CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International

Parmi les plus célèbres programmes informatiques de Traitement Automatique du Langage Naturel (TALN), citons CHATTERBOT, développé en 1989 pour le jeu «TinyMUD» (Mauldin, 1994). Par contraction, il donne naissance à «chatbot» défini comme «un programme logiciel qui interagit avec les utilisateurs en utilisant le langage naturel» (Ciechanowski et al., 2019, p. 540). Beaucoup d’entreprises de secteurs variés (santé, éducation, divertissement, télécommunication, banques, e-commerce, etc.) font usage de chatbots textuels. Utilisés dans les domaines de la communication et du marketing relationnel, ils contribuent à la digitalisation de la relation entre une entreprise et ses clients.
Ces artefacts conversationnels soulèvent des questions de conception et de perception. Notre recherche porte sur ce que leurs utilisateurs perçoivent des chatbots. Elle s’appuie sur des concepts issus de la cyberpsychologie et de la captologie. La cyberpsychologie (Tisseron & Tordo, 2021) s’intéresse aux rapports que l’humain entretient avec les machines et cherche à déterminer en quoi leur usage peut affecter son esprit. La captologie dite «technologie persuasive» vise à créer les conditions d’interaction entre la machine et l’humain permettant de façonner ses attitudes et comportements. Ces deux disciplines peuvent être associées dans l’étude des rapports des humains aux chatbots : la cyberpsychologie place le paradigme CASA (Computer Are Social Actors) en perspective de ses réflexions, faisant des machines des acteurs sociaux à part entière (Nas…

linkThis article is available in English on Cairn International
Français

Dans cet article, nous nous intéressons aux déterminants psychiques, d’ordre projectif, qui sont à l’œuvre dans l’interaction entre l’humain et les agents conversationnels dits chatbots. Nous nous situons à l’intersection de la psychologie appliquée aux rapports des humains aux machines (cyberpsychologie) et des technologies persuasives (captologie). Ces deux disciplines présentent des approches complémentaires des chatbots. Il s’agit, pour l’une, de déterminer en quoi les usages de ces artefacts peuvent affecter l’esprit humain et, pour l’autre, d’identifier les conditions interactives permettant d’influencer les attitudes et les comportements des humains. Ainsi nous nous demandons sur quels mécanismes projectifs la captologie peut s’appuyer pour être plus performante. Une enquête quantitative d’envergure (n = 1019) est effectuée à partir d’une sélection de quatre types de chatbot. Une majorité de répondants projettent des contenus de nature anthropomorphe dans le chatbot qu’ils ont choisi. Cet anthropomorphisme rend possible un attachement à la machine facilitant les mécanismes de persuasion et d’influence comportementale. Mais une majorité de répondants n’identifient pas le chatbot aux projections anthropomorphes dont il fait l’objet et nous en faisons une interprétation psychanalytique originale. Celle-ci permet de relativiser le pouvoir de persuasion affiché de la captologie et, paradoxalement, de faire de l’éthique le vecteur d’une performance accrue. Des recommandations aident les professionnels du marketing conversationnel et de la captologie à améliorer la perception et l’acceptabilité des chatbots.

  • chatbot
  • technologies persuasives
  • cyberpsychologie
  • anthropomorphisme
  • identification projective
Thierry Curiale
Thierry CURIALE, après de nombreuses années d’expérience professionnelle dans le management, le marketing stratégique et le design de services numériques, est aujourd’hui chercheur au sein d’Xperience Design Lab du Groupe Orange, Doctorant au CNAM et membre associé de l’IERHR (Institut pour l’Etude des Relations Humains-Robots). Ses recherches portent sur l’attachement affectif aux machines et sur les questions éthiques qu’il peut poser.
François Acquatella
François ACQUATELLA est Maître de Conférences en économie digitale à l’IAE-Limoges. Il y enseigne les systèmes d’information et l’entrepreneuriat digital. En collaboration avec des partenaires institutionnels et chercheurs internationaux, il examine les transformations organisationnelles des entreprises liées aux technologies numériques. Ses récentes recherches portent sur les nouvelles formes de design des plateformes en pointant le rôle prégnant des technologies de l’intelligence artificielle.
Laetitia Gros
Laetitia GROS est chercheuse à Orange Labs à Lannion. Après un Diplôme d’Etudes Approfondies en Acoustique, Traitement du Signal, Informatique Appliqués à la Musique (ATIAM) à l’IRCAM, elle a obtenu un doctorat d’acoustique de l’Université d’Aix-Marseille en travaillant sur l’évaluation de la qualité vocale perçue, ainsi qu’un Diplôme Universitaire d’Audiologie à l’Université de Bordeaux. Ses travaux de recherche portent sur les méthodologies d’évaluation de la qualité audiovisuelle perçue des services et technologies de télécommunications (télé/visiophonie, audio/visioconférence, son3D…) et de façon plus générale, sur les méthodologies d’évaluation de la qualité de l’expérience utilisateur, avec plus récemment une prise en compte des émotions.
Mathilde Cosquer
Mathilde COSQUER est docteure en psychologie cognitive et ergonome et chercheuse à Orange Labs à Lannion. Ces travaux portent actuellement sur les services de communication interpersonnelle. Elle est la co-auteure de « Méthode agile centrée utilisateurs », 2013, Lavoisier.
Serge Tisseron
Serge TISSERON est Psychiatre, docteur en psychologie HDR, co-responsable du DU de Cyberpsychologie (Université de Paris), co-fondateur et Président de l’IERHR, Membre du Conseil scientifique du CRPMS (Université de Paris, ED 450), Membre de l’Académie des technologies, membre du Conseil national du numérique. Il réalise sa thèse de médecine en 1975 sous la forme d’une bande dessinée et découvre le secret familial de Hergé uniquement à partir de la lecture des albums de Tintin. Il publie une quarantaine d’essais notamment sur les secrets de famille et les relations aux images, traduits dans douze langues. Il travaille actuellement sur la façon dont les technologies numériques nous transforment. Derniers ouvrages parus : Le Jour où mon robot m’aimera, Vers l’empathie artificielle (Albin Michel) ; Petit traité de cyberpsychologie. (Le Pommier) ; L’Emprise insidieuse des machines parlantes, plus jamais seuls (Ed. LLL). Son site de référence : http://www.sergetisseron.com
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Il vous reste à lire 97 % de cet article.
Acheter cet article 5,00€ 23 pages, format électronique
(html et pdf)
add_shopping_cart Ajouter au panier
Autre option
Membre d'une institution ? business Authentifiez-vous
Mis en ligne sur Cairn.info le 02/05/2022
https://doi.org/10.3917/rips1.072.0101
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour ESKA © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...