Si Balzac fut un précurseur de la sociologie, c’est sous la forme particulière de la sociologie dite « analytique », triplement héritée de Max Weber par la dimension compréhensive plutôt qu’explicative, par la neutralité à l’égard de l’objet, et par la méthode idéal-typique. C’est à la lumière de ce dernier point que sont interprétés quelques-uns des plus grands personnages de Balzac, comme autant d’idéal-types : Frenhofer en artiste romantique, Louis Lambert en savant génial, Lucien Chardon-de Rubempré en poète aristocratisé, Lucien de Rubempré en dandy, Lucien Chardon en poète raté, Camille Maupin en femme-auteur, Joseph Bridau en créateur mal-aimé. Ainsi, Balzac apparaît comme un pionnier de la sociologie compréhensive des représentations.
Article
Pour écrire L’Élite artiste, j’aurais pu m’appuyer entièrement sur Balzac, en tant que descripteur et analyste des transformations de l’élite au xixe siècle. D’autres romanciers, certes, m’ont été utiles, ainsi que des auteurs de mémoires, journaux intimes, correspondances, qui m’ont apporté des matériaux précieux pour élaborer cette sociologie des représentations du statut d’artiste. Mais sans les fictions balzaciennes, il me semble que je n’aurais jamais pu aller au bout de cette entreprise – ni même, d’ailleurs, en avoir l’idée.
Reste à comprendre pourquoi. Je vais donc mettre à profit cette occasion de retour réflexif pour essayer de dégager, aussi précisément que possible, en quoi l’œuvre de Balzac est si profondément, et si originalement, sociologique. Et j’illustrerai ensuite ma proposition avec quelques-uns des exemples les plus saillants parmi les héros balzaciens dont l’histoire exemplifie les mutations de l’élite française à partir de la deuxième génération après la Révolution.
« Balzac précurseur de la sociologie » : cette affirmation peut sembler paradoxale étant donné qu’il n’a nullement travaillé avec les outils du sociologue. Il n’a jamais utilisé de statistiques (et pour cause : à l’époque où il écrivait elles commençaient seulement à être produites en France, et il faudra attendre la toute fin du siècle pour qu’un sociologue, Émile Durkheim, s’en empare comme outil pour son enquête sur le suicide). Il n’a jamais procédé à des enquêtes ethnographiques, comme son contemporain Frédéric Le Pla…
Résumé
Plan
- Balzac en sociologue weberien
- Frenhofer en idéal-type de l’artiste romantique
- Louis Lambert en idéal-type du savant génial
- Lucien Chardon-de Rubempré en idéal-type du poète aristocratisé
- Lucien de Rubempré en idéal-type du dandy
- Lucien Chardon en idéal-type du poète raté
- Camille Maupin en idéal-type de la femme auteur
- Joseph Bridau et l’idéal-type du créateur mal aimé
- Littérature et sociologie analytique
Auteur
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 06/01/2021
- https://doi.org/10.3917/balz.021.0207

Veuillez patienter...