L’« entreprise de soi », encensée depuis une vingtaine d’années comme vecteur de réalisation de soi, semble résonner telle une incitation exposant le travailleur contemporain (Chemama, 2012), bousculé par les transformations du marché de l’emploi, de la digitalisation des activités et de la mondialisation de l’économie, au truchement de pathologies du présent (Bonneville, 2001), du vide et de l’agir (Diet, 2015). L’individu, devant prendre les rênes de sa propre trajectoire, connaît alors un bouleversement des cadres normatifs, de gouvernance, de management, eu égard au système du salariat classique : « Aux mouvements collectifs de la tradition salariale, plus politisés, se substituent des trajectoires individuelles motivées par la performance communicationnelle sur le modèle de la relation client/fournisseur » (Gramaccia, 2015 : para. 4).
Ces injonctions rejoignent l’importance que prend le travail indépendant dans la société. Il peut être le standard de certaines professions (professions libérales, artisans, mais aussi graphistes ou traducteurs par exemple), ou un phénomène plus nouveau, choisi (informaticiens, consultants…) ou subi (économie de plateforme, alternative au chômage…) (D’Amours, 2006). Présenté parfois comme une solution au chômage de masse et au manque de croissance tout comme une aspiration générationnelle, ou à l’inverse comme l’expression de nouvelles formes d’exploitation (D’Amours, 2010), c’est un sujet qui, dans tous les cas, est largement présent dans les champs médiatique, politique et social, quelle que soit par ailleurs sa réalité numéraire (Fox, 2014)…