1L’étude de la consommation, marchande autant que non marchande, est apparue très tôt dans l’histoire de la sociologie, mais, assez curieusement, la consommation n’a pas donné naissance à une sous-discipline institutionnalisée comme ce fut le cas avec le travail, la religion ou l’éducation, par exemple. L’émergence très tardive d’une véritable sociologie de la consommation, alors qu’existe un ensemble impressionnant de travaux empiriques réalisés sur divers aspects de la consommation depuis plus d’un siècle, s’explique en partie par la connotation négative qui est longtemps restée attachée au phénomène de la consommation marchande après que Veblen (1899), Simmel (1908) ou Goblot (1925) eurent montré au début du XXe siècle comment la consommation d’objets servait de stratégie distinctive aux classes bourgeoises pour affirmer ou afficher leur statut social. Dans la foulée de l’analyse critique de Veblen, la consommation en est venue à caractériser le superflu, le luxe de démonstration, le non-authentique, et lorsque les classes laborieuses, avec l’augmentation du revenu discrétionnaire caractéristique du fordisme et de la révolution salariale, ont elles-mêmes eu accès au temps libre et à la consommation marchande, cette dernière a été jugée de manière plutôt négative et inauthentique comme ce fût le cas pour la consommation des riches au début du siècle dernier.
2La critique globale et vigoureuse de la consommation marchande, plus souvent dénoncée qu’analysée, a surtout retenu l’attention. Cette perspective critique a occupé le devant de la scène intellectuelle et elle a freiné pendant des décennies l’émergence d’une véritable sociologie de la consommation. Nous voici devant un champ de recherche important, bien documenté empiriquement dès l’origine de la sociologie et bien étudié par la suite, mais aussi devant un champ de recherche qui est resté pauvre théoriquement jusqu’à une date récente (ce n’est plus le cas) et qui a commencé à être reconnu seulement à la fin du XXe siècle, d’abord en Grande-Bretagne puis aux États-Unis, plus tardivement en France.
3La sociologie de la consommation est maintenant une sous-discipline légitimée et en voie d’être institutionnalisée, comme le montrent la création de revues et la publication d’ouvrages et de manuels (Mayer, 1978 ; Bocock, 1993 ; Rochefort, 1995 ; Corrigan, 1997 ; Herpin, 2001, par exemple), la mise en place de cours universitaires, la création de centres de recherche (le CREDOC existe depuis un demi-siècle en France) sans oublier la tenue de colloques spécialisés ou encore la formation de réseaux de chercheurs œuvrant sur ce thème. Plus important, un grand nombre de travaux empiriques descriptifs continuent de paraître, et des éléments de théorisation spécifique sont proposés, sans oublier le retour d’un nouveau discours critique (qui ne délégitime cependant pas le phénomène de la consommation, à la différence des études critiques des années 1960) portant par exemple sur les stratégies des grandes sociétés multinationales, la tyrannie des grandes marques (Klein, 2001) ou l’envahissement de la publicité dans la vie quotidienne (Cossette, 2001).
4Bien avant la sociologie, l’anthropologie a jeté les bases d’une théorie générale de la consommation d’objets autour des concepts d’échange, d’appropriation symbolique et d’objectivation (Leroi-Gourhan, 1943 ; Douglas, et Isherwood, 1978 ; Appadurai, 1986 ; Miller, 1987 ; Warnier, 1999). Dans une revue de la littérature sur le sujet, D. Miller (1995) avance même l’hypothèse que l’étude de la consommation va remplacer l’étude de la parenté en anthropologie, parce que la place de la famille dans la vie quotidienne régresse, alors que les rapports marchands entre individus progressent partout dans le monde.
5Qu’en est-il en sociologie, et surtout quelles voies nouvelles se dessinent au début du XXIe siècle dans ce champ d’étude qui existe depuis longtemps au sein de la discipline ?
Les travaux précurseurs et la sociographie de la consommation
6Plusieurs sociologues ont jeté les bases d’une véritable sociologie de la consommation. Le Play (1855) a étudié minutieusement les budgets de ménages ouvriers français dans les années 1850, et, même si ses travaux sont empreints de jugements normatifs, on y retrouve une description empirique minutieuse des genres de vie des familles ouvrières qui illustre les effets néfastes de l’industrialisation naissante. Dupectiaux a effectué une grande enquête sur les budgets de familles en Belgique, dont les données ont été analysées par Engel qui en a tiré sa célèbre loi sur la diminution de l’effort budgétaire des ménages pour la fonction alimentation à mesure que s’élevait leur revenu disponible, libérant ainsi des ressources allouées à d’autres fonctions de consommation. Halbwachs (1912, 1933) a analysé en France les résultats de deux grandes enquêtes budgétaires menées à vingt ans d’intervalle, se servant des budgets de famille comme indicateurs des besoins subjectivement définis par les acteurs sociaux (en l’occurrence les familles) en fonction de leur appartenance à une classe sociale (voir Baudelot et Establet, 1994). Les sociologues de Chicago ont scruté la consommation des ménages ruraux et urbains pour étudier les effets de l’urbanisation (Zimmerman, 1936). La première grande enquête empirique canadienne a été menée en 1959 au Québec sur la consommation des ménages et sur les représentations sociales des conditions de vie, dans la tradition de l’École française de sociologie (Tremblay et Fortin, 1964). Plus largement, les enquêtes budgétaires ont été les premières grandes enquêtes de sociologie empirique effectuées dans les règles de l’art à peu près au même moment dans un grand nombre de pays. On trouvera un bilan de ces premiers travaux empiriques dans l’ouvrage de Presvelou (1968).
7La plupart des États développés font des enquêtes budgétaires (enquêtes de type Budgets de familles) depuis plusieurs décennies à intervalles réguliers. Les États-Unis en effectuent depuis le début du XXe siècle, et les pays de l’OCDE disposent de telles enquêtes systématiques depuis les années 1960 ou 1970, plusieurs d’entre eux en ayant de plus anciennes. L’enquête française Budgets de familles telle qu’on la connaît aujourd’hui est faite par l’INSEE depuis 1979. La grande majorité des instituts nationaux de statistiques donnent maintenant un accès direct aux microdonnées, ce qui facilite grandement la recherche empirique. Les économistes utilisent ces enquêtes de manière plus assidue que les sociologues, qui les ont exploitées moins fréquemment et plus tardivement. Mais les choses changent rapidement. Clair Brown (1994) a scruté les enquêtes américaines des années 1918 à 1988 et elle a mis en évidence l’importance des changements dans les normes de consommation en les reliant aux statuts sociaux et à la famille. En France, N. Herpin et D. Verger (2000) ont analysé les données des enquêtes Budgets de familles de l’INSEE de 1981 à 1996 dans leur étude sur les fonctions de consommation et les dépenses des ménages, montrant l’importance structurante du mode de vie dans les décisions prises par ces dernières.
8Enfin, les enquêtes portant sur des thèmes particuliers (loisirs, vacances, logement, transports, santé, culture, habillement, etc.) se sont multipliées, offrant aux sociologues des données de première main pour étudier à peu près tous les aspects de la consommation des ménages. Tout au long du XXe siècle, de nombreuses monographies ont été écrites sur divers aspects de la société de consommation, depuis la place omniprésente de l’automobile (Flink, 1988), le téléphone (Fisher, 1992), les loisirs et les vacances (Urry, 1995 ; Löfgren, 1999) ou l’équipement domestique (Glatzer, 1992 ; Parr, 1999). À cela s’ajoutent les monographies ou les études sur d’autres aspects de la consommation tels que la publicité (Haineault et Roy, 1984), la mode (Q. Bell, 1992), le crédit à la consommation ou les industries culturelles, pour se limiter à quelques exemples.
Premières orientations théoriques
9L’apport de la sociologie à l’étude de la consommation a été largement descriptif, et il n’existe pas dans cette discipline, d’après Cherkaoui (1992), une théorie cohérente et codifiée de la consommation comme celle dont dispose l’économiste pour qui le consommateur rationnel cherche à maximiser sa fonction d’utilité. Cette critique n’est cependant juste qu’en partie. La sociologie de la consommation compte à son actif une importante production conceptuelle, en plus de la production sociographique évoquée plus haut. Plusieurs notions sont entrées dans le vocabulaire courant de la sociologie, notions qui seront importantes dans l’élaboration de modèles, de théories ou de paradigmes plus généraux en émergence. Rappelons rapidement quelques acquis, pour fixer les idées.
La société de consommation
10La consommation de masse a servi de référence privilégiée pour élaborer un type descriptif de société : la société de consommation. Il était courant dans les années 1960 d’ajouter un qualificatif à ce type – la société de consommation de masse (Baudrillard, 1970) –, mais ce qualificatif n’est plus employé de nos jours, marquant bien la mutation de la consommation qui est maintenant fortement différenciée [1].
11Deux « inventions sociologiques » (Bell, 1976) ont fortement contribué à l’implantation de la société de consommation : le crédit et la publicité. Le crédit à la consommation a joué un rôle majeur dans l’accès élargi et immédiat aux objets, alors que la publicité, qui informe, persuade et crée du sens (Crane, 2000), a de son côté légitimé la consommation aux yeux des acteurs sociaux tout en étant ce que Stuart Ewen (1976) a appelé un capitaine de la conscience.
12Un nouveau genre de vie (pour reprendre un concept de la géographie humaine) s’est imposé avec l’émergence de la société de consommation et avec l’arrivée d’une nouvelle culture matérielle, en rupture radicale avec celui des générations passées. Ce genre de vie passe désormais par la consommation élargie d’objets et de services produits dans la sphère marchande et il est essentiellement urbain, que l’on vive à la ville ou à la campagne (Urry, 1995). Dans le modèle fordiste, production de masse, société salariale et consommation sont liées (Galbraith, 1960). Travaillant en usine et dans des bureaux, les individus sont dépendants du marché pour leur survie et pour leur bien-être et ils doivent consommer pour vivre. Mais l’abondance de la production fordiste leur a offert bien plus que ce qu’il faut pour vivre, elle leur a permis de construire une nouvelle vie confortable, elle leur a procuré le bien-être matériel et le confort (Miller, 1987 ; Le Goff, 1994 ; Rochefort, 1995 ; Miles, 1998 ; Cross, 2000). L’équipement de base nécessaire à la vie quotidienne est maintenant présent dans presque tous les ménages. Ce constat passe aujourd’hui pour une évidence, mais il faut se rappeler qu’il était loin d’en être ainsi quelques décennies seulement avant la fin du XXe siècle. V. Scardigli (1983) caractérise le « bonheur technique-marchand » par la jouissance immédiate, l’abondance de biens et services, la marchandisation des modes de vie, l’émergence de nouveaux besoins, l’extension des aspirations.
La consommation ostentatoire
13Le concept de consommation ostentatoire est maintenant classique en sociologie. Trois éléments définissent la consommation ostentatoire chez Veblen (1899), consommation typique des riches Américains du début du XXe siècle. Celle-ci caractérise d’abord la capacité de dépenser sans compter, sans avoir à se priver de l’essentiel. Ce type de consommation libérée de la contrainte des besoins fondamentaux préfigure la consommation élargie qui va émerger peu à peu avec l’avènement du revenu discrétionnaire dans les ménages des pays industrialisés. L’effet de démonstration aux yeux d’autrui (qu’on nommera plutôt effet de distinction plus tard) est le deuxième élément qui marque la consommation ostentatoire. Dans cette perspective qui sera largement reprise par la suite, le sens attaché aux objets consommés est produit ailleurs, dans la différenciation sociale, et la consommation symbolise le statut social aux yeux d’autrui. Le luxe est exhibé, et les femmes des riches capitalistes occupent une place privilégiée dans cette exhibition du statut. Enfin, la consommation ostentatoire évoque la liberté de gérer son temps, d’où le vocable choisi par Veblen de leisure class pour caractériser le genre de vie des classes aisées qu’il qualifiait d’oisives. Ainsi, les longs moments passés à table, l’élégance du costume ou l’assistance à des spectacles témoignent à la fois de la capacité de dépenser, mais aussi du temps libre pour le faire à l’époque où la très grande majorité des gens devaient travailler fort pour subvenir à leurs besoins vitaux. Le loisir au sens de Veblen (qui ne doit pas être confondu avec la paresse) préfigure le temps libre après le travail dont profiteront plus tard les travailleurs parallèlement à l’augmentation de leurs revenus réels.
La distinction
14La notion de distinction est, avec celle de consommation ostentatoire, l’une des plus connues en sociologie de la consommation. C’est aussi l’une des plus anciennes. Georg Simmel a écrit un article célèbre sur la mode traduit en 1957 et il a élaboré dès le début du XXe siècle les bases d’une théorie de la distinction dans ses essais sur la parure (1908), sur la mode (1904) et sur l’argent (1900), mais ses travaux ont été tardivement traduits et donc peu connus dans le monde francophone et dans le monde anglophone.
15Il en va différemment pour Edmond Goblot. Logicien essayiste, ce professeur de philosophie à Angers, Caen et Toulouse entre 1890 et 1910 a observé de près la bourgeoisie française qu’il qualifie de moderne par opposition à celle de l’Ancien Régime. Dans son ouvrage La barrière et le niveau, Goblot caractérise les classes sociales comme des formes culturelles. « La classe est dans l’opinion et les mœurs », soutenait-il, ajoutant : « La distinction des classes est affaire de jugements de valeurs » (Goblot, 1925 [1967], p. 15). La séparation matérielle étant impossible, c’est donc un ensemble de qualités personnelles qui vont séparer la bourgeoisie, qui vont constituer les barrières entre les classes. « Ce qui distingue le bourgeois, c’est la “distinction” » (p. 40). Le vêtement (et la mode), l’éducation et l’appréciation des œuvres d’art (l’esthétique) sont au cœur de l’affirmation distinctive et des stratégies qui séparent du commun. Citons encore l’auteur : « Avant l’avènement de la bourgeoisie moderne, on connaissait le mérite, la valeur, les talents, la grâce ; on ignorait la distinction » (p. 40). Bourdieu (1979) a repris et développé cette notion de distinction en avançant que la consommation reflète un sens produit dans le système de classes et qu’elle retraduit une opposition qui existe dans le système de relations sociales préexistant aux choix des consommateurs.
16L’analyse de la distinction a changé dans la sociologie contemporaine qui voit la consommation comme une activité constante d’utilisation et d’appropriation symbolique de biens et de services qui sont transformés en objets de culture par l’homme (McCraken, 1990 ; Gartman, 1991). L’objet de consommation n’est pas seulement un objet qui distingue ; la fonction de distinction se superpose aux autres fonctions de l’objet, et l’on ne peut pas réduire la consommation à la seule recherche de distinction ni la valeur de l’objet à la seule valeur-signe.
Besoins
17La notion de besoin est centrale en sociologie de la consommation. Il est commun de distinguer deux types de besoins : les besoins primaires ou fondamentaux et les besoins empiriques définis par la demande solvable (Freund, 1970 ; Galthung, 1980). La sociologie américaine pour sa part distingue deux notions – wants et needs – qui correspondent d’assez près à ces deux sens. Mais la sociologie a cependant montré que la définition des besoins était plus complexe, dans le contexte d’une extension du système de production, du développement technique et scientifique et de l’enrichissement des ménages. Tocqueville et Durkheim ont bien noté le caractère ouvert des aspirations qui rendent presque impossible une définition que l’on pourrait qualifier d’objective des besoins, insistant plutôt sur l’impossible satisfaction complète des désirs.
18La notion de besoin prend plusieurs sens. Les modes de vie des unités de consommation – double revenu, vivre en solitaire, avoir des enfants, s’établir au centre-ville, en banlieue ou à la campagne – entraînent l’émergence de besoins et de système de préférences différents. Pour Hirschman (1983), les choix de consommation et les besoins sont alors induits par les décisions prises par les membres du ménage. Ainsi la décision d’avoir deux enfants oriente-t-elle les besoins d’une famille pour des dizaines d’années. Lorsqu’elle choisit de vivre en banlieue – un choix lui-même marqué par un certain nombre de contraintes –, une famille prend une décision qui va entraîner toute une série de besoins de consommation induits. Les sociologues qui analysent la consommation en milieu bourgeois insistent quant à eux sur le besoin de distinction qui leur semble central dans l’affirmation de leur statut (voir Goblot, par exemple).
19Par ailleurs, l’innovation technique et la multiplication de l’offre qui résulte de la mutation du système de production ont contribué à modifier la définition du besoin au sein même des unités de consommation. Le consommateur contemporain mélange dans son approvisionnement le haut et le bas de gamme, d’autant plus que les produits dits bas de gamme ou basic ont amélioré leur qualité intrinsèque et notamment leur design. « Chacun s’approvisionne tout au long de l’échelle de qualité », avancent Herpin et Verger (2000, p. 35). Le cadre supérieur porte le jeans dans son jardin ou pour faire ses courses le samedi matin, et l’étudiant peut posséder un téléphone portable coûteux.
20L’analyse empirique des besoins, enfin, est liée de près à l’élaboration de théories de la justice et aux débats qui ont entouré les propositions de Rawls ou Walzer, ou encore l’évaluation du bien-être subjectif et l’évaluation de ce que les Américains appellent the good society.
Perspectives théoriques en développement
21La sociologie contemporaine de la consommation a mis en avant un ensemble d’hypothèses, et de nombreux développements théoriques se dessinent à partir d’une conception élargie de la rationalité de l’acteur. Les acteurs sociaux ont accru leurs capacités de décision avec la scolarisation, la mobilité sociale, le contrôle de la fécondité et la hausse des revenus individuels et familiaux. Les normes bourgeoises rigides décrites par Goblot se sont également estompées, donnant naissance à l’avènement de comportements sociaux discrétionnaires parallèles à l’avènement du revenu discrétionnaire.
22Les sociologues expliquent les phénomènes de consommation comme étant une combinaison de l’utilité (confort, sécurité), de la distinction (style de vie, distinction, signes d’appartenance à un groupe ou à un groupement) et du plaisir (satisfaction, consommation hédoniste). Ces aspects constituent autant de raisons, au sens donné à ce terme par Raymond Boudon (1992), de consommer les objets, les acteurs sociaux associant ces raisons de diverses manières. À certaines époques ou dans certains contextes, la recherche de distinction l’emportera sur les autres raisons. Marcel Proust n’imaginait pas sortir dans la rue sans son chapeau, sa canne et ses gants – « sans eux, j’aurais eu l’impression d’être nu », avançait-il –, et Goblot ou Veblen ont bien explicité les raisons du point de vue de l’acteur de l’importance dominante de la distinction bourgeoise à leur époque. Les différences de classes observées par Halbwachs entre ouvriers et employés sont aussi expliquées en référence aux raisons fortes que les acteurs sociaux ont d’agir, raisons qui sont de l’ordre de la représentation sociale de besoins différents élaborée dans un contexte propre à chacune de ces classes. Les travaux menés plus tard au XXe siècle ont montré que l’objet consommé ne l’était plus d’abord pour sa valeur-signe ou pour le prestige qu’il signifie. Lipovetsky (1987) avance que ce qui est visé dans la consommation contemporaine, c’est plutôt la satisfaction privée indifférente au jugement d’autrui.
23L’utilité et la distinction sont bien documentées en sociologie, mais le troisième ensemble de raisons – la recherche du plaisir et la satisfaction personnelle de besoins – l’est moins, et pourtant ce sont des aspects qui ont pris de l’importance au XXe siècle. Dans un livre dont le titre rappelle le célèbre ouvrage de Max Weber – The Romantic Ethic and the Spirit of Modern Consumerism (1987) –, Colin Campbell avance que la consommation n’est pas réductible à l’appétit d’un bien ou d’un objet, mais il soutient qu’elle est liée au contraire au caractère insatiable des besoins, au désir sans fin qui trouve sa source dans l’expérience que les individus éprouvent du plaisir auquel est associé l’objet consommé. La consommation relèverait donc d’une logique hédoniste qu’il ne faut pas confondre avec la logique utilitariste. Campbell a montré comment deux formes d’éthiques s’étaient développées en parallèle au XVIIe siècle : l’éthique protestante qui a favorisé l’émergence de la société de production et l’éthique romantique qui a accompagné l’avènement de la consommation marchande, deux traditions culturelles ayant émergé du puritanisme anglais (et non pas une seule comme le donne à penser l’attention presque exclusive accordée à la thèse de Max Weber). Les protestants anglais appartenant aux classes moyennes en sont venus à consommer au XVIIIe siècle pour exprimer leur goût (au sens déjà donné à ce terme par Montesquieu dans son célèbre Essai sur le goût) et surtout leur sens moral contrairement aux classes pauvres enfermées dans l’univers des besoins. Le goût et le sens esthétique, liés au départ à des motifs religieux, se sont vite sécularisés et ont été étendus à l’ensemble des objets de consommation [2].
24Les possibilités offertes par la société de consommation ont pour leur part accentué la diversité des comportements et l’affirmation des différences résultant de l’agrégation de décisions individuelles. La consommation marchande joue, en effet, un rôle majeur dans le changement social, non pas parce qu’elle impose une nouvelle culture, comme le donne à penser Featherstone (1991), mais bien parce qu’elle élargit l’espace et les possibilités d’action des individus, ce qui est différent. La consommation marchande a non seulement transformé l’appropriation de l’espace, les genres de vie et les valeurs des individus, mais elle est aussi au cœur de l’apparition d’un mode de vie plus individualisé, marqué par la mutation radicale de la famille qui était centrale dans le genre de vie paysan millénaire et dans le genre de vie ouvrier au moment de la révolution industrielle. La famille seule permettait alors à l’individu de survivre dans le monde de la pénurie matérielle et du besoin. Mais la société de consommation a changé tout cela. Dans les sociétés développées, l’État-providence assure un revenu minimum aux individus et leur permet de satisfaire leurs besoins dans la sphère marchande. Une personne dépendante de l’aide sociale et tout travailleur peuvent maintenant vivre seuls, parce que la disponibilité de biens et de services marchands rend possible un tel mode de vie, à commencer par l’offre de petits logements. La pilule anticonceptionnelle, l’automobile, les vêtements, les équipements électroniques de toute sorte et tant d’autres objets de consommation marchande peuvent être consommés individuellement, mais aussi contribuent en retour à l’individualisation de la vie en société.
Perspectives de recherche
25L’étude de la consommation marchande est appelée à se développer dans les années à venir. La marchandisation des rapports sociaux – pensons à la garde des enfants et des personnes âgées, au tourisme de masse ou encore à la dispensation de soins personnels – et l’émergence d’une nouvelle culture matérielle omniprésente dans la vie quotidienne, pour ne prendre que ces deux exemples, ouvrent aux sociologues et aux anthropologues un champ de recherche qui reste à explorer. Il faudra à la fois comprendre et interpréter l’émergence d’un nouveau type de société et analyser le processus de sa transformation rapide qui a cours sous nos yeux en ce début d’un nouveau siècle. Nous proposons quelques pistes de recherche qui, sans être exhaustives, bien loin de là, esquissent des travaux à entreprendre. Ceux-ci exigent à la fois l’élaboration de nouvelles perspectives théoriques, mais aussi un important travail de recherches empiriques.
Innovation technique et consommation
26L’analyse du lien entre innovation technique et consommation des ménages reste encore embryonnaire malgré l’énorme développement du système de production de biens durables, des biens non durables et de services. Le développement du système de production et l’innovation technologique ont joué un rôle moteur dans l’extension de la consommation marchande (Kende, 1971). Daniel Bell (1998) distingue cinq types d’exploitation technologique – l’exploitation des ressources, l’industrie légère, l’industrie lourde, le high-tech et les applications technologiques de la science – auxquels correspondent cinq types de biens de consommation : biens assurant la subsistance, biens correspondants aux besoins de base, biens liés aux désirs, biens discrétionnaires, biens de luxe.
27Les fours à micro-ondes ont été adoptés plus rapidement par les ménages à double revenu, parce que ceux-ci ont vu avant les autres la grande utilité de cet appareil ménager dans la vie quotidienne. Dans le cas du micro-ordinateur – l’un des derniers biens durables à avoir envahi les foyers à la fin du XXe siècle – une diminution importante du prix l’a rendu accessible à l’ensemble des ménages ; mais il a aussi fallu attendre que ceux-ci lui aient trouvé une utilité immédiate dans le foyer pour que le taux de possession de cet objet augmente fortement, et c’est la communication avec l’extérieur qui lui a permis de trouver son véritable créneau. L’ordinateur personnel sert à cette fin pour les loisirs, la vie quotidienne, les activités d’apprentissage et les relations sociales, sans oublier le travail professionnel à la maison.
28L’offre marchande de produits de consommation n’est pas seulement marquée par la multiplication de petites différences ou par des changements de surface, de formes ou de couleurs afin de créer artificiellement des effets de mode et une sorte d’obsolescence planifiée. Ces petites différences sont bien présentes dans l’univers de la consommation marchande, mais il faut aussi noter que l’offre est caractérisée par l’innovation technique qui amène sur le marché des produits très différenciés ou largement améliorés. Les premières générations d’ordinateurs personnels marquaient un net progrès par rapport aux machines à dactylographier, mais ils ont vite été eux-mêmes supplantés par de nouveaux appareils plus performants qui ont rendu les premiers obsolètes. Les appareils photos numériques qui sont disponibles sur le marché au moment d’écrire ces lignes présentent d’intéressantes possibilités nouvelles qui séduisent l’amateur de photographie, mais ils seront eux-mêmes sans doute vite remplacés par de plus performants dans un avenir rapproché. Il serait possible de prendre presque n’importe quel objet de consommation – depuis la bicyclette avec dérailleur sophistiqué, la canne à pêche en graphite, les vêtements high tech de sport d’hiver, les planches à voile, les stylos à bille, les automobiles informatisées, les raquettes de tennis, les cuisinières électriques, les dictionnaires et encyclopédies sur cédérom – pour observer une telle mutation des objets qui intègrent des performances techniques.
Innovation sociale et consommation
29Mais les sociologues ont aussi montré qu’il fallait tenir compte des décisions des consommateurs en tant qu’acteurs sociaux pour expliquer la diffusion des biens. La Loi de Engel, connue depuis cent cinquante ans, pose qu’existe une hiérarchie des besoins, la survie étant d’abord assurée avant la satisfaction des désirs de confort ou de divertissement. Dans cette perspective, l’impératif économique domine et la part du budget consacrée à l’alimentation apparaît comme une mesure-étalon du niveau de vie des ménages. « Plus une famille est pauvre, plus grande est la part de ses dépenses totales qu’elle doit utiliser pour se procurer sa nourriture », avance Engel (cité par Berthomieu, 1966, p. 62). Lorsque les régimes communistes se sont effondrés, le niveau de vie moyen des ménages a fortement diminué, et la part des budgets familiaux consacrée à la fonction alimentation a augmenté de manière considérable. Seule la croissance économique ultérieure l’a fait baisser, libérant des ressources pour la satisfaction de nouveaux besoins.
30Le sociologue britannique Gershuny (1983) a cependant mis en évidence un second changement moins connu que la célèbre loi de Engel, en avançant que la manière de satisfaire les besoins dans les ménages changeait dans le temps, ce qu’il nomme l’ « innovation sociale ». « C’est là qu’intervient la technologie, employée ici au sens large pour désigner les techniques en tant que telles et l’organisation sociale qui les entoure. Avec le temps, les manières de satisfaire les divers besoins peuvent changer et modifier ainsi la façon dont les ménages traduisent leurs besoins en demande de produits. Les domestiques, les billets de train, les places de théâtre sont relayés à présent par les appareils ménagers, les automobiles, les magnétoscopes » (Gershuny, 1986, p. 38). Ce n’est pas seulement l’avènement du revenu discrétionnaire qui est à la source d’une transformation de la structure de la consommation, car la nature du besoin et la manière de le satisfaire doivent être distinguées. L’acquisition de biens durables performants sur le plan technologique permet aux ménages de produire eux-mêmes des services aux personnes. Les appareils ménagers et les nouveaux produits consommés (chemises sans repassage, plats cuisinés, etc.) ont remplacé les domestiques, tout comme les systèmes sophistiqués de surveillance ont remplacé les concierges dans la plupart des immeubles de taille insuffisante pour rentabiliser leur engagement. En d’autres termes, les ménages consommeront moins de services finis sur le marché pour acheter plutôt des biens qu’ils intégreront dans la production de leurs propres services. L’innovation sociale reste à étudier presque entièrement d’abord dans les différentes sphères de la consommation (loisirs, déplacements, culture, etc.), mais aussi dans une perspective temporelle.
Une nouvelle culture matérielle
31Si ce qui précède est juste, on peut avancer l’hypothèse qu’une nouvelle culture matérielle s’impose dans les sociétés développées, mais aussi dans les autres qui le sont moins dans un contexte de mondialisation, une culture qui a bien davantage soulevé l’intérêt des anthropologues et qui a été encore peu analysée par les sociologues. De tout temps, les hommes ont fabriqué des objets qui les ont accompagnés dans leur vie quotidienne et leur vie de travail, et les musées témoignent de l’importance de la culture matérielle dans les sociétés d’hier. L’homme et la femme contemporains vivent dans un monde encore davantage envahi d’objets de toute sorte. Béquilles de la vie et orthèses pour les uns, objets fétiches pour les autres, les objets produits dans la sphère marchande sont plus que cela. Ils sont devenus partie prenante de la vie de chaque individu, structurant les modes de vie et les genres de vie, comme le montrent le travail domestique et le divertissement au sein du foyer.
32Rejetant la thèse qu’il existe une distance aliénante entre l’objet produit et l’objet consommé, l’anthropologue britannique Daniel Miller (1987) insiste sur le processus d’appropriation symbolique, par le consommateur, de l’objet consommé qui devient ainsi un objet culturel. L’anthropologue français Jean-Pierre Warnier (1999) se réfère quant à lui à la description célèbre de Mauss (1936) sur les techniques du corps, mais en proposant d’intégrer dans l’analyse sociologique l’utilisation instrumentale des objets. Mauss excluait délibérément, mais à tort pour Warnier, les techniques qui s’étayent sur des objets matériels en restreignant son propos aux seules techniques du corps, alors que l’objet n’est pas complètement extérieur au corps. « En effet, tout ce qui peut être dit des techniques du corps peut être dit du corps mis en objet dans des conduites motrices » (Warnier, 1999, p. 27). L’objet n’a donc pas seulement une valeur signe, il prolonge le corps, comme le montrent la conduite automobile et l’apprentissage de la bicyclette. L’objet prolonge le corps, l’objet est investi de sens, l’objet permet à l’homme de façonner son environnement, comme c’est le cas avec évidence pour l’automobile. Plus largement, les objets de consommation marchande (que ce soit les biens ou les services) sont au cœur d’une profonde transformation des modes de vie qui reste à explorer.
Un nouvel imaginaire social
33L’avènement d’un nouvel imaginaire social est parallèle à l’extension de la consommation marchande (Scitovsky, 1986 ; Ehrenberg, 1988). La frugalité et la prévoyance caractéristiques des genres de vie paysans et ouvriers ont cédé le pas à la recherche du bonheur et du plaisir et à la jouissance immédiate. Acheter pour son plaisir ou pour satisfaire un nouveau besoin – ce qui était vu comme une imprévoyance téméraire à l’époque où la très grande majorité des familles étaient occupées à satisfaire leurs besoins de base – s’est peu à peu imposé comme une nouvelle norme de comportement.
34La recherche du bonheur – qui a été inscrite dans le préambule de la Constitution américaine par les protestants comme une finalité sociale (the pursuit of happiness) – est devenue un trait caractéristique de la société de consommation autant que la recherche de distinction qui a pu caractériser les classes bourgeoises décrites par Veblen et Goblot. Avec le temps, le sentiment de privation chronique des familles ouvrières des villes s’est mué en aspiration à consommer toujours plus (Lebergott, 1993).
35Easterlin (1973) a bien mis en évidence un paradoxe de type tocquevillien : plus le revenu individuel est élevé, plus grande est la satisfaction des individus vis-à-vis d’un certain nombre d’aspects, mais ce lien disparaît, dans une perspective temporelle, au niveau macrosociologique, puisque l’augmentation du revenu moyen n’entraîne pas une augmentation parallèle du niveau de satisfaction moyen. Les aspirations grandissent à un rythme différent de celui des ressources disponibles pour les satisfaire. Les contours de ce nouvel imaginaire social qui s’est mis en place en parallèle à l’émergence de la société de consommation restent à préciser. Un nouveau domaine de recherche est en émergence qui porte sur la mesure d’indicateurs sociaux subjectifs, complément des indicateurs sociaux objectifs qui ont été mis en place depuis les années 1960.
Stratification sociale et consommation
36La consommation marchande a été considérée dans les enquêtes empiriques le plus souvent comme un phénomène dépendant et les indicateurs de la consommation comme des variables dépendantes (du revenu ou des classes sociales, notamment). Or plusieurs travaux faits dans des disciplines à la marge de la sociologie (en marketing, notamment) ont suggéré de considérer la consommation comme élément moteur de styles de vie. Fort critiquée des sociologues, cette notion est pauvre théoriquement et elle présente, en l’état actuel des recherches, un intérêt surtout descriptif. Mais n’y aurait-il pas lieu d’explorer plus avant des hypothèses neuves sur le rôle que la consommation marchande peut jouer dans la reconfiguration des statuts sociaux ?
37Un second chantier de recherches à développer dans le champ des études de stratification sociale, mieux balisé celui-là, porte sur la pauvreté. Les premières enquêtes de budgets de familles menées au XIXe siècle ont en effet servi à caractériser la pauvreté et à illustrer les effets néfastes de l’industrialisation (voir Presvelou, 1968). L’existence de bonnes enquêtes nationales standardisées offre de nouvelles possibilités de mesure de cette réalité complexe. Il existe déjà nombre de mesures de la pauvreté qui sont fondées sur les dépenses de consommation, mesures plus fines que celles qui sont basées sur les seuls revenus des ménages. Deux types de seuils de pauvreté peuvent être établis à partir des enquêtes de consommation : des seuils absolus construits avec l’approche du panier de consommation et des seuils relatifs qui tiennent compte de l’enrichissement des ménages sur de longues périodes. Ainsi l’indice multidimentionnel de pauvreté-richesse utilisé par Gardes, Gaubert et Langlois (2000) pour étudier la pauvreté au Canada considère-t-il comme indicateur de la dimension privation la proportion du budget familial consacrée à la fonction alimentation et comme indicateur de la dimension marginalité sociale une proportion de la dépense totale qui s’écarte en deçà d’une norme fixée par rapport à un groupe de référence. Non d’abord orientés vers la détermination des seuils de pauvreté ou vers l’estimation du nombre de pauvres dans une société donnée, les indices basés sur les types de consommation permettent d’analyser les comportements des pauvres.
Différenciation sociale et convergence des comportements
38Les sociologues réfutent l’hypothèse de l’uniformité des besoins. Leur apport à l’étude de la consommation a montré que les goûts et les besoins des individus et des familles, même à revenus semblables, étaient différents et qu’une augmentation du revenu sur longue période ne conduisait pas nécessairement à une convergence des structures de consommation. Pour eux, les structures de préférence sont interdépendantes, et les choix de consommation se font en référence aux paramètres qui définissent la position occupée au sein de la société. Baudelot et Establet (1979) ont avancé que les familles les moins fortunées consommaient différemment des familles plus riches dont elles rejoignaient le niveau de vie sur longue période.
39Cette hypothèse d’une divergence temporelle a été testée sur des données canadiennes par Gardes, Gaubert et Langlois (2000). Quand une fonction de consommation est dynamique temporellement, c’est-à-dire quand son coefficient budgétaire augmente rapidement lorsque le revenu croît entre deux périodes, la différenciation sociale est plus marquée et les ménages les moins favorisés ne peuvent pas rejoindre la structure de la consommation des ménages les plus riches. Les besoins et préférences révélés par les choix budgétaires sont donc différenciés transversalement mais aussi temporellement. La consommation change aussi de manière marquée au cours du cycle de vie des ménages, mais ce changement est davantage prononcé dans les classes moyennes que dans les classes les moins favorisées ou les plus riches.
Convergence entre sociétés
40La critique de l’américanisation du monde par le biais de la consommation est remontée à la surface à la fin du XXe siècle dans le contexte de la mondialisation des marchés, sous le thème de la macdonalisation du monde (voir les débats autour du livre de Ritzer, 1992). Les États-Unis ayant été à partir des années 1920 la première société de consommation marchande de la planète, on a d’abord eu tendance à associer consommation marchande et civilisation américaine, ce qui n’est plus le cas. La question de la convergence des consommations dans les sociétés développées reste ouverte, mais il est difficile de prétendre sur la base des travaux existants que le monde s’uniformise ou s’américanise. Les critiques de la mondialisation ne remettent pas en cause la consommation marchande elle-même, mais elles s’inquiètent plutôt du déséquilibre dans les rapports de force sur les marchés mondiaux entre les États-Unis d’un côté et leurs autres partenaires commerciaux de l’autre, la France et le Canada défendant par exemple l’adoption de politiques commerciales protectionnistes dans le secteur des industries culturelles au nom de l’idée d’exception culturelle.
41Les sociologues ne voient plus la consommation marchande de la même façon qu’il y a trente ans, et la sociologie de la consommation apparaît comme un champ de recherche en plein développement. Ce champ ou ce chantier est très vaste comme on vient de le constater, puisqu’il touche autant la société globale que l’étude des comportements au niveau microsociologique le plus fin. Mais il reste encore à développer une théorie sociologique plus achevée de la consommation marchande. Le défi est double : il faut expliquer les comportements des acteurs, mais il faut aussi expliquer et analyser la place du phénomène même de la consommation marchande dans la société.