CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le crowdfunding, ou financement par la foule, bien que représentant une fraction du financement total dans le monde, a connu une croissance continue au cours des dernières années, pour atteindre un seuil d’environ 34,4 milliards de dollars levés en 2015 (Massolution, 2016) On peut définir le crowdfunding comme un appel de ressources financières, ouvert principalement par le biais de l’Internet, soit sous forme de don, d’échange de futurs produits ou sous la forme de rétribution et/ou de droits de vote (Lambert, Schwienbacher, 2010). Depuis l’origine, il est surtout utilisé par les entrepreneurs qui ne sont pas en mesure d’obtenir un financement par un biais classique (financement bancaire ou private equity). Dans la pratique, les raisons pour lesquelles ces entrepreneurs se livrent à des opérations de levées de fonds sont nombreuses, et il existe une sorte de hiatus entre les opérations de crowdinvesting (pratique ancienne, notamment par le biais des financements artistiques ou littéraires par souscription, qui restent d’actualité bien que d’un usage très limité) et celles de crowdfunding, entraînant au passage une entropie des mécanismes de contrôle, alors même que les volumes financés ne cessent d’augmenter.

2Le crowdfunding, au medium que représente la plateforme de crowdfunding près, est une technique relativement ancienne, proche de la souscription publique [1] (Schwienbacher, 2015, p. 54) ou de la tontine (pratique de micro financement que l’on retrouve notamment dans plusieurs pays d’Afrique ou d’Asie). À la différence de ces pratiques, l’usage d’Internet dans le cadre d’une opération de crowdfunding permet une démocratisation de l’accès à l’information relative au projet à financer, et génère des conditions spécifiques, tant en termes de nombre de contributeurs, de communication, que de modalités de filtrage et de contrôle des projets présentés. En résultent des mécanismes de contrôle qui ne sont ni prévus initialement, ni régulés par les acteurs les plus influents (ou du moins les plus agissants) de cette relation. Devant un risque de spoliation bien réel, la foule, cette communauté souvent éphémère, et dont l’existence ne doit qu’au seul projet en cours, produit, au travers des outils mêmes qui permettent le crowdfunding moderne (en particulier les interactions sur les réseaux sociaux), son propre travail institutionnel. Ce travail institutionnel joue soit en création, en maintenance, ou en déstabilisation des institutions existantes. Institutions en place qui jouent souvent à l’avantage des plateformes et des entrepreneurs, autres acteurs majeurs de ces interactions. Selon les typologies de relations, et en particulier les modalités de capital social en œuvre, ressource majeure du crowdfunding, différentes innovations sociales spontanées traduisent ce travail institutionnel pour chacune des parties prenantes participant à la relation éphémère qu’est une campagne de crowdfunding.

3Cet article vise à éclairer, au travers d’une approche néo-institutionnaliste étendue (DiMaggio, Powell, 1983 ; Leca, 2006), les innovations issues du travail institutionnel des acteurs de ces campagnes, et portant sur le contrôle des décisions prises au sein des opérations de crowdfunding. Pour ce faire, il s’ouvre sur une revue de littérature portant sur le phénomène de crowdfunding lui-même dans sa diversité, et sur l’approche institutionnelle, exposant notamment la rareté de son application au crowdfunding. Cette section se poursuivra par l’exploration des notions d’entrepreneur et de travail institutionnels et se refermera sur la question du capital social. Ce travail visera alors, face au constat d’une lacune dans la littérature existante, à établir le lien entre crowdfunding, institutionnalisme, et capital social. Une discussion concernant le fonctionnement de ces modèles et mécanismes au niveau des acteurs en présence, nous permettra alors de proposer une grille de lecture des mécanismes de contrôle émergents liant typologie de capital social et travail institutionnel dans le cadre particulier d’une campagne de crowdfunding.

Revue de littérature

4Nous verrons dans une première section que la particularité de la littérature sur le crowdfunding tient au fait que ce « véhicule » couvre des situations très variées, allant du financement de projets de taille limitée (organisés sur la base de réseaux familiaux et sociaux de proximité) jusqu’aux mastodontes du domaine (certains projets permettant la levée de plusieurs dizaines de millions d’euros) qui ne peuvent généralement voir le jour qu’en plusieurs campagnes et par le biais d’une ou plusieurs plateformes spécialisées. Ces projets peuvent prendre la forme d’achat anticipé (c’est le cas de la majorité des projets liés à l’art, l’artisanat ou les nouvelles technologies), d’accès précoce (early access, format désormais classique dans l’industrie du jeu vidéo), de simples campagnes de dons (projets financés par love money, projets caritatifs, ou encore performances artistiques) et de campagne de capital investissement (private equity). Mais une caractéristique commune à tous ces types de projet tient en l’absence de contrôle direct et leur organisation via les technologies de l’information de type Web 2.0.

5Dans une seconde section, nous étudierons la littérature académique néo-institutionnaliste, en liaison avec le phénomène de crowdfunding. Après l’exposé de notre démarche bibliographique et les constats qui en ont découlé, cette revue de littérature se refermera sur la notion de capital social, ressource majeure des parties prenantes dans notre cadre qui nous permettra, dans la partie suivante, de traiter l’interaction de ces éléments au sein, et autours, des campagnes de crowdfunding par le jeu des acteurs en présence.

Crowdfunding

Un phénomène multiforme

6Les pratiques de levées de fonds auprès de la foule contribuent à questionner les voies ouvertes par les théories du contrôle et la gouvernance en général. De ce point de vue, l’essentiel de la littérature est positionné sur des publications professionnelles, s’attachant à décrire la diversité des pratiques de financement (dons, dividendes, produits gratuits…), plutôt que sur des publications académiques (Mollick, 2014). Pour Ahlers et al. (2015), crowdfunding est un terme générique, regroupant un certain nombre de pratiques de levée de fonds. Bessière et Stéphany (2014) centrent de leur côté la discussion sur l’equity crowdfunding, pratique loin d’être majoritaire en termes de nombre de projets (Massolution, 2016) et pour laquelle le cadre institutionnel existant est très restrictif. Dans l’ensemble de ces cas, la question de l’intégration des parties prenantes au processus de contrôle interpelle le chercheur. En intégrant les intermédiaires financiers, tels que les plateformes de crowdfunding, la foule comme un groupe de bailleurs de fonds, et d’autres parties prenantes plus traditionnelles (banques, fournisseurs, etc.), les règles du jeu institutionnel se trouvent fortement perturbées. En effet, d’un certain nombre de points de vue (taille, appétence au risque, horizon de réalisation, structure décisionnelle…), les organisations qui se financent par crowdfunding diffèrent des organisations classiques ; c’est même souvent là ce qui fonde leur recours à cette forme de financement (Gerber, Hui, 2013). Les questions de la propriété et du contrôle restent en suspens dans la littérature centrée sur les pratiques de crowdfunding mais sont vues comme problématiques (Hazen, 2011).

7On note le plus souvent une propension des entrepreneurs faisant appel au financement par la foule à avoir des difficultés d’accès aux prêts bancaires ou au capital-risque, principalement en raison d’asymétries informationnelles intrinsèques et d’une incapacité structurelle des jeunes pousses à fournir des preuves crédibles de leur pérennité (Cosh et al., 2009 ; Johnson et al., 2010). Ils justifient ce recours en faisant référence à un désir de communiquer par ce biais autour de leur projet, de bénéficier d’une opportunité d’apprendre de leur future communauté d’utilisateurs, ou simplement de garder le contrôle de leur entreprise (Gerber, Hui, 2013). Ces raisons d’utiliser le crowdfunding comme moyen de financement, qu’elles soient de nature négative (l’impossible accès au financement bancaire par exemple), ou de nature positive (le désir de bénéficier des informations et idées apportées par les contributeurs), permettent non seulement d’expliquer la défiance de certains investisseurs vis-à-vis de ce type de « véhicule », mais aussi celle de certains entrepreneurs eux-mêmes. Ces derniers peuvent en effet reculer face aux dangers créés par ce type d’opération de financement. Par exemple, l’opération devant être fortement communiquée pour réussir, l’exposition publique d’un échec et l’effet de preuve négative de la viabilité de l’entreprise en cas d’incapacité de celle-ci à mobiliser un capital social suffisant seraient autant d’obstacles majeurs à une deuxième tentative d’obtention des fonds, quel qu’en soit le moyen (crowdfunding futur ou financement classique).

Typologies de crowdfunding, réglementations et contrôle

8Face à ces différents questionnements, de nombreuses possibilités de financement par la foule peuvent être envisagées, souvent en fonction de choix vus comme acceptables pour l’industrie concernée, ces choix incluant en particulier les modes de rétribution envisagés : identification et communication au sein d’une communauté, produits gratuits, remises sur le prix final d’un produit, titres de propriété… (Belleflamme et al., 2013 ; Mollick, 2014). Si la dénomination crowdfunding contribue à décrire le phénomène de levée de fonds marginale et atomisée auprès d’un grand nombre d’individus, la réalité des pratiques montre une grande diversité de dispositions organisationnelles et juridiques quant à la décision de recourir à l’une ou l’autre en fonction à la fois de la situation des entrepreneurs, de l’industrie, du projet ou simplement de ce qui est possible ou accessible, ainsi que des préférences et habitudes de la foule concernée (Belleflamme et al., 2013 ; Kraut et al., 2012). Par conséquent, les modalités de contrôle entre les bailleurs de fonds et le porteur de projet ont tendance à varier, et la plupart des actions menées par ces entrepreneurs sont liées soit à l’obtention d’une décision de financement initiale de la part de la communauté des financeurs, soit à la pression s’exerçant sur eux par celle-ci via la communication sur les médias sociaux (Gerber, Hui, 2013 ; Chaboud, 2016).

9La multiplicité des formes que peuvent prendre les projets soumis à la foule a sans doute été la source du flou réglementaire caractérisant initialement le crowdfunding, rendant ces questions à la fois plus prégnantes et complexes à résoudre (Agrawal et al., 2014). Cette absence de réglementation n’est cependant plus aussi réelle à ce jour, nous pouvons citer notamment les normes issues de la dynamique du Jobs Act de 2012 aux États-Unis (Jumpstart Our Business Startups Act, loi destinée à encourager la création de petites entreprises), aujourd’hui traduite par la Security and Exchange Commission (SEC) dans le cadre du Regulation Crowdfunding encadrant de manière très stricte l’equity crowdfunding. De la même manière, en France, après les lois d’octobre 2014 et le décret du 28 octobre 2016 relatifs aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif, le régulateur propose désormais un cadre clair, au moins en termes des limites au recours à cette forme de financement et des sommes pouvant être investies. Il est intéressant de noter que dans un cas comme dans l’autre les réglementations émergentes sont moins restrictives que ce que permettait l’application du cadre général au crowdfunding.

10La situation de l’equity crowdfunding était en effet caractérisée par une prohibition pure et simple aux États-Unis, et des limites d’investissement très défavorables en France, pour ne citer que ces deux situations, exemplaires du traitement de ce phénomène. Ces formes sont très régulées car ce domaine est confronté à la crainte de basculements des pratiques d’investissement vers un champ laissé libre à des acteurs non traditionnels, alors même que les crises financières sont encore présentes dans tous les esprits. De son côté, la pratique majoritaire du crowdfunding qu’est le don contre don reste affiliée à un cadre général faiblement contraignant. Le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP), obligatoire pour les plateformes pratiquant le crowdfunding sous forme de prêt, n’est qu’une option basée sur le volontariat pour les plateformes de don contre don. Et si celles-ci peuvent par exemple obtenir le label « plate-forme de financement participatif régulée par les autorités françaises », celui-ci ne fait qu’indiquer une simple conformité à la loi.

11Cette multiplicité de situations fait que les projets de crowdfunding présentent des caractéristiques particulières, tant en termes de champ d’application, que de structuration de leur mode de financement ou de communication auprès de leurs différentes parties prenantes. La motivation-même des porteurs de projet et des financeurs diffère de celle observée en seed-capital, tant du point de vue de l’atomicité des financements que de leur échéance. Les parties prenantes impliquées dans ce type de projet n’attendent pas nécessairement de retour sur investissement sous la forme d’intérêts, de dividendes ou de plus-value (Hemer, 2011). Les apports sont ainsi assimilés soit à des dons ou du sponsoring, soit à des avances de trésorerie, en vue de la délivrance d’un produit ou service futur (Lambert, Schwienbacher, 2010 ; Hemer, 2011). Le porteur de projet reste donc, dans ce cas, le seul propriétaire d’un point de vue légal. La démarche de financement de la part de la foule est alors fortement imprégnée d’un caractère revendicatif, communicationnel, voire prosélyte (on communique sur ses goûts, ses attentes vis-à-vis d’un produit ou d’un projet). Du fait de la faible contribution financière individuelle, aucun crowdfunder ne peut se revendiquer d’avoir la légitimité à exercer un droit de contrôle formel et direct sur les décisions prises par le porteur de projet (que l’on peut assimiler à un dirigeant entrepreneur faisant appel à une syndication pour financer le démarrage de son activité). Le risque d’opportunisme exercé par les porteurs de projet est donc maximal, la menace principale résidant dans la spoliation des contributeurs. En retour, les membres de la foule agissent comme des garants de la culture organisationnelle propre à la communauté (Schein, 2010). À la source de cette position, Howe (2009) identifie 4 piliers dans la démarche de crowdsourcing :

  • la formulation d’un avis par la foule sur le choix d’un mode d’organisation ou des caractéristiques d’un produit (crowd voting) ;
  • l’émergence de l’opinion d’un groupe d’individus plutôt que d’un seul expert, prenant la forme d’une forme de sagesse collective (crowd wisdom) ;
  • le recours à la créativité de la foule pour faire émerger de nouvelles caractéristiques de produits ou projets, concept proche de la boite à idées (crowd creation) ;
  • le recours au financement de la foule, pour suppléer, compléter, voire remplacer les financeurs classiques (crowdfunding).

12Brabham (2013) critique cette approche, opposant le crowdfunding aux autres piliers, la composante « financement » n’apportant, selon lui, aucune dimension créative, mais se bornerait à un simple choix d’allocation de ressources. Onnée et Renault (2014) diffèrent dans leurs conclusions, voyant dans le crowdfunding une hybridation des différentes composantes du crowdsourcing présentées plus haut. Elle peut, pour ces auteurs, apporter, outre son financement, son soutien moral, un renforcement des connaissances du porteur projet, ou un partage de la connaissance des réseaux. Onnée et Renault vont ainsi jusqu’à considérer la foule comme un acteur à part entière de ce phénomène entrepreneurial, jouant un rôle déterminant dans l’existence et le développement des projets. Ils vérifient l’adéquation des caractéristiques perçues des projets et au-delà, des porteurs de projets eux-mêmes. Les membres de la communauté mettent à leur disposition à la fois leur financement (don ou avance de trésorerie), mais également et surtout, leur capital humain, leur temps et leurs ressources cognitives. En ce sens, les valeurs perçues comme partagées au sein de la communauté des financeurs/utilisateurs, à laquelle le porteur de projet se doit d’appartenir, de façon volontaire ou non, font office de mécanismes de contrôle, à la fois spécifiques et spontanés au sens de Charreaux (1997) et Bessière et Stéphany (2015).

Crowdfunding et institutionnalisme

Littérature académique liant institutionnalisme et crowdfunding

13Depuis une dizaine d’année, la théorie néo-institutionnelle s’attache à mieux comprendre la manière dont les acteurs peuvent agir sur les institutions en place et cela autour de trois processus : la création de nouvelles institutions, le maintien de ces dernières, ou encore le fait de les remettre en cause. Cette volonté de comprendre l’action des acteurs vis-à-vis des institutions trouve ses racines dans les travaux sur l’entrepreneur institutionnel de DiMaggio (1988). C’est dans un second temps que ces actions spécifiques dirigées vers la création, la maintenance, ou la remise en question des institutions, ont été intégrées au champ théorique institutionnel avec la notion de travail institutionnel, qui a notamment été développée autour des travaux de Lawrence et Suddaby (2006). Si ces travaux prennent racines dans les travaux de DiMaggio et Powell, ils se différencient par la vision stratégique qu’ils accordent aux acteurs. Si les notions d’entrepreneur institutionnel et de travail institutionnel se fondent sur l’approche néo-institutionnelle, elles s’en distinguent en adoptant une vision stratégique de l’acteur, se plaçant en rupture avec un néo-institutionnalisme plus ancien (DiMaggio, Powell, 1991). On parlera alors de néo-institutionnalisme étendu. L’approche néo-institutionnelle est principalement remise en cause pour le peu d’importance qu’elle accorde à l’action et à la capacité stratégiques des agents (Desreumaux, 2004), argument d’autant plus surprenant que l’agent est bien présent dans l’article initial de DiMaggio et Powell (1983). De ce fait, si le néo-institutionnalisme a permis d’expliquer l’homogénéité des formes organisationnelles, en insistant sur la propagation des pratiques managériales au sein des organisations, sur les pressions sociales, culturelles et collectives et sur les besoins de légitimité, ce dernier se trouve dans l’incapacité d’expliquer le changement incluant la déviance et ne tient que peu compte de l’action des agents. Notre approche étant ici centrée sur des phénomènes émergeant d’acteurs spécifiques, aux capacités et aux intérêts variés au sein d’un même phénomène organisationnel (la campagne de crowdfunding), nous nous portons naturellement vers le néo-institutionnalisme étendu, au travers des deux notions essentielles dans notre cas que sont l’entrepreneur institutionnel et le travail institutionnel.

14Notre réflexion théorique étant évidemment centrée sur un phénomène précis, nous avons dans un premier temps pris soin de lancer une démarche bibliométrique nous permettant de mesurer la « co-occurrence » entre théorie institutionnelle et crowdfunding. Cet article n’étant pas de nature purement bibliographique, notre travail ne vise pas à établir les liens entre ces deux notions parmi les sources identifiées, ce qui aurait nécessité l’usage d’autres outils. Nous nous sommes donc attachés à établir un comptage de ces occurrences par investigation de deux sources principales d’information : la base de données EBSCO, pour la nature véritablement académique et la finesse des sélections que l’on peut y opérer, et Google Scholar, pour une vision plus large (incluant de la littérature grise) de la situation bibliographique sur le sujet. Une recherche sur les occurrences croisées « crowdfunding » et « travail institutionnel », et « crowdfunding » et « entrepreneur institutionnel », a été ainsi réalisée sur les titres, et les textes intégraux des deux bases de données. Les résultats sont présentés dans le tableau suivant, avec les codes suivant : FR pour des sources en français, et UK pour des sources en langue anglaise.

Tableau 1

Recherche bibliométrique

EBSCOGoogle Scholar
Crowdfunding + institutional (ou institutionnel en français [2])135 références → law and regulation281 références (UK)
Crowdfunding + Travail institutionnelAucune référence
(FR/UK)
62 références (UK) : Analyse notamment de la dynamique de l’économie du partage
11 résultats (FR) : crowdfunding comme un processus de transformation organisationnel
Crowdfunding + Entrepreneur institutionnelAucune référence
(FR / UK)
6 références (FR)
38 références (UK)

Recherche bibliométrique

15Parmi les travaux portant une vision institutionnaliste sur le crowdfunding, Ingram et al. (2014b) s’intéressent plus particulièrement au rôle joué par les fournisseurs de plateforme, qualifiant ces derniers d’entrepreneur institutionnel. Ils cherchent à comprendre comment les fournisseurs de plateforme de crowdfunding, en tant qu’entrepreneurs institutionnels, affectent les logiques institutionnelles autour du financement des startups. Si le processus de changement est jugé comme complexe, Ingram et al. (2014b, p. 4558) insistent sur le fait que ce processus repose sur le jeu de différents acteurs qui peuvent prendre la forme de groupes, de communautés, d’organisations et d’individus. Dans la même idée, Beugre (2014) analyse sous l’angle de l’entrepreneur institutionnel, la dynamique du crowdfunding et notamment la capacité de ce dernier à modifier la manière dont les startups lèvent leur capital initial. Dans ce cadre, l’entrepreneur, la plateforme et la foule sont considérées comme des entrepreneurs institutionnels. La proposition d’un entrepreneur institutionnel multiple s’accorde-t-elle avec les travaux sur ces derniers ? Les travaux de Ben Slimane et Leca (2010) proposent plutôt une vision d’un entrepreneur institutionnel prenant la posture d’un « héros » et non pas celle d’une pluralité des acteurs. À ce titre l’entrepreneur institutionnel est présenté comme un acteur doté de capacités exceptionnelles de réflexivité (Levy, Scully, 2007), disposant de capacité politique importante et de ressources lui permettant de convaincre d’autres acteurs du bien-fondé du changement envisagé (Hardy, Maguire, 2008). Si on peut envisager que la plateforme ou même l’entrepreneur (au sens du porteur de projet entrepreneurial) soit qualifié d’entrepreneur institutionnel, il est difficile d’imaginer la foule comme un entrepreneur institutionnel, eu égard à la littérature sur le sujet. De même, si l’entrepreneur institutionnel se démarque par sa capacité à mobiliser des ressources, et notamment des ressources financières, peut-on considérer que le porteur de projet en recherche de ressource financière soit un entrepreneur institutionnel ? Il semble que le débat soit assez ouvert dans la littérature sur l’entrepreneur institutionnel. Débat qui est d’autant plus complexe que comme le rappellent Ingram et al. (2014a), les plateformes de crowdfunding agissent dans un environnement institutionnel distinct, environnement qui se caractérise par des logiques et des normes différentes. La notion de logique institutionnelle se définit comme « une logique centrale qui constitue un principe d’organisation et de légitimité » (Leca, 2006, p. 74). L’environnement institutionnel se trouve alors composé de plusieurs références institutionnelles et les acteurs peuvent faire le choix de souscrire ou pas à ces références suivant leurs valeurs et leurs intérêts. Ces logiques institutionnelles peuvent donc être complémentaires ou contradictoires (Friedland, Alford, 1991), aboutissant à des incohérences et créant in fine des marges de manœuvres pour les acteurs. Par ce processus, ces derniers gagnent une capacité d’action qui n’était pas reconnue par le néo-institutionnalisme. Selon Greenwood et al. (2008), les entrepreneurs institutionnels sont des agents « périphériques » qui considèrent être désavantagés par les règles actuelles et qui disposent de ressources afin de les modifier.

Notions d’entrepreneur et de travail institutionnels dans ce cadre

16Depuis 30 ans, la théorie néo-institutionnelle s’est fortement développée (Greenwood et al., 2008) avec notamment l’objectif de prendre en considération le rôle des acteurs et plus précisément de mieux comprendre leur capacité à agir sur leur environnement institutionnel. Ces développements ont plus précisément conduit au développement d’une littérature sur les entrepreneurs institutionnels, acteurs qui se définissent comme des agents capables d’agir sur leur environnement dans le but de le modifier. La littérature sur l’entrepreneur institutionnel vise notamment à comprendre et analyser les stratégies déployées par les entrepreneurs institutionnels pour agir sur l’environnement. Si cette notion « d’entrepreneur institutionnel » semble pertinente dans notre cas afin de comprendre l’émergence des innovations sociales spontanées dans le cadre du crowdfunding, nous préférerons ici la notion de « travail institutionnel ». Deux raisons viennent justifier notre positionnement.

17La première raison repose sur la qualité de l’entrepreneur institutionnel. Ce dernier est présenté comme un « héros » (Bréchet et al., 2009 ; Ben Slimane, Leca, 2010) agissant seul contre son environnement. Cet acteur ne peut être un agent quelconque car il doit posséder des capacités de réflexivité très importantes (Levy, Scully, 2007). Hardy et Maguire (2008) complètent ce portrait en indiquant que l’entrepreneur institutionnel se caractérise par des ressources notamment financières très importantes lui permettant d’obtenir un soutien politique, passant notamment par la mise en place de discours permettant de convaincre d’autres acteurs du bien-fondé des changements envisagés. La littérature sur l’entrepreneur institutionnel se focalise donc sur un seul acteur dont la position particulière, exceptionnelle, permet l’action. Elle refuse ainsi le pouvoir de transformation issu de la position plus banale qui est celle dont la légitimité du crowdsourcing présentée plus haut est justement issue.

18La seconde raison de ce choix est que la littérature portant sur l’entrepreneur institutionnel ne prend pas non plus en compte le rôle que peuvent jouer d’autres acteurs agissant en un processus collectif qui, non-seulement peut théoriquement exister, mais semblent particulièrement à l’œuvre dans le cas des campagnes de financement en crowdfunding : ces acteurs collectifs, ou non purement individuels, comprennent ici en particulier la foule, la plateforme, les régulateurs, et les porteurs de projet. Si certains de ces acteurs œuvrent de manière individuelle, cela reste, en termes d’effets institutionnels, l’exception plutôt que la règle. Or, il nous semble que le changement institutionnel ne peut se résumer à un processus seulement analysé à l’aune des agissements de tels entrepreneurs institutionnels isolés, notamment, car ce processus est complexe et repose sur le jeu des acteurs (Aoki, 2010). Khan et al. (2007) montrent notamment que le processus de changement institutionnel se caractérise par un processus collectif et libre dont le résultat est incertain car il pourrait ne pas correspondre au projet initial de l’entrepreneur institutionnel. La pluralité des acteurs peut même conduire au développement de conséquences non souhaitées (Khan et al., 2007).

19Afin de rendre compte de ces changements, il semble donc nécessaire de prendre en compte la pluralité des acteurs ainsi que le contexte. Dans ce cadre nous proposons de mobiliser le concept de « travail institutionnel » qui semble permettre de transcender les critiques formulées à l’encontre de la notion d’entrepreneur institutionnel dans ce cadre. Le « travail institutionnel » peut ainsi se définir comme « l’action intentionnelle des acteurs ou des organisations visant à créer, maintenir ou déstabiliser les institutions » (Lawrence, Suddaby, 2006, p. 215). La définition du travail institutionnel conduit donc à s’intéresser aux actions des différents agents et notamment aux rapports de force entre ces agents, dans le but de créer, maintenir ou déstabiliser les institutions en place. Cette vision nous semble ainsi pertinente dans le jeu institutionnel complexe et collectif qu’est le crowdfunding et nous permet de nous placer dans une vision focalisée sur chacun des acteurs plutôt que sur le crowdfunding en tant qu’acteur institutionnel lui-même, contrairement à la position prise par exemple par Beugre (2014).

20La définition du travail institutionnel donnée par Lawrence et Suddaby (2006) conduit à considérer trois types de finalités concurrentes. Le tableau suivant (Tableau 2) résume les différents types que peuvent prendre le travail institutionnel ainsi que les actions qui s’y rattachent.

Tableau 2

Les types de travail institutionnel et leurs actions

Type de travailObjectif (s)Type d’action
Créer des institutionsDans un premier temps, il s’agit de développer de nouvelles pratiques, routines et standards, puis de les rendre légitime. Le processus de légitimation passe notamment par la mise en place de normes coercitives (Déjean et al., 2004)Plaider en faveur du projet
Définir
Motiver
Construire des identités
Changer les associations normatives
Construire des réseaux d’acteurs sanctionnant le non-respect de l’institution
Coupler les nouvelles pratiques avec d’anciennes
Élaborer et théoriser les relations de cause à effet
Fournir aux acteurs les connaissances et les compétences nécessaires pour s’approprier l’institution
Maintenir des institutionsLes acteurs présents et dominants cherchent à maintenir leurs positions (Maguire, Hardy, 2009)Créer des règles pour soutenir les institutions
Dissuader
Maintenir l’ordre par le contrôle
Valoriser et diaboliser
Création de mythes autour de l’origine et de l’histoire de l’institution
Encastrer et rendre routinier
Déstabiliser des institutionsRemettre en cause les croyances existantes en détournant les acteurs des institutions en place (Greenwood et al., 2002)Déconnecter sanctions et pratiques
Remettre en cause les présupposés et les croyances
Dissocier les pratiques de leurs fondements moraux

Les types de travail institutionnel et leurs actions

Source : Lawrence et Suddaby (2006) et Lawrence et al. (2009)

21Dans le cadre du crowdfunding, il est intéressant de noter que toute action relative aux institutions en place reste circonscrite par la nécessité impérieuse d’obtenir un financement, ou du moins une réussite sur le critère ayant commandé l’appel à la foule (voir plus haut les différentes finalités d’une campagne de crowdfunding). Étant basé sur la réunion, dans un but particulier, d’un grand nombre de décisions de soutien (quelle que soit leur forme), le crowdfunding est donc le lieu ultime de la rencontre entre des individus, constitués ou non en groupes, avec comme ressource majeure un plus ou moins grand capital social, et une plus ou moins grande capacité à maîtriser celui-ci.

Capital social et crowdfunding

22Quelle que soit l’action, dans une direction ou une autre du phénomène institutionnel que représente le crowdfunding, et sommes toutes également en dehors de cette question, le succès d’une opération de levée de fonds en ligne réside finalement, au plan de l’obtention du financement voulu dans de bonnes conditions, dans la mobilisation du capital social, décrite comme une capacité à obtenir des ressources en vertu des affiliations sociales (Portes, 1998). Nous verrons en fin de cette partie que les deux questions sont pourtant liées. Dans le contexte de levée de fonds par la foule, le capital social peut être constitué de nombreux éléments, dont le bouche à oreille positif, l’utilisation d’Internet, les médias sociaux, l’obtention de contenu généré par l’utilisateur, la réalisation des objectifs de financement supplémentaires, mais également une dimension liée au love money (l’argent donné par la famille ou entre amis à un entrepreneur afin qu’il puisse démarrer un projet) (Stryjan, 2006). L’un des paradoxes du crowdfunding réside dans la transformation inéluctable du capital social en cas de succès.

23Lors de la présentation du projet de levée de fonds, le porteur de projet devra réussir à démontrer l’alignement du projet avec les valeurs partagées par la communauté des financeurs potentiels. Les crowdfunders concernés, au moins tout au long de la durée du projet, constituent ainsi une communauté au sens de Tönnies (2001). Ils possèdent en effet les trois éléments de définition de cette communauté (Hillery, 1955) : une préoccupation partagée (le projet ou son objectif), un espace commun (la plateforme de crowdfunding ou tout autre espace de monde virtuel ou réel où la publication du projet et les transactions ont lieu) et une tendance à interagir sur le projet à l’intérieur de cet espace dédié, comme cela est le cas sur la plupart des plateformes de crowdfunding basées principalement sur l’usage d’Internet, ou bien encore à l’extérieur de celui-ci (sur les réseaux sociaux, forums, ou même dans des discussions en face-à-face dans le cas d’initiatives locales) (Chaboud, 2016 ; Lu et al., 2014).

24La communauté est au cœur du projet de crowdfunding, le porteur de projet en étant généralement membre. Prouver cette adhésion de l’entrepreneur dans la communauté est alors la racine de l’utilisation du capital social, matérialisée dans l’adhésion de la communauté au projet et donc dans les décisions de financement par certains de ces membres. Cette forme de capital social, caractérisée par les relations entre pairs, prend la forme d’un capital social affectif ou bonding social capital (Adler, Kwon, 2002). Le contrôle est exercé à ce stade de deux principales manières. Le premier est un suivi constant de l’acceptabilité de l’entrepreneur et du projet en tant que représentants légitimes ou vrais, des intérêts de la communauté. Cette surveillance s’effectue au niveau du projet par des interactions avec (et entre) bailleurs de fonds actuels ou potentiels. Le second mécanisme de contrôle des crowdfunders est lié à la décision de financer, ou au contraire de retirer un engagement de financement. Les bailleurs de fonds, tant que le projet n’est pas terminé, votent littéralement sur la réalité de ce capital social affectif avec leur porte-monnaie.

25Une fois qu’un projet est financé avec succès, le paradoxe est révélé : comme seul gestionnaire des fonds recueillis au cours de la campagne de crowdfunding, l’entrepreneur n’est pas, ou n’est plus, un membre « normal » de la communauté. Dans le cas le plus favorable, le capital social affectif, un produit de relations entre égaux, est de facto remplacé par un capital social de liaison (bridging social capital), un phénomène asymétrique où l’entrepreneur apparaît soudain comme extérieur à la communauté, mais se posant comme le gestionnaire légitime d’un projet qui importe à cette communauté, et potentiellement constitue la raison d’être de celle-ci (Chaboud, 2016 ; Adler, Kwon, 2002 ; Aldrich, Zimmer, 1986). Pire encore, les actions ultérieures de l’entrepreneur peuvent servir de preuves qu’il est devenu étranger au groupe social qu’il aura parfois lui-même généré, par exemple en tournant le dos à la communauté au travers du recours au capital-risque classique, en s’enrichissant grâce au projet, ou en prenant des décisions opposées aux intérêts de la communauté telle qu’une partie plus ou moins large de celle-ci se les représente. Dans ce cas, si un tel entrepreneur ne parvient pas à fournir des réassurances crédibles de la préservation du projet comme une expression des objectifs communautaires, ou ne parvient pas à représenter un héraut crédible de ses aspirations, et donc réussir le passage au capital social de liaison, le capital social qui a permis la réussite du projet peut disparaître (Chaboud, 2016).

26C’est cet aspect protéiforme du capital social, cette dualité de nature qu’il peut montrer de manière dynamique selon les rapports entre chaque acteur, qui fonde le jeu complexe des rapports institutionnels. En effet, ces rapports institutionnels ont lieu non seulement entre chaque acteurs, mais entre les acteurs et l’organisation du crowdfunding elle-même, pour aboutir à des modalités de contrôle que chacun va estimer favorable. Ils opèrent ainsi un travail institutionnel basé sur leur position en termes de capital social, position sur laquelle tout à la fois ils capitaliseront et qu’ils ne pourront remettre en question qu’au risque de voir disparaitre le capital social en question, souvent dans une crise de légitimité. La question que nous abordons donc dans cet article est celle de ce rapport entre la position de chaque acteur au regard du capital social, affectif ou de liaison (selon les acteurs et le moment) et les trois types de travail institutionnel, dans l’objectif d’obtenir un meilleur contrôle sur le résultat de l’opération de crowdfunding. Dans d’autres circonstances, le travail institutionnel pourrait sembler très peu efficace comme moyen d’assurer ce qui est finalement un but de court terme, peu compatible avec le temps long des institutions. Le cadre du crowdfunding est intéressant à cet égard comme lieu constamment renouvelé du lien institutionnel ; il opère comme un lieu institutionnel émergent, et constamment ré-émergent, dans le moment particulier qu’est la mise en place d’un format réellement plus institutionnalisé de ce qu’est le crowdfunding. Il semble toutefois pertinent de nous intéresser dans un même temps au caractère plus ou moins intrinsèque de l’aspect protéiforme du crowdfunding, qui procède d’un phénomène au final peu institutionnalisable, puisque faisant appel à une foule réunie de manière ad-hoc autour d’un projet souvent par nature inédit, peu finançable par les moyens classiques.

27En tout état de cause, une fois posée cette particularité de chaque acteur, dans des moments différents, au regard de la ressource majeur pour le crowdfunding qu’est le capital social, la question de la nature du travail institutionnel en œuvre reste ouverte. Pour compléter la littérature académique néo-institutionnaliste étendue existante, particulièrement sur cette question du travail institutionnel dans le cadre du crowdfunding, nous nous sommes attachés à discuter des modalités de celui-ci pour chacun des acteurs concernés. Nous nous penchons donc dans la discussion qui suit sur ce qui nous semble, au regard de notre revue de la littérature, constituer des innovations sociales spontanées. Plus précisément des actions émergeant spontanément de la position de chacun des acteurs en fonction de leur rapport aux autres en termes de capital social.

Discussion

28La question du travail institutionnel à l’œuvre dans le crowdfunding est, comme nous l’indiquions ci-dessus, celle des acteurs, parfois individuels (la plateforme), souvent collectifs (la foule bien entendu, mais également l’entrepreneur que la littérature décrit rarement comme solitaire). En effet, il est évident que les initiatives déclenchant le travail institutionnel, quel qu’en soit la direction (création, maintenance, ou déstabilisation), n’émergent pas hors de l’action initiée à un moment précis par des individus. Pourtant, la nature même du crowdfunding fait que cette action est, soit reprise par la communauté impliquée, soit ignorée par elle. Une position précise en termes de capital social sera donc favorable théoriquement à l’une ou l’autre des formes que prend le travail institutionnel et à son aboutissement. Nous l’avons vu plus haut, le capital social en question dépend à son tour non seulement de l’acteur impliqué, mais aussi du moment de la campagne que nous considérons. Nous obtenons ainsi un travail institutionnel potentiellement mis en œuvre ou retenu par l’acteur concerné. L’arrangement entre acteurs autour du projet, si insatisfaisant soit-il, peut après tout ne pas être remis en cause au sein d’une campagne se déroulant dans un jeu d’équilibres délicat, pour lequel la réussite du projet devient supérieure. Cette réussite se définit alors en termes d’intérêt de chacun, comme primant sur les craintes réelles ou fantasmées concernant le contrôle des opérations ou de la propriété autour du projet. Ce point est important car nous avons là affaire à des individus appartenant à un groupe (la foule) dont la spoliation des intérêts constitue le principal risque dans le contexte peu protecteur du crowdfunding. Des membres de ce groupe se livrent pourtant parfois à des assauts virulents sur les réseaux sociaux en défense des porteurs de projets. La dissension (dans notre cadre : le travail institutionnel de déstabilisation) est dans ce cas vue comme une violence à l’encontre du projet, et la protection de l’institution qu’est l’organisation définie au départ (le projet dans toutes ses dimensions) devient un but légitime (travail institutionnel de maintien) contre une partie antagoniste de la foule, considérant que l’équilibre en question est devenu intenable.

29Deux formes de travail institutionnel s’affrontent au sein même de la foule, parfois au travers des mêmes innovations spontanées (création d’une publication de blog, activisme sur les réseaux sociaux…) au sein et en dehors des canaux officiels du projet, et en tous cas dans un but différent de la destination initiale de ces outils (partage d’informations sur le bon déroulement du projet, atteinte de buts intermédiaires, annonce de nouveaux buts, crowdsourcing…). Ainsi, comme le rappellent Ben Slimane et Leca (2014), l’hétérogénéité des cultures organisationnelles, en l’occurrence parmi les différents protagonistes des projets de crowdfunding, peut créer des points de tension et contribuer à remettre en cause des pratiques pourtant durablement établies ou mutuellement acceptées au départ. La foule notamment peut être en capacité de détecter des signaux faibles issus du projet ou émis par l’entrepreneur lui-même, et mettre alors en place des mécanismes spontanés de déstabilisation des règles du jeu institutionnel (ou des institutions) ou bien encore des outils favorisant leurs tentatives de transformation. Certains activistes peuvent alors créer des mouvements de contestation sur les forums du projet ou sur des espaces sociaux dédiés (par exemple le site kickscammed.com a été créé pour dénoncer les projets jugés frauduleux). Ces mécanismes constituent de véritables innovations sociales spontanées, sortes d’agents de régulation parallèles aux agents officiels (gouvernementaux ou issus des plateformes de crowdfunding) et sont issus d’un travail institutionnel de création.

30A l’inverse, les plateformes ne font que légitimer et structurer les pratiques en vigueur entre les principaux partenaires que sont l’entrepreneur et la foule ; en ce sens, elles intègrent, favorisent, et concentrent une dimension discursive forte permettant de légitimer les pratiques organisationnelles (Maguire, Hardy, 2009). En structurant ces discours et autres éléments de langage (format de présentation des projets de crowdfunding, due diligence…) et en contrôlant l’accès aux canaux de diffusion (Zilber, 2009), elles contribuent également à la phase de création et de maintenance du travail institutionnel. Elles ne se retrouvent en revanche jamais en phase de déstabilisation, contreproductive pour leur pérennité et leur capacité à créer de la valeur à long terme. Elles constituent une chambre d’écho du capital social liant entrepreneurs et foule, et le siège des innovations sociales spontanées propres au travail institutionnel dans le crowdfunding.

31Davantage que les innovations sociales spontanées d’une part, et de la légitimation par le discours d’autre part, les phases de déstabilisation du travail institutionnel, réalisées par les acteurs directs de ce domaine, peuvent être l’occasion de redéfinir l’accès aux ressources critiques (Ben Slimane, Leca, 2014). C’est notamment le cas en ce qui concerne l’intervention du législateur (contrôle accru des projets, définition du statut de Conseiller en investissement participatif – CIP – près de l’AMF – instruction AMF DOC-2014-12 que nous mentionnions en revue de littérature plus haut). De même, des opérateurs institutionnels classiques peuvent profiter de ces phases de déstabilisation pour mettre en place, après une phase d’identification des opportunités concurrentielles, des offres alternatives, voire prendre des participations auprès de plateformes de crowdfunding (ex : la Banque Postale a racheté la plateforme KissKissBankBank en juin 2017). Ces acteurs sont aussi en capacité d’exercer des activités de lobbying auprès du législateur pour contraindre, voire limiter, l’accès aux ressources critiques pour les membres de la coalition. Nous voyons donc ici que si le capital social est là ressource reine au sein des arrangements, au sens littéral du terme, directement liés au fonctionnement du crowdfunding lui-même, ce n’est pas le cas pour ce qui concerne le travail institutionnel fait autour du phénomène de crowdfunding en général. En effet si ce travail institutionnel externe n’est pas abstrait des considérations liées au capital social (soutien politique, légitimité, par exemple), son temps et sa portée ne sont pas liés à un projet, une plateforme, une foule. Les ressources mises en place sont donc moins liées, ou simplement pas liées du tout, à la nature communautaire et sociale de ce phénomène.

32Au sein des projets, à l’intérieur d’un espace défini par les plateformes et les entrepreneurs, mais aussi au moins indirectement par le profil de la foule qui le fréquente, la question des ressources reste pourtant majoritairement liée au capital social. C’est au sein de la dynamique des projets, des phases de la relation entre les différents acteurs, que les possibilités de travail institutionnel vont à la fois prendre leur forme (la présence de capital social affectif ou de capital social de liaison ne permet ou n’impose pas les mêmes moyens de construction, maintenance, ou déstabilisation institutionnelles) et s’imposer tant à leur créateur qu’à celui ou ceux qui vont en subir les conséquences.

33La grille suivante (Tableau 3) résume les actions en lien avec chaque type de travail institutionnel au sein des projets de crowdfunding, et pour les acteurs extérieurs hors du temps particulier des projets, selon les acteurs qui les mènent et le moment de capital social en cours. La différence entre capital social affectif et capital social de liaison étant significative en termes des moyens pouvant être déployés.

Tableau 3

Grille des modes d’actions des acteurs du crowdfunding en termes de travail institutionnel selon la phase de capital social

Tableau 3
Acteurs/ Capital Social Actions de travail institutionnel Création Maintenance Déstabilisation Porteur de projet Capital social affectif (Courant du projet) - Définition collective du projet - Problématisation et théorisation : clarification des enjeux portés par le modèle - Justification de l’adhésion de l’entrepreneur à un capital social affectif - Productions discursives constantes - Non-souhaitable Porteur de projet Capital social de liaison (Fin du projet, réussite) - Mise en place du nouvel ordre des choses issu de la réussite du projet - Création de nouveaux espaces (virtuels) offrant une vision acceptable de ce changement - Tentatives de conservation d’un capital social affectif par le maintien des modes de communications à l’œuvre dans le projet - Pas de travail de déstabilisation, s’il y a bien déstabilisation par le passage au capital social de liaison, il est inévitable mais involontaire Foule Capital social affectif (Courant du projet) - Adhésion au modèle proposé - Développement du capital social affectif - Identification au projet - Participation à la légitimité de celui-ci au travers des outils proposés (forum du projet…) - Utilisation en interne de son propre capital social affectif pour mobiliser contre les équilibres en cours - Capital social de liaison (certains activistes prennent la tête de la contestation du projet) Foule Capital social de liaison (Fin du projet, réussite, catastrophe) - S’il y a création, c’est souvent d’institutions antagonistes du projet. Sites Internet ou autres outils de communication sont alors autant de moyens rendant plus audible l’opposition - Séparation de la foule en groupes antagonistes selon la vision de certains de ses membres, adverse ou alliée, à celle des porteurs de projets. Les membres alliés au porteur de projet œuvrant pour le maintien de l’équilibre en cours - Tentative de reprise du contrôle du destin du projet par l’activisme web 2.0 Plateforme Capital social affectif (Uniquement dans le cadre de plateformes à visées communautaires) - Plaidoyer : diffusion du modèle auprès de la foule - Légitimation et structuration des modalités d’organisation qu’elles ont elle-même mis en place - Non souhaitable Plateforme Capital social de liaison (cas général) - Anticipation de l’évolution des règles du jeu institutionnel par la création d’institutions (règles et contrôles par exemple) rassurantes - Légitimation et structuration des modalités d’organisation qu’elles ont elle-même mis en place - Non souhaitable Législateur Pas de capital social direct - Pas de besoin de régulation, le marché est vu comme suffisamment dynamique. Les règles données sont cependant également là pour favoriser l’émergence d’acteurs stables, et donc des institutions attenantes à ceux-ci - Identification d’un besoin de régulation pour conserver un fonctionnement vu comme économiquement favorable - Mise en place d’une régulation disruptive de fonctionnements existants non désirés Autres acteurs du marché (banques…) Pas de capital social direct - Pas d’intervention, laisser-faire. Position de légitimité délicate limitant les capacités d’intervention dans ce domaine - Peu présente - Intervention de lobbying. - Mise en place d’une offre alternative. Intégration des projets (rachat de plateformes de CF et opérations sous leur nom propre)

Grille des modes d’actions des acteurs du crowdfunding en termes de travail institutionnel selon la phase de capital social

34Selon la phase du projet ou sa réussite, celles-ci modifiant potentiellement le type de capital social en œuvre pour des raisons spécifiques à chaque acteur, les raisons et les modes d’actions sont souvent éloignés, voire opposés. En ce qui concerne les porteurs de projets les phases initiales d’un projet sont le lieu de l’établissement d’un capital social affectif (voir plus haut dans la revue de littérature). Il s’agira donc de combler un besoin de légitimité permettant d’enclencher une dynamique favorable. Ces actions de travail institutionnel ne seront souvent pas unilatérales, l’utilisation du crowdsourcing (et la crowd creation) donnant des gages forts à la foule de la réalité du caractère affectif du capital social à l’œuvre. Pour la foule la situation est plus complexe, et même potentiellement plurielle. Il n’est pas rare, voire absolument inévitable, que la foule se scinde en groupes antagonistes selon le soutien ou la défiance accordés aux porteurs de projets par chacun de ses membres aux moments critiques de la campagne. C’est par contre là que nous trouvons le travail institutionnel le plus actif, puisque pour cette foule, souvent constituée de façon ad-hoc autour de la campagne, les espaces et les institutions sont soit à créer soit à conquérir. Les plateformes auront moins souvent à créer et maintenir un capital social lié à un projet particulier. Elles doivent en revanche donner des gages de leur bonne adéquation à la foule qu’elles comptent attirer, et donc permettre et favoriser l’existence d’un capital social affectif commun avec les membres potentiels de la foule de leurs financeurs. C’est particulièrement le cas des plateformes à visées humanitaires ou pro-sociales dont la réussite dépend très précisément de la crédibilité de ce positionnement. Leur travail institutionnel étant alors tout d’abord un travail d’établissement des preuves concrètes (en termes institutionnels bien entendu) de cette crédibilité, sous la forme de modes communicationnels et de rituels, mais aussi de règles précises de fonctionnement matérialisant la promesse au sein de chaque campagne hébergée.

35Nous voyons bien dans la grille ci-dessus que toutes ces actions ne sont pas compatibles ou réalistes avec les différentes formes de crowdfunding possibles ou à l’œuvre actuellement. Les régulations plus strictes de l’equity-crowdfunding en font un espace très peu propice au travail institutionnel car des barrières fortes sont en place, limitant la création, rendant peu utile la maintenance. Les modalités évoquées dans la grille restent cependant valides en ce qui concerne le travail institutionnel de déstabilisation, nous avons là affaire à un activisme classique de la part de petits porteurs. Cependant, ce type de crowdfunding limite un peu par son aspect de prise de participation des funders au capital la notion communautaire de capital social affectif pour laisser la place à une relation plus classique du type principal-agent. Les campagnes fondées sur une modalité de don contre don donnent, en raison des risques forts de déception et de spoliation à l’œuvre dans le terreau d’incertitude qu’est une campagne de crowdfunding, sont quant à elles les plus sujettes à la nécessité ressentie par les acteurs d’un activisme rendant très probable la réalisation par eux d’un travail institutionnel acharné au cours de la campagne.

Conclusion

36Plusieurs notions abordées ou étudiées dans les parties qui précèdent méritent une attention particulière que n’aura pas permis l’abord avant tout théorique de cette étude. Nos réflexions, et en particulier le travail lié à la grille proposé en partie III, sont bien évidemment éclairées par les études et les exemples proposés par l’ensemble des travaux académiques que nous avons mis à contribution dans le cadre de cet article. Il serait cependant essentiel à ce stade de revenir vers le réel armé des outils que nous avons mis à contribution, notre grille bien évidemment, mais aussi l’ensemble des concepts issus du néo-institutionnalisme étendu. Les mécanismes opérant dans le cadre des opérations de levée de fonds par la foule ont des caractéristiques particulières, du fait même des variables intrinsèques de ces transactions que sont l’atomicité des bailleurs de fonds, la multiplicité des pouvoirs sur chaque campagne, l’absence de réelle due-dilligence. La séparation ne s’effectue plus entre décision et contrôle, mais entre décision, financement et contrôle, puisque le pouvoir de négociation des financeurs est objectivement très limité. Leur participation marginale ne leur permettant pas de prendre part aux décisions ils en appellent aux technologies de l’information et aux réseaux sociaux comme leviers puissants de mobilisation et d’engagement du capital social, voire d’utilisation de celui-ci comme monnaie d’échange, moyen de pression, ou simplement comme source de leur action parfois pour, parfois contre, l’équilibre à l’œuvre dans la campagne de crowdfunding. C’est là le moteur le plus puissant de l’innovation sociale spontanée qui émerge des actions de la foule en termes de travail institutionnel.

37Dans ces écosystèmes d’affaires relativement similaires, individuellement limités aux domaines de chaque plateforme de crowdfunding, bien que celles-ci puissent partager à la fois entrepreneurs et financeurs, l’impact du Web 2.0 est prépondérant. Les acteurs les mieux placés (ou les mieux communicants), notamment les plateformes, sont à même de peser de manière significative sur les autres parties-prenantes et sont assez puissantes dans leur travail institutionnel car leur position et leur constance, non limitée à un seul projet, leur permet une consolidation (maintenance dans notre cadre) efficace des institutions qu’elles créent et ont avantage à voir perdurer. Leur travail institutionnel est tourné en premier lieu vers l’extérieur en repoussant la nécessité d’une réglementation imposée, grâce à leur habileté à créer un système acceptable pour les sociétés et systèmes légaux dans lesquels elles opèrent. Mais également vers l’intérieur en définissant les règles du jeu institutionnel à l’œuvre entre financés et financeurs. Ces règles produisent des effets d’isomorphisme extrêmement puissants qui résultent en des typologies de communication et d’échange permettant la légitimation visible des projets, et donc une acceptation plus aisée de ceux-ci par les financeurs potentiels. Nous avons donc affaire à un travail institutionnel cohérent dans sa globalité, avec des effets positifs pour le phénomène de crowdfunding, son adoption et sa régulation dans l’ensemble. Il est enfin intéressant de constater que les plateformes sont bien au sens strict en position d’entrepreneurs institutionnels tels que la littérature néo-institutionnaliste étendue l’exige.

38De nombreuses questions restent cependant en suspens. Reste à déterminer dans quelle mesure cette prépondérance de la communication et de la forme visible (source de légitimation) dialoguent avec les systèmes d’autorégulation mis en place par ces mêmes acteurs (et notamment les communautés de financeurs potentiels) et permettent de tendre vers un fonctionnement efficient pour les porteurs de projets comme pour les financeurs potentiels. Si cette émergence de mécanismes de contrôle efficients, et d’une facilité de plus en plus grande à faire appel au travail institutionnel, ses modalités étant plus connues de chaque acteur par effet d’expérience, semble nécessaire à la poursuite de la dynamique et au développement de ce mode de financement, il sera utile, notamment dans la perspective d’informer les praticiens vivant en relation avec ces innovations sociales spontanées, de proposer une lecture de l’interaction des actions de travail institutionnel présentées dans la grille donnée en partie III. Il sera aussi intéressant de vérifier si des conditions distinctives, des typologies de projets ou d’organisations particulières des plateformes impliquées, ne constituent pas une idiosyncrasie de ces actions de création, maintenance, ou déstabilisation. Nous pensons cependant que cet article offre d’ores et déjà une vision claire de telles interactions et donne l’opportunité aux praticiens, qu’ils soient plateforme, porteurs de projets, régulateurs, ou membres de la foule des financeurs, de se pencher de manière mieux informée sur les possibilités et actions des autres parties prenantes. Ce programme de recherche, mobilisant des outils de communication et d’alignement communautaires autour de la question l’innovation sociale spontanée, créatrice de nouveaux mécanismes institutionnels dans des organisations complexes en réseaux, nous semble pour le moins riche et prometteur tant pour les praticiens eux-mêmes que pour différents domaines des sciences de gestion, qu’il s’agisse de la finance, de la gouvernance, des systèmes d’information ou de la stratégie.

Notes

  • [1]
    Entre autres exemples, une édition du théâtre complet de Corneille a pu voir le jour de cette manière grâce à Voltaire en 1761, et la Statue de la Liberté a été financée par ce biais en 1876.
  • [2]
    Nous ne précisons plus les traductions dans la suite du tableau.
Français

Cet article a pour objectif de discuter des mécanismes de contrôle en œuvre dans les projets de crowdfunding et des innovations sociales spontanées qui en résultent. Les mécanismes de régulation issus des théories du contrôle semblent ici inopérants du fait de la faible implication financière des communautés de pourvoyeurs de ressources, de leur manque d’accès à l’information pertinente, et de leur atomicité. Ces mécanismes traditionnels sont remplacés par des innovations spontanées en termes de normes, de comportements, et d’institutions sociales émergentes, qui doivent être efficaces tout en garantissant la génération d’un capital social permettant la réussite des projets. Cet article aborde le phénomène de crowdfunding par les concepts issus du courant néo-institutionnaliste étendu au travers en particulier de la notion de travail institutionnel. Cette exploration nous conduit à proposer une grille de lecture de l’action des parties prenantes du crowdfunding au travers du prisme liant capital social et travail institutionnel.
Codes JEL : G39, M14, G21, O16

Mots-clés

  • crowdfunding
  • institutions émergentes
  • innovations sociales
  • capital social
  • gouvernance
  • entrepreneurs institutionnels
  • efficience

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Mathieu-Claude Chaboud
Univ. Bourgogne Franche-Comté
Burgundy School of Business-CEREN
Banque Populaire Chair in Microfinance
Guillaume Biot-Paquerot
Univ. Bourgogne Franche-Comté
Burgundy School of Business-CEREN
Crédit Agricole Chair in Corporate Governance
Alexandre Pourchet
Univ. Bourgogne Franche-Comté
Burgundy School of Business-CEREN
Crédit Agricole Chair in Corporate Governance
Mis en ligne sur Cairn.info le 18/05/2018
https://doi.org/10.3917/inno.pr1.0042
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