Pascal Boniface et Marc Verzeroli – Revenons un instant sur votre parcours : comment s’est développé votre engagement militant ?
Rokhaya Diallo – J’ai eu la chance de grandir dans des quartiers assez divers, dans le 19e arrondissement de Paris et à La Courneuve, où le fait d’être une Française noire n’était pas un sujet. J’ai ensuite fait des études de droit, puis de production audiovisuelle. Et plus j’ai avancé dans ces études, moins il y avait de gens qui me ressemblaient. À ce moment de ma vie, j’ai été pour la première fois questionnée sur mes origines, sur ma provenance supposée. Je l’ai vécu comme une interrogation plus large sur la France : pourquoi des gens pouvaient imaginer que je n’étais pas vraiment française et que je venais d’ailleurs simplement à cause de mon apparence ?
Avant cela, je m’intéressais à beaucoup de choses de manière informelle, sans être engagée dans des collectifs. J’ai alors eu des chocs de lecture. Le premier avec L’étau d’Aminata Traoré, qui est une histoire de la colonisation, de la décolonisation et des rapports inextricables entre les anciennes colonies et les anciens colonisateurs. No Logo, de Naomi Klein, m’avait également interpellée concernant l’exploitation des pays du Sud.
Je me suis donc engagée à Attac en tant que bénévole. J’ai rejoint durant la même période Mix-Cité, l’association fondée par Clémentine Autain, que je trouvais intéressante car elle questionnait le féminisme sans forcément avoir une vision déterministe ou différentialiste des genres…