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Olivier de France, François-Bernard Huyghe et Marc Verzeroli – Civilisation, votre dernier ouvrage, s’ouvre par une réflexion sur Paul Valéry…
Régis Debray – Valéry est un génie géopolitique, même s’il n’utilise pas ce mot, qui était allemand. Il a eu la chance de comprendre le monde parce qu’il s’en tenait écarté – je rappelle qu’il est un poète. Valéry comprend avant les autres tout ce qui se trame entre les continents et les puissances.
En 1897, il se trouve à Londres, où il écrit un article dans lequel il explique aux Anglais qu’ils vont devoir faire la guerre aux Allemands – ce qui, en 1897, peut sembler étonnant. Dans cet « Essai d’une conquête méthodique », ce sont les rouages de l’hégémonie allemande qui intéressent Valéry : au fond, il est toujours un ingénieur, un ouvrier, un technologue – nous dirions un médiologue : il s’intéresse donc au « comment ».
Valéry discerne très bien les deux modalités de la puissance allemande : la tonitruante et la silencieuse. La première est militaire, la seconde est industrielle. Il constate d’abord que la flotte allemande est devenue l’équivalent de la flotte britannique. Il discerne le fait que la suprématie militaire allemande, prouvée dans la guerre de 1870, se poursuit en matière industrielle.
Sa thèse est qu’il existe une méthode allemande, qui est à la fois prévision et précision, et qu’elle réside dans la discipline. Il n’est pas possible de faire de la géopolitique si l’on n’a pas une idée de la psychologie des peuples, de ce que l’on appelle le génie national…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 29/06/2018
- https://doi.org/10.3917/ris.110.0051

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