Les récentes déclarations de Vladimir Poutine, annonçant fièrement au monde la mise au point d’un missile hypersonique contre lequel il n’existerait aucune parade, ont contribué à la réapparition des questions de dissuasion nucléaire dans le débat public. Celle-ci est, depuis plus de cinquante ans, au cœur de l’indépendance stratégique de la France, dont elle est l’ultime garante des intérêts vitaux. Cette constance est le fruit d’une volonté politique continue trouvant son expression dans le maintien au plus haut niveau de crédibilité d’un outil de dissuasion adapté aux menaces de son temps. Elle a aussi été rendue possible par une veille technologique et doctrinale permanente, au fil des évolutions du contexte stratégique mondial.
Pour autant, à l’heure où les menaces se font plus diffuses, plus interdépendantes, mais pas moins nombreuses, à l’heure aussi où la frontière entre paix, crise et guerre se fait plus difficile à établir, peut-on encore affirmer que la pertinence de la dissuasion nucléaire ne sera pas remise en cause ? L’apparition de technologies disruptives, surtout dans le domaine du numérique, ouvre un champ de perspectives et d’interrogations sur la manière dont se conduira demain la guerre. Au point de rendre la dissuasion nucléaire obsolète ?
Les ruptures numériques menacent la dissuasion nucléaire d’obsolescence si rien n’est fait pour les contrer, mais peuvent également, et inversement, renforcer sa crédibilité et sa pérennité. Cependant, la crédibilité de la capacité technique et militaire à garantir la dissuasion nucléaire est la plus directement menacée d’obsolescence par l’apparition de ruptures technologiques, en particulier dans le domaine du numérique…