1 La situation semble paradoxale : alors que les trois quarts de la planète sont occupés par des mers et des océans, l’humanité vit sous la menace croissante d’un manque d’eau. Il s’agit évidemment d’eau potable, un bien devenant de plus en plus rare du fait de la progression de la population mondiale et des besoins croissants des pays industrialisés, tant pour la production agricole et celle de certains biens manufacturés que pour le confort de leurs populations.

2 Actuellement et malgré d’importants progrès enregistrés depuis le début du siècle, souligne le Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau en 2019 [1], plus de trois personnes sur dix dans le monde, soit 2,1 milliards d’êtres humains, n’ont toujours pas accès à l’eau potable et six sur dix, soit 4,5 milliards, sont privées d’installations sanitaires gérées de manière sûre.

3 Le rapport indique sans surprise que c’est en Afrique que se trouvent la moitié des personnes qui boivent une eau provenant de sources non protégées, particulièrement dans la zone subsaharienne du continent où seulement 24% de la population a accès à une source sûre d’eau potable. Dans une proportion bien moindre mais néanmoins significative et, comme en Afrique, avec de fortes variations régionales, l’Europe connaît également des situations d’accès insuffisant en eau potable et même en simple eau douce, bien qu’elle ait adopté en 2018 une directive visant à garantir la salubrité et la propreté des eaux domestiques. Aujourd’hui, 5% des Européens n’ont pas accès à l’eau potable et 10% n’ont pas accès à l’assainissement ; chaque année, indique l’Organisation mondiale de la Santé, près de 13 000 enfants de moins de 15 ans y meurent de maladies liées à l’eau.

4 Pour ce qui concerne la France, une étude récemment réalisée pour l’Ined par trois chercheuses [2] dresse un état des lieux complet et pluridisciplinaire des difficultés rencontrées par les populations exclues d’un accès à l’eau courante, au moins partiellement. À une analyse sociologique de situations concrètes observées, l’étude ajoute le rappel des enjeux sanitaires et sociaux de l’accès à l’eau. Ces enjeux sont personnels, consistant à assurer son hygiène et la préservation de sa santé en ayant la possibilité de se laver. Ils sont aussi collectifs, requérant des politiques menées qu’elles assurent une large disponibilité territoriale de l’eau, dans un système complexe au sein duquel les stratégies de nombreux acteurs sociaux, politiques, juridiques et économiques se coordonnent parfois difficilement.