1Travailler au pays, c’est-à-dire géographiquement et culturellement près de chez soi, a constitué dans les années 1970 une revendication populaire que l’évolution du marché du travail et l’ouverture croissante des frontières a depuis rendu caduque.
2Aujourd’hui, 400 000 Français franchissent quotidiennement une frontière plus ou moins proche de leur domicile pour se rendre sur leur lieu de travail. Exerçant des fonctions variées, ils accomplissent des tâches qui sont le plus souvent qualifiées et bénéficient de contrats de travail stables ; 45 % d’entre eux ont moins de 40 ans et ils sont assez souvent titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur [1].
3Près des trois quarts de ces travailleurs appelés transfrontaliers, dont le nombre a augmenté fortement depuis le début des années 2000, résident dans les deux régions dont les frontières internationales sont les plus longues. La région Grand Est représente 43 % de l’effectif total avec 163 000 personnes, suivie de l’Auvergne Rhône-Alpes où 116 000 travailleurs sont dans ce cas, soit 30 %. Le reste du contingent se répartit entre les régions Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Bourgogne-Franche-Comté et la Nouvelle Aquitaine. Les grands pôles d’activité économique proches des frontières françaises (Genève, Luxembourg, Bâle et Monaco) drainent à eux seuls 60 % des transfrontaliers.
4Le statut des travailleurs transfrontaliers doit être distingué de celui des travailleurs détachés, créé par une directive européenne de 1996 afin de limiter le dumping social. Le détachement permet à un ressortissant d’un pays de l’Union européenne (UE) de travailler dans un autre pays de l’UE en conservant l’essentiel des avantages sociaux en cours dans son pays d’origine. Le statut transfrontalier diffère également de celui des travailleurs migrants originaires d’un pays hors de l’UE et, surtout, de celui du travailleur expatrié lequel, par exemple, rompt tout lien direct avec le système français de protection sociale et s’affilie à celui du pays dans lequel il part travailler.
5Le statut de frontalier est régi par des conventions bilatérales entre États qui s’inscrivent dans le cadre plus général du règlement européen 883/2 004 portant sur la coopération des régimes de protection sociale. Ces textes définissent, entre autres dispositions, les critères de résidence principale de ces travailleurs. Affiliés d’office au régime du pays dans lequel ils travaillent, ceux-ci sont soumis au droit du lieu d’exécution du contrat. Ils y payent leurs cotisations sociales et bénéficient de prestations du régime commun. Toutefois, les accords européens permettent aujourd’hui l’ouverture des prestations santé aussi bien dans le pays de résidence que dans le pays fiscal.
6À noter, puisque cette destination est l’une des plus souvent adoptées par les travailleurs frontaliers français, que la Suisse, contrairement aux pays de l’Union européenne, offre aux frontaliers qu’elle accueille un délai de trois mois pour choisir le régime d’assurance maladie auquel ils seront soumis, terme au-delà duquel ils relèveront automatiquement et irrévocablement du régime suisse.
Notes
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[1]
Ivan Debouzy et Anna Simon, 2020, Le travail frontalier en forte croissance : 115 000 habitants de la région employés en Suisse, Insee Analyses Auvergne Rhône-Alpes, n° 101.