Si la relation parents/bébé est une histoire qui mobilise nombre d’affects et d’émotions, croire ou se faire croire qu’elle est seulement une histoire d’amour serait gravement illusoire et passablement fallacieux. En revanche, la part d’amour qui fait partie de l’ambivalence physiologique propre à cette relation a peut-être quelque chose à voir avec l’Amour fou, et c’est ce que j’aimerais essayer de faire valoir au fil de ces quelques pages.
Si l’amour est œuvre d’art, alors même dans la perspective ambivalentielle qui vient d’être rappelée, le développement du bébé peut sans doute également être conçu comme une œuvre d’art. C’est le premier point que je développerai, avant d’envisager successivement les grandes questions existentielles du bébé, la naissance de l’objet et, enfin, la problématique de la synchronie qui se trouve au cœur des interactions précoces, comme des histoires d’amour en général.
L’œuvre d’art fonctionne, en réalité, comme « l’Amour fou » qu’André Breton (1937) définissait par cette si jolie phrase : « Je m’étais perdu(e) à moi-même, et tu es venu(e) me donner de mes nouvelles ».
Le bébé a besoin d’un amour fou bilatéral pour rendre possibles sa croissance et sa maturation psychique, amour fou qui n’exclut pas pour autant, je le répète, une inévitable part d’ambivalence… Le bébé nous donne de nos nouvelles, pour autant que nous sachions l’accueillir au plus intime de nous-mêmes, c’est-à-dire au niveau de nos propres parties infantiles.
Alors, et alors seulement, nous pouvons lui renvoyer ce dont il a besoin pour se construire, pour se sentir exister, et pour se représenter le monde sur un mode qui lui soit spécifique…