C’est dans le cadre du séminaire sur l’adoption internationale que nous faisons fonctionner depuis maintenant plusieurs années que nous avons peu à peu dégagé ce concept de filiation narrative ou d’axe narratif de la filiation, qui nous paraît désormais pouvoir être véritablement proposé comme un quatrième axe susceptible de venir utilement compléter les trois axes de la filiation définis, en son temps, par J. Guyotat (1980). L’adoption internationale pose en effet au maximum la question de la quête des origines dont la mise en récit s’avère d’autant plus essentielle que l’enfant venu d’ailleurs est porteur d’une double étrangeté (Golse, 2012). Ceci étant, cet axe narratif de la filiation a probablement une portée plus générale, concernant tous les enfants, y compris les enfants biologiques, même si en ce qui les concerne, cet axe narratif se déploie sans doute de manière plus spontanée et moins explicite, au singulier et de manière moins conflictuelle, le plus souvent.
La filiation peut se définir comme un vécu d’appartenance réciproque, vécu qui, une fois mis en place, nécessite d’être remis en chantier tout au long de l’existence au sein d’un processus progressif d’adoption mutuelle entre adultes et enfants, y compris, là aussi, dans le cadre de la filiation biologique.
Ce processus s’inscrit ainsi dans la durée, et il est difficile de dire s’il s’agit d’un sentiment qui renvoie à l’affect, d’une croyance qui renvoie au mythe ou d’une conviction qui renvoie au délire (Golse, 1988), d’où notre recours au terme de vécu, de ressenti ou d’éprouvé d’une appartenance réciproque, l’enfant se ressentant comme l’enfant de ces parents-là, et les adultes se ressentant comme les parents de cet enfant-là…