CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si je vois une personne frapper violemment un bébé, je ne peux m’empêcher d’être horrifiée, même si l’on m’explique ensuite les « raisons » de son acte, que celles-ci soient sociales, culturelles, ou personnelles. Il est clair que l’appréciation portée sur ce type d’actions est à la fois irrépressible, automatique et spontanée, ce qui ne signifie pas pour autant que cette évaluation ne puisse être ensuite repesée ou affinée.

2Cet article s’interroge sur le fonctionnement de nos intuitions morales élémentaires et cherche à évaluer de quelle manière et dans quelle mesure le concept de modularité permet de rendre compte de certaines caractéristiques spécifiques des intuitions morales. Plus précisément, la thèse défendue ici est qu’une certaine conception de la modularité, celle de « noyaux cognitifs » ou « savoirs naïfs », peut se révéler fructueuse pour analyser les mécanismes sous-tendant une partie de nos évaluations morales : la morale « naïve » permettrait ainsi d’expliquer nos intuitions morales les plus simples.

1.L’hypothèse de la modularité morale

1 . 1. Pourquoi peut-on parler de modularité morale ?

3De manière générale un module est une structure cognitive caractérisée par trois critères : elle est innée, localisée et traite certaines informations de manière spécifique. Dans le domaine social, plusieurs fonctions essentielles (par exemple la reconnaissance des visages, des voix ou des émotions humaines) sont accomplies par des systèmes spécialisés ou modules et certaines caractéristiques des évaluations morales sont telles que l’hypothèse d’une modularité morale paraît raisonnable.

1 . 1 . 1.Des intuitions morales universelles, précoces, spécifiques, automatiques et irrépressibles

4Avant de préciser l’hypothèse de la modularité morale, il importe de préciser son champ d’application. On peut distinguer, ainsi que le suggère Turiel (1983), trois types de normes sociales : morales, conventionnelles et personnelles. Les normes conventionnelles relèvent d’une culture et d’une époque données, elles sont constitutives d’une société particulière. Les normes personnelles concernent les préférences de chacun. Au contraire de ces deux types de normes qui ne sont pas généralisables, les normes morales sont, quant à elles, généralisables et se caractérisent également par cinq autres dimensions : elles sont obligatoires, importantes, impersonnelles, inaltérables et anhistoriques.

5Ces normes distinctes engendrent des intuitions, des réactions, des émotions et des justifications différentes (Turiel, 1983 ; Arsenio et Ford, 1985). Aussi les intuitions morales sont-elles à la fois universelles, précoces et spécifiques. Universelles, car elles ne varient pas selon les pays, ainsi qu’en témoignent plusieurs études (Hollos et al., 1986 ; Nisan et al., 1982). Précoces, car les très jeunes enfants manifestent déjà des comportements coopératifs, réciproques et altruistes, ainsi que des sentiments de culpabilité (Blum, 1994 ; Hoffman, 2000). En outre, les enfants expriment verbalement ce type d’intuitions plus ou moins dès qu’ils sont en âge de parler (Smetana, 1981). Spécifiques, car elles concernent certains types d’interactions qui ont notamment à voir avec le bien-être d’autrui, les droits ou la justice, et sont souvent justifiées en référence aux émotions ressenties par le patient de l’action (Turiel, 1983, 2002).

6Enfin, les adultes comme les bébés forment de manière automatique et irrépressible des intuitions morales élémentaires lorsqu’ils sont mis en présence de formes géométriques exerçant des mouvements caractérisés par les adultes comme relevant des actions de blesser ou d’empêcher d’une part, et de caresser ou aider d’autre part (1990, 1991, Premack et Premack, 1994).

7En résumé, les intuitions morales sont donc universelles, précoces, automatiques, irrépressibles et spécifiques ; elles sont centrées autour de deux notions : le bien-être d’autrui [1] et la coopération dans sa dimension de réciprocité.

1 . 1 . 2.Deux arguments en faveur de la modularité morale

8Outre ces caractéristiques des intuitions morales, deux types d’arguments sous-tendent l’hypothèse de la modularité morale. L’argument de la pauvreté du stimulus, formulé par Chomsky (Chomsky, 1957, 1965) pour caractériser la faculté de langage [2], repose sur le hiatus entre, d’une part, le stimulus linguistique limité et souvent tronqué auquel sont exposés les jeunes enfants, et, d’autre part, le fait que tout enfant est capable d’acquérir un ensemble de règles susceptibles de donner naissance à un ensemble infini et varié de phrases. Étant donné la pauvreté du stimulus linguistique, ce dernier ne saurait suffire à expliquer l’acquisition du langage ; d’où l’hypothèse qu’il existe dans le cerveau humain un ensemble de règles innées permettant l’acquisition du langage. D’après Chomsky (1988), cet argument s’applique aux intuitions non seulement linguistiques, mais également morales [3]. Dans la droite ligne de l’argumentaire chomskien, Dwyer (1999) développe la nécessité de postuler une compétence morale, c’est-à-dire une structure innée permettant le développement de la morale. Cette hypothèse ne contraint pas totalement la théorie morale particulière acquise par l’enfant, qui dépend, quant à elle, de l’environnement. Toutefois, n’importe quel principe ne peut pas pour autant être considéré comme moral : comme les langues naturelles, les morales « naturelles » possèdent des caractéristiques universelles et des caractéristiques particulières.

9Le second argument est celui des résidus moraux (comme le sentiment de culpabilité) qui repose en quelque sorte sur l’impossibilité de la négation des intuitions morales : le fait même qu’existent des sentiments résiduels causés par la transgression des normes morales montre l’irrépressibilité de ces dernières. Comme le souligne Greenspan (1995) – dans une optique certes différente –, le sentiment de culpabilité opère comme un mécanisme irrépressible d’identification des normes morales lorsque ces dernières sont transgressées. Le fait que nous puissions ressentir des sentiments très proches de la culpabilité (comme la gêne, le déshonneur ou la honte) devant la transgression de normes sociales non morales, ou que nous choisissions parfois délibérément de transgresser les normes morales ne constitue pas pour autant la négation de l’existence d’un sentiment spécifique devant les transgressions morales [4].

1 . 2. Implications de cette hypothèse

1 . 2 . 1.Réflexion morale et intuition morale

10La première implication de l’hypothèse de la modularité morale est une double distinction entre intuition et réflexion morales, entre réponses intuitives et justifications. Les intuitions renvoient aux évaluations spontanées que nous faisons de manière universelle, automatique, inconsciente et irrépressible devant certaines situations particulières, alors que la réflexion morale désigne le processus conscient d’évaluation et, le cas échéant, de délibération, qui peut éventuellement porter sur ces évaluations spontanées. Que les intuitions morales soient le fruit de processus inconscients a deux conséquences. D’abord, il importe de considérer les intuitions (inconscientes) indépendamment des justifications (conscientes), car les secondes ne peuvent pas forcément rendre compte des premières : deux types d’études, sur la justification de choix pratiques (Nisbett et Wilson, 1977) et moraux (Mikhail, 2000) montrent que les sujets « en disent plus qu’ils n’en savent » pour justifier leurs intuitions. Ensuite, se pose la question de la correction de ces intuitions (par exemple dans le cas d’un équilibre réfléchi à la Rawls). Or, ainsi que le note Sperber (1993), « si une telle morale biologiquement inscrite existait, elle serait probablement incorrigible ».

1 . 2 . 2.Une morale possible : « devoir implique pouvoir »

11La seconde implication se rapporte à la métanorme classique « devoir implique pouvoir », ici entendue de manière élémentaire, comme ce que Ogien (2001) appelle un « principe d’humanité », nous enjoignant de ne pas former d’exigences morales inhumaines ou cruelles. En effet, poser des exigences morales contraires à nos intuitions morales élémentaires serait instituer, non pas forcément une morale impossible, mais au moins une morale contrariée, contre-intuitive ; ce qui souligne la dimension problématique de la punition des transgressions d’une théorie morale qui transgresserait elle-même les intuitions morales. L’hypothèse de la modularité morale suggère donc une lecture minimaliste du principe « devoir implique pouvoir » : une morale qui irait contre nos intuitions morales élémentaires serait « inhumaine » puisque nos intuitions morales, si elles sont modulaires, sont du domaine de l’instinct ou du réflexe. Mais cette prise en compte est celle d’une version faible du principe, qui ne pose pas que « pouvoir » (lorsque « pouvoir » signifie autre chose que la morale naïve) soit présupposé pour « devoir » ni que le champ de nos théories morales soit absolument superposable à celui de nos intuitions morales.

1 . 2 . 3.Limites de cette hypothèse

12Le problème se pose de savoir si la modularité morale concerne la morale à proprement parler, ou bien plutôt une « quasi-morale » ou une « proto-morale ». Certes, il s’agit ici pour partie d’une question de définition, mais pas seulement : si le « module moral » intervient de manière essentielle dans la formation des théories morales (c’est-à-dire s’il leur est nécessaire, bien que non suffisant), alors il serait illégitime de nier qu’il s’agisse d’un module proprement moral. L’important est que l’hypothèse de la modularité morale ne concerne qu’une part de ce que nous nommons communément la morale – en l’occurrence, les intuitions morales. Elle restreint son champ d’analyse à la partie la plus élémentaire et la plus automatique de ce qui forme nos intuitions morales. De sorte que la question de savoir pourquoi, en pratique, nous pouvons mal nous comporter ne peut être résolue par cette théorie pour deux raisons, D’une part parce qu’elle s’intéresse aux états mentaux moraux et non aux pratique morales [5]. Et d’autre part, de manière complémentaire, parce que nos intuitions morales naïves peuvent être contrebalancées par des normes ou des intérêts concernant d’autres domaines (social, religieux, économiques, etc.) et qu’elles ne s’expriment que rarement « à l’état pur » dans nos pratiques quotidiennes, et a fortiori lorsque nous sommes confrontés à des situations extraordinaires.

2.Deux approches de la modularité morale

2 . 1. La conception néochomskienne de la modularité morale

2 . 1 . 1.Des facultés spécifiques innées : la modularité selon Chomsky

13L’une des premières conceptions de la modularité, celle de Chomsky, porte sur la spécialisation des systèmes cognitifs. Elle est inséparable de l’hypothèse de la Grammaire Universelle qui postule que l’enfant est programmé génétiquement pour développer certaines facultés, et notamment le langage. Cette théorie repose sur deux idées : la capacité de langage est innée, et l’acquisition du langage nécessite un apprentissage dont les modalités sont prédéterminées en fonction de contraintes innées. Elle distingue la performance d’un locuteur, c’est-à-dire son « emploi effectif de la langue dans des situations concrètes » (Chomsky, 1965), de sa compétence, cette connaissance inconsciente, qui permet notamment de reconnaître intuitivement les transgressions de règles linguistiques. Les principales caractéristiques de la Grammaire universelle sont son appartenance au patrimoine génétique de l’espèce humaine (elle est à la fois spécifique à l’homme et innée) et sa modularité (elle est spécialisée dans l’apprentissage du langage).

14La modularité signifie donc ici que l’acquisition du langage repose sur un instinct spécifique d’apprentissage du langage. Il s’agit d’un « organe mental » au sens d’une structure neuronale qui accomplit un certain type de computation, et d’une faculté cognitive grâce à laquelle un être humain peut former une structure cognitive. La formation de cette structure cognitive implique l’interaction avec d’autres hommes, afin d’acquérir une langue grâce à l’utilisation de cette faculté. Mais l’analyse chomskienne ne se limite pas à la faculté de langage. Il s’agit également d’un modèle théorique pour l’étude d’autres structures cognitives, notamment et explicitement (Chomsky, 1988) la compétence morale.

2 . 1 . 2.L’analogie linguistique : une Grammaire Universelle de la Morale ?

15En réponse à cette incitation de Chomsky ainsi qu’à l’analogie de Rawls (1971) entre sens grammatical et sens de la justice, Mikhail (2000, 2003) a élaboré la « Grammaire Universelle de la Morale » qui postule que la capacité morale est innée, et son acquisition programmée génétiquement. L’interaction avec différents paramètres environnementaux permet le développement de cette faculté, tout comme l’interaction humaine permet à la fois l’acquisition du langage, et l’acquisition d’une langue spécifique. L’idée d’une connaissance implicite, intuitive, qui se distingue à la fois des justifications et de la délibération a été confirmée par des études empiriques (Mikhail, 2000, 2003). Celles-ci montrent la convergence des intuitions morales des sujets sur des cas classiques de dilemmes moraux à double effet, même si leurs justifications divergent largement.

16Plus précisément, Mikhail développe l’analogie de Rawls en s’appuyant sur le modèle perceptuel chomskien selon lequel le traitement d’un input linguistique par le module consacré au langage a pour résultat un jugement linguistique déterminant si l’input est grammatical ou non. Mikhail applique ce schéma à la cognition morale en postulant que la Grammaire universelle de la morale décompose l’acte évalué selon un arbre qui hiérarchise les actions sur le modèle des act-trees de Goldman (1970) pour aboutir à un jugement où « grammatical » et « non grammatical » sont respectivement remplacés par « autorisé » (permissible) et « non autorisé » (impermissible). La Grammaire Universelle de la Morale repose sur la combinaison de deux types d’éléments : d’une part des règles de base implicites auxquelles s’ajoutent des prohibitions de base explicites (par exemple le meurtre) ; et d’autre part des concepts de base intuitifs tels que ceux d’agent, de cause, de temps, d’action, d’intention et de conséquence. Le jugement moral repose également sur des principes moraux innés comme la structure du « double effet ».

17Si subtile qu’elle soit, cette théorie n’en bute pas moins sur trois types de problèmes qui la rendent improbable. D’abord, la Grammaire universelle de la morale est l’application « froide » de règles d’engendrement. Or, cette hypothèse est remise en cause par des études récentes (Greene et al., 2001) d’imagerie cérébrale portant précisément sur les mêmes exemples classiques de dilemmes moraux, et qui montrent que leur résolution mobilise les émotions. Une théorie de la modularité morale ne saurait donc faire l’économie des émotions. Ensuite, cette conception laisse de côté la dimension spécifiquement impérative de la morale en assimilant règles de permissibilité linguistique et règles déontiques, qui n’ont ni la même structure ni les mêmes conséquences du point de vue pratique. Enfin, le matériel empirique de Mikhail s’appuie sur des cas de dilemmes moraux alors même qu’il s’agit de cas parmi les plus complexes qui peuvent se poser à notre cognition morale. De sorte que l’on peut s’interroger sur la pertinence de l’étude de dilemmes moraux pour tester non pas la réflexion et les justifications morales des sujets [6], mais les intuitions morales.

2 . 2. L’approche néofodorienne de la modularité morale

2 . 2 . 1.Systèmes centraux et périphériques : la modularité selon Fodor

18Une seconde conception de la modularité, celle de Fodor (1983, 1985), postule que seule une partie de notre cognition est modulaire. Ce dernier distingue les modules ou systèmes périphériques d’entrées (inputs), des systèmes centraux. Les modules sont assimilés aux mécanismes de traitement perceptif propres à un domaine (vision, etc.) et fournissent des informations sur le monde. Les systèmes centraux sont généraux et ne sont pas modulaires.

19Neuf propriétés caractérisent les modules. Ils sont « informationnellenent cloisonnés » (ou « encapsulés ») car les informations qu’ils traitent sont contraintes, spécifiques et limitées. Le traitement de l’information par les modules est automatique, rapide, irrépressible et inconscient. Ils sont localisés, réglés par un rythme et une séquence ontogénétique caractéristiques, et présentent des défaillances caractéristiques. Enfin, les modules sont propres à un domaine car chacun traite un type d’information spécifique. Les caractéristiques des systèmes centraux sont opposées à celles des modules : ils sont globaux, lents, conscients et peuvent donc être contrôlés.

20Cette distinction entre systèmes centraux et périphériques permet à Fodor d’affirmer la discontinuité de la perception et de la cognition – dont témoigne la persistance des illusions perceptives : nos perceptions sont indépendantes de nos croyances et de notre connaissance conceptuelle. Notre système perceptuel est ainsi modulaire à double titre : d’une part chaque domaine perceptif est autarcique, d’autre part notre système perceptuel dans son ensemble (composé des différents modules perceptifs) n’est pas influencé par nos croyances. Fodor en conclut que les systèmes centraux – ou conceptuels – sont inconnaissables, au contraire des systèmes périphériques – ou perceptuels – dont les modules peuvent être isolés et analysés scientifiquement.

21La conception chomskienne de la modularité reposant sur l’innéité des compétences, elle s’intéresse essentiellement à la question des systèmes cognitifs dans leurs différents états (initial et mature, notamment), et concerne donc les systèmes centraux et non pas les systèmes perceptuels (Stemmer, 1999). L’approche fodorienne, quant à elle, concerne plutôt les systèmes d’entrées, et la notion de « module » y désigne des mécanismes de traitement cloisonnés.

2 . 2 . 2.Extension de la conception fodorienne : la morale périphérique ?

22Une seconde approche de la modularité de la morale a été proposée par Bolender (2001, 2003) sur la base du modèle fodorien de la modularité. Bolender s’appuie sur l’analogie entre irrepressibilité des illusions d’optique et irrépressibilité de certaines intuitions morales (tabou de l’inceste par exemple) pour souligner que la théorie fodorienne de l’architecture cognitive permet de rendre compte de la modularité morale.

23Pour Bolender, la cognition morale se pense sur le modèle de la perception. Tout ce qui ressort des intuitions morales est sous le régime des systèmes périphériques : ces intuitions sont « des perceptions positives ou négatives de situations sociales, qui adviennent de manière spontanée, aisée, rapide et sont le résultat d’un processus inconscient » [7]. Au contraire, la réflexion morale procède du système central et concerne les « perceptions positives ou négatives de situations sociales, qui sont le résultat de délibérations morales durant lesquelles un principe moral est choisi ou formulé de manière consciente, souvent laborieuse, et est ensuite appliqué à une situation » [8].

24S’appuyant sur la théorie des systèmes relationnels de Fiske (1991), Bolender postule non pas un, mais quatre modules moraux, répondant aux quatre structures sociales de Fiske : partage communautaire, autorité hiérarchique, réciprocité, système économique (qui ramène la valeur des choses à un même étalon). Chacune de ces structures est innée, mais la manière dont elles sont appliquées et interagissent ne l’est pas. Les modules traitent donc des informations spécifiques et sont informationnellement encapsulés ; ils donnent, semble-t-il, en sortie, des réponses essentiellement émotionnelles. Le système central, quant à lui, assure le traitement des sorties des modules moraux. Alors que le système central n’est pas spécifiquement moral, la spécialisation des modules moraux est un produit de l’évolution. En conséquence, seule la partie non modulaire – le jugement moral – peut être révisée : nos intuitions morales sont comme les illusions d’optique, elles ne peuvent être extirpées. Il est pourtant possible, souligne-t-il, de les affaiblir ou de les « contrarier », tout comme un gaucher pourrait être contrarié.

25Cette approche achoppe sur plusieurs difficultés. On peut surtout s’interroger sur la pertinence du modèle fodorien pour rendre compte des évaluations morales car il est difficile de penser la morale sur le modèle perceptuel et non pas conceptuel. De plus, les quatre structures de Fiske sont destinées à rendre compte du champ social en général ; de sorte qu’elles excèdent le champ moral, sans en distinguer la spécificité.

3.La morale naïve

26Ces deux approches de la modularité morale échouent donc à rendre compte de la spécificité de la cognition morale. Dans le premier cas, le problème essentiel est que l’analogie linguistique stricte limite la modularité morale à une dimension « froide » qui en exclut les émotions. La seconde théorie bute en raison d’une approche perceptuelle de la modularité morale. Il s’agit donc maintenant de déterminer si une approche de la modularité morale conceptuelle qui tienne compte des émotions est possible.

3 . 1. Les noyaux cognitifs : des savoirs naïfs

27Une troisième conception de la modularité, celle des « noyaux cognitifs » ou « savoirs naïfs », pourrait permettre d’appréhender l’architecture cognitive des intuitions morales d’un point de vue conceptuel et non pas perceptuel. Cette conception répond au défi fodorien – le mystère des systèmes conceptuels – en approfondissant la conception chomskienne des modules : l’enjeu est de comprendre comment le monde est conçu grâce à des « organes mentaux » et non pas comment il est perçu.

28Cette approche est défendue par Spelke, Carey, et Hauser. Spelke (2000) propose quatre critères principaux des noyaux cognitifs : ils concernent un domaine spécifique (ils traitent seulement une partie de l’information reçue), accomplissent des tâches spécifiques (ils ne peuvent résoudre que certains types de problèmes cognitifs), sont « encapsulés » (chaque système est indépendant par rapport aux autres) et fonctionnent de manière réflexe (rapide et irrépressible). Outre ces critères, la seconde caractéristique de ces systèmes cognitifs est qu’ils forment le « noyau dur » de nos connaissances en servant de fondation aux systèmes cognitifs plus développés de deux manières. D’abord, ils persistent à l’âge adulte et continuent de traiter l’information comme ils le font chez les enfants. Ensuite, ils servent de briques élémentaires permettant le développement de nouvelles compétences cognitives, et de théories plus élaborées : ils sont donc nécessaires mais non suffisants pour constituer ces théories. Il s’avère enfin que ces noyaux cognitifs sont également attestés chez d’autres espèces que l’homme [9].

3 . 2. Noyaux de base et de second ordre

29La conception des noyaux cognitifs distingue les noyaux cognitifs de base, c’est-à-dire un ensemble de structures cognitives et/ou de concepts spécialisés dans un domaine précis et universellement présents dès les premiers mois, et les noyaux cognitifs de second ordre, qui s’appuient sur les premiers pour constituer leurs connaissances et émergent de manière plus tardive.

30Des noyaux cognitifs de base (ou de premier ordre) ont été mis en évidence dans les domaines de la physique, de la géométrie, de l’arithmétique et certaines parties de la psychologie, alors qualifiées de « naïves ». Par exemple, Spelke et al. (1995) ont montré l’existence d’un module conceptuel spécialisé dans la physique naïve à partir de trois principes fondamentaux (cohésion, continuité et contact) grâce auxquels le bébé infère le mouvement des objets. Dans le domaine de l’arithmétique naïve, on a pu mettre au jour au moins deux sous-systèmes distincts de représentation des ensembles numériques chez le bébé humain qui persistent chez l’adulte, et sont présents chez d’autres animaux [10]. Ils permettent, l’un la représentation des petites numérosités (inférieures à 4) ainsi que les opérations arithmétiques simples (addition et soustraction) ; l’autre la représentation approximative d’ensembles d’objets plus nombreux. Enfin, certains auteurs (Leslie, 1994 ; Woodward, 1998 par exemple) ont proposé l’idée que l’enfant développe également une psychologie naïve essentiellement constituée par les rapports interpersonnels, les émotions, la poursuite des fins et la « théorie de l’esprit » [11]. Ils ont montré que l’enfant possède un concept de personne, qu’il est capable d’inférer les relations interpersonnelles et de les distinguer des relations entre objets. De plus, l’enfant développe dès 3 ans et demi une « théorie de l’esprit » (Wimmer et Perner, 1983) grâce à laquelle il infère ce que ressentent et pensent les autres, prédit leurs comportements et génère des métareprésentations afin de saisir ce que l’autre croit, même si cette croyance est contre-factuelle.

31À côté de ces noyaux de base, l’hypothèse des noyaux de second ordre a été développée par Carey (1999) pour la biologie naïve [12]. D’après elle, la biologie naïve se construit à partir de la physique et de la psychologie naïves. D’abord, l’enfant dérive entièrement le concept d’animal de sa psychologie naïve, qui est un module conceptuel de base. Ensuite, les connaissances portant sur les processus corporels apparaissent vers 3 ou 4 ans, sans distinguer les explications d’ordre biologique et psychologique. La différence entre biologie naïve et psychologie naïve ne se fait clairement qu’à partir de 6 ans environ, avec la distinction entre animal et personne. Par ailleurs la différenciation entre psychologie et biologie naïves s’opère en partie grâce à l’acquisition d’un tout nouveau concept, celui d’être vivant, formé de la conjonction du concept d’animal et de celui de végétal. Le développement de la biologie naïve interagit donc avec l’acquisition de nouveaux concepts et de véritables transformations conceptuelles.

32Alors qu’il semble (Spelke, 2003, 2001) que l’évolution de notre savoir arithmétique s’appuie essentiellement sur la conjonction des noyaux de base – qui sont proprement arithmétiques – grâce à notre faculté de langage, la biologie naïve, quant à elle, se forme comme un noyau spécifique (de second ordre) à partir d’autres noyaux (de base) qui ne sont pas proprement biologiques. Même s’il serait absurde de ramener nos théories mathématiques à ces noyaux de base, il n’en demeure pas moins que ces derniers constituent les briques élémentaires cognitives permettant de construire les premières. Au contraire, les concepts de la biologie naïve sont hétérogènes à ceux de la psychologie et de la physique naïves.

3 . 3. L’hypothèse de la morale naïve

33S’il existe certes des intuitions morales irrépressibles, universelles, spécifiques et précoces qui permettent de postuler l’existence d’un ou plusieurs modules moraux conceptuels, alors le modèle le plus pertinent pour en rendre compte est probablement celui des savoirs naïfs car les intuitions morales constituent le « noyau dur » de notre jugement moral et persistent à l’âge adulte (Turiel, 1983, 2002), même s’il n’est évidemment pas possible de réduire le second aux premières.

34La question centrale est alors celle des prérequis nécessaires aux intuitions morales : est-il notamment nécessaire de pouvoir se mettre à la place d’autrui pour former des intuitions morales, ainsi qu’on le considère traditionnellement ? En d’autres termes, il est essentiel de se demander si la théorie de l’esprit, qui nous permet de comprendre ce que pensent les autres, est indispensable à la formulation des intuitions morales (Goldman, 1995 ; Blair, 1995 ; Nichols, 2001).

35On peut distinguer deux possibilités. La première consiste à considérer la cognition morale naïve comme un noyau de second ordre, sur le modèle de la biologie naïve. En ce cas, la morale naïve émergerait tardivement à partir de noyaux de base comme la physique naïve et la psychologie naïve et éventuellement la biologie naïve – si l’on postule la possibilité d’un noyau de troisième ordre. Cette hypothèse aurait d’importantes implications sur les conditions d’émergence et de possibilité de la cognition morale naïve. Cette dernière ne pourrait en effet pas émerger, d’un point de vue ontogénétique, avant les noyaux sur lesquels elle s’appuie : la théorie de l’esprit (3-4 ans) et la biologie naïve (6 ans). Cette hypothèse postulerait de plus que les personnes souffrant de déficit dans les noyaux de base à partir desquels se construit la cognition morale présentent nécessairement un déficit de cognition morale naïve – par exemple les autistes qui souffrent d’un déficit dans la théorie de l’esprit (Baron-Cohen et al., 1985). Cependant, une telle hypothèse semble d’ores et déjà infirmée empiriquement, non seulement parce que les autistes n’ont probablement pas de déficit de cognition morale (Blair, 1996), mais encore du fait que les enfants de moins de trois ans et demi sont susceptibles d’avoir des comportements moraux et de former des intuitions morales.

36La seconde possibilité est d’envisager la cognition morale naïve comme un noyau de base. Dans ce cas, la question porte non seulement sur les entrées de la cognition morale naïve, mais également sur le nombre de noyaux moraux. On peut postuler l’existence d’un ou plusieurs noyaux moraux, qui prendraient en entrée certaines informations de scènes où interviennent des actions sociales intentionnelles, et donneraient en sortie des intuitions morales du type bien/mal et juste/injuste. L’hypothèse proposée ici est qu’il existe au moins deux noyaux : l’un qui porte sur la morale harm-based, et l’autre sur la réciprocité et la coopération. Le premier évalue les actions intentionnelles en termes de conséquences bénéfiques ou dommageables au bien-être corporel ou psychologique d’autrui en termes de bien/mal et peut donc être considéré comme un sens moral. Le second évalue les actions intentionnelles selon leurs caractéristiques de réciprocité et de répartition en termes de juste/injuste, et peut être qualifié de sens de la justice.

37Le sens moral prend en entrée de manière spécifique les informations formées en sortie de deux systèmes : (i) un système détectant les actions intentionnelles sociales ; (ii) un système empathique détectant les expressions émotionnelles humaines, qui répond différemment selon la nature positive ou négative des émotions – notamment de détresse ou de joie – exprimées par le patient après l’action. Le noyau moral peut apparaître indépendamment des autres systèmes : ceux-ci lui fournissent les informations nécessaires, et le module moral en effectue le traitement selon une règle déontique qui interdit les actions sociales intentionnelles affectant le bien-être d’autrui et provoquant de sa part des signaux de détresse.

38Le sens de la justice prend en entrée de manière spécifique les informations fournies en sortie de deux systèmes : (i) un système détectant les actions intentionnelles sociales et en comparant les caractéristiques physiques et la réciprocité ; (ii) un système empathique détectant les expressions d’indignation ou de gratitude. Ce module traite ces informations selon une règle déontique qui interdit les actions sociales intentionnelles causant l’indignation du patient. Ce type d’hypothèse a été développée sous un angle essentiellement évolutionniste comme « détecteur de tricheur » (Cosmides et al., 1989 ; Sugiyama et al., 2002) [13] ou économique, comme « économie de la réciprocité » (Fehr et Gachter, 2000).

39Des études conduites dans le domaine pathologique montrent, de plus, que chacun de ces noyaux peut être lésé de manière distincte, mais que la lésion de chacun de ces noyaux est susceptible de causer un déficit de la cognition morale. Pour cette raison, Blair (2001) propose l’hypothèse d’une dissociation de la psychopathie. Il caractérise la psychopathie « classique » comme un déficit d’un « mécanisme d’inhibition de la violence » déclenché par les signes de détresse d’autrui. La psychopathie « acquise » se caractérise, quant à elle, par un déficit de traitement des informations liées à la coopération sociale (Anderson, 1999 ; Stone, 2002). Il est dès lors probable que chacun de ces systèmes engage des mécanismes cérébraux distincts.

40Si ces deux noyaux traitent chacun des informations différentes, leurs évaluations sont probablement liées ensemble et raffinées dans un second temps (comme c’est par exemple le cas pour l’arithmétique naïve selon la suggestion de Spelke [14]) afin de permettre la formation de jugements réflexifs et de théories élaborées. Il importe alors de comprendre comment opère cette « réflexion morale » en insistant sur deux questions : de quelle manière les informations venues d’autres modules interviennent-elles ? Le langage joue-t-il un rôle essentiel, comme c’est le cas pour l’arithmétique ? Il est probable que le développement de capacités cognitives comme la mémoire ou le décompte importe également. Mais il s’agirait alors d’enrichissement et non de changement conceptuel à proprement parler puisque le processus opérerait sur des « objets » spécifiquement moraux.

Conclusion : conséquences et questions ouvertes

41L’hypothèse de la morale naïve implique deux types de conséquences qui portent d’une part sur le caractère contraignant des intuitions morales, et d’autre part sur leur précocité. Si les intuitions morales sont le résultat d’un savoir naïf, alors il y a fort à parier qu’elles constituent le noyau dur de notre cognition morale en général et qu’il n’est pas possible de les modifier, mais tout au plus de les « contrarier ». En d’autres termes, il importe de délimiter le terrain d’analyse, et de distinguer intuition morale et jugement moral car les limites d’une enquête sur la morale naïve résident probablement dans l’évaluation morale de nos intuitions morales naïves.

42De plus, si l’existence de ces noyaux moraux peut être postulée, rien ne laisse supposer qu’ils soient propres à l’homme. Se pose donc la question de savoir si ces modules moraux sont ou non partagés avec d’autres espèces. Si ce n’était le cas, alors ce savoir naïf serait le seul proprement humain, les autres étant partagés avec d’autres espèces. En revanche, si c’était le cas, alors la morale naïve ne serait pas propre à l’homme et la spécificité humaine résiderait dans la réflexion morale et le développement de capacités cognitives qui ne sont certes pas morales (comme les capacités de mémorisation ou de décompte), mais permettent toutefois un exercice complexe – et proprement humain – de notre cognition morale. Dès lors, ce serait surtout la dimension proprement culturelle (et non « naturelle ») de nos morales qui serait spécifiquement humaine.

Notes

  • [1]
    Cette hypothèse s’apparente en partie au harm principle classique de Mill. Pour un point de vue différent, voir notamment Shweder (Shweder, Much et al., 1997) et Fiske (1991).
  • [2]
    Pour une discussion générale sur la pauvreté du stimulus et une discussion des arguments opposés à cette hypothèse, voir Laurence et Margolis (2001).
  • [3]
    Chomsky écrit par exemple : « The acquisition of a specific moral and ethical system, wide ranging and often precise, cannot simply be the result of “shaping” and “control” by the social environment. As in the case of language, the environment is far too impoverished and indeterminate to provide this system to the child, in its full richness and applicability. Knowing little about the matter, we are compelled to speculale ; but it certainly seems reasonable to speculate that the moral and ethical system acquired by the child owes much to some innate human faculty » (Chomsky, 1988, p. 152-153). C’est moi qui souligne.
  • [4]
    Ces considérations sont confirmées par des travaux empiriques (par exemple, Arsenio et Ford, 1985).
  • [5]
    Ainsi que l’écrit Sperber (1993), « les pratiques ne reflètent pas toujours, et jamais simplement, les idées et les sentiments spécifiquement moraux des acteurs. Or, s’il existe des dispositions innées, elles n’affectent les pratiques qu’à travers les états mentaux qu’elles sous-tendent ».
  • [6]
    Ainsi que le faisait par exemple Kohlberg (1981).
  • [7]
    Bolender (2001), p. 345.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Voir, par exemple, pour une revue de la littérature, Spelke (2000, 2003).
  • [10]
    Pour une revue, voir Spelke (2000).
  • [11]
    La théorie de l’esprit est spécifiquement humaine, bien que d’autres animaux possèdent certains précurseurs de cette capacité.
  • [12]
    Pour une discussion d’ensemble contradictoire, voir Atran (2001 a).
  • [13]
    Pour une discussion, voir Atran, 2001 b.
  • [14]
    Communication personnelle.
Français

RéSUMé. — Cet article se propose d’étudier les mécanismes sous-tendant notre intuition morale. Certaines caractéristiques de nos intuitions morales (notamment leur universalité, leur spécificité, leur automaticité et leur irrépressibilité) permettent de proposer l’hypothèse de la modularité de notre intuition morale. Cette hypothèse est étayée par deux types d’arguments qui s’appuient sur la pauvreté du stimulus moral et l’existence d’émotions morales résiduelles comme le sentiment de culpabilité. Pourtant, les théories de la modularité morale proposées jusqu’à présent achoppent à rendre compte de la dimension conceptuelle des intuitions morales, ainsi que du rôle joué par les émotions. La thèse proposée est qu’une approche particulière de la modularité morale, celle de la « morale naïve », permet de rendre compte de l’architecture des mécanismes sous-tendant nos intuitions morales.

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Vanessa Nurock
Université Paris X - Nanterre
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/08/2007
https://doi.org/10.3917/anso.042.0435
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