Les trois dernières décennies ont été marquées par une mutation sans précédent de l’économie mondiale, souvent résumée sous le terme de « globalisation ». Dans le même temps, les notions de « tiers-monde » ou d’« émergence », comme la distinction entre économies développées – ou « avancées » – et « pays pauvres et en développement », parfois désignés par euphémisme « pays les moins avancés », ont été fortement brouillées. Il faut donc en passer par un peu de taxonomie.
L’expression « tiers-monde » aurait été introduite en 1952 par l’économiste et démographe Alfred Sauvy. Elle a donné lieu à sa dérivée, le « tiers-mondisme », souvent connotée de façon péjorative, car portée par un courant de pensée d’inspiration chrétienne parfois caricaturé comme exprimant un sentiment de culpabilité et de mauvaise conscience des puissances impérialistes, à l’opposé d’approches plus radicales, inspirées par les nouveaux courants de l’économie du développement, en faveur des luttes de libération nationale. Cependant, le terme de « tiers-monde » a eu aussi un contenu géopolitique. Il a ainsi été revendiqué dans les années 1950 et 1960 par des pays asiatiques et africains « non alignés » dans un monde partagé en deux blocs, américain et soviétique.
Le concept d’économie émergente est, quant à lui, apparu au début des années 1980 dans les rapports des institutions internationales, notamment de la Banque mondiale. Mais il a été à l’origine conçu par des grandes banques d’investissement, soucieuses d’offrir aux investisseurs internationaux une nouvelle classe d’actifs à rendement potentiellement élevé et leur permettant de diversifier leurs risques…