Pascal Boniface – Quelles ont été, selon vous, les évolutions majeures survenues au cours des trente dernières années dans le champ des relations internationales, et qui trouvent à façonner leur cours actuel ?JEAN-PIERRE RAFFARIN – Ces trente dernières années ont été particulièrement fertiles en changements de surface, mais aussi de profondeur. Sans les hiérarchiser, je mettrai cependant au premier plan le rapprochement entre la Chine et la Russie. Naturellement, il est aujourd’hui frappant de constater à quel point la tension sino-américaine est structurante des relations internationales. Une conséquence, qui d’ailleurs avait émergé auparavant et qui est très importante, notamment pour l’Europe, est que les États-Unis ont parallèlement développé leurs tensions avec la Russie et avec la Chine, ce qui est une forme d’abandon de la doctrine Kissinger. Nous nous trouvons ainsi dans une situation internationale dans laquelle les tensions sont puissantes, et pour lesquelles il y a un rapprochement stratégique Chine-Russie qui est une donnée nouvelle, d’une certaine manière, puisque les chancelleries ne pariaient pas sur cette capacité de ces deux grands pays à histoire communiste à pouvoir s’entendre. Leur proximité actuelle me paraît être une question à la fois prégnante et, pour l’instant, insuffisamment étudiée. Il s’agit de la première ligne de force de ces trente dernières années : à la guerre froide avec la Russie succède une guerre froide avec la Chine, mais, finalement, ces deux pays essaient de réagir ensemble…