En épistémologie comme en art, les périodes fastes – riches en naissances heureuses – sont indissociables de celles de gestation où la fermentation critique de l’ordre établi s’opère. L’histoire populaire commémore, essentiellement après-coup, cette créativité en scotomisant souvent le prix payé par ses géniteurs : une conflictualité interne et environnementale accrue avant et après cet avènement. De fait, l’accueil et l’intégration réservés aux apports novateurs cristallisent parfois avec violence l’écart entre productions attendues et œuvres produites !
Ruptures et continuité du lignage culturel répètent sans doute les mises en scène de la filiation humaine. Aussi, en suivant le fil rouge de la parentalité, c’est-à-dire du processus du « devenir parent », nous sommes au cœur d’une interrogation matricielle toujours d’actualité : comment se transmet, au fil des générations, notre paradoxale humanité source simultanée de fécondité et de conflits tragiques ?
Ce questionnement fondateur sur le processus de transmission psychique à travers les générations (Houzel, 1997 ; Stoleru, 1989) est devenu un objet de recherche clinique privilégié relativement récemment. Initialement, sous l’intitulé de parenthood chez les pionniers anglo-saxons (Benedek, 1959) puis, de parentification et enfin, de plus en plus communément, de parentalité, il s’impose aujourd’hui comme un axe majeur et fédérateur en santé mentale francophone.
Pour explorer cette parentalité en mouvement, je vais d’abord en esquisser un tableau sociologique puis, à partir d’une définition générique, en aborder successivement deux segments emblématiques : l’avant et l’après naissance qui constituent l’espace-temps de la périnatalité psychique…