1De tout temps, le droit a été chargé de régler et d’encadrer les mœurs, et pourtant elles lui demandent un incessant supplément de norme. La fondation, en 1991, par Paul Ricœur et Antoine Garapon, de l’Institut des hautes études judiciaires a contribué, à la suite du drame du sang contaminé, à exprimer ce rapprochement entre le droit et la morale, en mettant en évidence une tâche qui serait commune aux deux disciplines : celle d’imputer des actes à des personnes, selon l’idée d’une humanité responsable où la responsabilité se dit.
2Outre-Atlantique, Ronald Dworkin, se démarquant décisivement de son célèbre compatriote Holmes qui réduisait le droit à n’être que l’ensemble des décisions que rendront demain les tribunaux, œuvre à donner un fondement éthique à l’ensemble du droit, sans pour autant fondre ensemble en une entité unique la morale et le droit [1]. Pour Dworkin, les droits sont des atouts contre l’État. Les individus peuvent les faire valoir contre la politique, qui, parce qu’elle vise le bien commun, est globalement utilitariste, ce que n’est pas le droit. Il est chargé de faire respecter l’égale valeur des vies humaines. Les droits ne reposent pas sur un droit à la liberté, mais un droit à l’égalité. Les individus adhèrent à la norme du juste parce qu’elle correspond à un idéal éthique.
3Toutefois, cette évolution n’est pas homogène. Si on le mesure à l’aune de la sanction, le droit semble évoluer dans des directions opposées. D’un côté, il évolue vers la libéralisation, vers la dépénalisation ; c’est le cas en matière d’avortement, d’homosexualité, de la circulation de certaines drogues (cannabis), de l’euthanasie dans certains pays (Belgique, Pays-Bas). Ce droit libéral s’éloigne de toute morale substantielle ; il laisse à l’individu sain son entière responsabilité éthique. D’un autre côté, de façon innovante, le droit aspire de satisfaire des exigences éthiques en pénalisant strictement certaines activités ou comportements : trafic de drogue, recyclage d’argent sale, pédophilie, harcèlement sexuel, discriminations, injures raciales, conduite en état d’ivresse. C’est alors qu’il se substantialise ou se matérialise. C’est pourquoi on a pu parler d’un « pragmatisme éthico-social » pour décrire ce mélange par lequel le droit exprime les deux sens, de la morale : d’une part, consacrer les mœurs ; de l’autre, satisfaire les aspirations éthiques [2].
4On se propose de montrer ici que l’avènement et le développement des sciences sociales ont contribué à favoriser, de façon parfois inattendue, un certain rapprochement du droit et de la morale. On se demande ensuite si cette inflexion des tendances vers une moralisation, légère, mais perceptible, du droit, est tout à fait exempte d’effets pervers.
1. Convergences entre l’éthique et le droit
a) Le pluralisme éthique
5Certains indices incitent à penser que le droit et l’éthique sont entrés dans une ère de rapprochement, à la faveur d’un pluralisme qui s’est généralisé et qui a tendance à concevoir avant tout l’éthique comme lieu d’échanges et de débats.
6À la fin du XXe siècle est apparue l’idée d’une « éthique du droit » [3]. Cette émergence s’inscrit dans le cadre d’une forte valorisation de la liberté individuelle et d’un relatif déclin des éthiques déontologiques dans leur formulation classique (kantienne, platonicienne). L’éthique déontologique se définit comme système de règles se basant sur des obligations et interdictions considérées comme catégoriquement valables pour tous les acteurs. On ne confondra pas l’éthique dite déontologique avec la notion même de déontologie, définie comme ensemble des règles s’appliquant à une profession ou aux acteurs d’un champ d’activités et que l’on abordera plus loin.
7Les principales critiques adressées à l’éthique déontologique sont de trois ordres. La première difficulté tient, pour ses adversaires, à la perte de crédibilité de l’idée d’obligation universelle (telle que la sous-tend le règne des fins chez Kant ou la société bien ordonnée chez Rawls) du fait que les conséquences qui en découlent ou n’en sont pas empêchées, directement ou à travers leurs évolutions, peuvent s’avérer problématiques. La deuxième difficulté est empirique. Les éthiques déontologiques semblent perdre de leur influence lorsque les individus évoluent dans un univers qui ne correspond plus aux obligations qu’elles prescrivent. Cette considération a contribué à justifier le développement des éthiques appliquées, plus diversifiées, mieux adaptées. Cassirer reprochait à Kant de ne pas saisir toute la complexité du réel. Enfin, un troisième reproche a trait à l’impuissance du pur devoir. Les prescriptions déontologiques sont parfois accusées de manquer de force de conviction. Certains ont alors proposé de s’orienter vers le droit. Mais les théories positivistes d’une séparation entre le droit et la morale perdant de leur crédit, une évolution s’est dessinée, favorable à l’éthique. Cette dernière est alors envisagée selon différents principes possibles qui sont mis en relation avec des fonctions ou des objets différents.
8Au total on peut distinguer quatre formes fondamentales d’éthique qui se critiquent l’une l’autre. Premièrement l’éthique des valeurs ontologiques et intuitives (Nietzsche, Scheler, Hartmann, Moore) ; deuxièmement la morale des groupes (Gehlen, communautaristes, néo-aristotéliciens) ; troisièmement l’éthique formelle et universelle (Kant, Rawls, Habermas, Apel) ; quatrièmement l’éthique du bonheur et de l’accomplissement de l’individu (Aristote, Épicure, saint Augustin, Foucault).
9Ces quatre conceptions de l’éthique sont traversées par des conflits permanents qui peuvent être modérés et expliqués par une certaine différenciation fonctionnelle : l’éthique des valeurs pourrait être sollicitée dans le contexte pédagogique de l’orientation de la jeunesse ; l’éthique du bonheur individuel serait appropriée à la vie privée ; l’éthique des groupes à la vie en groupe ; enfin, l’éthique universelle, au droit.
10Chaune de ces formes d’éthique exerce une influence spécifique sur le droit [4]. L’éthique universelle, avec les droits de l’homme. La morale des groupes est également influente. Il est nécessaire qu’une bonne législation accorde à des groupes le droit de se former à leur gré. L’éthique individuelle et l’éthique des valeurs influent aussi sur le droit. Pourtant, même lorsque l’éthique exerce, comme c’est aujourd’hui le cas, une certaine influence sur le droit, cette influence est limitée [5] : l’affirmation de la liberté individuelle représente un frein à une juridicisation trop forte, tout comme le caractère composite et pluraliste de cette éthique diversifiée.
b) L’équité
11S’il est une forme de justice qui se situe à la frontière du droit et de la morale, c’est bien l’équité. Son rôle est conditionné par l’aménagement des sources formelles du droit. Lorsque celles-ci sont nombreuses et substantielles, l’équité apparaît plutôt comme le correctif d’une réglementation stricte et comme un moyen d’adaptation de ce droit entre les mains des juges. Si au contraire le terrain est moins couvert de règles et de solutions, l’équité développe ses ressources latentes.
12Il est significatif que cette notion frontalière, parfois qualifiée de « part maudite du jugement », soit celle par laquelle l’arbitraire est suspecté de s’introduire dans les décisions [6]. Ce croisement de morale et de droit que représente l’équité n’a pas toujours été le bienvenu. Au début du XXe siècle, sa première manifestation s’est accompagnée de violence dans les réactions suscitées par son représentant de l’époque, le juge Magnaud. Ainsi François Gény reprochait avec virulence au juge de feindre la bonté et la compassion pour masquer une démagogie et une ambition politique effrénées [7].
13En France, le pouvoir royal l’avait condamnée de façon de plus en plus sévère au fur et à mesure de sa centralisation. L’ordonnance de 1667 interdit aux Parlements de s’y référer. D’Aguesseau dénonce le « voile spécieux de l’équité ». Le légicentrisme de la Révolution achève de l’éliminer. Ce n’est qu’au XIXe siècle, lorsque le primat de la loi est contesté, qu’elle commence à réapparaître.
14Son origine anglaise éclaire la transgression du droit commun qu’on lui impute parfois. Au début du XVIIe siècle éclata en Grande-Bretagne un violent conflit entre deux éminentes figures du royaume qui incarnaient chacun une source de droit concurrente : equity et common law. Jusqu’en 1285, le système anglais du common law avait été suffisamment valide pour offrir les solutions procédurales les plus variées. Mais à cette date, le parlement interdit la délivrance de nouveaux writs [8]. Au XVIe siècle, le système de la common law, logique et cohérent, souffrait d’un évident manque de souplesse. Aussi, sous le règne d’Édouard II, en 1349, les Cours de Westminster ont conduit l’equity à s’incarner à la fois en tant que corps de droit distinct, mais également en tant qu’institution, dans la personne du Chancelier, agissant par délégation du roi, fontaine de justice.
15L’equity se développa avec une extrême rapidité. Le champ de la compétence du Chancelier, devenu considérable, se trouva en concurrence avec les juridictions de common law. C’est en Angleterre que l’antagonisme entre le droit et l’équité se manifesta le plus intensément.
16Cependant, l’équité, dans un droit de civil law, ne saurait être assimilée à l’equity ou la fairness du droit anglais. Il faut même distinguer l’idée présente dans le concept de « procès équitable » issu de la convention européenne des droits de l’homme qui renvoie à l’idée de loyauté des débats, de la notion d’équité qui s’attache à l’acte de juger. En effet, pour notre tradition juridique, l’équité sourd moins de l’équilibre des débats que d’une correction apportée au droit par la démarche même du jugement. Elle est consubstantielle à la fonction de juger et sa définition est difficile : doit-on la regarder comme une transgression subversive de la loi, ou au contraire, comme un infra-droit peu digne de respect ? Ou bien encore, comme un idéal de justice ? L’équité serait-elle alors le paradigme de la totalité du droit, sa fin ultime, trop rarement atteinte ? Ces questions restent sans réponse certaine, comme s’il y avait dans l’équité un angle mort qui empêchât à jamais d’en trouver une définition qui fasse l’unanimité.
17S’il est vrai que l’équité est peu présente dans l’édifice du droit positif, elle accompagne chaque instant de l’opération de jugement. Les décisions les plus difficiles qu’ait à prendre un juge – incarcération, retrait d’enfant à sa famille, expulsion d’un logement ou reconduite à la frontière – ne sont que faiblement inspirées par le droit positif. Ce sont avant tout des jugements évaluatifs qui s’abreuvent à la source de l’équité, de l’expérience, de la prudence.
18Le regard sur l’équité s’est profondément modifié depuis cette époque. Le rapport du juge à la loi s’est inversé et le magistrat est désormais autorisé à questionner la loi à partir de ses conséquences éventuellement inéquitables, dans la ligne du jugement par lequel Magnaud mettait à la charge du patron, même sans faute, l’indemnité due à un ouvrier accidenté, avant la grande loi de 1898.
II. Le rôle des sciences sociales dans le rapprochement entre l’éthique et le droit
19Deux siècles nous séparent des Lumières. Au XIXe siècle, la sociologie est institutionnalisée par Auguste Comte. Durkheim en définit la méthode : « traiter les faits sociaux comme des choses ». Quelques décennies plus tôt, la philosophie avait également commencé de compter avec la société ; Hegel, on le sait, reprochait à Kant d’avoir bâti une philosophie politique à deux termes : l’État et le citoyen. Il manquait le troisième : la société. Peut-être, d’ailleurs, cette notion ne pouvait-elle pas être prise en compte avant d’avoir atteint une masse critique, tout simplement quantitative. Quoi qu’il en soit, une fois entrée en scène, la société se fit entendre. Les mœurs ont semblé prendre les rênes du droit. Par exemple, la montée du concubinage dans les années 1930 précéda de longtemps les grandes réformes du droit de la famille des années 1960 et 1970. Le droit, dit-on, aurait été désenchanté. La morale en a subi le contrecoup. Dès lors que le droit était relativisé, détaché d’elle, elle perdait encore de sa crédibilité. D’un côté, la morale, de l’autre, les mœurs et le droit, venant les consacrer de plus ou moins près [9]. Toutefois, l’époque ne se réduit pas à la dissolution sociologique du droit. Sa moralisation est tout aussi sensible. Et les sciences des mœurs qui semblaient avoir pris un tour strictement positiviste, contraire à l’orientation que Durkheim avait souhaité leur donner, n’y sont pas tout à fait étrangères, revenant à leur source première.
20Il ne faut pas s’en étonner. En effet, le droit est lié à la morale par le rôle qu’il joue au sein des différents aspects de cette dernière, comme intermédiaire interne entre ce qui est en elle prescriptif et ce qui est effectif, à savoir les mœurs. De tout temps, l’on a observé que les mœurs ne se réglaient pas tout uniment sur la règle morale. D’une certaine façon, le droit a été inventé pour combler cet écart. Ainsi, en leur temps, les auteurs du Code civil ont-ils voulu associer l’autorité de la loi et la force de la tradition. Pour eux, la codification est conçue comme un réceptacle des règles de toute origine. Selon Portalis, le Code civil représente une transaction entre le droit écrit et les coutumes, dont l’objet est de lier les mœurs aux lois. Mais la codification n’est pas la seule source de droit. La jurisprudence contribue également à produire des régularités sociales. En France, les tribunaux ont trouvé place dans la théorie du droit à la fin du XIXe siècle, comme lieu où s’applique le droit, par la voie de l’interprétation des lois. François Gény et Édouard Lambert assignent aux tribunaux un rôle consistant à forger de nouvelles interprétations, sous la pression de la demande sociale.
21Longtemps, la sociologie morale et la sociologie juridique ont cheminé de concert, en Occident comme en Orient, de Confucius à Ibn Khaldoun. À s’en tenir même aux traditions d’Occident – judéo-chrétienne, gréco-romaine –, enchevêtrées au fil des siècles, moralistes et juristes ont entretenu un dialogue sans cesse renouvelé. Du côté du judéo-christianisme, les trois religions dites du Livre mettent en évidence le fondement théologique commun de la morale et du droit. Aussi bien, la Bible et le Coran mêlent fréquemment l’éthique et le juridique sur fond de considérations sociales. Toujours présente, même de manière implicite, la compréhension des comportements humains et l’interaction du fait et de la prescription témoignent d’une présence immémoriale des diverses forme de la normativité. En France, pays par excellence des moralistes plus encore que des philosophes, ce sont les mêmes auteurs – Montaigne, Montesquieu – qui, tout naturellement, traitent, à la fois et comme par contrepoint, de la morale et du droit.
1. La vocation morale de la sociologie : Durkheim et Habermas
a) Durkheim et l’éclosion du droit social
22Chez Durkheim, la sociologie a une vocation morale [10]. À la différence de Lévy-Bruhl, il croit à la possibilité de connaître et de prescrire en même temps. Après avoir utilisé une vingtaine d’années plus tôt, l’expression de « fait moral », Durkheim présente en 1906 une communication à la Société française de philosophie : « De la détermination du fait moral » dans laquelle il refuse de distinguer la moralité et les mœurs, en raison de la nature sociale de l’activité morale de l’homme [11].
23Pour lui, philosophie morale et sociologie de la vie morale peuvent partiellement collaborer en raison de l’équation Société = Esprit = Bien suprême. Dans La division du travail social, il entend traiter les faits de la vie morale d’après les méthodes positives. Son but consiste à faire une science de la morale, et non à tirer la morale de la science. Ce qui réconcilie la science et la morale, c’est précisément la science de la morale, qui s’exprime en un système de fins et de prescriptions, fondé sur la science des mœurs. Selon Durkheim, l’homme est un être moral parce qu’il vit en société et que la moralité consiste à être solidaire d’un groupe. L’immanence de la conscience collective par rapport à la conscience individuelle produit une « spiritualisation croissante » du droit, de la morale et de la religion. La conscience collective s’affirme d’abord comme esprit. Durkheim, selon Georges Gurvitch, est d’abord un métaphysicien. C’est une étrange méprise qui conduit à regarder sa sociologie comme une sorte de matérialisme. La vie sociale se définit comme hyperspiritualité. La désintégration anomique est le critère du mal. Si toutes les habitudes collectives ne sont pas morales, toutes les pratiques morales sont des habitudes. Par suite, quiconque est réfractaire à ce qui est habitude risque aussi d’être réfractaire à la moralité. La synthèse de la régularité et de l’autorité conduit à la notion de discipline. La science des mœurs selon Durkheim vise donc à connaître et à prescrire à la fois. Mais selon Gurvitch c’est une erreur de considérer le droit ou la morale comme habitude et conformité à des règles fixées d’avance. Durkheim, selon lui, se tromperait en identifiant les notions de devoir-être et de prescription.
24La réflexion sur le fait moral aurait sans doute beaucoup à s’inspirer de la notion de « faits juridiques », qui, dans la pensée des juristes, se distingue de celle des « actes juridiques », c’est-à-dire des actes de volonté destinés à produire des effets de droit, et sans lesquels ces effets ne se produiraient pas. Un contrat ou un testament sont des actes juridiques ; une naissance, une possession ou un accident n’en sont pas. Sans doute, dans une acception large, parfois retenue, y compris au sujet des conséquences juridiques – gérant de fait, tuteurs de fait ou, naguère, concubinage –, recourt-on à une compréhension élargie des faits juridiques. Mais ce dépassement ne modifie en rien l’importance attachée au rôle de la volonté, comme fondement et critère des actes juridiques.
25Pour démêler ce qui est social, de ce qui est moral et de ce qui est juridique, grande est la tentation de prendre appui sur les sanctions attachées aux normes, qu’elles soient morales ou juridiques. C’est le choix effectué par Durkheim dans La Division du travail social. Mais partir des sanctions, quitte à distinguer leurs domaines respectifs, qu’ils se recoupent ou non, c’est remonter d’aval en amont, et inverser, donc nier le courant des forces créatrices de la morale et du droit, même si la sanction interne ou externe constitue une partie importante et significative du phénomène observé.
26Gurvitch, Hauriou et Duguit sont avec Durkheim à l’origine du développement du droit social. Cette éclosion d’un « droit social » est une véritable refondation du droit. En effet, elle repose sur un déplacement de son centre de gravité, qui, désormais n’est plus le législateur, mais la société elle-même. C’est le visage entier du droit qui change : il apparaît comme imparfait, lacunaire, soumis au temps. Le juge, qui est placé au cœur des rapports sociaux, devient son organe de régulation le plus efficace, ce que déplore quelquefois la doctrine. Il peut recourir à l’interprétation et à l’invention de règles nouvelles. Son pouvoir d’appréciation devient souverain. En France, paradoxalement, c’est dans la justice administrative que la liberté du juge a commencé à se déployer le plus librement. On lui doit la construction des principes généraux du droit, mais aussi l’introduction du principe de proportionnalité à travers la technique du bilan coût-avantages. Et c’est contre la Cour de cassation, contre le droit civil de la responsabilité que s’est développée au tournant du XIXe et du XXe siècle la responsabilité sans faute : à partir de l’arrêt Cames de 1895, le Conseil d’État consacre un nouveau droit de la responsabilité – la théorie du risque – au nom de l’équité. La portée de ce raisonnement en équité est considérable (théorie du risque professionnel, responsabilité sans faute, principes généraux du droit). Ces principes sont ensuite diffusés par la Cour de cassation, puis par la Cour européenne des droits de l’homme. Chaque décision est censée être prise par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel comme une règle de conduite pour l’administration afin d’éviter l’injustice dans l’application de la loi. En fait, l’équité, loin d’être une simple possibilité à laquelle le juge peut avoir recours, est le ressort même du jugement. Ainsi le développement du droit social contribue à donner à l’équité le fondement dont elle semblait manquer.
b) Jürgen Habermas
27Comme beaucoup de modernes, Habermas considère que la fondation ultime de la morale est impossible. Mais cette impossible fondation peut et doit être remplacée par le recours à la moralité, toujours déjà attestée dans la structure de l’activité communicationnelle. Selon lui, les intuitions morales quotidiennes n’ont pas besoin des lumières des philosophes.
28Les rapports du droit et de la morale sont très étroits chez Habermas. Il entend « clarifier » leurs relations mutuelles [12]. Cette clarification ne consiste pas en une séparation, mais en l’établissement d’une complémentarité. Ils se réfèrent aux mêmes problèmes, mais d’une façon différente. « En premier lieu, par le fait que la morale post-traditionnelle ne représente qu’une forme de savoir culturel alors que le droit acquiert en même temps, au plan institutionnel, une force d’obligation. Le droit est non seulement un système symbolique mais encore un système d’action. » Il y a des normes universelles d’action qui simplement « se ramifient en règles morales et en règles juridiques » [13].
29Habermas reproche au droit moderne de se réduire à la subjectivité. C’est ainsi que s’expliquerait la suprématie des droits de l’homme et de l’État de droit. Or ce système de la subjectivité est en crise et il faut éradiquer du droit ce narcissisme moral. Le nouveau paradigme du droit doit se réclamer de la raison communicationnelle qui est à l’œuvre dans la discussion publique. Pour Habermas la raison pratique obéit à une procéduralité entièrement libre de contrainte, qui permet de réconcilier droit formel et droit matériel que Max Weber avait disjoints.
30Les difficultés du droit rationnel moderne vient de ce qu’il a pris à son compte une hypothèque laissée par le droit naturel traditionnel en préservant la distinction entre droit positif et droit naturel. En fait, « si l’on se place au niveau d’une fondation en raison postmétaphysique, les règles juridiques et les règles morales se différencient les unes et les autres en même temps à partir de la morale sociale traditionnelle, pour alors se présenter de front, comme deux types de normes pratiques mais complémentaires » [14]. D’entrée de jeu, et malgré le contenu moral qui les caractérise, les droits de l’homme inscrits dans la pratique démocratique d’autodétermination des citoyens doivent alors être compris comme des droits au sens juridique.
31Précisant la différence de cette configuration avec celle de Kant, Habermas rappelle que le philosophe de Königsberg part du concept fondamental qu’est la loi morale de la liberté et accède, de là, aux lois juridiques par limitation. Une fois cette limitation posée, la législation morale se reflète dans la législation juridique. Ce dédoublement entre un droit positif et un droit naturel serait chez Kant le signe de la survie d’une vision platonicienne selon laquelle l’ordre juridique représente dans le monde phénoménal l’ordre intelligible d’un règne des fins. Or, en aucun cas la référence morale ne doit nous conduire à placer la morale au-dessus du droit comme s’il existait une hiérarchie normative. Bien qu’il affirme sa différence avec Kant, le fait de présenter la morale comme un système culturel et le droit comme un système d’obligation et d’action, l’en rapproche cependant. La différence la plus marquée avec Kant est que chez lui la morale, comme culture, se situe plutôt du côté des mœurs que de celui de l’éthique.
32En quelque sorte, sociologie et philosophie fusionnent.
2. Les méthodes de la sociologie juridique
33La mise en ouvre de la sociologie a dégagé un certain nombre de méthodes d’investigation, différentes et complémentaires, selon que l’on envisage l’investigation historico-comparative, la statistique, et l’enquête. Toutes permettent d’affiner la saisie des rapports qui existent entre le social, le moral et le juridique.
34La méthode historico-comparative nourrit depuis longtemps les deux branches considérées de la sociologie. Depuis l’Antiquité, les récits des voyageurs ont, à l’avance, fourni des informations précieuses à Hérodote, Strabon, Marco Polo. Dans les récits des grands navigateurs, une mine de descriptions offrent au chercheur un domaine immense. Les explorateurs ont ouvert la voie au développement de l’africanisme, laissant les anthropologues amplifier les investigations.
35La masse des informations doit cependant être traitée avec précaution. D’abord parce que l’observateur est porté à user de ses propres catégories pour appréhender la réalité sociale, la déformation qui en résulte a notamment faussé la compréhension de l’homme et de la terre, par exemple, en Afrique, au Cambodge ou en Mélanésie. On aurait mieux traité la relation à la terre chez les Canaques si l’on avait attaché à ces réflexions une importance suffisante.
36À cette première cause d’imperfections, il faut ajouter les limites de l’esprit d’aventure chez les penseurs d’autrefois. Ni Montaigne, ni Montesquieu, ni Voltaire n’ont voyagé hors d’Europe. Il y a pourtant, divergentes il est vrai dans L’Esprit des Lois et dans l’Essai sur les mœurs, nombre de descriptions et d’interprétations de comportements sociaux en Orient ou en Extrême-Orient. Marcel Mauss n’a pas été chez les Esquimaux. C’est plus tard que Jean Malaurie a été sur le terrain. En procédant ainsi, on confère aux résultats de la recherche appliquée une bien plus grande objectivité scientifique. À preuve, s’il en était besoin, l’œuvre éclairante de Malinowski qui garde une valeur sans précédent.
37De tout cela résulte une grande parenté entre les deux sociologies analysées. Les récits et les réflexions qui les accompagnent mêlent souvent éléments de droit et de morale. Il arrive que des livres saints comportent mêlées les unes aux autres des prescriptions religieuses, morales, ou juridiques. L’exemple du Coran est le plus probant, mais loin d’être le seul. La vieille coutume dravidienne affleure souvent aux lois sacrées du brahmanisme. Et l’on trouve dans L’Ancien Testament – le mot lui-même est juridique – les éléments d’un système de droit ayant régi une ancienne société (le sacre, le glanage...). Au total, on constate une unité de démarche historico-comparative.
38Il en va autrement lorsqu’il s’agit de statistiques. La sociologie juridique dispose en effet d’outils précieux qui lui sont propres, non seulement dans leur exigence mais aussi dans leur utilisation.
39Au premier rang figurent les statistiques judiciaires. Elles appellent d’abord une observation étymologique car il y a État dans statistiques, ce qui correspond à une préoccupation ayant présidé, au début du XIXe siècle, à la création du compte général de la justice civile et criminelle. Il s’agit de recenser l’importance variable des affaires soumises aux diverses juridictions afin de répartir entre elles de manière rationnelle les membres du personnel judiciaire. Bien antérieur à l’essor de la sociologie juridique, cet outil pourtant irremplaçable ne répondait pas de manière satisfaisante aux exigences scientifiques de la sociologie. Mais la suite des temps a été marquée par des progrès très importants, le faisant passer du domaine de la politique à celui de la science. À condition de bien comprendre que le judiciaire ne se confond pas avec le juridique, et que l’institution judiciaire comporte une fonction dissuasive à côté de sa fonction d’accueil, on observe ici l’existence d’une source précieuse d’informations, inconnue de la sociologie morale. Une remarque comparable doit être formulée au sujet de l’apport précieux de l’informatique judiciaire qui révèle aussi, à l’occasion, l’existence de particularismes régionaux dans l’application des lois. Plus généralement, par un accès amélioré à la connaissance du fait judiciaire – la forme, mais aussi le fond – la sociologie juridique a conquis une nouvelle terre.
40Elle dispose aussi d’un champ d’investigation important constitué par les statistiques fiscales. Là encore le fond documentaire n’a pas été et n’est toujours pas orienté par un objectif scientifique, même s’il correspond à un souci de connaissance relativement précise du terrain. Les vicissitudes de la politique fiscale et les pratiques administratives expliquent le fait que la matière puisse être faussée par des préoccupations empiriques, par exemple au sujet des abattements et des dispenses... Ou encore des fraudes. La fraude supposée de la part de certaines catégories socioprofessionnelles porte le fisc à retenir des taux supérieurs, mais du même coup, cette disposition tend à devenir elle-même motif de fraude. Quoi qu’il en soit, à condition d’user de toutes les précautions nécessaires, le matériau fiscal informe le savant qui s’interroge, en sociologie juridique des biens, sur la fortune des Français, l’état de leur patrimoine et leur transmission d’une génération à une autre.
41Mieux encore, dans les diverses directions prises par les sciences auxiliaires du droit – anthropologie, linguistique, géographie humaine ou physique, psychologie, etc. – il existe une certaine convergence de la sociologie juridique et de la sociologie morale. Du côté de la caractérologie ou encore de la psychologie des peuples, les investigations peuvent être menées par des voies assez comparables. Ainsi en est-il lorsque l’on fait état de la sociologie des mœurs ou de la sociologie des organisations ou des systèmes.
42La démographie, quant à elle, apporte au jurissociologue des informations précieuses en termes de natalité, de nuptialité, de divorcialité, de processivité. On ne comprend rien au mariage, à la filiation, au divorce, au procès, sans en ternir compte. Tout aussi incomplète serait une présentation de l’héritage qui ferait abstraction de l’espérance de vie, et de l’allongement de celle-ci. Les travaux de l’INED éclairent notamment les diverses données tenant, entre cohéritiers et entre générations, aux continuités mais aussi aux ruptures, ainsi qu’au retardement de l’âge auquel on hérite, plus proche aujourd’hui de la fin de l’activité professionnelle que de son début. De plus une vision diachronique du destin des patrimoines conduit à dépasser une approche étroitement juridicisée des biens, des avantages et même des honneurs ou des dignités. C’est ce qu’exige une compréhension transdisciplinaire du droit de l’économie et de la sociologie. De par son objet, et même en sociologie politique et morale, on évoque l’existence d’un certain « taux de corruption ».
43La méthode de l’enquête appelle des observations différentes. Lorsque l’enquête porte sur des documents, la sociologie juridique dispose de sources précieuses d’information, de nature judiciaire ou extra judiciaire. L’étude de jugements, y compris dans des domaines très techniques tels que celui de la saisie immobilière, montre une répartition des créanciers différente de celle que l’on peut imaginer en termes de catégories socioprofessionnelles. Ailleurs l’étude de jugements d’adoption a éclairé les grands traits d’une institution très mal comprise si on se laisse impressionner par la seule connaissance des médias.
44Hors le monde judiciaire, la recherche documentaire demeure très fructueuse. Éclairante est notamment l’analyse des testaments – miroir des mœurs disait Pline le Jeune – déjà menée à diverses reprises par le monde notarial dans la mesure où le secret des familles ou la réglementation des Archives n’y mettent pas obstacle. L’étude des contrats – contrats-cadres, contrats types, contrats de coopération... – souvent liée à l’existence de formulaires permet de comprendre l’évolution des modèles contractuels ainsi que les chemins et les formes variables de l’équilibre contractuel. À travers ces investigations, on retrouve la réflexion – autant morale que juridique – sur la valeur et l’essence de la promesse et de la foi jurée.
45L’enquête sur le terrain permet, quant à elle, de mesurer l’écart, variable, entre le fait et le droit. Les types d’enquête sont très divers de par leurs objets : comportements, connaissances, opinions... ainsi que les secteurs d’enquête, d’autant plus qu’au sein d’une seule démarche peuvent coexister – non sans contradiction parfois entre les opinions affichées et les comportements suivis – des questions de plusieurs ordres. À quoi s’ajoute une tendance à répondre à une question d’opinion par une réponse de connaissance, par désir de gratification. Surtout si l’on s’approche de zones psychologiques trop intimes – on l’a constaté lors d’enquêtes sur les ménages de fait dans les années 1960-1970 – l’enquêteur doit être suffisamment au fait des avancées récentes des sciences de l’esprit de la pensée et de la vie. Si l’on opte pour un point de vue global, passant de l’enquête qualitative à l’enquête quantitative avec toutes les exigences qu’elle comporte spécialement quant à la détermination d’un échantillon représentatif, quant au libellé des questions ou encore quant à leur ordre chronologique, le juriste sociologue est naturellement porté à s’interroger sur la différence essentielle existant entre un référendum et un sondage d’opinion, entre une volonté et une connaissance, bien que le glissement d’un niveau à l’autre illustre et menace tout à la fois le jeu démocratique.
III. Les effets du rapprochement entre le droit et la morale
a) Le cas du droit d’ingérence
46D’une façon générale, la mise en œuvre des droits de l’homme dans des textes juridiques représente un passage de la morale au droit
47Dans certains cas, ce rapprochement prend corps dans la douleur, non sans être contesté. C’est ce qui s’est passé, par exemple, avec le droit d’ingérence. Historiquement, on peut trouver dans l’émergence d’une justice internationale et d’un droit humanitaire, fondés sur la notion de droit d’ingérence, un indice de rapprochement entre l’éthique et le juridique. Dans ce cas, comme le montre Mario Bettati, le passage de la morale au droit est médiatisé par la politique [15]. Focalisant son attention sur le moment même du passage de l’éthique au droit, Bettati se demande si le droit à l’assistance humanitaire inventé par les French doctors relève du seul domaine de l’éthique, ou bien s’il est « déjà de nature juridique, constituant une norme contraignante, une sorte de créance de l’individu sur la communauté internationale qui en serait le débiteur indifférencié ». Il scrute avec attention comment, en l’espace de quelques années, voire de quelques mois, la morale s’est transformée en droit, non sans rencontrer de très fortes résistances. Selon lui, lorsque s’est ouverte la Conférence de Paris, en janvier 1987, le droit à l’assistance humanitaire appartenait sans aucun doute encore à la morale humanitaire. Pas encore au droit positif. Mais, à l’issue de cette conférence, a été adoptée une résolution par laquelle le droit à l’assistance humanitaire devenait « un droit de la personne humaine, corollaire du devoir de solidarité qui s’impose à l’humanité tout entière et qui implique notamment le devoir de coopérer, conformément à la Charte des Nations Unies » [16]. Pour passer du plan de l’éthique à celui du droit, il fut indispensable de solliciter « l’action normative des gouvernements ». En effet, il n’y a vraiment droit positif que dans la mesure où se réalise la conjonction de l’éthique et du pouvoir.
48Cependant, le rapprochement entre le droit et la morale ne suit pas toujours une ligne très claire. Par exemple, le droit attend de l’éthique qu’elle lui livre une sorte de quasi-droit, plus souple et plus mobile, moins formellement contraignant et moins démocratiquement fondé.
49C’est ainsi que depuis quelques décennies, on a assisté à la formation de nouvelles formes de régulation des conflits qui heurtent parfois le purisme des juristes et dans lesquelles on peut voir un croisement inédit du droit et de la morale. Il s’agit de ce que l’on a nommé soft law. Mireille Delmas-Marty distingue à ce sujet « le droit mou, le droit doux et le droit flou » qui sont respectivement des formes anarchiques, polyvalentes, et paradoxales de droit, correspondant à trois types de validité (formelle, empirique et axiologique), et se demande si ces manifestations juridiques d’un nouveau type peuvent être considérées comme les garde-fous de nos sociétés dites « post-modernes » [17].
50En son temps, Ripert avait déjà pressenti l’avènement de ces formes hybrides dont il évoque les vicissitudes : « [...] quand la règle morale n’arrive pas à prendre figure juridique, nous la voyons parfois errer aux frontières du droit, demander qu’on la considère au moins sous la forme décolorée d’une obligation naturelle, et ce n’est pas un aspect moins curieux de la vie juridique que celui ces fantômes d’obligations non obligatoires dont les esprits trop logiques s’accommodent mal » [18].
b) L’énigme des codes de déontologie
51Outre ces formations hybrides, c’est surtout la prolifération des codes de bonne conduite qui incarne le croisement sociologique de la morale et du droit. Selon certains, leur foisonnement serait une cause de désordre juridique – en ce sens l’éthique menacerait le droit –, et il conviendrait de leur donner le plus rapidement possible une forme légale [19]. D’autres, voyant en eux au premier abord un « nouveau mode de production du droit », saluent leur richesse et leur diversité, mais se demandent si, après tout, ils sont véritablement nouveaux Leur existence même nous fait découvrir avec Hayek que les bases mêmes du droit sont le fruit d’ordres spontanés et mûris. Aucun prince, aucun État, aucun révolutionnaire n’a inventé le contrat, la propriété, la monnaie, le marché... Ils sont nés de l’interaction des hommes [20]. Toutefois, les codes de conduite peuvent constituer des ordres spontanés autoritaires.
52Comment définir la déontologie si ce n’est comme un modèle réduit des rapports entre le droit et la morale ? Pour certains la déontologie constitue une morale qui échappe au droit professionnel [21]. Pour d’autres la déontologie serait une morale transformée en droit, ou une morale en attente de consécration juridique, ou encore un infradroit pouvant accéder à la juridicité à certaines conditions. Enfin, certains auteurs affirment que les règles déontologiques peuvent être à la source d’obligation simultanément morales et juridiques. Il semble difficile de fixer, une fois pour toutes, la qualification de l’obligation déontologique. C’est Jeremy Bentham, auteur d’un ouvrage posthume intitulé Deontology, ou Science of morality, qui a fondé le néologisme fondé sur l’alliance des mots grecs deon-ontos, devoir, et logos, discours. Mais la notion benthamienne de science des devoirs doit être resituée dans une perspective strictement utilitariste. Pendant longtemps on a défini la déontologie comme un ensemble des règles de conduite, codifiées ou non, applicables à une catégorie de professionnels libéraux. Mais le développement de nombreux nouveaux usages du mot altère la pertinence de cette définition. En effet on parle aujourd’hui de la déontologie de la police, des fonctionnaires territoriaux, des publicitaires, des relations de sous-traitance ou de franchise. De plus la déontologie devient interprofessionnelle en se mettant au service de la régulation de secteurs économiques, ce qui conduit à rejeter l’assimilation traditionnelle de la déontologie à un ensemble de règles s’appliquant à une seule profession [22].
53Une définition réglementaire et formaliste ne suffit pas à rendre compte de la réalité substantielle de la déontologie. En effet, loin de se réduire à une simple réglementation, la déontologie entend garantir la qualité de l’activité professionnelle. Elle est donc porteuse de valeurs et d’objectifs qui en constituent le fondement éthique. Au demeurant, les codes de déontologie sont toujours formulés en termes de devoirs – et non d’obligations. La différence est sensible : tandis que l’obligation n’est que l’envers théorique du droit d’autrui à exiger une prestation, le terme de devoir se détache de la seule considération de son créancier pour se révéler dans sa valeur intrinsèque, dans son indépendance à l’égard des personnes et des circonstances.
54Pour certains auteurs, l’essor des codes de déontologie marque plutôt l’essor du pluralisme juridique. Cette idée est naissante chez Gurvitch, qui pense que les ordres ou les associations professionnels sécrètent des faits normatifs assimilables à des sources primaires de droit. Elle se retrouve également chez Santi Romano. Selon ce dernier, il appartiendrait à l’ordre étatique de déterminer la relevance (rilevanza) des autres ordres juridiques, c’est-à-dire les conditions auxquelles ceux-ci peuvent produire un effet. Cette théorie permet d’expliquer que les obligations déontologiques inventées par les professionnels puissent avoir un caractère juridique et voir leur efficacité modulée par le droit étatique. Mais le concept de droit qui sous-tend cette théorie est parfois imprécis.
55La pensée du philosophe du droit Hart [23] aidera à qualifier l’obligation déontologique. Selon Hart, le droit peut être défini comme un système composé de plusieurs types de règles. Les premières sont des règles primaires d’obligation qui imposent certains comportements aux sujets de droit. À ces règles primaires s’ajoutent des règles secondaires qui ont pour fonction de remédier aux dysfonctionnements inévitables d’une société qui ne serait régie que par des règles d’obligation. Certaines règles de changement énoncent ainsi selon quelles procédures doivent être modifiées les règles primaires. Des règles de décision confèrent à certaines autorités le pouvoir de trancher les litiges en appliquant les règles primaires. Enfin, une règle de reconnaissance permet d’identifier quelles sont les règles primaires qui doivent effectivement être appliquées. L’existence de ces trois types de règles secondaires manifeste ainsi une organisation sociale que l’on pourrait qualifier de réflexive. Mais – et c’est ce qui distingue une obligation morale d’une obligation juridique – cette réflexivité s’est historiquement plus souvent exprimée à travers une extrême sophistication technique. Hart insiste sur le fait qu’aucun système moral ne peut prétendre au degré d’élaboration structurel d’un système juridique. Il propose toutefois des critères susceptibles de définir formellement une règle morale : une obligation est morale si son respect est considéré comme essentiel par les membres de la collectivité et si elle ne peut être modifiée par un simple acte de volonté. De plus, une faute morale ne peut être qu’intentionnelle.
56Par rapport à ces critères, on peut dire qu’une règle déontologique constitue bien une règle primaire puisqu’elle prescrit un certain comportement aux membres d’une profession. Mais il n’y a pas de véritable système juridique parce que, le plus souvent, la profession ou l’activité concernée ne dispose pas des règles secondaires – règles de reconnaissance ou règles de décision.
57Aujourd’hui, cependant, on observe une structuration plus élaborée de certaines professions ou activités, certaines ayant adopté des règles disciplinaires formulées par des autorités organisées et sanctionnées. Ces groupements ont bien produit des obligations juridiques au sens où l’entend Hart. Mais la théorie de Hart ne permet pas de rendre compte du caractère juridique d’obligations déontologiques qu’aucune règle ne permet de reconnaître. Et il faut admettre que la déontologie ne peut être tout entière contenue dans un code de déontologie. Or le système de Hart permet difficilement, au premier abord, d’expliquer comment des obligations déontologiques non formalisées peuvent se retrouver investies d’un caractère juridique. C’est le cas, par exemple, de l’arrêt Milhaud rendu par le Conseil d’État le 2 juillet 1993, selon lequel l’interdiction de pratiquer une expérimentation sur un sujet en état de mort cérébrale procède de « principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine » non expressément consacrés par le Code de déontologie médicale, mais dotés d’un effet obligatoire envers les médecins [24]. Ici, le Conseil d’État a reconnu une obligation, mais dont aucun critère formel ne permettait de reconnaître le caractère juridique. Ces principes fondamentaux n’ayant jamais été concrètement édictés, la Haute juridiction se trouvait dépourvue de règle de reconnaissance susceptible de qualifier juridiquement l’obligation déontologique.
58Certains en concluent à l’insuffisance de la présentation de Hart, suivant en cela Ronald Dworkin ; pour ce dernier, le droit ne se compose pas seulement de règles, mais aussi de principes dont l’origine est extrajuridique, de nature morale, tout comme ceux de la déontologie. Mais cette approche n’est pas totalement satisfaisante : en effet, la déontologie applique aux activités professionnelles une sorte de syncrétisme moral qui la rapproche du droit commun.
59Le professionnel doit avoir un certain nombre de qualités – modestie, modération, probité, patience, discrétion – qui l’apparentent à un honnête homme. L’obligation professionnelle serait morale en ce qu’elle viserait à réaliser la perfection de l’homme dans et par le travail, mais aussi au-delà du travail, dans l’ordre privé. Par exemple, si le code de déontologie des chirurgiens-dentistes exige une certaine qualité de comportement en dehors de l’exercice de la profession, c’est parce que le professionnel doit s’abstenir de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.
60À cette ambiguïté des fins de la morale professionnelle s’ajoute une combinaison hétéroclite des genres philosophiques qui l’inspirent. Les règles déontologiques combinent le plus souvent des théories morales très différentes, parfois contradictoires, qui procèdent de deux origines fondamentales : la source kantienne et la source utilitariste. L’inspiration kantienne est souvent évidente : le code de déontologie des sages-femmes professe que celles-ci doivent exercer leur mission « dans le respect de la vie et de la personne humaine », tandis que le Code de déontologie médicale affirme qu’il faut respecter la « dignité ». Cet universalisme moral explique les nombreuses similitudes entre les codes de déontologie : l’exigence de loyauté, d’honnêteté, de respect leur est commune à tous.
61Pourtant ces morales professionnelles introduisent des dérogations et des exceptions à cet universalisme. Par exemple, l’article 35 du Code de déontologie médicale énonce que dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie en conscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave. Cette concession est tout à fait contraire à l’impératif catégorique et en altère significativement la rigueur.
62Très souvent, les déontologies professionnelles sont conçues en fonction de considérations pragmatiques ou utilitaires. La réglementation raffinée des conditions d’exercice professionnel, la disposition en réseau des obligations entre membres de la profession vise avant tout à assurer la cohérence et l’ordre intérieur de la collectivité. Du reste, de nombreuses règles déontologiques sont issues d’usages apparus spontanément et ayant fait la preuve de leur utilité collective. Quant aux règles de type kantien, elles sont souvent proclamées dans un but de communication externe, afin de donner au public une image de respectabilité favorable aux transactions. Certains en concluent rapidement que les obligations déontologiques ne sont que le produit d’une philosophie opportuniste destinée à maximiser l’intérêt d’une collectivité donnée. On affirme ainsi par exemple que le développement de la déontologie boursière viserait surtout à rétablir la confiance des épargnants dans un climat de compétition internationale.
63Cette conception méconnaît tout d’abord la différence qui sépare nécessairement les règles déontologiques applicables à des secteurs économiques et celles qui régissent des professions fondées sur des relations humaines. Mais surtout, le soupçon radical porté sur la qualité morale des obligations déontologiques repose sur le déni de la complexité psychologique. L’obligation déontologique pourrait être comparée à un bricolage moral que chaque profession réalise en pondérant selon sa spécificité les apports des principales théories morales existantes [25]. Son essor évoque un peu l’explosion du marché du bricolage matériel qui traduit les aspirations individualistes des sociétés occidentales. L’obligation déontologique est donc dualiste, à la fois universelle et particulière.
64Le particularisme des obligations déontologiques n’exclut pas un recoupement avec le droit commun. Par exemple, la validité d’un contrat selon le droit civil n’est pas forcément affectée par sa nullité sur le plan déontologique. C’est ce qui justifie que la faute civile ne soit pas alignée sur la faute déontologique. La jurisprudence de la Cour de cassation est ambiguë sur cette question. Alors qu’un arrêt du 29 avril 1997 semblait considérer que toute faute déontologique devait automatiquement être qualifiée de faute civile, un arrêt du 13 octobre 1998 a affirmé que l’appréciation par les autorités professionnelles de la gravité d’un manquement déontologique ne liait pas les juges civils. Cet arrêt témoigne d’une conception souple des liens entre obligation déontologique et obligation civile.
65En définitive, plus que dans l’enchevêtrement du droit et de la morale, ce serait dans cette tension entre le particulier et l’universel que se trouverait le cour de l’obligation déontologique.
c) Les effets pervers de la moralisation du droit
66Le fait d’assigner au droit une mission morale n’est pas sans inconvénient en ce qui concerne la responsabilité éthique. Le risque d’un soulagement ou délestage, selon l’expression de Habermas, en est l’inévitable corollaire. Les procédures législatives parlementaires et la pratique de la décision de justice institutionnalisée soulagent l’individu de la charge que représente, du point de vue cognitif, la formation d’un jugement moral propre [26]. Le problème est désormais pris en charge de façon systémique par la société, et dès lors soustrait à la responsabilité morale de l’individu.
67Selon Habermas, le recours au droit et à ses procédures contentieuses peut donc aboutir paradoxalement à dé-moraliser, c’est-à-dire à vider les pratiques humaines de leur charge morale en les basculant dans le système juridico-judiciaire. L’existence de voies de procédures ouvertes et complexes pour régler les contentieux est naturellement un acquis indépassable du développement des systèmes judiciaires. Mais on doit se demander si leur existence même n’induit pas des comportements consistant à régler judiciairement des problèmes au lieu d’accomplir un travail éthique sur soi et sur la relation à l’autre.
68On observera sur un exemple juridique précis, celui de l’arrêt Oury (Cass. Ass. plén. 5 févr. 2000), les effets pervers qui résultent parfois d’une moralisation du droit. Il s’agit des avatars de la notion de justice impartiale [27]. On se rend compte, à la lecture de ce cas, qu’une recherche trop sourcilleuse, exagérément formaliste, de la perfection processuelle risque de conduire à une certaine perversion de la justice. En effet, l’exigence de vertu passe par une tyrannie des apparences qui revient à privilégier la superficialité d’une mise en scène au détriment, peut-être, de la « vraie morale », celle qui se moque de la morale.
69La Cour européenne des droits de l’homme exerce une influence croissante sur le droit interne des pays membres. Le droit à un tribunal impartial (Conv. EDH, art. 6) qui s’applique à l’encontre de la Commission des opérations de bourse depuis l’affaire Oury en est une nouvelle illustration. Or l’acception que font les juges européens de la notion d’impartialité, qui comporte l’exigence d’une justice « apparente », est issue de principes anglo-américains. Érigée en règle contraignante par le juge européen, cette conception vient heurter certains principes et institutions des droits de tradition civiliste.
70Avant la jurisprudence Oury, les juridictions françaises appréciaient le respect du principe d’impartialité selon une approche classique : est impartial celui qui fait preuve d’objectivité au moment de rendre son jugement. L’impartialité était ainsi qualifiée de subjective. Malgré ses imperfections, notamment en matière probatoire, cette conception avait le mérite de la simplicité.
71Avec la jurisprudence Oury, une double étape est franchie : d’une part le grief de partialité est retenu à l’encontre du rapporteur d’une autorité administrative au seul motif qu’il participe au délibéré, ce qui tend indirectement à mettre en cause la réglementation française qui, elle, ne le lui interdit pas. D’autre part la notion d’impartialité prend elle-même une coloration nouvelle. Elle y est considérée moins en elle-même qu’au travers de l’impression de partialité que la procédure a pu donner. Il résulte de cette double évolution que ce n’est pas tant le comportement du juge qui fait l’objet du grief de partialité que la valeur même des dispositions réglementaires relatives à la procédure mise en place par l’organisme régulateur. Et en cela seul que la procédure ainsi menée a pu « donner l’impression » que la sanction prononcée n’avait pas été décidée dans les conditions d’impartialité requises. De l’impression à l’apparence, il n’y a qu’un pas qu’on ne peut franchir sans s’interroger.
72Le changement ainsi constaté implique le rejet de la conception classique de l’impartialité et atteste, corrélativement, de l’influence sur les juges français d’une conception étrangère l’impartialité qui semble trouver sa source dans le droit anglo-américain.
73Il y a au moins deux conceptions de l’impartialité : l’impartialité subjective et l’impartialité objective. Cette dernière conduit à faire prévaloir la notion d’apparence d’impartialité. L’impartialité concerne la conviction personnelle du juge, ce qu’il pense en son for intérieur, et de ce fait, elle est de nature subjective. Elle désigne l’indépendance d’esprit, et non l’indépendance de situation. Considérant ce seul critère comme insuffisant au regard des libertés et droits fondamentaux de l’homme, le juge européen en est venu à forger la notion d’impartialité objective. En effet, la conception subjective de l’impartialité se heurte à un obstacle majeur : l’impartialité subjective ne se prouve pas, elle se présume.
74Aussi les juges européens lui ont préféré une impartialité objective. Or la construction jurisprudentielle de l’impartialité objective est ondoyante car la difficulté tient à l’importance donnée à l’apparence, notion pragmatique. Dans un premier temps, les juges européens ont considéré qu’ils devaient se fonder sur des considérations de caractère organique pour apprécier l’exigence d’impartialité. Selon ce critère, l’organisation judiciaire elle-même doit présenter des garanties suffisantes pour permettre d’en déduire l’impartialité des membres qui la composent. Mais l’appréciation de ce critère organique est floue dès lors qu’ « un simple doute dans l’esprit du justiciable, aussi peu justifié soit-il », permet de le retenir. Adoptant une interprétation large de ce critère, la Cour de Strasbourg a été conduite à poser la règle de séparation stricte des fonctions de poursuite ou d’instruction avec celle de jugement. La jurisprudence Borgers [28] marque le point culminant de cette acception de l’impartialité. Combinant l’exigence d’impartialité avec celles des droits de la défense et de l’égalité des armes énoncées à l’article 6, § 1, elle adjoint aux critères organiques un critère matériel. Ce critère matériel est déduit non du statut du magistrat mais du contenu même des thèses qu’il est amené à développer à l’audience. Quand bien même les conclusions du juge seraient exprimées en toute objectivité, on déduit de ce que leur contenu n’apparaît jamais neutre du point de vue des parties, pour fournir une justification objective de partialité qui sera sanctionnée par la Cour de Strasbourg.
75Devant le risque de céder sans précaution à chacune des appréhensions purement subjectives des profanes, la Cour de Strasbourg a assoupli sa jurisprudence. Elle ne se contente plus d’un simple doute du justiciable, mais exige un « doute légitime » ou « raisonnable » de défaut d’impartialité. Le rôle de l’apparence n’en est pour autant pas réduit. C’est ainsi qu’un juge ne pourra intervenir deux fois dans la même affaire quand sa première appréciation lui aura fait prendre position ou émettre une appréciation qui « apparaît objectivement comme pouvant avoir une influence sur sa seconde intervention ». Les critères retenus par les juges européens ont pour point commun de privilégier les apparences : peu importe la conduite personnelle du juge, il faut et il suffit qu’il ne donne pas l’impression de se prononcer deux fois sur la même affaire. Cette conception de l’impartialité s’inspire du droit anglo-américain, ce que confirme la référence faite par le juge européen à l’adage anglais : Justice must not only be done, it must also be seen to be done.
76Dans cette conception, le procès est conçu comme une représentation dramatique aux vertus purificatrices. L’apparence, conçue comme une exigence de visibilité de la justice, devient le seul critère objectif envisageable permettant d’en contrôler la prétendue pureté. Faisant la part belle à l’impression, la règle de la séparation des fonctions de jugement et d’instruction telle qu’elle a été dégagée par les juges européens et telle que reprise par les juges français dans l’affaire Oury finit par reposer ainsi sur une question d’apparence. Mais elle va plus loin : suivant un processus de judiciarisation qui érige en un concept d’ordre général et déterminé un précepte d’origine morale, elle en vient à forger de véritables règles juridiques et fait alors peser sur les droits nationaux des contraintes grandissantes.
77C’est ainsi que la prédominance de préceptes d’origine morale conduit à prendre seulement en considération une image de la justice, supposée détenir son entière réalité. La justice risque alors d’être l’objet d’une médiatisation sans précédent dont le film Chicago a, par exemple, mis en exergue les excès, et la matérialisation de la morale risque de la réduire à un jeu de masques.
78Il apparaît donc que l’on assiste, à la faveur d’un relatif pluralisme éthique et d’un regain de l’équité, à un rapprochement entre le droit et l’éthique. Les sciences sociales ne sont pas étrangères à ce rapprochement entre l’éthique et le droit. Il ne faut pas oublier la vocation morale que Durkheim assignait à la sociologie. Le droit prend alors une position médiatrice entre l’effectivité des mœurs et la prescriptivité de la loi morale. De ce rapprochement entre le droit et la morale, on peut mentionner deux exemples : celui de l’émergence du droit d’ingérence, et celui de l’essor de la déontologie.
Notes
-
[1]
Ronald Dworkin (1994).
-
[2]
Simone Goyard-Fabre (1992).
-
[3]
Martin Leiner (2000, p. 183).
-
[4]
Cf. Michaël Walzer (1983).
-
[5]
François Dermange et Laurence Flachon (2000, p. 203).
-
[6]
Denis Salas (1998, p. 109).
-
[7]
François Gény (1919).
-
[8]
Un writ (bref) est un acte émis au nom du roi, intimant au défendeur l’ordre de donner entière satisfaction au requérant.
-
[9]
Raymond Boudon montre, à l’appui de la distinction wébérienne entre la rationalitê instrumentale et la rationalité axiologique, que le droit ne peut se contenter de suivre les mœurs : Raymond Boudon (1999).
-
[10]
Georges Gurvitch (1963).
-
[11]
Émile Durkheim (1906, 113 sq. ; 1967, 39 sq.).
-
[12]
Jürgen Habermas (1997, p. 121).
-
[13]
Ibid., p. 123).
-
[14]
Ibid.
-
[15]
Mario Bettati (1996, p. 89 sq.)
-
[16]
Mario Bettati (1996, p. 91).
-
[17]
Jean Clam et Gilles Martin (1998, p. 209-219).
-
[18]
Georges Ripert (1970).
-
[19]
C’est le cas de Mireille Delmas-Marty (1994, p. 7).
-
[20]
Gérard Farjat, in Jean Clam et Gilles Martin (1998, p. 153).
-
[21]
Daniel Gutmann (2000).
-
[22]
Sur la mutation profonde de la déontologie, cf. Charles Hannoun (1989, p. 417 sq.).
-
[23]
Hart (1961).
-
[24]
Gutmann (2000, p. 122).
-
[25]
Gutmann (2000, p. 126).
-
[26]
Jürgen Habermas (1997).
-
[27]
Véronique Magnier (2000, p. 1595).
-
[28]
Cour EDH, 30 oct. 1991, Borgers c/ Belgique : RTDH, 1992, obs. J. Calewaert, « Au-delà des apparences... d’un revirement » ; comp. 17 janv. 1970, Delcourt c/ Belgique et P. Martens, La tyrannie de l’apparence, obs. ss Cour EDH, 22 févr. 1996, Bulut : RTDH, 1996, p. 627.