16 avril 1897, Chambre des communes à Ottawa, la capitale canadienne. Un député rapporte le cas d’un ouvrier victime de l’usure et condamné à rembourser 5 000 $ canadiens pour un emprunt initial de 150 $. Le sténographe français des discours est Alphonse Desjardins (1854-1920). Issu d’une famille modeste de quinze enfants, c’est un conservateur engagé dans l’action sociale dans sa ville de Lévis, au Québec. Bouleversé, il va faire de l’autonomie financière des classes populaires la cause de sa vie.
2Il découvre l’ouvrage People’s Bank et correspond avec son auteur, le Britannique Henry W. Wolff, président de l’Alliance coopérative internationale créée en 1895, qui l’introduit auprès des coopérateurs européens. S’inspirant des banques populaires, caisses d’épargne et de crédit en France, Allemagne et Italie, ainsi que de la doctrine sociale de l’Église, il crée la première caisse populaire le 6 novembre 1900, à Lévis.
3Faute de soutien du gouvernement canadien, Alphonse Desjardins déploie son action au Québec, multipliant articles, voyages et conférences. Les paroisses sont souvent le périmètre des premières caisses. Sa femme Dorimène joue un rôle essentiel, le relayant lors de ses longues absences puis après sa mort en 1920, avec deux de leurs filles (ils ont dix enfants). Il existe alors 140 caisses qui regroupent 31 000 membres, dont quelques-unes en Ontario et aux États-Unis.
4Après la mort de Dorimène en 1932, les caisses populaires poursuivent leur croissance et élargissent leurs activités y compris auprès des entreprises (assurance, valeurs mobilières, capital-risque, gestion d’actifs). Tout écolier se voit ouvrir un compte à l’entrée en primaire. Aujourd’hui, 7 des 8,4 millions de Québécois ont un compte chez Desjardins et ses 1 130 caisses sont présentes dans les régions les plus reculées. La santé du groupe est solide : il est noté A ou AA par les quatre principales agences de notation.
5Le Mouvement Desjardins s’est adapté avec agilité à l’évolution de la société en restant fidèle aux valeurs coopératives. Aujourd’hui comme hier, l’argent est au service du développement humain, individuel et collectif. Chaque membre est copropriétaire de sa caisse, dispose d’une voix à l’assemblée générale et peut être candidat à la direction, bénéficiant alors d’un accompagnement. Desjardins offre à ses membres une éducation coopérative, économique et financière ; les jeunes notamment sont encouragés à devenir dirigeants de caisse. Tout écolier se voit ouvrir un compte à l’entrée en primaire.
6Investi dans l’aide au développement dès 1970, le Mouvement a adopté en 2005 une politique de développement durable. Il propose à ses membres des investissements responsables qui excluent les industries du tabac, de l’armement et du nucléaire. Et à travers ses portefeuilles SociéTerre, il pratique « l’actionnariat engagé » dans de grandes entreprises (dont quatre en France [2]) pour l’amélioration des résultats environnementaux, sociaux et de gouvernance.
