de dépendance. Il suffit de comparer les propriétés morales et les propriétés magiques ou mystiques [9]. Il se pourrait très bien que deux personnes fassent exactement la même chose, dans les mêmes circonstances, avec les mêmes intentions, et que l’une ait la grâce et l’autre pas. Il pourrait y avoir une différence de qualité mystique entre les deux, sans différence factuelle relative aux actions, aux circonstances, aux intentions. Mais il ne se pourrait pas que deux personnes fassent exactement la même chose, dans les mêmes circonstances, avec les mêmes intentions, et que l’une soit bonne et l’autre pas. Il ne peut y avoir de différence de qualité morale sans différence factuelle relative aux actions, aux circonstances, aux intentions. On appelle « survenance » cette relation de dépendance du moral à l’égard du non moral.
24En réalité, on peut l’interpréter de deux façons différentes : comme relation ontologique ou comme principe du raisonnement moral.
25Ceux qu’on appelle « réalistes moraux » défendent la version ontologique [10]. D’après eux, rien ne semble exclure la possibilité que des propriétés morales comme la bonté ou la justice d’une action ou d’une institution « résultent », « dérivent » de, s’ « ajoutent », « viennent en conséquence » à, ou « surviennent », comme on dit désormais, sur des propriétés non morales ou « naturelles » (comme celle de satisfaire des besoins humains fondamentaux, par exemple) de la même façon que la conscience, selon certains philosophes de l’esprit, s’ « ajoute », « résulte », « dérive », « vient en conséquence », « survient », une fois que certaines conditions naturelles (cérébrales) sont satisfaites.
26Cette relation de survenance (ou de conséquence, de résultance, etc.) est asymétrique. Telle ou telle institution ne pourrait pas être bonne si elle ne présentait pas certaines propriétés non morales ou naturelles (comme celle de satisfaire des besoins humains fondamentaux) alors que ces propriétés naturelles pourraient être même si la bonté n’était pas. En effet, à la différence des propriétés naturelles, la bonté (ou la beauté) n’est pas une propriété indépendante d’autres propriétés : elle n’a pas d’existence « intrinsèque ». Des termes moraux tels que « bien » ou « juste » ne peuvent certainement pas être réduits à des termes descriptifs ou naturels tels que « satisfaire des besoins humains fondamentaux », en raison de l’absence de relation conceptuelle ou analytique mise en évidence par Moore. Cependant, les propriétés morales dépendent des propriétés naturelles pour exister. Bref, il y aurait entre propriétés morales et non morales une relation de dépendance sans réduction qui n’exclut pas l’absence d’identité conceptuelle.
27La comparaison entre bonté et beauté proposée W. D. Ross permet, je crois, de saisir un peu mieux cette idée assez compliquée. D’après lui, deux échantillons de couleur parfaitement identiques du point de vue de leur nuance, de leur luminosité, de leur taille et de leur forme, doivent être identiques du point de vue de leur beauté. « Autrement dit, alors que les autres caractéristiques sont constitutives, la beauté est (en un sens qu’il faudra préciser ultérieurement) une caractéristique dépendante ou conséquentielle. » [11]
28Lorsqu’elle est comprise ainsi, la relation de survenance peut être dite « ontologique ». Mais il existe une autre version de la survenance d’après laquelle il s’agirait plutôt d’un principe de raisonnement moral. On doit celle-ci à Richard Hare, qui l’a présentée ainsi :
« Occupons-nous d’abord de cette caractéristique de “bien” qu’on appelle sa survenance. Supposons qu’on dise “saint François était bon”. Logiquement, il est impossible d’affirmer cette phrase tout en maintenant qu’il pourrait y avoir un autre homme qui serait exactement dans la même situation que saint François, qui agirait exactement de la même façon, mais qui se distinguerait de lui simplement en ceci qu’il ne serait pas bon [...]. Il n’est pas possible que la conduite actuelle soit bonne et la conduite hypothétique mauvaise, à moins qu’il y ait quelque autre différence entre les actions ou les circonstances ou les motifs ou quoi que ce soit d’autre. Les actions ne peuvent pas se distinguer du fait seulement qu’elles sont justes, pas plus que les tableaux ou quoi que ce soit d’autre ne peuvent se distinguer du fait seulement qu’ils sont bons. » [12]
29Les arguments de Simon Blackburn ont permis de clarifier ce point de vue [13]. D’après lui, la meilleure explication de la survenance des propriétés morales sur les propriétés naturelles serait de type logique ou conceptuel. Si les propriétés morales surviennent sur les propriétés non morales, c’est en vertu d’une sorte de platitude ou d’idée commune qui a vocation à être une vérité a priori : il est exclu a priori que deux actions absolument indiscernables du point de vue descriptif, non évaluatif ou non moral soient différentes du point de vue normatif, évaluatif ou moral. C’est une vérité conceptuelle. Si quelqu’un estimait que deux actions absolument indiscernables du point de vue de leurs propriétés non morales pouvaient néanmoins être différentes du point de vue moral, il manifesterait son incompréhension du sens même du mot « moral ».
30Ce que le débat autour de la dichotomie du fait et de la valeur montre essentiellement, c’est que même si elle était justifiée du point de vue logique, conceptuel, épistémique, elle pourrait ne pas l’être du point de vue ontologique. C’est du moins ce qu’il est possible de conclure de l’argument dit de la « survenance » dans sa version ontologique.
31D’autre part, il paraît difficile de respecter en même temps une dichotomie radicale du fait et de la valeur et la « survenance » en tant que principe de raisonnement moral qui nous demande de traiter les cas similaires de façon similaire ou de ne pas juger différemment, d’un point de vue moral, deux actions indiscernables du point de vue non moral.
« Devoir implique pouvoir »
32Le principe « Devoir implique pouvoir » peut être spécifié de la façon suivante : « L’agent X ne doit faire p que s’il peut faire p ». Cette formulation est en accord avec certaines de nos intuitions relatives à la responsabilité. On ne blâme pas l’agent qui ne pourrait en aucun cas faire ce qu’il était censé devoir faire (à première vue). Mais la version contraposée de cette formulation semble poser un problème à tous ceux qui admettent ce qu’on appelle la « loi de Hume ». Selon cette loi, une conclusion normative ne peut pas être tirée de prémisses non normatives. C’est cette loi qui justifie, dans de nombreux raisonnements philosophiques, la dichotomie entre jugement de fait et jugement de valeur. Or, la formule contraposée : « Si l’agent X ne peut pas faire p, alors il ne doit pas faire p » viole manifestement la loi de Hume puisqu’une conclusion normative (l’agent ne doit pas) est dérivée d’une prémisse non normative (l’agent ne peut pas). Il existe deux façons d’essayer d’écarter l’objection :
331 / Nier que la conclusion soit normative en soutenant, par exemple, que la négation d’une norme n’est pas une norme.
342 / Nier que les prémisses soient non normatives en soutenant, par exemple, que « Si on ne peut pas, on ne doit pas » est un enthymème, un raisonnement dont l’une des prémisses n’a pas été formulée explicitement. Le raisonnement complet aurait l’allure suivante :
35Prémisse : si l’agent X ne peut pas faire p, il ne doit pas faire p.
36Prémisse : l’agent X ne peut pas faire p.
37Conclusion : l’agent X ne doit pas faire p.
38Dans ce raisonnement, la prémisse majeure est normative, de sorte qu’aucune conclusion normative n’est tirée de prémisses purement non normatives.
39Ni l’une ni l’autre de ces manœuvres n’est tout à fait convaincante [14]. Il s’ensuit qu’il faut tenir compte de l’objection d’une façon ou d’une autre. La loi de Hume peut certainement être invoquée pour contester le caractère inattaquable du principe « devoir implique pouvoir », dans la mesure où, dans sa version contraposée, le principe ne respecte pas la loi de Hume. Mais on peut aussi avoir des raisons de conserver le principe « devoir implique pouvoir » et de rejeter la loi de Hume, c’est-à-dire l’idée selon laquelle il serait impossible de tirer des conclusions normatives de prémisses non normatives.
Arguments normatifs contre le principe « de ce qui est, on ne peut tirer aucune conclusion relative à ce qui doit être »
40Toutes les discussions en éthique normative reviennent finalement à la confrontation rationnelle de trois grandes théories morales : le conséquentialisme, la déontologie, et leur nouveau rival (ou plutôt, leur rival ressuscité), l’éthique des vertus [15].
41Que disent ces théories ? Commençons par le conséquentialisme et la déontologie. Chacune a un principe central [16] :
421 / Les théories conséquentialistes nous demandent d’œuvrer directement ou indirectement à la promotion du meilleur état de choses possible, meilleur non pas pour moi personnellement, mais pour tous ceux qui sont concernés, c’est-à-dire meilleur d’un point de vue impartial ou impersonnel.
432 / Les théories déontologiques nous prescrivent de toujours respecter personnellement certaines règles d’action telles que tenir ses promesses, ne pas mentir, ne pas humilier, ne pas massacrer des innocents, etc., c’est-à-dire de les respecter absolument, quelles que soient les conséquences, d’un point de vue impartial ou impersonnel.
44Dans certains cas (particulièrement significatifs du point de vue théorique), ces deux conceptions peuvent entrer en conflit.
45Supposons que Jules soit confronté à la situation suivante : il lui serait possible de sauver la vie de cent personnes innocentes menacées d’être exécutées s’il acceptait d’en tuer une, innocente elle aussi [17].
46Que dira le conséquentialiste ? Il recommandera à Jules d’essayer de promouvoir l’état de choses dans lequel ces cent personnes innocentes seront sauvées, puisque c’est celui qui est préférable lorsqu’on évalue les états de choses possibles de façon impersonnelle ou impartiale. Et la conclusion personnelle que Jules tirera, s’il raisonne en conséquentialiste, c’est qu’il devra tuer un innocent. Il se peut que Jules soit personnellement incapable de le faire (pour des raisons religieuses, métaphysiques, psychologiques, sociales, etc.). Mais du point de vue moral, son devoir est clair : il doit tuer une personne, même innocente, si cela peut permettre d’en sauver cent...
47Que dira le déontologiste ? Pour lui, toute théorie éthique raisonnable doit respecter une conviction morale courante qu’il n’y a pas lieu, d’après lui, de réviser : il y a des choses, telles que tuer un innocent, qu’il faut absolument éviter de faire. Ces actions sont exclues, même dans ces circonstances exceptionnelles où elles pourraient contribuer à la promotion d’un état de choses que nous aurions tous des raisons d’apprécier. La conclusion personnelle que Jules tirera, s’il raisonne en déontologiste, c’est qu’il doit s’abstenir de tuer. Il se peut que Jules finisse par commettre l’homicide pour des raisons religieuses, métaphysiques psychologiques, sociales, politiques, etc. Mais du point de vue moral, son devoir est clair. Il ne doit pas tuer un innocent, même pour en sauver cent.
48De façon générale, le déontologiste dira que le conséquentialisme est une monstruosité morale du simple fait qu’il n’exclut pas des calculs qui mettent en balance des quantités de vies humaines.
49En réponse à cette objection, le conséquentialiste fera probablement observer que l’attitude du déontologiste pourrait laisser supposer que, pour lui, toute la moralité se résume au souci plutôt hypocrite de ne pas avoir personnellement les « mains sales ».
50Il rejettera aussi l’image simpliste que ce cas pourrait donner de sa doctrine, qui est loin de se résumer à la justification du sacrifice des innocents pour le plus grand bien-être du plus grand nombre. En fait, le conséquentialisme a toutes les raisons de l’exclure dans la plupart des cas. Lorsqu’il l’admet, c’est dans des conditions où le doute, au moins, devrait s’imposer à toute personne raisonnable en raison de la gravité extrême des conséquences.
51D’une certaine façon, ce qui caractérise le mieux le conséquentialisme, c’est le refus d’endosser le principe « Il faut faire X, quelles que soient les conséquences », jugé « fanatique » ou « profondément irrationnel ». C’est une doctrine qui nous demande de ne pas respecter certaines règles lorsqu’il est suffisamment évident que l’état de choses qui résulterait du fait que ces règles ont été respectées serait pire que l’état de choses qui résulterait du fait qu’elles ne l’ont pas été.
52Le conséquentialiste soutient que le fameux exemple discuté par Kant, supposé justifier l’interdit absolu de mentir, devrait nous conduire aux mêmes conclusions [18]. Pour échapper aux assassins qui le poursuivent, un ami innocent se réfugie chez moi. Les bourreaux se présentent à ma porte et me demandent : « Ton ami est-il chez toi ? ». Si j’agis en déontologiste kantien, si je respecte scrupuleusement la règle qui prescrit de ne mentir en aucune circonstance, je devrais répondre : « Oui », et mon ami innocent sera probablement assassiné. Comment, demande le conséquentialiste, ne pas trouver absurde une doctrine morale qui aboutit à ce genre de conclusion ?
53Pour le conséquentaliste, l’absolutiste est celui qui s’engage envers la proposition suivante : il existe un ensemble de droits (à la liberté, à la sûreté, etc.) et de règles (ne pas mentir, tenir ses promesses, ne pas torturer, etc.) qui ne peuvent en aucun cas être violés ou qui doivent toujours être respectés.
54Cela implique, objecte-t-il, qu’ils ne peuvent être violés ou qu’ils doivent être respectés, même si la conformité à ces règles et ces droits entraîne, paradoxalement, une atteinte générale à l’expression de ces droits et de ces règles. On peut, par exemple, aisément envisager des cas dans lesquels le refus de porter atteinte à une vie, au nom de la valeur absolue ou sacrée de la vie, contribue à détruire une quantité considérable de vies. Ce sont précisément ces cas paradoxaux qui intéressent le conséquentialiste [19]. Ils montrent, d’après lui, l’absurdité de l’absolutisme.
55L’éthique des vertus, plus ou moins vaguement inspirée d’Aristote, est souvent présentée comme une conception d’ensemble rivale du conséquentialisme et de la déontologie [20]. C’est aussi une éthique qui prétend tirer des conclusions normatives à partir de prémisses descriptives. Pour bien comprendre ce qui distingue l’éthique des vertus du conséquentialisme et de la déontologie, le mieux est de partir du contraste entre éthiques attractives et éthiques impératives, plus ou moins inspirée par Henry Sidgwick [21].
56L’éthique impérative se pose la question de savoir ce qui est juste indépendamment d’une sorte de recensement des désirs, souhaits, besoins, tendances, inclinations de l’homme et des possibilités qu’il a de se conformer aux exigences morales (qui peuvent être conflictuelles, irréalisables, etc.). Il peut donc exister une sorte de tension entre les exigences des conceptions morales impératives et les capacités ou les motivations humaines. Dans la version « pauvre », l’éthique impérative est celle qui s’intéresse à ce qu’il faut faire (on l’appelle « déontologique » dans ce cas) ou aux états de choses qu’il faut promouvoir (on l’appelle, alors, « conséquentialiste »).
57Le point de départ de l’éthique attractive est tout à fait différent. Les conceptions attractives partent d’une certaine idée de l’homme, de ses désirs, besoins, tendances, inclinations, bref, de ses capacités et de ses limites. Ces dernières peuvent être comprises de façon essentialiste (l’homme est « par nature » ceci ou cela) ou non essentialiste (ces capacités et ces limites sont relatives à une certaine situation historique ou sociale).
58Certains philosophes estiment que cette façon de procéder est la seule qui permette de construire une éthique normative « réaliste » au sens ordinaire du mot, c’est-à-dire une éthique qui n’essaie pas d’imposer des exigences démesurées et vides parce qu’elles sont complètement extérieures à notre système de motivation (à ce que nous voulons ou, plus exactement, à ce que nous pourrions vouloir dans des conditions idéales) [22].
59Dans une version plus « pauvre » (mais aussi plus claire, à mon avis), l’éthique attractive est celle qui s’intéresse essentiellement à la personne et, accessoirement, aux actes ou aux conséquences. Sa question principale est : « Quel genre de personne dois-je être ? » et non : « Que dois-je faire ? » ou « Quels états de choses sont préférables ? »
60Au total, nous pouvons enrichir la division entre l’attractif et l’impératif en distinguant trois genres de conceptions morales, selon qu’elles se focalisent sur la personne, l’action ou les états de choses. Les conceptions qui se focalisent sur la personne et qu’on appelle couramment « éthiques des vertus » sont plutôt du côté attractif ; les conceptions qui se focalisent sur l’action (déontologiques) ou les états de choses (conséquentialistes) sont plutôt du côté impératif.
61En définitive, seules les conceptions déontologiques absolutistes admettent une dichotomie radicale entre ce qui est de l’ordre du fait et de l’ordre des valeurs.
62Il arrive qu’on oppose, à la suite de Max Weber, les théories conséquentialistes et déontologiques en affirmant que les premières sont des morales de la responsabilité et les secondes des morales de la conviction [23]. C’est une façon brève et parlante de présenter les choses, même si elle est contestable. Après tout, le conséquentialiste agit aussi selon une conviction : celle qu’il faut œuvrer à la promotion de certaines valeurs telles que le bien-être collectif. Quoi qu’il en soit, toutes les éthiques de type conséquentialiste admettent qu’il n’est pas impossible de tirer certaines conclusions normatives de prémisses factuelles relatives au bien-être de l’homme ou à l’état du monde en général. Et toutes contiennent des raisons de rejeter l’idée que les sciences empiriques doivent rester muettes dès lors qu’il est question de normes ou de principes moraux.
Conclusion.
63C’est seulement à condition d’ignorer plus ou moins volontairement certains principes du raisonnement moral en méta-éthique (« devoir » implique « pouvoir » ; « traiter les cas similaires de façon similaire », « pas de différence normative sans différence factuelle », etc.) et certaines théories morales en éthique normative (différentes variétés d’éthique des vertus ou de conséquentialisme) qu’on peut en venir à exclure toute possibilité de relations étroites et fécondes entre la philosophie morale et les sciences humaines et sociales.
Notes
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[1]
Jusqu’à présent, je m’étais surtout intéressé à l’analyse conceptuelle de la dichotomie du fait et de la valeur : voir « Que reste-t-il de la dichotomie du fait et de la valeur ? », in Jean-Pierre Cometti et Claudine Tiercelin, 2003, Cent ans de philosophie américaine. Colloque de Cerisy, 24 juin-1er juillet 1995, Pau, PUP, p. 445-465. J’ai essayé de remettre à jour mes arguments et d’en ajouter d’autres, tirés de l’éthique normative. Je ne peux pas dire que mes progrès sur ces questions soient rapides.
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[2]
David Hume, Enquête sur les principes de la morale, traduction nouvelle P. Ballanger et P. Saltel, Paris, Garnier-Flammarion, 1991.
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[3]
Alfred Jules Ayer (1936), Langage, vérité et logique, trad. J. Okana, Paris, Flammarion, 1956.
-
[4]
Michael Ruse, « Une défense de l’éthique évolutionniste », in Jean-Pierre Changeux, Fondements naturels de l’éthique, trad. Max Kirsch, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 35-64.
-
[5]
John Searle (1969), Les actes de langage, trad. Hélène Pauchard, Paris, Hermann, 1972, p. 228-254.
-
[6]
G. E. Moore (1903), Principia Ethica, trad. Michel Gouverneur, revue par Ruwen Ogien, Paris, PUF, 1998.
-
[7]
Stephen Darwall, Allan Gibbard, Peter Railton, « Toward Fin de Siècle Ethics. Some Trends », The Philosophical Review, no 101, 1992, p. 115-189.En ligne
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[8]
Ayer, op. cit.
-
[9]
Peter Railton, « Moral Realism. Prospects and Problems », in W. Sinnott-Armstrong et M. Timmons (dir.), Moral Knowledge. New Readings in Moral Epistemology, Oxford, Oxford University Press, 1990, p. 49-81.
-
[10]
Ibid.
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[11]
W. D. Ross (1930), The Right and the Good, Indianapolis, Hackett Publishing Company, 1988, p. 120.
-
[12]
Richard Hare, The Language of Morals, Oxford, Clarendon Press, 1952.
-
[13]
Simon Blackburn (1985), « Supervenience Revisited », in Essays in Quasi-Realism, Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 130-148.
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[14]
Pour l’examen des objections, je me permettrais de renvoyer à Le rasoir de Kant et autres essais de philosophie pratique, Paris, L’Éclat, 2003.
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[15]
Marcia Baron, Philip Pettit P., Michael Slote, Three Methods of Ethics, Oxford, Basil Blackwell, 1997.
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[16]
Ibid.
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[17]
C’est une variante du fameux cas de Jim discuté par Bernard Williams (1973), « Une critique de l’utilitarisme », in J. J. C. Smart et B. Williams, L’utilitarisme. Le pour et le contre, trad., H. Poltier, Genève, Labor et Fides, 1997, p. 73-135.
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[18]
Emmanuel Kant (1797), « Sur un prétendu droit de mentir par humanité », in Théorie et pratique. Droit de mentir, trad. L. Guillermit, Paris, Vrin, 1984.
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[19]
Christopher McMahon, « The Paradox of Deontology », Philosophy & Public Affairs, 20, 1991, p. 350-377.
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[20]
Baron, Pettit, Slote, op. cit.
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[21]
Henry Sidgwick (1907), The Methods of Ethics, 7e éd., Indianapolis, Hackett Publishing Company, 1981, préface de John Rawls.
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[22]
Williams, op. cit.
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[23]
Max Weber (1919), Le savant et le politique, introd. R. Aron, Paris, Plon, 1959.